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Un jeu théâtral - Fin de partie


Poésie / Poémes d'Samuel Beckett





Fin de partie comporte de nombreuses références au théâtre. Ce n'est certes pas la première fois qu'une pièce de théâtre parle du théâtre1. Mais il est rare que des personnages, qui sont des créatures fictives, s'expriment comme s'ils étaient des dramaturges' et qu'ils se comportent comme s'ils étaient des comédiens. C'est ce que font paradoxalement les personnages de BecKett. La théâtralité. ce qui relève de l'essence même du théâtre, de sa nature, mais aussi de ses conventions, s'en trouve ainsi dévoilée.





DES PERSONNAGES DRAMATURGES

Comme pourrait le faire un auteur, Hamm et Clov recourent au vocabulaire de la dramaturgie3 et multiplient tes indications scéniques.



Un vocabulaire dramaturgique

Hamm connaît la langue technique du théâtre: « Un aparté] Con ! C'est la première fois que tu entends un aparté"? (Un temps.) J'amorce mon dernier soliloque' - (p. 100), dit-il à Clov.

Il y a aparté quand un personnage se parle à lui-même à l'insu des autres personnages présents sur scène qui ne l'entendent pas, mais, naturellement, que le public, lui, entend. C'est ce qu'on appelle une fiction de théâtre. Le soliloque est un monologue: le personnage, seul en scène, se parle à lui-même. La différence avec l'aparté réside dans la longueur du discours que se tient le personnage: l'aparté est bref, le monologue, ou soliloque, est nécessairement plus long.

À Clov qui lui demande par ailleurs à quoi il sert, Hamm répond :

« A me donner la réplique' » (p. 78). C'est d'ailleurs ce que, sur les instances de Hamm. il fait aussitôt: hamm. - [...] J'ai avance mon histoire. (Un temps.) Je l'ai bien avancée. (Un temps.) Demande-moi où j'en suis. clov. - Oh ! à propos, ton histoire ? (p. 78)

Réponse d'un personnage à un autre, la réplique est l'élément de base du dialogue théâtral.



Des Indications scéniques

Au sens strict, les indications scéniques ne sont pas des didasca-lies (problématique 14). Ces dernières résultent d'une intervention directe et personnelle de l'auteur alors qu'une indication scénique peut être donnée par les personnages au fil de leurs répliques. La différence provient donc de l'identité de l'émetteur. Mais, sur le fond, didascalies et indications scéniques peuvent donner les mêmes informations. Voici par exemple Clov expliquant à Hamm qu'il va « chercher la lunette » puis qu'il revient avec cette même » lunette », qu'il apporte « un escabeau » (p. 42). Si Hamm n'était pas aveugle, Clov n'aurait pas besoin d'expliquer ses faits et gestes. Les indications scéniques fonctionnent ici comme un redoublement de la didascalie. De même façon, dans cet autre exemple: hamm. - [...] Qu'est-ce que tu fais? clov. - Trois petits tours, (p. 93)

Clov commente de nouveau ses propres faits et gestes.



DES PERSONNAGES COMÉDIENS

Par définition les comédiens incarnent des personnages. Avec Fin de partie, les personnages incarnent à leur tour des comédiens et interprètent, à ce titre, d'autres personnages.



Des personnages qui sont des comédiens

Les quatre personnages de la pièce savent et disent qu'ils tiennent un rôle. Les premiers mots de Hamm sont les suivants: «A moi. De jouer » (p. 14) et c'est ce qu'il dit encore au début de son dernier monologue (p. 108). Ses mots ultimes sont ceux que pourrait prononcer un véritable acteur: « Puisque ça se joue comme ça... {il déplie le mouchoiR)... jouons ça comme ça» (p. 110). Signifi-cativement, un cabotin ' se dit d'ailleurs en anglais un hamm actor.

De son côté, Nell demande à son mari qui essaie de l'embrasser: « Pourquoi cette comédie, tous les jours? » (p. 27), comme si elle avait conscience que leurs fausses embrassades constituaient une scène imposée. C'est très exactement ce que ressent Clov quand il promène Hamm dans son fauteuil (p. 47).



Des personnages qui interprètent d'autres personnages

Comédiens, les personnages le sont également en imitant la voix et, parfois, les mimiques d'autrui. Pour raconter l'histoire du pantalon, Nagg prend tour à tour la voix du tailleur, de l'Anglais et du « raconteur ». Il prend même « un visage d'Anglais », dit une didascalie (p. 34). D'un « geste méprisant », il mime le « dégoût » du tailleur pour la création divine (p. 35). À lui seul, Nagg interprète donc trois rôles, en comptant celui du « raconteur ».

De la même façon, Hamm joue de sa voix pour raconter l'arrivée du gueux chez lui. Il adopte lui aussi un « ton de narrateur », revient ensuite à un « ton normal » avant de reprendre un .< ton de narrateur » (p. 68-72).

En outre, comme un acteur évaluant sa prestation lors d'une répétition, Hamm se corrige, comme s'il cherchait la meilleure façon d'interpréter son texte:

(Ton de narrateur.) L'homme s'approcha lentement, en se traînant sur le ventre. D'une pâleur et d'une maigreur admirables il paraissait sur le point de - (Un temps. Ton normaT). Non, ça je l'ai fait. (Un temps. Ton de narrateur.) Un long silence se fit entendre. (Ton normal.) Joli ça. (p. 68-69)

Il se livre au même travail de répétition dans son dernier monologue, lorsqu'il cherche à se rappeler la citation de Baudelaire (p. 109).

Clov et Hamm se séparent enfin comme deux comédiens pourraient se quitter après avoir joué: clov. - C'est ce que nous appelons gagner la sortie. hamm. -Je te remercie, Clov. clov (se retournant, vivemenT). - Ah pardon, c'est moi qui te remercie. hamm. - C'est nous qui nous remercions, (p. 107)



UNE THÉÂTRALITÉ DÉVOILÉE

Ces références et procédés aboutissent à mettre en lumière ce que les dramaturges prennent ordinairement soin de dissimuler le mieux possible, c'est-à-dire les conventions de la théâtralité. Beckett crée ainsi un jeu dans le jeu, dont la signification dépasse toutefois l'univers théâtral.



Un Jeu dans le jeu

Toute pièce de théâtre est par définition un jeu, parce qu'elle est fiction et qu'elle se constitue d'un ensemble de rôles. Mais le jeu qu'est Fin de partie contient à son tour un jeu dont les personnages ont parfaitement conscience.

Au sens propre, ce jeu dans le jeu n'est pas assimilable au procédé de la mise en abyme, ni du théâtre dans le théâtre. Pour que celui-ci existe vraiment, il convient en effet qu'une pièce (A) renferme les fragments d'une autre pièce (B). Il faut en outre que les personnages de la pièce (A) soient présentés comme des acteurs professionnels, dont le métier est précisément de camper des personnages (dans la pièce B)'. Fin de partie ne possède pas ces caractéristiques. C'est pourquoi la formule du « jeu dans le jeu » est préférable.

Tel qu'il fonctionne toutefois, ce « jeu dans le jeu » met à jour les principaux procédés de la théâtralité : l'aparté, le monologue, la gestuelle, le rôle. Beckett les utilise sans chercher à faire oublier qu'il s'agit d'une illusion, ni tenter de faire croire qu'il s'agit de la réalité. Il ne les remet pas en cause parce qu'il ne leur substitue pas d'autres procédés. Mais en dévoilant ainsi les conventions du langage théâtral, il en montre les limites, tout comme il montre par ailleurs les limites du langage ordinaire (problématiquE).



Le jeu de la vie

Ce dévoilement dépasse toutefois l'univers de la dramaturgie. Si Clov et Hamm se perçoivent en effet comme des comédiens, c'est parce qu'ils font chaque jour la même chose, et depuis longtemps. Il n'est même pas certain qu'ils en soient arrivés au dernier jour de leur cohabitation et de leur existence. Comme la fin de la pièce ressemble au début, tout peut en effet indéfiniment recommencer (-* problématique 9). Mais cette répétition des gestes et des mots, sans nouveauté aucune, vide le présent de toute réalité et consistance. Elle lui enlève son caractère unique: aujourd'hui est comme hier et chaque heure est comme celle de demain. Dès lors tout devient rite parce que tout est réitération. Vivre se résume dans ces conditions à tenir son rôle, le même rôle, indéfiniment.

L'individu en arrive alors à perdre jusqu'à son identité. Clov n'est plus rien: il sert; il sert à donner la réplique» à Hamm (p. 78). Il est réduit à un rôle, à une fiction, à un « être de papier » comme on appelle traditionnellement les personnages, de roman ou de théâtre. A la limite il n'existe plus en tant qu'être vivant.

C'est d'ailleurs ce que Hamm dit de lui-même: hamm. -Je n'ai jamais été là. (Un temps.) Clov!

CLOV (se tournant vers Hamm. exaspéré). - Qu'est-ce que c'est? hamm. -Je n'ai jamais été là. clov. - Tu as eu de la veine, (p. 95)

En avouant son absence, Hamm reconnaît qu'il n'est lui aussi qu'un rôle. A la question que lui pose Clov de savoir s'il croit à « la vie future », il répond d'ailleurs: « La mienne [ma vie] l'a toujours été » (p. 67). C'est une autre façon de se nier. Clov réagit pareillement en ce qui le concerne: il qualifie de « belle époque - le temps où il n'était pas encore né (p. 61).

On ne peut mieux dire l'absurdité de l'existence (-» problématique 6) qu'en la déréalisant, ni mieux illustrer une « fin de partie ». Ce qui a été montré depuis le début du spectacle n'est que redite, répétition monotone de ce qui a naguère ou jadis été. Or si le jeu se déploie dans un univers imaginaire, le « jeu dans le jeu » devient, lui, une fiction de la fiction, une sorte de fiction au second degré. Rien n'existe alors plus.



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Samuel Beckett
(1906 - 1989)
 
  Samuel Beckett - Portrait  
 
Portrait de Samuel Beckett

Biographie

Samuel Beckett naît en Irlande le 13 avril 1906 à Foxrock dans la banlieue sud de Dublin. Ses parents appartiennent à la bourgeoisie protestante de la ville et lui donnent une éducation très stricte.

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