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Les didascalies


Poésie / Poémes d'Samuel Beckett





Les didascalies possèdent une typographie particulière qui les rend immédiatement identifiables. Elles sont en effet imprimées en italiques. Leur énonciateur est l'auteur lui-même, qui s'adresse directement aux metteurs en scène, aux acteurs et à ses lecteurs. Elles ne sont donc en aucun cas destinées à être prononcées par les personnages.

Le théâtre d'avant-garde leur accorde une place considérable. C'est encore plus patent chez Beckett que chez n'importe quel autre dramaturge. Preuve en est la didascalie, longue de près de trois pages, qui précède les premiers mots articulés de la pièce: « Fini, c'est fini » (p. 11). Quantitativement importantes, les didascalies sont essentielles à la compréhension et à la représentation du texte.



C'est pourquoi il convient de les étudier pour elles-mêmes. Elles mettent en forme le texte, elles informent sur le déroulement du spectacle, elles enrichissent enfin la notion même de texte théâtral.



LA MISE EN FORME DU TEXTE THÉÂTRAL

L'onomastique', la plantation du décor et, ce qui peut paraître a priori surprenant, le tomber de rideau en sont les éléments fondamentaux.



L'onomastique

La première fonction des didascalies est de nommer les personnages et ainsi de répartir les rôles. Or, au théâtre, un patronyme n'est jamais neutre.

Celui de Hamm joue sur plusieurs registres. En anglais ham désigne le jambon. Faut-il y voir un rapport avec le fait que le personnage possède un teint très rouge, comme certains jambons et qu'il est immobile, réduit à l'état de morceau de viande? Hamm actor désigne également un cabotin '. Or c'est bien de cette manière que se comporte Hamm lorsqu'il dit à Clov que celui-ci sert à lui donner la réplique (p. 78). Mais Hamm peut aussi faire songer à un marteau (hammer en anglaiS). Quant à Clov, son nom évoque le clou. Les noms des deux personnages suggèrent ainsi les rapports agressifs qu'ils entretiennent ((..* problématique 1).

Il en va de même pour Nell et Nagg. Le verbe to nag signifie « se plaindre », et Nagg est, des deux culs-de-jatte, celui qui récrimine le plus2. Diminutif de Nelly, Nell peut être rapproché de nail, autre nom du clou. Quant à la Mère Pegg, son nom désigne une pince à linge. Mais on peut y voir une malice de Beckett, dans la mesure où pegg et pig (le cochoN) sont des termes phonétiquement très proches.



La plantation du décor

La deuxième fonction des didascalies est de préciser le décor. Beckett procède par des phrases nominales qui définissent à la fois l'espace scénique et l'atmosphère générale: « Intérieur sans meubles./ Lumière grisâtre » (p. 11). Ce vide et cette lumière crépusculaire suggèrent d'emblée une .. fin de partie ».

La concision de l'expression se double parfois d'un fort souci de précision. Une symétrie absolue existe entre les « murs de droite et de gauche », avec leurs « deux petites fenêtres haut perchées » aux « rideaux fermés » (p. 11).

Cette symétrie verticale n'a toutefois pas son équivalent horizontal, puisque les poubelles sont toutes deux .. a gauche ». et non pas une droite et une à gauche.



Cette dernière indication est en outre volontairement lacunaire. Jusqu'à ce que Nagg soulève le couvercle de sa poubelle (p. 21), le lecteur et le spectateur ignorent que ces poubelles servent de litière à des culs-de-jatte. Les didascalies imposent ici une vision dépréciative de l'objet avant d'en donner la fonction: ces poubelles renferment bien des déchets, mais ce sont des déchets humains. L'intérêt dramatique s'en trouve accru.



Le tomber de rideau

« RIDEAU », écrit en majuscules, est le dernier mot du texte (p. 110). C'en est aussi la dernière didascalie. En principe, le tomber de rideau marque à la fois la fin de la fiction (de l'histoire racontée, de l'intriguE) et du spectacle.

Tel n'est pas ici le cas, puisqu'il n'y a pas à proprement parler de dénouement. Hamm se fige en effet dans la position qui était la sienne au début de la pièce. La fin du texte contient donc la possibilité d'un recommencement... sans fin. Le mot «rideau» clôt donc le spectacle, mais il ne termine pas obligatoirement le face à face de Clov et de Hamm. Bien qu'il soit vêtu en voyageur, Clov reste immobile: il peut donc aussi bien partir que rester. Et s'il reste, c'est un retour au point de départ.



LE DÉROULEMENT DU SPECTACLE

Les didascalies portent aussi sur la gestuelle et la diction des comédiens, ainsi que sur la régie' du spectacle.



La gestuelle

Les didascalies donnent des indications de jeu. Certaines d'entre elles n'ont qu'une valeur générale, non impérative: Clov possède par exemple une « démarche raide et vacillante » (p. 11), mais c'est à l'acteur qui interprète le rôle d'évaluer le degré de raideur et l'ampleur du vacillement. D'autres indications sont en revanche d'une rigueur toute mathématique: -Il [Clov] descend de l'escabeau, fait six pas vers la fenêtre à droite [...]. Il descend de l'escabeau, fait trois pas1 vers la fenêtre à gauche » (p. 12).

Certaines didascalies sont par ailleurs destinées à produire un effet comique, comme celles indiquant que Clov braque sa lunette sur la salle ou qu'il déboutonne son pantalon. D'autres mettent un terme

à une séquence, en ponctuant un dialogue: Hamm soulève ainsi sa calotte pour saluer la mémoire du fou à qui il rendait visite. Tantôt, à l'inverse, des didascalies précèdent l'échange de répliques: hamm (ayant réfléchI). - Moi non. clov (ayant réfléchI). - Moi non plus. (p. 43)



La diction

Les indications relatives à la diction sont fort nombreuses. Elles Concernent:

-le niveau sonore :«bas» (p. 31, 37); «avec force- (p. 69); «plus fort » (p. 25); « hurlant » (p. 92);

- le timbre de la voix: « voix blanche » (p. 13); « geignard » (p. 22);

- les changements de ton: < voix de raconteur », « voix du tailleur », «voix du client» (p.34-35); «ton normal-, «ton de narrateur -(p. 68-72);

- les émotions: « avec angoisse » (p. 26, 47); « élégiaque » (p. 28, 32) ; « agacé » (p. 47) ; « prophétique et avec volupté » (p. 51) ;

- et très fréquemment le débit de la parole dans la mesure où la didas-calie < un temps » impose un silence entre les mots ou les répliques.



La régie

Les didascalies relatives à la régie sont, elles, beaucoup moins nombreuses. L'une d'elles concerne le bruitage: « brève sonnerie du réveil en coulisse » (p. 65). Une autre concerne l'éclairage: «Lumière grisâtre- (p. 11). Cette lumière baigne-t-elle toute la représentation ? Ou bien faut-il envisager qu'elle baisse d'intensité lorsque Clov, regardant par la fenêtre, constate qu'il fait partout « noir clair » (p. 46) ? Il y a là pour le metteur en scène une marge d'autonomie qui n'existe pas pour ce qui a trait à la diction des comédiens. On trouve encore cet exemple: la remarque relative à un éventuel bruitage quand Hamm dit que Clov marche avec ses « brodequins comme « un régiment de dragons » (p. 77).



L'ENRICHISSEMENT DU TEXTE THÉÂTRAL

Jusqu'ici les didascalies n'ont été envisagées que dans leur définition la plus étroite. Mais on peut en donner une définition plus large en prenant en compte certaines indications scéniques qui, bien que figurant dans le dialogue, ont « une fonction de commande de la représentation ' ». Le texte théâtral prend dès lors une double et nouvelle dimension.



Des didascalies aux indications scéniques

À l'instar des didascalies, le dialogue des personnages contient en effet des informations sur le jeu des acteurs, comme dans cet échange: nagg. - [...] Tu pleures encore? nell. -J'essayais, (p. 33)

Ou encore dans cette réplique de Hamm qui précise la gestuelle et les déplacements: «[...] Fais-moi faire le tour du monde. [...] Rase les murs. Puis ramène-moi au centre » (p. 39).

D'autres indications sont des commentaires que fait Clov à l'attention de Hamm qui ne peut pas voir ce qu'il fart (mais que le spectateur, lui, voit très bieN): Je suis de retour, avec l'insecticide » (p. 48).



Une double et nouvelle dimension du texte théâtral



L'ampleur des didascalies finit par modifier la nature même du texte théâtral. Pendant longtemps il fut considéré comme évident qu'un texte de théâtre était avant tout destiné à être joué. On pouvait certes le lire, et même l'étudier, mais il était entendu que le lecteur devait faire l'effort de se mettre dans la position (imaginairE) du spectateur. C'était à lui de chercher dans sa lecture les éléments de la représentation et de les visualiser dans son esprit.

Avec Beckett, le texte théâtral se transforme: il devient un texte destiné à la fois à être lu et joué. Preuve en est que les didascalies sont parfois à elles seules de petits portraits littéraires, qui ne peuvent être appréciés qu'à la lecture. Ainsi cette attitude de Nagg : « // fixe Nell restée impassible, les yeux vagues, part d'un rire forcé et aigu, le coupe, avance la tête vers Nell, lance de nouveau son rire » (p. 36). La précision des adjectifs qualificatifs ainsi que l'expression « lancer son rire >. relèvent d'un style recherché.

De même l'exclamation suivante: .. Quels rêves - avec un s! » (p. 15) est à la fois compréhensible par le lecteur (qui voit le plurieL) et le spectateur qui entend « avec un s ». L'opposition entre la lecture et l'audition disparaît.

Considérées comme des éléments mineurs, les didascalies acquièrent ainsi dans le théâtre d'avant-garde leurs lettres de noblesse.






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Samuel Beckett
(1906 - 1989)
 
  Samuel Beckett - Portrait  
 
Portrait de Samuel Beckett


Biographie

Samuel Beckett naît en Irlande le 13 avril 1906 à Foxrock dans la banlieue sud de Dublin. Ses parents appartiennent à la bourgeoisie protestante de la ville et lui donnent une éducation très stricte.

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