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Jules Laforgue



L'horoscope - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





On rencontre sa destinée
Souvent par des chemins qu'on prend pour l'éviter.

Un
Père eut pour toute lignée
Un
Fils qu'il aima trop, jusques à consulter

Sur le sort de sa géniture

Les diseurs de bonne aventure.
Un de ces gens lui dit que des lions surtout
Il éloignât l'Enfant jusques à certain âge;

Jusqu'à vingt ans, point davantage.

Le
Père, pour venir à bout
D'une précaution sur qui rouloit la vie
De celui qu'il aimoit, défendit que jamais
On lui laissât passer le seuil de son palais.
Il pouvoit, sans sortir, contenter son envie.
Avec ses compagnons tout le jour badiner,

Sauter, courir, se promener.

Quand il fut en l'âge où la chasse

Plaît le plus aux jeunes esprits,

Cet exercice avec mépris

Lui fut dépeint; mais, quoi qu'on fasse.

Propos, conseil, enseignement,

Rien ne change un tempérament.
Le jeune homme, inquiet, ardent, plein de courage,
A peine se sentit des bouillons d'un tel âge.



Qu'il soupira pour ce plaisir.
Plus l'obstacle étoit grand, plus fort fut le désir.
Il savoit le sujet des fatales défenses;
Et comme ce logis, plein de magnificences,

Abondoit partout en tableaux,

Et que la laine et les pinceaux
Traçoient de tous côtés chasses et paysages.

En cet endroit des animaux.

En cet autre des personnages.
Le jeune homme s'émut, voyant peint un
Lion : «
Ah! monstre, cria-t-il, c'est toi qui me fais vivre
Dans l'ombre et dans les fers! »
A ces mots, il se livre
Aux transports violents de l'indignation,
Porte le poing sur l'innocente bctc.
Sous la tapisserie un clou se rencontra :

Ce clou le blesse; il pénétra
Jusqu'aux ressorts de l'âme; et cette chère tête.
Pour qui l'art d'Esculape en vain fit ce qu'il put.
Dut sa perte à ces soins qu'on prit pour son salut.
Même précaution nuisit au poète
Eschyle.
Quelque devin le menaça, dit-on,

De la chute d'une maison.

Aussitôt il quitta la ville,
Mit son lit en plein champ, loin des toits, sous les cieux.
Un aigle, qui portoit en l'air une tortue,
Passa par là, vit l'homme, et sur sa tête nue,
Qui parut un morceau de rocher à ses yeux.

Étant de cheveux dépourvue.
Laissa tomber sa proie, afin de la casser :
Le pauvre
Eschyle ainsi sut ses jours avancer.

De ces exemples il résulte
Que cet art, s'il est vrai, fait tomber dans les maux

Que craint celui qui le consulte;
Mais je l'en justifie, et maintiens qu'il est faux.

Je ne crois point que la
Nature



Se soit lié les mains, et nous les lie encor

Jusqu'au point de marquer dans les cieux notre sort :

Il dépend d'une conjoncture

De lieux, de personnes, de temps,
Non des conjonctions de tous ces charlatans.
Ce berger et ce roi sont sous même planète;
L'un d'eux porte le sceptre, et l'autre la houlette :

Jupiter le vouloit ainsi.
Qu'est-ce que
Jupiter? un corps sans connoissance.

D'où vient donc que son influence
Agit différemment sur ces deux hommes-ci?
Puis comment pénétrer jusques à notre monde?
Comment percer des airs la campagne profonde?
Percer
Mars, le
Soleil, et des vuides sans fin?
Un atome la peut détourner en chemin :
Où l'iront retrouver les faiseurs d'horoscope?

L'état où nous voyons l'Europe
Mérite que du moins quelqu'un d'eux l'ait prévu :
Que ne l'a-t-il donc dit?
Mais nul d'eux ne l'a su.
L'immense éloignement, le point, et sa vitesse,

Celle aussi de nos passions.

Permettent-ils à leur foiblesse
De suivre pas à pas toutes nos actions?
Notre sort en dépend : sa course entre-suivie
Ne va, non plus que nous, jamais d'un même pas;

Et ces gens veulent au compas

Tracer le cours de notre vie!

Il ne se faut point arrêter
Aux deux faits ambigus que je viens de conter.
Ce
Fils par trop chéri, ni le bonhomme
Eschyle,
N'y font rien : tout aveugle et menteur qu'est cet art,
Il peut frapper au but une fois entre mille;

Ce sont des effets du hasard.






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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue


Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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