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Pierre Corneille



Le cid - Poéme


Poéme / Poémes d'Pierre Corneille





CHIMÈNE

Elvire, où sommes-nous, et qu'est-ce que je voi?
Rodrigue en ma maison !
Rodrigue devant moi !

DON
RODRIGUE

N'épargnez point mon sang : goûtez sans résistance
La douceur de ma perte et de votre vengeance.

CHIMÈNE

Hélas!

DON
RODRIGUE

Écoute-moi.

CHIMÈNE

Je me meurs.

DON
RODRIGUE

Un moment.

CHIMÈNE

Va, laisse-moi mourir.

DON
RODRIGUE

Quatre mots seulement :
Après, ne me réponds qn'avecque cène épée.

CHIMÈNE

Quoi ! du sang de mon père encor toute trempée !

DON
RODRIGUE

Ma
Chimène...

CHIMÈNE

Ote-moi cet objet odieux,
Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux.

DON
RODRIGUE

Regarde-le plutôt pour exciter ta haine,
Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine.

CHIMÈNE

Il est teint de mon sang.

DON
RODRIGUE

Plonge-le dans le mien
Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien.

CHIMÈNE

Ah! quelle cruauté, qui tout en un jour tue
Le père par le fer, la fille par la vue !
Ote-moi cet objet, je ne le puis souffrir :
Tu veux que je t'écoute, et tu me fais mourir!

DON
RODRIGUE

Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l'envie

De finir par tes mains ma déplorable vie;

Car enfin n'attends pas de mon affection

Un lâche repentir d'une bonne action.

L'irréparable effet d'une chaleur trop prompte

Déshonorait mon père, et me couvrait de honte.

Tu sais comme un soufflet touche un homme de cour;

J'avais part à l'affront, j'en ai cherché l'auteur :

Je l'ai vu, j'ai vengé mon honneur et mon père;

Je le ferais encor, si j'avais à le faire.

Ce n'est pas qu'en effet contre mon père et moi,



Ma flamme assez longtemps n'ait combattu pour toi;

Juge de son pouvoir : dans une telle offense,

J'ai pu délibérer si j'en prendrais vengeance.

Réduit à te déplaire, ou souffrir un affront,

J'ai pensé qu'à son tour mon bras était trop prompt;

Je me suis accusé de trop de violence;

Et ta beauté sans doute emportait la balance,

A moins que d'opposer à tes plus forts appas

Qu'un homme sans honneur ne te méritait pas;

Que malgré cette part que j'avais en ton âme,

Qui m'aima généreux me haïrait infâme;

Qu'écouter ton amour, obéir à sa voix,

C'était m'en rendre indigne et diffamer ton choix.

Je te le dis encore; et, quoique j'en soupire,

Jusqu'au dernier soupir je veux bien le redire :

Je t'ai fait une offense, et j'ai dû m'y porter

Pour effacer ma honte, et pour te mériter; [père,

Mais, quitte envers l'honneur, et quitte envers mon

C'est maintenant à toi que je viens satisfaire :

C'est pour t'offrir mon sang qu'en ce lieu tu me vois.

J'ai fait ce que j'ai dû, je fais ce que je dois.

Je sais qu'un père mort t'arme contre mon crime;

Je ne t'ai pas voulu dérober ta victime :

Immole avec courage au sang qu'il a perdu

Celui qui met sa gloire à l'avoir répandu.

CHTMÈNE

Ah!
Rodrigue, il est vrai, quoique ton ennemie,
Je ne puis te blâmer d'avoir fui l'infamie ;
Et de quelque façon qu'éclatent mes douleurs,
Je ne t'accuse point, je pleure mes malheurs.
Je sais ce que l'honneur, après un tel outrage,
Demandait à l'ardeur d'un généreux courage :
Tu n'as fait le devoir que d'un homme de bien ;
Mais aussi, le faisant, tu m'as appris le mien.
Ta funeste valeur m'instruit par ta victoire ;



Elle a vengé ton père et soutenu ta gloire :

Même soin me regarde, et j'ai, pour m'affliger,

Ma gloire à soutenir, et mon père à venger.

Hélas ! ton intérêt ici me désespère :

Si quelque autre malheur m'avait ravi mon père,

Mon âme aurait trouvé dans le bien de te voir

L'unique allégement qu'elle eût pu recevoir;

Et contre ma douleur j'aurais senti des charmes,

Quand une main si chère eût essuyé mes larmes.

Mais il me faut te perdre après l'avoir perdu;

Cet effort sur ma flamme à mon honneur est dû;

Et cet affreux devoir, dont l'ordre m'assassine,

Me force à travailler moi-même à ta ruine.

Car enfin n'attends pas de mon affection

De lâches sentiments pour ta punition.

De quoi qu'en ta faveur notre amour m'entretienne,

Ma générosité doit répondre à la tienne :

Tu t'es, en m'offensant, montré digne de moi ;

Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi.

DON
RODRIGUE

Ne diffère donc plus ce que l'honneur t'ordonne :

Il demande ma tête, et je te l'abandonne;

Fais-en un sacrifice à ce noble intérêt :

Le coup m'en sera doux, aussi bien que l'arrêt.

Attendre après mon crime une lente justice,

C'est reculer ta gloire autant que mon supplice.

Je mourrai trop heureux, mourant d'un coup si beau.

CHTMÈNE

Va, je suis ta partie, et non pas ton bourreau.
Si tu m'offres ta tête, est-ce à moi de la prendre?
Je la dois attaquer, mais tu dois la défendre;
C'est d'un autre que toi qu'il me faut l'obtenir,
Et je dois te poursuivre, et non pas te punir.



DON
RODRIGUE

De quoi qu'en ma faveur notre amour t'entretienne,

Ta générosité doit répondre à la mienne;

Et pour venger un père emprunter d'autres bras,

Ma
Chimène, crois-moi, c'est n'y répondre pas :

Ma main seule du mien a su venger l'offense,

Ta main seule du tien doit prendre la vengeance.

CHIMÈNE

Cruel! à quel propos sur ce point t'obstiner?
Tu t'es vengé sans aide, et tu m'en veux donner!
Je suivrai ton exemple, et j'ai trop de courage
Pour souffrir qu'avec toi ma gloire se partage.
Mon père et mon honneur ne veulent rien devoir
Aux traits de ton amour ni de ton désespoir.

DON
RODRIGUE

Rigoureux point d'honneur ! hélas ! quoi que je fasse,
Ne pourrai-je à la fin obtenir cette grâce?
Au nom d'un père mort, ou de notre amitié,
Punis-moi par vengeance, ou du moins par pitié.
Ton malheureux amant aura bien moins de peine
A mourir par ta main qu'à vivre avec ta haine.

CHIMÈNE

Va, je ne te hais point.

DON
RODRIGUE

Tu le dois.

CHIMÈNE

Je ne puis.

DON
RODRIGUE

Crains-tu si peu le blâme, et si peu les faux bruits ?
Quand on saura mon crime, et que ta flamme dure,



Que ne publieront point l'envie et l'imposture!
Force-les au silence, et sans plus discourir,
Sauve ta renommée en me faisant mourir.

CHIMÈNE

Elle éclate bien mieux en te laissant la vie;
Et je veux que la voix de la plus noire envie
Elève au ciel ma gloire et plaigne mes ennuis,
Sachant que je t'adore et que je te poursuis.
Va-t'en, ne montre plus à ma douleur extrême
Ce qu'il faut que je perde, encore que je l'aime.
Dans l'ombre de la nuit cache bien ton départ :
Si l'on te voit sortir, mon honneur court hasard.
La seule occasion qu'aura la médisance,
C'est de savoir qu'ici j'ai souffert ta présence :
Ne lui donne point lieu d'attaquer ma vertu.

DON
RODRIGUE

Que je meure!

CHIMÈNE

Va-t'en.

DON
RODRIGUE

A quoi te résous-tu?

CHIMÈNE

algré des feux si beaux, qui troublent ma colère, e ferai mon possible à bien venger mon père ; "ais malgré la rigueur d'un si cruel devoir, on unique souhait est de ne rien pouvoir.

DON
RODRIGUE

O miracle d'amour!



CHIMÈNE

O comble de misères!

DON
RODRIGUE

Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères!

CHIMÈNE

Rodrigue, qui l'eût cru?

.
DON
RODRIGUE

Chimène, qui l'eût dit ?

CHIMÈNE

Que notre heur fût si proche et sitôt se perdît?

DON
RODRIGUE

Et que si près du port, contre toute apparence,
Un orage si prompt brisât notre espérance?

CHIMÈNE

Ah! mortelles douleurs!

DON
RODRIGUE

Ah! regrets superflus!

CHIMÈNE

Va-t'en, encore un coup, je ne t'écoute plus.

OON
RODRIGUE

Adieu : je vais traîner une mourante vie,
Tant que par ta poursuite elle me soit ravie.

CHIMÈNE

Si j'en obtiens l'effet, je t'engage ma foi
De ne respirer pas un moment après toi.
Adieu : sors, et surtout garde bien qu'on te voie.


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Pierre Corneille
(1606 - 1684)
 
  Pierre Corneille - Portrait  
 
Portrait de Pierre Corneille

Biographie / Ouvres

Le berceau de la famille Corneille est situé à Conches-en-Ouche où les Corneille sont agriculteurs et marchands tanneurs.

Le plus lointain ancêtre retrouvé est Robert Corneille, arrière-grand-père du dramaturge, qui possède un atelier de tannerie établi en 1541.

Chronologie

Pierre Corneille naquit à Rouen le 6 juin 1606.

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