Victor Hugo |
Pas un rayon de jour ; nul souffle aérien ; Des fentes dans la nuit ; il rampe. Après des caves Où gronde un gonflement de soufres et de laves, Il traverse des eaux hideuses ; mais que font L'onde et la flamme et l'ombre à qui cherche le fond. Le dénouement, la fin, la liberté, l'issue ? Son crâne est son levier, sa main est sa massue ; Plongeur de l'Ignoré, crispant ses bras noueux. Il écarte des tas d'obstacles monstrueux, Il perce du chaos les pâles casemates ; Il est couvert de sang, de fange, de stigmates ; Comme, ainsi formidable, il plairait à Vénus ! La pierre âpre et cruelle écorche ses flancs nus. Et sur son corps, criblé par l'éclair sanguinaire, Rouvre la cicatrice énorme du tonnerre. Glissement colossal sous l'amoncellement De la nuit, du granit affreux, de l'élément ! L'eau le glace, le feu le mord, l'ombre l'accable ; Mais l'évasion fière, indignée, implacable. L'entraîne ; et que peut-il craindre, étant foudroyé ? Il va. Râlant, grinçant, luttant, saignant, ployé, II se fraie un chemin tortueux, tourne, tombe. S'enfonce, et l'on dirait un ver trouant la tombe ; Il tend l'oreille au bruit qui va s'affaiblissant, S'enivre de la chute et du gouffre, et descend. Il entend rire, tant la voix des dieux est forte. II troue, il perce, il fuit... - Le puits que de la sorte Il creuse est effroyable et sombre, et maintenant Ce n'est plus seulement l'Olympe rayonnant Que ce fuyard terrible a sur lui, c'est la terre. Tout à coup le bruit cesse. Et tout ce qu'il faut taire, II l'aperçoit. La fin de l'être et de l'espoir, L'inhospitalité sinistre du fond noir, Le cloaque où plus tard crouleront les Sodomes ', Le dessous ténébreux des pas de tous les hommes, Le silence gardant le secret. Arrêtez ! Plus loin n'existe pas. L'ombre de tous côtés ! Ce gouffre est devant lui. L'abject, le froid, l'horrible. L'évanouissement misérable et terrible. L'espèce de brouillard que ferait le Léthé, Cette chose sans nom, l'univers avorté, Un vide monstrueux où de l'effroi surnage, L'impossibilité de tourner une page. Le suprême feuillet faisant le dernier pli f C'est cela qu'on verrait si l'on voyait l'oubli. Plus bas que les effets et plus bas que les causes, La clôture à laquelle aboutissent les choses, Il la touche, et dans l'ombre, inutile éclaireur. Il est à l'endroit morne où Tout n'est plus. Terreur. C'est fini. Le titan regarde l'invisible. Se rendre sans avoir épuisé le possible, Les colosses n'ont point cette coutume-là ; Les géants qu'un amas d'infortune accabla Luttent encore ; ils ont un fier reste de rage ; La résistance étant ressemblante à l'outrage Plaît aux puissants vaincus ; l'aigle mord ses barreaux ; Faire au sort violence est l'humeur des héros, Et ce désespoir-là seul est grand et sublime Qui donne un dernier coup de talon à l'abîme. Phtos, comme s'il voulait, de ses deux bras ouverts. Arracher le dernier morceau de l'univers, Se baisse, étreint un bloc et l'écarté... |
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Victor Hugo (1802 - 1885) |
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Portrait de Victor Hugo | |||||||||
Biographie / OuvresC'est Hugo qui, sans doute, a le mieux incarné le romantisme: son goût pour la nature, pour l'exotisme, ses postures orgueilleuses, son rôle d'exilé, sa conception du poète comme prophète, tout cela fait de l'auteur des Misérables l'un des romantiques les plus purs et les plus puissants qui soient. La force de son inspiration s'est exprimée par le vocabulaire le plus vaste de toute la littérature Chronologie1802 - Naissance le 26 Février à Besançon. Il est le troisième fils du capitaine Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet. Suivant les affectations du père, nommé général et comte d'Empire en 1809, la famille Hugo s'établit en Italie, en Espagne, puis à Paris. Chronologie historique1848 Bibliographie sÉlective |
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