wikipoemes
paul-verlaine

Paul Verlaine

alain-bosquet

Alain Bosquet

jules-laforgue

Jules Laforgue

jacques-prevert

Jacques Prévert

pierre-reverdy

Pierre Reverdy

max-jacob

Max Jacob

clement-marot

Clément Marot

aime-cesaire

Aimé Césaire

henri-michaux

Henri Michaux

victor-hugo

Victor Hugo

robert-desnos

Robert Desnos

blaise-cendrars

Blaise Cendrars

rene-char

René Char

charles-baudelaire

Charles Baudelaire

georges-mogin

Georges Mogin

andree-chedid

Andrée Chedid

guillaume-apollinaire

Guillaume Apollinaire

Louis Aragon

arthur-rimbaud

Arthur Rimbaud

francis-jammes

Francis Jammes


Devenir membre
 
 
auteurs essais
 

Jules Laforgue



L'homme qui court après la fortune, et l'homme qui l'attend dans son lit - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





Qui ne court après la
Fortune?
Je voudrois être en lieu d'où je pusse aisément

Contempler la foule importune

De ceux qui cherchent vainement
Celte fille du
Sort de royaume en royaume,
Fidèles courtisans d'un volage fantôme.

Quand ils sont près du bon moment.
L'inconstante aussitôt à leurs désirs échappe :
Pauvres gens! je les plains; car on a pour les fous

Plus de pitié que de courroux. «
Cet homme, diseni-ils, étoit planteur de choux.

Et le voilà devenu pape :
Ne le valons-nous pas? -
Vous valez cent fois mieux;

Mais que vous sert votre mérite?

La
Fortune a-t-elle des yeux?
Et puis la papauté vaut-elle ce qu'on quitte,
Le repos, le repos, trésor si précieux
Qu'on en faisoit jadis le partage des
Dieux?
Rarement la
Fortune à ses hôtes le laisse.

Ne cherchez point cène déesse,
Elle vous cherchera : son sexe en use ainsi. »

Certain couple d'amis, en un bourg établi,
Possédoit quelque bien.
L'un soupiroit sans cesse
Pour la
Fortune; il dit à l'autre un jour :

«
Si nous quittions notre séjour?

Vous savez que nul n'esi prophète
En son pays : cherchons notre aventure ailleurs. -
Cherche/, dit l'autre ami : pour moi je ne souhaite

Ni climats ni destins meilleurs.
Contentez-vous; suivez votre humeur inquiète :
Vous reviendrez bientôt.
Je fais vceu cependant

De dormir en vous attendant. »
L'ambitieux, ou, si l'on veut, l'avare.

S'en va par voie et par chemin.

Il arriva le lendemain
En un lieu que devoit la déesse bizarre
Fréquenter sur tout autre; et ce lieu, c'est la cour.
Là donc pour quelque temps il fixe son séjour,
Se trouvant au coucher, au lever, à ces heures

Que l'on sait être les meilleures,
Bref, se trouvant à tout, et n'arrivant à rien. «
Qu'est ceci? ce dit-il, cherchons ailleurs du bien.
La
Fortune pourtant habite ces demeures;
Je la vois tous les jours entrer chez celui-ci,

Chez celui-là : d'où vient qu'aussi
Je ne puis héberger cette capricieuse?
On me l'avoit bien dit, que des gens de ce lieu
L'on n'aime pas toujours l'humeur ambitieuse.
Adieu,
Messieurs de cour;
Messieurs de cour, adieu
Suivez jusques au bout une ombre qui vous flatte.
La
Fortune a, dit-on, des temples à
Surate :
Allons là. »
Ce fut un de dire et s'embarquer.
Ames de bronze, humains, celui-là fut sans doute
Armé de diamant, qui tenta cette route.
Et le premier osa l'abîme défier.

Celui-ci, pendant son voyage.

Tourna les yeux vers son village
Plus d'une fois, essuyant les dangers
Des pirates, des vents, du calme et des rochers,
Ministres de la
Mon : avec beaucoup de peines
On s'en va la chercher en des rives lointaines,
La trouvant assez tôt sans quitter la maison.
L'homme arrive au
Mogol : on lui dit qu'au
Japon
La
Fortune pour lors distribuoit ses grâces.



Il y court.
Les mers étoient lasses

De le porter; et tout le fruit

Qu'il tira de ses longs voyages,
Ce lut cette leçon que donnent les sauvages : «
Demeure en ton pays, par la nature instruit. »
Le
Japon ne fut pas plus heureux à cet homme

Que le
Mogol l'avoit été :

Ce qui lui fit conclure en somme
Qu'il avoit à grand tort son village quitté.

Il renonce aux courses ingrates,
Revient en son pays, voit de loin ses pénates,
Pleure de joie, et dit : «
Heureux qui vit chez soi,
De régler ses désirs faisant tout son emploi!

Il ne sait que par ouïr dire
Ce que c'est que la cour, la mer, et ton empire,
Fortune, qui nous fais passer devant les yeux
Des dignités, des biens, que jusqu'au bout du monde
On suit, sans que l'effet aux promesses réponde.
Désormais je ne bouge, et ferai cent lois mieux. »

En raisonnant de cette sorte.
Et contre la
Fortune ayant pris ce conseil,

Il la trouve assise à la porte
De son ami, plongé dans un profond sommeil.



Contact - Membres - Conditions d'utilisation

© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.

Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue

Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

mobile-img