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Aimé Césaire



Biographie de Aimé Césaire


Poésie / Poémes d'Aimé Césaire





Aimé Césaire est né à Basse Pointe en Martinique le 26 juin 1913. Son père était instituteur et sa mère couturière. Ils étaient 6 frères et soeurs.Son père disait de lui quand Aimé parle, la grammaire française sourit...



Après avoir obtenu son baccalauréat et le Prix de l'élève le plus méritant, il obtient une bourse et arrive à Paris en 1931 pour poursuivre ses études, qui le conduiront du lycée Louis-le-Grand à l'École normale supérieure. En 1934, il fonde la revue l'Etudiant noir avec Senghor, Damas, Sainville et Maugée.



En 1936 il commence à écrire. Père du mouvement de la négritude, il déposera sur un cahier d'écolier les mots de la colère, de la révolte et de la quête identitaire donnant ainsi naissance à son oeuvre poétique majeure, le Cahier d'un retour au pays natal, publié en 1939 date de son retour en Martinique. Il enseigne au lycée de Fort de France. En 1941, il fonde la revue Tropiques.



Il s'engage en politique dans les rangs du Parti communiste français qu'il quittera en 1956 pour fonder deux ans plus tard le Parti progressiste martiniquais (PPM). En 1945 il devient maire de Fort-de-France et député de la Martinique. Son Discours sur le colonialisme (1950) dira sous la forme du pamphlet toute son hostilité au colonialisme européen. La politique, la poésie mais aussi le théâtre. Césaire est, également, dramaturge. Sa pensée se trouve au carrefour de trois influences: la philosophie des Lumières, le panafricanisme et le marxisme.



Moi, Laminaire publié en 1982 et La poésie (Seuil ) en 1994 sont les derniers livres en date. En 1993, il met un terme à une longue carrière parlementaire. Il a été maire de Fort-de-France plus de cinquante ans. Aux dernières élections municipales en 2001 il a passé le flambeau à Serge Letchimi.


Les années déformation
(1911-1945)

Le roman familial
De la montagne à la savane 1913-1924

L'homme est pudique. Il est secret, voire même « sauvage », comme on dit ici. Lorsqu'on lui demande de parler des siens, de raconter son enfance, son père, sa mère, ses frères et sours, il se dérobe poliment puis répond avec douceur : « Voyez ma sour. Voyez Denise. C'est elle qui détient nos archives. » Les photos de famille, en effet, c'est souvent l'affaire des femmes. Ce sont elles qui les gardent jalousement. Et, de temps à autre, avec un plaisir non dissimulé, elles tournent une à une les pages du roman familial.
Denise Wiltor, née Césaire, se souvient. Mais, bien entendu, elle ne dira pas tout. On ne sait jamais tout. Nous sommes le 26 juin 1913. Il est huit heures du soir. Marie Félicité Éléonore met au monde son second enfant, un garçon. On l'appellera Aimé. C est Jernand, le père, qui choisit ce prénom. Aimé, parce qu'il admire Aimé Barthou, homme de lettres et publiciste dont il lit régulièrement les chroniques dans Conferencia, une revue publiée en trance à laquelle il est abonné et qui arrive par bateau, tous les trois mois environ. Fernand est heureux. C'est son second fils. Il dit ne pas vouloir de fille. Il est si heureux qu'il pose doucement, religieusement, un louis d'or sous la tète du nouveau-né et s'exclame : « Puisse-t-il un jour parler le français aussi bien qu'Aimé Barthou ! » Le prénom Aimé est courant à l'époque. La future épouse, Suzanne s'appelle, elle aussi, Aimée. Ce prénom plaisait beaucoup et pas seulement à la Martinique. Le romancier haïtien, Jacques Roumain, dans Gouverneurs de la rosée, nommera Bien-Aimé le père de Manuel.

BASSE-POINTE
OU L'ENFANCE REMUÉE
1913-1924

Sigmund Freud est né coiffé. A sa naissance, rapporte F.rnst Bloch, son biographe, une membrane lui recouvrait la tête, et ses cheveux étaient si noirs que sa mère l'appela le « petit négrillon ». A la Martinique, comme en Autriche, comme ailleurs, l'enfant qui naît coiffé est dit chanceux. On se plaît à penser qu'il aura un destin hors du commun et la protection des dieux. Aimé Césaire est né coiffé. « Rien de mal ne saurait lui arriver », se dit la jeune mère. Puis, conformément au rituel, clic demande qu'on enterre le placenta sous un arbre. Son vou est exaucé : la coiffe du nouveau-né est enfouie au pied d'un bananier de l'habitation. Quand les autres enfants seront grands, elle leur confiera le secret de la naissance d'Aimé. Comme pour expliquer l'inexplicable et lui trouver des excuses : voilà pourquoi il n'en fait qu'en sa tête. Et, bien plus tard, quand elle aura mille raisons de trembler pour lui, elle se raccrochera à cette croyance millénaire pour se persuader qu'il ne lui arrivera rien de mal.
Quand naît Aimé, Fernand Elphège Césaire, son père, a vingt-cinq ans. Il gagne sa vie comme économe, à Basse-Pointe, sur une habitation, propriété d'une famille probablement d'origine juive, les Eyma. En ce début de siècle, Basse-Pointe est une zone de grande plantation. La banane n'a pas encore remplacé la canne à sucre. Fernand Elphège a fière allure. Ses cheveux épais et soyeux, sa peau noire, il les tient, dit-on, de sa grand-mère paternelle, Man Yin, une authentique Caraïbe. Fernand n'est pas né à Basse-Pointe mais à Saint-Pierre, le 17 mai 1888. Sa mère, une jeune fille d'humble condition, Eugénie Macni, a vingt ans quand elle fait la connaissance de Nicolas Louis Fernand Césaire. Appelons-le Fernand premier. Eugénie ne sait lire ni écrire. Fernand premier lui apprendra. Ils ne se marient pas, mais auront deux enfants ensemble. Fernand et une fille, Constance. Fernand, le premier du nom, est d'une intelligence exceptionnelle. C'est un scholchériste de la première heure. Un homme en avance sur son temps. En 1883, il quitte la Martinique. Avec un certain monsieur Romanette, il sera le premier Martiniquais à suivre les cours de l'École normale des instituteurs de Saint-Cloud. Revenu de France, ses études achevées, il est nommé à Saint-Pierre. Il se marie à une jeune mulâtresse, Jeanne Henriette Marie. Fernand premier ne rompt pas pour autant ses relations avec Eugénie Macni. Décidé à assurer pleinement et entièrement l'instruction et l'éducation de son fils, il le recueille en son foyer conjugal. Son épouse Jeanne Henriette se prend instantanément d'affection pour l'enfant. Elle accepte de lui prodiguer tous les soins nécessaires. Le petit Fernand est promis à un bel avenir. Intelligent et travailleur comme son père, il est appelé à suivre le même chemin. Sans doute ira-t-il même plus loin, il fera du latin, il suivra les cours de l'Ecole normale supérieure... Mais hélas, Fernand premier meurt prématurément, le 10 mai 1896, à l'âge de vingt-huit ans. Il était alors directeur de l'école de Saint-Pierre, rue de PEquerre. Sa veuve Jeanne Henriette ayant peu de ressources, l'enfant, âgé de huit ans, doit regagner le toit maternel. Eugénie Macni, qui vit dans le dénuement d'une petite case, n'aura pas les moyens d'assurer à son fils une longue scolarité. Après l'obtention du brevet élémentaire, Fernand second quitte l'école. Il épousera Éléonore, une )eune fille au teint clair, comme Jeanne Henriette, sa belle-mère.
Marie Félicité Eléonore est née au Lorrain, commune située au nord de Basse-Pointe. Elle était fille d'une dame Chalonec née Hermine. Venue au monde quatre ans après le veuvage de sa mère, eléonore a eu pour patronyme Hermine. Son père naturel, un monsieur Lapierre, natif de Sainte-Marie, était noir de peau. Parvenue à l'âge scolaire, elle est inscrite au cours préparatoire du Lorrain. Quoique intelligente et appliquée, elle devra quitter l'école après le certificat d'études. Mariée à Fernand, Eléonore est une épouse dévouée, une mère attentive. Fernand l'appelle affectueusement Eléonore d'Aquitaine. Contrairement à lui, elle est peu expansive, peu démonstrative. Elle n'embrasse pas, ne cajole pas. Quand un enfant est malade, elle lui touche le front pour évaluer le degré de fièvre et se dépêche de lui faire une infusion. Son souci est d'être efficace, de résoudre au mieux les difficultés du ménage. Tant qu'ils vivront à Basse-Pointe elle pourra s'occuper à plein temps de sa famille, sans exercer sa profession de couturière. Tous les deux ans environ, elle met au monde un enfant. Orner naît en 1911, Aimé en 1913, Mireille, la première fille, en 1915, puis Georges en 1917, Denise en 1919 et Arsène en 1923. Chez les Césaire, ce n'est pas la misère totale. Ce n'est pas la richesse non plus. Pour améliorer sa situation matérielle relativement précaire, Fernand second n'hésite pas à préparer des concours et des examens. L'année qui suit la naissance d'Aimé, il passe un examen pour être instituteur. Puis il apprend que, en entrant dans les contributions indirectes, il peut gagner trois francs de plus, ce qui n'était pas rien à l'époque. Il embrasse cette carrière qu'il quittera avec le grade d'inspecteur. Comme son père, Fernand sait l'importance de la maîtrise de la langue française pour s'élever au-dessus de la misère, de la malédiction nègre. Il le sait d'autant que, par son métier d'économe, il navigue quotidiennement entre deux mondes : d'un côté les maîtres, Békés propriétaires des terres à canne, de l'autre côté, les ouvriers agricoles, Nègres descendants d'esclaves africains ou immigrés d'ascendance indienne.

Pour joindre le précepte à l'exemple, Fernand second réveille ses enfants à 6 heures chaque matin, et les fait travailler jusqu'à 7 heures 45 en calcul et en français. Puis il se prépare à rejoindre son bureau. Il vérifie les exercices faits à la maison. Il leur fait lecture chaque jour de morceaux choisis de Voltaire, de Hugo, de Bossuet. Tout comme ce père qu'il aimait, qu'il admirait et dont il parle souvent, Fernand est un Nègre révolté. En politique il a fait son choix : il soutient le socialiste Lagrosillière, du moins tant que les actions de ce dernier lui paraîtront servir la cause des humbles. Sa fierté de race égale celle du scholehériste convaincu qu'était Fernand premier. Pour les enfants Césaire, Fernand est un Nègre de haut rang, avec un sens très aigu de la justice. Son fils Georges dira de lui : « Mon père avait le mépris de l'argent et des gens en place. Il était à la fois tendre et mélancolique'. » Aimé écrira dans son Cahier : « Mon père fantasque grignoté d'une seule misère, je n'ai jamais su laquelle, qu'une imprévisible sorcellerie assoupit en mélancolique tendresse ou exalte en hautes flammes de colère. »

Eléonore et Fernand vivent un grand malheur : la mort d'un enfant. Il s'appelait Fernand, lui aussi, comme son père, comme son grand-père. Sa vie fut brève. Il est mort à l'âge de deux ans. Petit Fernand, « un enfant tellement intelligent, tellement méchant ». C'est ainsi qu'Eléonore, la mère, parle de son avant-dernier fils. Quand elle dit « méchant », il faut entendre brigand, intrépide. Un enfant turbulent en diable qu'on ne pouvait pas raisonner. Elle ajoute aussi qu'il était le seul à avoir pris sa couleur de peau. Un vrai petit « chabin rouge ». Aux aînés qui l'ont à peine connu, aux autres, comme Aimé, qui ne se souviennent pas, elle dit le chagrin cause par la disparition de l'enfant. Fernand est resté lui aussi inconsolable. Le malheur est arrivé un jour, bêtement, après une promenade au bord de mer. Tl faisait très chaud. La petite servante avait emmené les enfants se baigner à Marie-Jeanne, la plage du bourg de Basse-Pointe. Petit Fernand qui adorait l'eau s'en était donné à cour joie. De retour à la maison, il était trempé de sueur. Le soir il tremblait de fièvre. Une broncho-pneumonie l'emportait le deuxième jour. Pour maintenir vivant le souvenir du manquant, Eléonore raconte à ses enfants les quatre cents coups 'lu petit Fernand. Un épisode l'a impressionnée. Un jour, on ne sait trop comment, ayant réussi à grimper sur le garde-manger et à s installer sur une étagère, il s'est amusé à jeter une à une les assiettes qui s'y trouvaient empilées. Impossible de l'arrêter. « Il était beau, il^était intelligent, cet enfant-là, et tellement méchant... » Eléonore ne dit pas combien elle l'a aimé, l'enfant qui lui ressemblait tant, lui qui manque à l'appel, le petit diablotin qui n'a fait que passer.
L'enfance d'Aimé porte un autre nom : Maman Nini, la grand-mère. S'il sort de sa réserve, pour évoquer Basse-Pointe, c'est pour parler d'elle, la petite Africaine. Eugénie Macni, affectueusement surnommée Maman Nini, est une figure centrale dans la vie des enfants de Fernand et d'Eléonore et plus particulièrement dans celle d'Aimé. Lorsqu'on l'interroge sur son désir si lointain d'Afrique, c'est à elle qu'il pense. « C'était une femme qui visiblement venait d'Afrique... Elle avait un type africain extrêmement net, précis. Et je ne crois pas qu'il y a à se tromper là-dessus. » « C'était une femme qui avait relativement peu d'instruction mais qui, sachant lire et écrire, exerçait une très grande influence morale. On venait la consulter pour tout. C'était une espèce de directrice de conscience. C'est elle qui a appris à lire à tous ses petits-enfants. C'était une grande autorité2. » Denise Césairc confirme. Un jour à Dakar, ville où elle exerçait la fonction de magistrat, elle voit une petite femme aux cheveux tirés en arrière entrer dans son bureau. «J'ai cru voir Maman Nini. » C'était une Diolla. Elle venait de la Casamance. Elle était native de Ziguinhor, cette ville d'où partaient les esclaves et surnommée pour cette raison la Ville-où-l'on-pleure. « Maman Nini, c'était à coup sûr une Diolla. Elle était venue de là, de la VHlc-où-1'on-pleure. »
Eugénie Macni est née au Lorrain en 1868, c'est-à-dire vingt ans seulement après l'abolition de l'esclavage. Elle n'était jamais allée à l'école. Mais son désir de savoir était si grand qu'elle apprit très vite grâce à Fernand Césaire, instituteur de son état. La grande joie de Maman Nini était d'enseigner à son tour, d'être la première institutrice de ses petits-enfants. Aimé, ses frères et sours passaient chaque année les vacances à Basse-Pointe, à la campagne, chez un oncle, sur les hauteurs du bourg. La journée du dimanche était réservée à Maman Nini. Elle tenait une petite boutique en face de l'église. Sur le rebord de sa fenêtre, elle exposait, sur un tray, les fruits et légumes que lui fournissaient régulièrement ses frères cultivateurs. On venait aussi chez elle pour acheter Située à proximité de l'édise, la demeure de Maman Nini s'animait. Les enfants assistaient au défilé incessant des personnes de sa connaissance, qui arrivaient pieds nus de leur campagne lointaine, les chaussures à la main. Elles en ressortaient quelques instants après, chaussées et vêtues de leurs beaux habits du dimanche. Enfin prêtes, elles pouvaient entrer dans l'église. Maman Nini était une grande figure morale, répète Denise. 11 lui arrivait même de faire office d'écrivain public. Elle était entourée du respect de tous. Jusqu'à la fin de sa vie - elle mourra en 1942 -, Maman Nini fera un usage des plus corrects de la langue française. Un peu avant de mourir elle écrivait : « J'espère que les Allemands ne gagneront pas la guerre, parce que, s'ils gagnent la guerre, c'est la fin du peuple noir. »
Petit-fils de Fernand et d'Eugénie, Aimé Césaire est l'héritier d'une double tradition familiale de résistance. « La Martinique est un pays montagneux et en même temps de feu... de feu à cause du soleil qui joue un très grand rôle dans ma poésie, mais aussi du volcan... Car c'est précisément le volcan qui fait la liaison entre le feu et la terre, entre le feu et la montagne, le volcan n'étant que la montagne de feu, la montagne du feu3. » Il est au point d'aboutissement d'une lignée paternelle - par Fernand Césaire, son grand-père - et d'une lignée maternelle - par Eugénie Macni, sa grand-mère - qui lui ont transmis la mémoire des luttes qu'ont menées les esclaves africains pour conquérir leur liberté. « (Deux) traditions familiales m'ont influencé, dit Aimé Césaire. Par exemple, une tradition de lutte politique ; il y en a une autre de lutte raciale4. » Héritier de cette mémoire, il s'est donné pour tâche de la transmettre à son tour. « Mon rôle est de me souvenir'. » Poète lyrique, il transfigure cette généalogie historique en une généalogie mythique. L'histoire familiale se change en épopée raciale. L'enfant romanesque s'invente un ancêtre héroïque6. « Je n'ai jamais su de quel coin d'Afrique mon aïeul venait. Il avait été libéré et avait pris part à une insurrection dans le nord de la Martinique et avait été condamné à mort sous LouisPhilippe. Je sais que Benjamin Constant a pris la parole à la Chambre sur l'affaire Césaire'. »

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Aimé Césaire
(1913 - 2008)
 
  Aimé Césaire - Portrait  
 
Portrait de Aimé Césaire

Biographie

Aimé Césaire est né à Basse Pointe en Martinique le 26 juin 1913. Son père était instituteur et sa mère couturière. Ils étaient 6 frères et soeurs.Son père disait de lui quand Aimé parle, la grammaire française sourit...

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