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Lucien Becker



Les dimensions du jour - Poéme


Poéme / Poémes d'Lucien Becker





Les mots ont été créés pour qu'en fermant les yeux je puisse venir à toi sans faire un mouvement.
Ta gorge s'éveille quand je l'appelle d'une voix qui en connaît avant moi la forme.

Quand tu n'es pas à portée de mon regard, quelques mots toujours pareils te remplacent.
Mais je puis aller jusqu'au bout de toi sans en prononcer un seul.

Dans mon sommeil je te prépare

pour t'avoir plus nue chaque jour.

Je ne suis pas l'esclave de ce que je te dis

parce que chaque parole te délie de mon désir.

Mais ta bouche ordonne les mots dont j'ai besoin

pour être chaque matin dans la rue

l'homme qui va à son travail

avec une tête différente de celle des autres passants.



Le vent veut faire éclater la ville en jetant ses vagues et les forêts qu'il décime contre les maisons qu'il prend pour des rochers, contre les fenêtres où pas un rideau ne bouge.

Un volet s'ouvre et se rabat sans cesse

comme un oiseau qui tente de voler.

Tu serres ta jupe contre tes cuisses

de peur de n'être plus qu'un blanc noyau de chair.

Les hommes encouragent le vent presque de la voix pour que ton corps soit nu bien au-delà de son linge.
Il a toute sa bouche sur toi et elle accède à ta peau en un baiser qui te porte comme un fleuve.

Tu as la force de m'appeler pour te défendre

mais les mots que tu dis ont le poids

de ceux que du fond de nos étreintes tu laisses monter

comme des bulles de feu qui auraient traversé la mer.



Avant de disparaître derrière la forêt le soleil se presse contre ta joue et nous sentons à peine le lien qu'il serre autour de nos baisers.



La chambre se jette toute nue dans le bûcher des vitres et un dernier arbre de clarté se couche en travers de ton corps.

L'ombre qui sort des murs arrive au sommet des collines d'où elle retombe sur la moisson qui déborde encore des vallées.

Il ne reste que l'éclat des rivières et celui, plus sourd, que retiennent tes cils : c'est de là que chaque jour le matin part pour aller voir le soleil naître dans les blés.











Chaque jour à la même heure tu t'abreuves longuement aux vitrines.
Tu peux garder tout le soleil sur tes seins et il peut toucher tes dents comme un fruit.

Tu es pour mes sens le seul objet

sur lequel ils s'exercent complètement.

C'est contre toi que ma caresse devient tranchante

et que mon corps recouvre ses vraies dimensions.

Tu peux ensoleiller toute une chambre avec la seule clarté qui bat sur ton ventre au moment où plus rien ne te relie à la terre qu'un baiser, qu'une étreinte, qu'un regard.

Pour te dépouiller de ta nudité,

pour que le plaisir te traverse dans toute ta longueur,



il faut mettre à jour les diamants que tu as sous la peau et les tailler jusqu'à ce que le matin en jaillisse.



Sur ton corps lisse de caillou mes mains vont, forêts en liberté, comme vers des sommets d'où je retombe, source altérée de soleil.







Ton cour est si proche de mon cour

que nos artères se mêlent les unes aux autres

et ne retrouvent plus à nos fronts qu'une seule tempe

pour faire battre l'espace.

Bateau venu de la haute mer, je vais très loin au fond de tes plages et je me renverse dans les fougères qui naissent de ton corps entr'ouvert.

Lorsque nous n'avons plus pour respirer que l'air écrasé dans nos baisers, le jour qui nous sépare a beau faire, il n'arrive pas à être aussi nu que toi.







.Le soleil avant de se coucher dans les carreaux atteint sur la table la lame d'un couteau.
Les autres objets sont là, autour de lui, à attendre la lueur qui va les faire respirer.



Le soleil se retire des champs après avoir brisé ses lampes dans les ruisseaux.
Pour les garder longtemps au-dessus du monde les immeubles se font hauts comme des falaises.

C'est l'heure où l'on marche sur la terre

comme sur une passerelle,

où sans te reconnaître tu te regardes dans les vitrines

que rien ne peut tout à fait éteindre.

C'est l'heure où les pierres s'endorment au fond des vallées

tranquilles comme des bateaux amarrés,

où je peux fermer les yeux jusqu'au matin

sans qu'en moi l'ombre monte autour de ton souvenir.



J e m'éclaire longuement avec l'or que je trouve au fond d'une étreinte.
Enhardis par tant de lumière, nous dénoyautons le soleil dans un baiser.

La ville voudrait que le ciel parte de ses murs,

la ville voudrait aller au-devant des chemins,

qui s'arrêtent dans les champs de céréales

mais elle reste enfoncée dans le sol comme un tiroir.

A force de rejeter les objets dans leur passé,

je n'ai plus, comme point d'appui, que ta bouche

et nos visages sont si près l'un de l'autre

que tes yeux se ferment presque avec mes paupières.

Une lampe suffira pour marquer la place où le jour s'est ouvert le front.

De loin dans la nuit on verra s'élever son grand buisson d'orties blanches.



Dans les trains que les gares tirent à bout portant sur la nuit, dans la chambre où nous nous brûlons au plomb fondu de l'amour,

dans la rue où tu passais tout à l'heure

en faisant descendre le ciel jusqu'à toi,

dans les mains qui ne peuvent déchirer

les dernières affiches du plus beau des couchants,

dans l'espace qu'on voudrait tirer à soi pour le contraindre à s'ancrer quelque part, dans les paroles lancées comme des amarres qu'autour de nous rien ne peut retenir,

il y a toujours le même miroir où la vie regarde sans savoir pourquoi les pas qu'elle entend décroître sont ceux d'un être qui n'existe plus que par les gestes que lui permet ton amour.



Du soleil il ne demeure que quelques étoiles

qui tournent lentement avec le ciel

et le jour pour lequel l'univers n'était pas assez grand

se laisse capturer dans les lampes.



De toi je ne discerne plus qu'une épaule comme un couchant au bord du drap, qu'une tempe où, telle une source, le sang fait remuer ses herbes les plus hautes.

Mais tes yeux fermés sont les bourgeons d'où va surgir demain toute la forêt et la voix que tu gardes, posée sur tes lèvres, donnera, en me nommant, un nom au silence.

La nuit continue à marcher de son pas de géant sur chaque semence de la terre, sur ta gorge vissée à fond dans mes mains, sur le rêve où nous allons nous rencontrer.



L'été devient le plus grand poisson que peuvent contenir les ruisseaux.
L'été devient le plus haut cristal que nous pouvons porter à deux.

De ma tête au point culminant de l'air, il n'y a que la distance d'un mètre de lumière avec lequel je cherche à mesurer l'être qui va et vient de mon visage à ton visage.

Les chemins s'avancent vers moi comme les branches d'un arbre qui aurait pour racine l'endroit où tu poses les pieds.

Dans la forêt, nous marchons sur la clarté comme sur des serpents domestiqués

mais le soir ils s'enfuient sous le pont que le couchant jette sur son propre fleuve.



Mes mains cherchent sur toi la place

où ma caresse fait son bruit de soie

et nos corps se tiennent debout avec, contre eux,

le poids des murs de toute une ville.

D'un seul regard, d'un seul baiser,

je suis plus près de ton corps que tu ne le seras jamais

et ta bouche vient se poser sur la mienne

un peu comme l'écume au-dessus d'un ruisseau noir.

Il suffit que je te prenne dans mes bras

pour qu'entre nous surgisse un essaim

dont nous pressons la grappe chaude

à l'endroit où nous sommes hauts d'un seul sommet.



Personne ne pense au village

qui n'est plus qu'un ouf écrasé.

Le soleil est entier sur chaque tuile

et jamais le calcaire n'a souffert d'une telle soif.

Il y a des souterrains de verdure et de fraîcheur dans l'été où les routes sèchent jusqu'à la pierre, mais on ne les découvre qu'à la tombée du jour à l'heure où les ruisseaux recommencent à couler,

à l'heure où la nuit n'a plus pour s'éclairer que la lampe sourde des moissons à l'heure où tu es prise dans le couchant comme un bel objet dans une vitrine.



A tourner entre ces murs gris que sont tous les visages, le ciel ne prend sa vraie couleur qu'au-dessus de ton front.

L'espace se veut plante sans fruits pour ta bouche qui tient le jour, pour ton regard qui cherche en moi quelque chose de plus clair que la lumière.

Les carreaux font les maisons plus larges avec, à fleur de verre, des têtes que rien ne peut rattacher aux corps dont elles ne cessent de dire le nom.

Mais il reste le miracle de ta présence au milieu des paroles que nous prononçons pour que l'amour ait la hauteur des montagnes qui s'ouvrent, chaque matin, sur le soleil nu.



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Lucien Becker
(1911 - 1984)
 
  Lucien Becker - Portrait  
 
Portrait de Lucien Becker

Biographie

Lucien Becker est un poète rare et sa voix unique fut saluée par Camus, Paulhan, Bousquet, Cadou, Char. Né à Béchy (Moselle), en 1911, mort à Nancy en 1984, il a composé, en marge de la vie littéraire et de ses mouvements, une ouvre brûlante autour du corps de la femme, seul rempart contre le néant.
Résistant pendant la guerre, il ne cessera de résister à la poésie et à ses entours illusoir

L'oeuvre de lucien becker

Lucien Becker n'est peut-être pas le plus grand poète lyrique de son époque; mais il est, sans nul doute, celui qui se sera tenu au plus près du réel, tout en restant farouchement à l'écart de tout artifice. En cela, il aura prolongé la leçon de Reverdy, sa tension nouée, cette écoute des pas, des heures, alors que le silence même est fait de minéral.

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