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FETES GALANTES


Poésie / Poémes d'Paul Verlaine





Trois ans après les Poèmes saturniens, Verlaine publie son deuxième volume. Fêtes galantes, qui paraît chez Lemerre à la fin de mars 1869. Les deux tiers des poèmes ont déjà vu le jour dans des revues. En 1867, Verlaine donne dans La Gazette rimée deux poèmes : « Clair de lune », sous le titre « Fêtes galantes », et « Mandoline » sous le titre « Trumeau ». En 1868, à deux reprises, L'Artiste publie de nouveaux poèmes verlainiens : le Ier janvier, « Clair de lune », « L'Allée », « Sur l'herbe », « Mandoline », « Pantomime », « Le Faune », réunis sous le titre général « Fêtes galantes » ; et le 1er juillet, de « Nouvelles Fêtes galantes » avec « A la promenade », « Dans la grotte ». « Les Ingénus », « A Clymène », « En sourdine ». « Colloque sentimental ». Et juste avant que ne paraisse le livre, L'Artiste du 1er mars 1869 publie « Cortège » et « L'Amour par terre ». Les derniers Poèmes saturniens ont été écrits en octobre 1866, les premières Fêtes galantes furent composées au plus tard en février 1867, puisque deux poèmes paraissent le 20 février 1867 dans La Gazette rimée. La composition du livre s'étend donc de la fin de 1866 au mois de février 1869.





Le titre du livre impose d'emblée la référence à Watteau. En outre, la préoriginale de « Clair de lune » comportait son nom au vers 9 : « Au calme clair de lune de Watteau. » Mais dans quelle mesure Verlaine connaissait-il la peinture de Watteau ? A-t-il vu certains tableaux ? Ou est-ce par des intermédiaires qu'il l'a connu ? Le témoignage d'Edmond Lepelletier, l'ami de Verlaine, me paraît capital et moins contestable qu'on ne l'a prétendu : « Il me serait difficile de préciser la genèse des Fêtes galantes. Verlaine me communiqua sans doute, au fur et à mesure qu'il les composait, les diverses pièces qui formèrent ce recueil, mais il écrivait en même temps des poèmes d'un genre très différent '. » Lepelletier estime que deux faits contemporains ont attiré l'attention de Verlaine sur l'univers de Watteau : les études des frères Goncourt et l'ouverture de la galerie Lacaze au Louvre. Sur ce dernier point, il se trompe ; car la collection du docteur Lacaze, qui mourut en 1869, ne fut accessible au public qu'après la publication des Fêtes galantes. Mais Lepelletier a raison de suggérer l'influence probable des Goncourt : « II est possible que Verlaine ait puisé dans ces travaux le goût de se promener poétiquement dans le monde évoqué par les Goncourt '. » Watteau venait en effet d'être redécouvert et réhabilité. Gautier et Nerval font quelques allusions à lui dans leurs poèmes. Mais on doit à Arsène Houssaye la première étude importante sur le peintre : « Watteau et Lancret » qu'il donne à la Revue de Paris en 1841 et qu'il reprend dans Le Café de la Régence en 1843, puis dans le tome II de la Galerie de portraits du xvm* siècle en 1845 et 1848. Houssaye voit en Watteau le dernier enchanteur qui sut créer un univers de rêve : Watteau « fut par excellence le peintre de l'esprit et de l'amour, le peintre des fêtes galantes. Il a bien saisi le secret de la nature, mais c'est un enchanteur qui la fait voir par un prisme 2 ». Il est hautement probable que Verlaine a lu cette étude, car il connaissait fort bien Houssaye qui dirigeait L'Artiste (où Verlaine a publié quatorze poèmes des Fêtes galanteS) et ils avaient tous les deux collaboré au premier Parnasse contemporain. D'autres lectures ont pu intervenir. Dans le Salon de 1846, Baudelaire, traitant du « paysage de fantaisie » où il voit « l'expression de la rêverie humaine ». donne l'exemple de Rembrandt, Rubens et Watteau. et il considère que « ce genre singulier [...] représente le besoin naturel du merveilleux ». D'autre part, Charles Blanc, historien d'art, publie, en 1854, un livre intitulé Les Peintres des Fêtes galantes (Watteau. Lancret, Pater, BoucheR) où il exalte le génie de Watteau. et Verlaine a pu en avoir connaissance. Le rôle joué par les Goncourt demeure primordial. En 1860, ils font paraître le fascicule de L'An du xvme siècle qui contient leur étude sur Watteau 3. Avec finesse, les Goncourt ont su déceler le caractère poétique de l'univers de Watteau ; ils le rapprochent de l'atmosphère qui règne dans les comédies de Shakespeare : « Dans un lieu au hasard et sans place sur la carte de la terre, il est une éternelle paresse sous les arbres. [...] Un Léthé roule le silence par ce pays d'oubli, peuplé de figures qui n'ont que des yeux et des bouches : une flamme et un sourire 4 ! » Ils montrent qu'il a su peindre l'amour moderne, empreint de mélancolie et de tristesse. Mais, Lepelletier propose également une autre origine : « Peut-être aussi devons-nous les Fêtes galantes à une impression très forte produite par "La Fête chez Thérèse", pièce des Contemplations, pour laquelle Verlaine éprouvait une admiration telle que c'est la seule poésie d'un auteur connu que je lui entendis réciter par cour5. » Le poème des Contemplations évoque une fête qui se déroule dans un jardin ; tout y invite à l'amour ; des personnages masqués (dont on retrouvera, dans les Fêtes galantes, les noms : Scaramouche, Pulcinella, PierroT) festoient, conversent, ébauchent des idylles qui s'achèvent dans la nuit, tandis que le clair de lune se mêle à l'âme des amants.



L'univers des Fêtes galantes unit intimement naturel et artificiel. A la vérité des sentiments et des émotions. Verlaine donne un décor de rêve où il met en scène des personnages légendaires. Jardins et bosquets, bassins et jets d'eau, allées bordées de statues en marbre ou de tilleuls composent un cadre enchanteur ; les amants s'assoient sur de vieux bancs moussus ou se réfugient dans des grottes propices à l'amour. Des canots glissent sur les étangs ; on danse, on se donne la sérénade, on chante des romances ou des barcarolles, on joue de la guitare et de la mandoline. La fête se passe le plus souvent au crépuscule ou sous l'amicale complicité de la lumière lunaire. A cet univers équivoque de demi-teintes et de clair obscur correspond l'ambiguïté des sentiments. Les personnages portent des masques et des déguisements : ils estompent volontairement leur identité. Les figures traditionnelles de la comédie italienne - Arlequin. Colombine, Scaramouche - se mêlent aux personnages de bergeries (Tircis, Aminte, ClymènE) et les suit un cortège de fantaisie où voisinent marquis et abbés, négrillon et pirate espagnol. Des liens subtils se tissent entre le paysage et l'âme des amants ; une complicité les unit. Les parfums de l'été investissent l'âme et l'entraînent à des folies, l'automne calme les ardeurs et l'hiver les amants se contentent de patiner sur l'étang glacé. Ils se montrent sensibles à l'influence des saisons. Leurs chants se mêlent au clair de lune, tandis que le ciel et les arbres paraissent sourire aux promeneurs. Le « soir équivoque » de l'automne favorise les « mots spécieux » des belles. La musique des hommes se fond à celle qui sourd de la nature :



Et la mandoline jase Parmi les frissons de brise

(« Mandoline »)



Les âmes et les sens en extase entrent en résonance avec les « langueurs des pins et des arbousiers » (« En sourdine »). Le début du premier poème montre que le paysage intérieur s'éclaire et se comprend à la lumière du monde extérieur :



Votre âme est un paysage choisi.



Les personnages fantasques de la comédie italienne hantent cette âme à qui le poème s'adresse ; mais ce vers est-il destiné à la femme aimée ? ou au poète lui-même?

Sous les masques et les artifices se révèle la vérité humaine. Verlaine évoque un univers de fête où l'on savoure toutes les formes du bonheur, du plus matériel au plus éthéré. Pierrot mange un pâté et boit un flacon de vin ; on déguste sorbets et confitures ou l'on débouche un vieux vin de Chypre. On se promène dans les allées d'un parc, on converse avec agrément. Le plus souvent, les personnages se livrent aux jeux de l'amour. Ils badinent avec élégance et légèreté ; ils échangent propos et caresses avec une insouciante nonchalance ; à un soufflet répond un baiser, on s'amuse à démentir un « regard très sec » par une moue plus bienveillante. « Dans la grotte » pastiche une déclaration en style précieux. Cet amour à fleur de peau peut avoir un caractère plus profond : Colombine ressent la surprise de l'amour, on s'embarque pour Cythère où l'on connaît les joies de l'amour partagé. A la tendresse se mêle une grande liberté du cour. Parfois, une touche d'érotisme teinte le poème : les amants aiment apercevoir, au gré du vent, les « bas de jambe » ; le négrillon qui porte les pans de la jupe les soulève plus qu'il ne faudrait afin :



De voir ce dont la nuit il rêve

(« Cortège »)



Et un coquillage, par sa forme, trouble profondément le poète. Toutefois. si les personnages chantent le triomphe de l'amour, ils paraissent désabusés et peu convaincus. Car ils demeurent vigilants et leur lucidité fêle leur bonheur. Les hommes sont trompeurs et les femmes coquettes ; et l'amour finalement se résout en un jeu de dupes. L'amoureux d'« En patinant » reconnaît avoir été entraîné involontairement par les séductions fallacieuses de la saison. Si les Ingénus aiment « ce jeu de dupes », d'autres en souffrent cruellement. Dans « Colombine », bien que certains, comme Pierrot et Arlequin, s'amusent, rient et chantent, une amoureuse, qui a « les yeux pervers », se montre cruelle et méchante ; elle séduit mais en dupant et ceux qui se laissent abuser par elle se trouvent entraînés vers de « mornes ou cruels désastres ». Cet univers de fête se trouve insidieusement miné par la tristesse. Le clair de lune qui incline à la rêverie est « triste et beau » (« Clair de lune ») ; les personnages chantent, mais sur le mode mineur. La musique et la danse invinciblement demeurent liées à la tristesse. Le vent a renversé la statue du dieu Amour et seul se dresse le piédestal vide, ce qui laisse présager un avenir de solitude. Le vieux faune en terre cuite sait que ces instants de bonheur auront une fin. L'univers de la fête est promis à disparaître. L'amour s'achève dans l'amertume, et le chant du rossignol exprimera, au lieu du bonheur, le désespoir des amants. Dans le dernier poème, au titre d'une ironie tragique (« Colloque sentimental »), le parc est devenu silencieux ; plus aucune présence humaine ne l'habite à l'exception de deux ombres qui dans le froid y errent. Mais il ne s'agit que de deux « formes » qui vite deviennent des « spectres » à la voix inaudible ; de leur amour rien ne subsiste : l'un essaie de raviver le souvenir mais l'autre a tout oublié. Le poème s'achève dans la nuit. Le temps a tout détruit et tout anéanti. Pierre-Henri Bornecque a bien montré que l'architecture du livre avait un sens : dans les onze premiers poèmes dominent nettement l'insouciance et le rêve où le bonheur se teinte à peine de mélancolie ; mais dans les onze poèmes qui suivent la tristesse et l'amertume l'emportent. Le soir tombe, la lumière diminue, le vent souffle : la fête a disparu pour laisser place au silence glacial de la mort.



Pourtant, Verlaine estompe ce tragique et entend donner à son livre un caractère ludique. L'illusion règne dans le monde, il convient de ne pas être dupe et le jeu permet précisément de s'en affranchir : jeu plaisant de la parodie, jeu subtil de la préciosité, jeu discret de l'humour, jeu plus vif de l'ironie, virtuosité du poète maître de son art. Verlaine joue avec la langue ; il parsème ses poèmes d'archaïsmes comme « céans » (« Dans la grotte »), « férut » (« En patinant »), « faquins » (« Pantomime ») ; il emploie des mots rares comme « incarnadine » (« L'Allée »), mais use également de termes familiers : « vertigo », « manigances » (« En patinant »). Verlaine s'amuse avec le vers. La rime a parfois un caractère plaisant : choisi/quasi, ridicule/canicule, banquette/caquette, confitures/courbatures. La métrique offre une grande variété. La plupart des poèmes sont écrits sur un seul mètre : quatre en alexandrins (« L'Allée », « Les Ingénus », « Lettre », « L'Amour par terre »), trois en décasyllabes (« Clair de lune », « A la promenade », « Colloque sentimental »), dix en octosyllabes (« Pantomime », « Sur l'herbe », « Cortège », « Les Coquillages », « En patinant », « Fantoches », « Cythère », « En bateau », « Le Faune », « Les Indolents »), et deux en heptasyllabes (« Mandoline », « En sourdine »). Trois poèmes possèdent une structure plus complexe : 8-8-12-8 (« Dans la grotte »), 6-6-6-4 (« A Clymène »), 5-5-2-5-5-2 (« Colombine »). Une plus grande diversité encore préside à l'organisation des strophes ; deux poèmes ne comportent qu'une suite d'alexandrins (« Lettre », « L'Allée ») ; Verlaine use du distique dans « Colloque sentimental » ; il emploie des tercets au nombre de quatre (« Pantomime », « Fantoches », « Cythère »), au nombre de cinq (« En bateau »), au nombre de six (« Les Indolents ») ; on rencontre aussi des quatrains : deux dans « Le Faune », trois dans « Clair de lune », « Sur l'herbe », « Dans la grotte », « Les Ingénus », quatre dans « Mandoline », « L'Amour par terre », cinq dans « À la promenade », « A Clymène », . « En sourdine », « Cortège », seize dans « En patinant ». « Colombine » comprend six sixains et la terza rima se trouve utilisée dans « Les Coquillages ». A cette variété, Verlaine joint la fantaisie. Les mètres pairs voient leur régularité s'estomper par l'emploi de coupes irrégulières qui finissent par donner au poème un rythme incertain. Des rejets et des contre-rejets disloquent le vers mais renforcent toujours l'expressivité ; ainsi-cette suggestion du mouvement dans « Fantoches » :



Se glisse demi-nue, en quête

De son beau pirate espagnol ou cette évocation des jeux galants :



El les amants lutincnt les amantes.

De qui la main imperceptible sait

Parfois donner un soufflet qu'on échange

Contre un baiser sur l'extrême phalange

Du petit doigl [...]

(« A la promenade »)



Le vers court permet des effets cocasses :



Pierrot qui d'un saut De puce

(« Colombine ») ou laisse entendre des musiques raffinées :



Mystiques barcarolles.

Romances sans paroles.

Chère, puisque tes yeux

Couleur des cieux

(« A Clymène »)



« Sur l'herbe » se présente comme un poème-conversation d'une étourdissante virtuosité : les répliques s'y enchaînent avec naturel malgré la contrainte du vers, tout en créant contrastes et dissonances. « Les Indolents » appartiennent aussi au genre de la poésie parlée.

Enfin, Verlaine révèle ses dons de musicien et fait chanter le vers. La rime n'a qu'un rôle secondaire ; la musicalité se trouve à l'intérieur du vers où abondent les harmonies consonantiques et vocaliques. Ainsi, ces deux vers où Verlaine oppose voyelles graves (/a/,/u/) et voyelles aiguës (/i/,/û/), tandis que les nasales adoucissent la mélodie :



Jouant du luth, et dansant, et quasi

Tristes sous leurs déguisements fantasques.



Ailleurs, on note la diminution régulière de I'aperture vocalique :

Car ma détresse est infinie. Chaque syllabe possède sa nécessité musicale. Ici, on entend un écho entre pâle et grêles, entre sourire et claire, et l'harmonie consonantique en /s/(ciel, si, si, semblent, sourirE) se poursuit par la reprise du /k/ dans costumes clairs :



Le ciel si pâle et les arbres si grêles

Semblent sourire à nos costumes clairs.



Alors que les Poèmes saturniens contenaient encore des éléments disparates, les Fêtes galantes possèdent une réelle unité. Verlaine a su fondre au creuset de sa poésie les suggestions recueillies chez Hugo, Gautier et Banville, chez Houssaye et les Goncourt. II évoque un univers de fête qui échappe momentanément au temps ; mais celui-ci reprend ses droits et la fête se dissout dans l'absence et dans la nuit. Ce monde d'apparences et d'impressions évanescentes reflète l'ambiguïté de l'âme rêveuse, dont les modulations intérieures se trouvent subtilement suggérées par les nuances de la mélodie.






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Paul Verlaine
(1844 - 1896)
 
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Ouvres

Après une enfance à Metz, il fait ses études à Paris et trouve un emploi à l'Hôtel de Ville. Il fréquente les salons et cafés littéraires de la capitale et fait la connaissance de nombreux poètes célèbres de son époque. Ces rencontres l'incitent à composer lui aussi des vers. Verlaine est d'un caractère timide, et cette faiblesse est aggravée par des deuils familiaux : il se tourne alors vers la b

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