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François-Marie Arouet Voltaire



La vie de voltaire de François-Marie Arouet Voltaire


Poésie / Poémes d'François-Marie Arouet Voltaire





Voltaire a su construire sa vie comme une légende. Les coups d'éclat, les humiliations, les honneurs ont été transformés presque instantanément en romans, et ses aventures personnelles sont représentatives d'une époque ou d'un siècle. De 1718 à 1778, il occupe sans cesse le devant de la scène, ne cessant d'intervenir de façon frénétique dans tous les domaines. La boulimie de Voltaire, en même temps que son goût marqué pour la provocation, sont les caractéristiques essentielles de sa personnalité. Porte-parole, animateur et agitateur à la fois, Voltaire est un contre-pouvoir à lui seul. De fait, jamais écrivain n'aura autant lutté pour la défense de la libre expression, au prix parfois de risques bien réels : «Jefinirai par renoncer à mon pays ou à la passion de penser tout haut », écrit-il dans sa jeunesse. L'exil fut une conséquence inéluctable : deux années en Angleterre, deux années en Prusse, dix années aux portes de la capitale, vingt années passées à la frontière de la Suisse.

D'Arouet à Voltaire (1694-1726)

François-Marie Arouet naît un dimanche, à Paris, le 21 novembre 1694. Bien des années plus tard, devant ses nièces ébahies, Voltaire se revendiquera bâtard d'un « gentilhomme poète et militaire», M. de Rochebrune, déclarant tout de go que le brave Arouet, notaire de son état, n'est que son père putatif. Le milieu familial du jeune homme est cossu et austère. Seul son parrain, l'abbé de Châteauneuf, est d'un humour irrésistible. Fasciné par la précocité de l'enfant, cet abbé libertin lui fait lire Racine et La Fontaine, mais aussi les « livres interdits » qui circulent dans la capitale. Il lui présentera la fameuse courtisane Ninon de Lenclos, alors âgée de quatre-vingt-huit ans, que Voltaire jugera « sèche comme une momie ».
En 1701, alors que « zozo » n'a que sept ans, sa mère disparaît. Il reçoit alors une éducation soignée chez les jésuites du collège Louis-le-Grand. Il y fait « du latin à outrance », se familiarise avec les auteurs classiques, s'initie au théâtre et à la poésie. Le collège lui fait aussi connaître de grands aristocrates, dont certains seront plus tard ses protecteurs : les frères d'Argenson, futurs ministres de Louis XV, le comte d'Argental... Cet élève brillant ne sera ni révérend père ni robin. « Dévoré de la soif de célébrité » selon son confesseur, le jeune Arouet fait des vers et les bons pères font imprimer en 1710 son Ode à sainte Geneviève. A la fin de son année de philosophie, il signifie à son père qu'il veut être homme de lettres. Il doit s inscrire à Barreau, mais cela ne l'empêche pas de fréquenter la société libertine du Temple. Pour l'assagir, on l'envoie en 1713 à La Haye, comme secrétaire privé du marquis de Châteauneuf, ambassadeur du roi en Hollande. Mais le rebelle, en fait de sagesse, trouve une jolie compagne : il l'enlève et le scandale éclate. Le coupable est renvoyé en France où il est menacé d'une lettre de cachet obtenue par son père, puis d'une déportation aux « Isles ». Pardonné en 1714, il entre dans l'étude de maître Alain, procureur au Châte-let. C'est là qu'il rencontre Thiriot qui sera son indéfectible ami et son agent littéraire. Mais Voltaire s'ennuie dans l'étude et demande sa liberté. Fatigué de ce fils indomptable, Arouet père le confie au marquis de Cau-martin. Au château de Saint-Ange, le jeune homme fait des vers, tandis qu'il goûte le velours et la soie.
En 1715, Louis XIV meurt. Commence l'aimable Régence, et Voltaire est reçu à la cour de Sceaux, chez la duchesse du Maine, où il donne des contes en vers et des divertissements de salon. Sa veine satirique se révèle dans un poème dirigé contre La Motte, puis un autre contre le Régent, qui se fâche et l'exile à Sully-sur-Loire en mai 1716. Un an plus tard, Voltaire récidive - son esprit caustique le conduit cette lois à la Bastille. Il en son le 10 avril 1718. Mais il n'a pas perdu son temps. Du fond de son cachot, il s'est trouvé un nom et une signature : AROVET Le leune devient, par anagramme, VOLTAIRE. II a également conçu le projet d'une grande épopée, La Ligue (1723), qui deviendra La Henriade(728).
Sa carrière d'homme de lettres est désormais lancée. Il lui manque la consécration, qui ne tarde pas à venir : c'est la représentation, par la Comédie-Française, de sa première tragédie (Odipe, 1718) qui lui apporte la reconnaissance officielle et le succès. Le public applaudit ce fameux distique :

« Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense. Notre crédulité fait toute leur science. » (IV, 1.)

Avec Odipe, Voltaire s'est imposé comme auteur dramatique. Il deviendra même le plus important poète de son temps aux yeux de ses contemporains, un nouveau Racine. Cette brillante destinée manque pourtant de tourner court un jour de 1723. Lors d'une épidémie de variole, Voltaire est à l'article de la mort mais il en réchappera. En 1725, il participe aux cérémonies officielles du mariage de Louis XV. Son statut de poète de cour lui vaut une pension de la reine, qui vient s'ajouter à une ancienne pension du Régent. C'est alors que survient une crise imprévue.

Les vertus de l'exil (1726-1755)

Le séjour anglais (1726-1728)
Janvier 1726, chez le duc de Sully. Voltaire parle fort, amuse et brille. Le chevalier de Rohan-Chabot, piètre rejeton d'une illustre famille, l'interpelle d'un ton railleur : « Mons de Voltaire, Morts Arouet, comment vous appelez-vous ? >> Voltaire, qui n a pas la langue dans sa poche, réplique immédiatement : «Je ne suis pas comme ceux qui déshonorent le nom qu'ils ont reçu ; j'immortalise celui que j'ai pris. » Le chevalier lève sa canne puis se ravise et sort. Trois jours plus tard, trois ou quatre gaillards bastonnent Voltaire à tour de bras. Le poète avait cru faire parler le mérite. Mais sous l'Ancien Régime, c'est encore la naissance qui prime, et Voltaire l'apprend à ses dépens. L'homme est pourtant incorrigible, qui ne l'entend pas ainsi et provoque le chevalier en duel. Cette fois c'est trop. On l'arrête et on le conduit à la Bastille. Il en sort au bout de quelques jours avec ordre de s'exiler loin de Paris.

Le 10 mai 1726, Voltaire s'embarque à Calais pour l'Angleterre, où il séjournera jusqu'à l'automne 1728. Rivale de la France depuis toujours, l'Angleterre avait pris une sensible avance en politique, en commerce et en philosophie. L'établissement d'une monarchie constitutionnelle, admettant la tolérance religieuse et une certaine liberté de pensée, permettait aux progrès des Lumières de se développer. Dans cette « île de la Raison », Voltaire fréquente les meilleurs esprits et prend ses notes. Le projet d'écrire des « lettres anglaises » fait son chemin. Mais ce n'est que six ans après son retour en France, en 1734, qu'il publie les Lettres philosophiques. Avec cette ouvre, la carrière de Voltaire prend un tournant important, et le poète léger s'est désormais mué en philosophe audacieux.

Chez madame du Châtelet (1734-1744)

Dès son retout en France, Voltaire se remet au travail. Il commence une Histoire de Charles XII (achevée en 1730), ainsi qu'une tragédie, Brutus, et grossit son paquet de lettres anglaises. En mars 1730 disparaît son actrice fétiche, Adrienne Lecouvreur. Son corps est jeté à la voirie, comme celui de tous les comédiens qui refusent de se rétracter à leur mort. Voltaire est scandalisé ; il publie un vibrant poème, Y Ode sur la mort de Mlle Lecouvreur.
L'Angleterre avait été l'occasion de se familiariser avec Newton. La rencontre de Voltaire avec la belle - mais savante - Emilie du Châtelet va lui permettre de perfectionner ses connaissances en physique, tout en goûtant le bonheur d'une amitié durable et réciproque. Les Lettres philosophiques viennent de paraître. Le Parlement de Paris condamne l'ouvrage à être brûlé et lacéré. Voltaire doit échapper aux poursuites, et se réfugie au château de Cirey, propriété de madame du Châtelet en Lorraine. 11 y restera dix ans. Cirey fut pour Voltaire une retraite studieuse. Dans ce laboratoire d'idées, il écrit comme on cause, avec le même entrain, avec la même vivacité : de la métaphysique {Traitéde métaphysique, 1735), des satires ou des contes {Zadig, 1748), des poèmes (dont le fameux Mondain, 1736) ; des comédies et de nouvelles tragédies (cinq de 1735 à 1748, dont Méropeez Mahomet).

Dans ce paradis de l'intelligence et du cour, Voltaire doit encore subir les affronts de la femme qu'il aime, même s'il pardonne à la volage Emilie qui le fait plusieurs fois cocu. La dernière fois, ce sera avec un médiocre poète du nom de Saint-Lambert. En septembre 1749, Emilie du Châtelet meurt, après avoir accouché d'une petite fille qui ne lui survivra pas. Femme sensible et supérieurement intelligente, madame du Châtelet a occupé quinze ans de la vie de Voltaire. Accablé d'un profond chagrin, celui-ci revient pour un temps à Paris.

Le séjour prussien (1750-1753)

Mal en cour auprès du pouvoir royal, malgré son titre d'historiographe de France, Voltaire se venge en s'atti-rant les faveurs d'un autre puissant monarque. Depuis 1740, en effet, le jeune Frédéric II de Prusse multiplie ses invites. A la fin de juin 1750, Voltaire fait ses adieux et part pour Berlin. A la cour du « roi philosophe » arrive le « philosophe roi ». Il reçoit la clef de chambellan et la croix de l'ordre du Mérite. Mais assez vite, les relations entre le monarque rimailleur et le poète railleur deviennent orageuses. Certes, Voltaire triomphe aux soupers, corrige les vers du roi, écrit en liberté : il achève et publie Le Siècle de Louis XIV, et découvre les vertus du dialogue philosophique {Dialogue entre Marc-Aurèle et un récollet. Dialogue entre un brachmane et un jésuite). Mais le séjour à Potsdam et la cohabitation avec ce roi carnassier deviennent assez vite pesants. Voltaire se brouille avec Frédéric pour affaires (procès Hirschell), puis se réconcilie, et se brouille à nouveau presque définitivement.
A la fin de 1752, le drame éclate. Maupertuis, président de l'Académie de Berlin, prétend avoir découvert un des secrets de l'univers avec son principe de moindre action. Mais voilà qu'un membre associé de l'Académie, Kônig, affirme que cette loi a déjà été formulée par Leibniz dans une lettre dont il ne réussit pas à produire l'original. Kônig, condamné pour faussaire, est défendu par Voltaire qui accumule les rancours contre Maupertuis. La réputation de l'Académie de Berlin étant en jeu, le roi Frédéric II se met de la partie. C'est alors que Voltaire fait circuler une Diatribe du Docteur Akakia, qui ridiculise des rêveries scientifiques que Maupertuis avait eu la faiblesse de publier. C'est la guerre. Frédéric, fou de rage, fait saisir Y Akakia, et Voltaire décide de quitter Berlin. En route, il lance une nouvelle ruade contre le pauvre Maupertuis déjà terrassé. Le 31 mai 1753, alors qu'il compte passer la nuit à Francfort, ville libre, Voltaire est arrêté et soumis aux brutalités des fonctionnaires prussiens. Officiellement, Frédéric veut récupérer un livre de poésie qu'il avait confié à Voltaire, mais le projet ne fut peut-être que de l'humilier. En tout cas, Voltaire reste prisonnier à Francfort jusqu'au 7 juillet, date à laquelle le fameux livre est retrouvé.
L'idylle avec Frédéric est apparemment terminée. En réalité, la correspondance entre ces deux grandes figures du siècle reprendra quelques années plus tard, à l'âge de la maturité et du déclin des passions. Pour l'heure, la situation de Voltaire est une nouvelle fois bien précaire. Que faire et où aller ? Voltaire arrive à Strasbourg où il attend en vain un signe de la France pour continuer sur Paris. Installé à Colmar, il reçoit du roi l'interdiction de s'approcher de Paris à cause du scandale causé par une édition pirate de son Abrégé de l'Histoire Universelle. Aux côtés de sa nièce, Mme Denis, qui est aussi sa maîtresse depuis 1744, Voltaire prend alors la route de Genève où il arrive le 12 décembre 1754.

Le seigneur de Ferney (1755-1778)

Voltaire aux Délices (1755-1760)
Voltaire était entré dans la jeunesse sous les coups du chevalier de Rohan, il entra dans la vieillesse sous ceux de Frédéric. Restait à trouver le havre où panser ses blessures et instruire les hommes des injustices du monde. Mais n'allons pas imaginer l'homme usé, renonçant à ses foucades dans un mutisme boudeur. Voltaire est simple-ment las de cette errance de cour en cour. A soixante ans, il possède l'argent et la renommée : il était temps qu'il devînt son propre maître.

En mars 1755, Voltaire s'installe avec Mme Denis aux Délices, près de Genève, et loue une propriété à Lausanne. Les calvinistes voient d'un mauvais oil l'installation de ce pamphlétaire redouté, dont la première préoccupation est de faire construire un théâtre dans sa propriété et de convier les citoyens de Genève à jouer la comédie. Cette retraite fut pourtant vite troublée. Le 1 novembre 1755 la terre tremble à Lisbonne, faisant près de 30 000 morts. Aux décombres du séisme s'ajoutent les pillages et les incendies. La nouvelle parvient le 24 aux Délices et l'on parle de 100 000 victimes. Voltaire est bouleversé. Il se met au travail et achève trois mois plus tard son Poème sur le désastre de Lisbonne. Avant d'être un chapitre de Candide, le tremblement de terre aura été l'occasion d'une formidable prise de conscience. Comment concilier la catastrophe avec les desseins de la Providence divine, comment allier l'infinie bonté du Créateur et l'existence du mal ? L'élégance impeccable du vers a bien du mal à contenir l'émotion et la révolte contre le « tout est bien » de Pope et des optimistes leib-niziens. Par ce poème et les réactions qu'il suscite, Voltaire réussit à faire du tremblement de terre de Lisbonne un événement intellectuel. Les théologiens ont beau avoir leur réponse toute prête, la question du mal physique ou moral travaille les philosophes et sape une idée neuve en Europe, le bonheur.
Comme un mal ne vient jamais seul, le 18 mai 1756 commence la guerre de Sept Ans. De son poste genevois, Voltaire observe les hostilités et les renversemenrs d'alliance. On ignore encore que cette guerre se terminera sur un désastre français. Toute l'année 1756 est consacrée aux articles de l'Encyclopédie que d'Alembert lui avait commandés. L'article « Genève » du savant va bientôt faire scandale, et on accusera Voltaire de l'avoir inspiré. A Paris la campagne anti-philosophique se déchaîne. L'attentat de Damiens contre Louis XV le 5 janvier 1757 ne fait rien pour calmer les esprits. Deux ans plus tard, alors que Voltaire aménage Ferney, sa nouvelle demeure en territoire français, le Parlement condamne au feu VEncyclopédie.
L'hiver 1757 est occupé par la rédaction de Candide. Voltaire quitte les Délices le 30 juin 1758 pour un dernier voyage. Il rend visite à l'Electeur Palatin et séjourne à Schwetzingen où il fait ses premières lectures de Candide. Sur le chemin du retour, il s'arrête à Strasbourg, espérant obtenir par l'entremise du cardinal de Bernis, devenu ministre, la permission de revenir à Paris. Espoir déçu. Voltaire comprend que son exil est définitif II va acquérir les domaines de Ferney et de Tourney à la frontière franco-suisse, et cette position stratégique lui permettra de donner libre cours à son insolence naturelle. Ferney va bientôt constituer le pôle d'attraction de l'Europe éclairée.

Le patriarche de Ferney (I 760-1772)

Sur le nouveau domaine de Ferney, Voltaire fait raser la vieille ruine gothique qui cachait le paysage, et rebâtit à la place un château simple aux lignes pures dont il a dessiné lui-même les plans. Il fait aussi construire pour ses paysans une petite église avec, sur le porche, une dédicace déiste : Deo erexit Voltaire. S'indignant toujours des injustices, il recueille dans son château la petite-nièce du grand Corneille, qui vit dans la misère et à laquelle le roi vient de refuser une rente. Il entreprend une édition commentée des Ouvres de Corneille pour servir de dot à la jeune fille. Entre-temps, Voltaire a pris au sérieux ses fonctions de seigneur de Ferney. Entre une campagne d'épi-grammes contre les anti-philosophes, des dialogues philosophiques et une pièce de théâtre, il bataille contre les jésuites d'Ornex, l'évêque d'Annecy et le curé de Moens qui a battu un de ses paroissiens. Il veut encore libérer le canton de Gex du monopole du sel. La guérilla est sur tous les fronts. Mais de malheureux événements vont lui permettre d'acquérir une nouvelle stature de justicier.
Le 17 septembre 1761, on arrête près de Montauban un pasteur protestant, Rochette, et trois frères gentil-hommes qui voulaient le délivrer. Condamné à mort pour exercice du culte interdit, Rochette est pendu et les frères décapités. Voltaire, à qui l'on demande d'intervenir, n'a guère de sympathie pour les prédicants qui lui ont fait du tort à Genève. Mais en mars 1762, la nouvelle de l'exécution à Toulouse d'un huguenot, Jean Calas, va le mobiliser tout entier. L'homme est accusé d'avoir assassiné son fils, dont la rumeur publique dit qu'il voulait abjurer la religion réformée. Soumis au supplice de la roue, Jean Calas meurt en protestant de son innocence. Voltaire s'informe, enquête et acquiert la conviction qu'il s'agit d'une erreur judiciaire commise par des juges fanatiques. Ce procès devient son affaire, et « l'affaire Calas » le procès exemplaire d'une justice féodale. Voltaire mène une campagne d'opinion à l'échelle européenne, mobilise des dizaines de correspondants français et étrangers, fait paraître des requêtes et des mémoires, puis écrit dans la foulée son Traité sur la tolérance. Le 9 mars 1765, Calas est réhabilité.

Alors de toutes parts, on le sollicite. Quand il estime que la justice est bafouée, il écrit, demande des rapports, mène des enquêtes avec la passion d'un magistrat. En 1766, il fait délivrer un protestant condamné aux galères pour avoir entendu un prêche clandestin ; il veut réhabiliter Lally-Tollendal, un officier français que l'on venait de décapiter parce qu'on le tenait responsable de la défaite de Pondichéry. A Mazamet, suite à une délation anonyme, un brave huguenot et sa femme, les Sirven, sont condamnés à être pendus sur la place publique. Voltaire est scandalisé par cette triste réplique de l'affaire Calas. Il fait venir les Sirven sur ses terres et promet d'obtenir la révision du procès. Devant la fureur du poète à défendre les opprimés, le cercle des admirateurs s'élargit mais les magistrats commencent à se lasser. L'affaire du chevalier de La Barre va leur founir l'occasion de se venger. On trouve, dans les papiers d'un jeune aristocrate impie et convaincu de blasphème, un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire. Le chevalier de La Barre est torturé, puis décapité devant le porche d'une église où l'on lacère et brûle sur son corps le fameux Dictionnaire. Malgré la peur qui le tiraille, Voltaire hurle au crime : le roi avait laissé tuer un adolescent de vingt ans !

Ces multiples croisades aiguillonnent chez le philosophe un désir frénétique d'écrire. Voltaire alterne les ouvres de circonstance (retenons par exemple le morceau De l'horrible danger de la lecture, au titre programmatique !), et les textes philosophiques (Le Philosophe ignorant). Il procède encore à un large tour d'horizon dans ses Questions sur l'Encyclopédie (neuf volumes publiés de 1770 à 1772). Voltaire inonde l'Europe de ses productions, et le volume des titres donne le vertige. Mais le poète n'oublie pas ses préoccupations humanistes : en 1770, il se met en tête d'affranchir les serfs de Saint-Claude dans le Jura. Car le vieillard croit fermement au progrès des Lumières. La campagne qu'il mène depuis toujours contre l'Église catholique a depuis 1762 un slogan : « Ecrasons l'infâme. » L'expulsion des jésuites de France, la même année, lui a donné des raisons supplémentaires de lutter. Dix ans plus tard, on pourrait le croire assagi. C'est mal le connaître.

Les dernières années (1772-1778)

Voltaire est désormais un dieu vivant. On se presse pour le voir ou l'apercevoir, et le séjour à Ferney fait partie des étapes obligées pour toui voyageur qui entreprend le tour de l'Europe. L'« aubergiste » de Ferney reçoit ainsi un défilé de visiteurs qui le distraient parfois et souvent le fatiguent. Quand il n'en peut mais, il s'enferme à double tour dans sa chambre et écrit quelque fragment historique ou un saignant libelle. 11 retrouve même suffi-sament de verve pour écrire des contes (Le Taureau blanc). Ce vieillard de quatre-vingts ans a encore de l'énergie à revendre même si, depuis 1773, les accès de strangurie l'épuisent en diminuant sa capacité de travail. C'est pourtant dans ces années difficiles qu'il mène à bien l'édition Cramer de ses Ouvres complètes en quarante volumes !
A l'hiver de sa vie, Voltaire fait encore l'objet d'une surveillance tenace. On suppute sa fin prochaine en haut lieu, et quelques mois après son accession au trône, Louis XVI donne des ordres pour que les scellés soient apposés chez le poète à sa mort et que ses papiers soient saisis. Quand, deux ans plus tard, Turgot fait son apparition dans le gouvernement, Voltaire met tout son espoir dans ce politique libéral, éduqué dans l'esprit de l'Encyclopédie. Mais le 12 mai 1776, Turgot est disgracié. Cet espoir déçu vient s'ajouter aux récentes désillusions de Voltaire à l'égard du despotisme éclairé : Catherine de Russie et le roi de Prusse n'ont-ils pas dépecé la Pologne une nouvelle fois ? Qu'importe, Voltaire a réussi à Ferney l'ouvre que les plus grands rois ont manquée. Ses vaches, sa vigne, ses vers à soie, sa tuilerie, sont, en miniature, le fruit de ses lumières autant que de son industrie. La petite métairie de Candide est devenue réalité, et Voltaire y cultive soigneusement son jardin.
Et pourtant ! L'idée de revoir Paris le démange. Sa nièce, Mme Denis, et son secrétaire Wagnière l'encouragent à quitter le climat rigoureux de Ferney pour un dernier tour d'honneur dans la capitale. Une semaine plus tard, Voltaire fait connaître sa décision : sa dernière tragédie, Irène, allait être jouée à la Comédie-Française ; on avait besoin de lui pour les répétitions. Ce n'était qu'un prétexte, mais le 5 février 1778, Voltaire se met en route pour Paris. L'accueil fut naturellement triomphal. Les autorités firent mine de l'ignorer, mais les anciens et les nouveaux défilent dans sa chambre chez M. de Villette. Malgré les recommandations des médecins, Voltaire multiplie les visites et les réceptions. Epuisé, il commence à cracher son sang. Le 2 mars, il se confesse et obtient l'absolution. C'est le prix à payer pour ne pas être jeté à la voirie, et le souvenir de Mlle Lecouvreur est encore vivace. Revigoré, Voltaire assiste à une séance de l'Académie où il est acclamé. L'apothéose a lieu à la Comédie-Française le soir de la représentation A'Irène. Les ovations repérées du public l'érreignent à la gorge. Il doit quitter la salle, écrasé de bonheur et d'émotion.
À la mi-mai, c'est une nouvelle attaque de strangurie. Les tractations ont commencé entre les proches et les autorités religieuses pour déjouer l'interdiction de sépulture et l'inhumer décemment. On attend du mourant une rétractation qui tarde à venir. Voltaire accepte de rédiger ce dernier billet : «Je meurs en adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis, et en détestant la superstition. » Cette déclaration ne désarme pas les abbés, qui attendent une rétractation en règle. Mais Voltaire n'est plus en état de polémiquer. Il meurt le 30 mai 1778, abandonné de tous. On l'enterre le 2 juin à Scellières, dans le diocèse de Troyes, juste avant qu'une lettre de l'évêque ne l'interdise.

Mais on ne se débarrasse pas facilement de Voltaire qui, dans sa vie posthume, va continuer de s'agiter comme par le passé ! Treize ans plus tard, en 1791, sur décret de l'Assemblée Constituante la dépouille du philosophe fut déclarée bien national. On exhuma son corps et ses cendres furent déposées dans la crypte de Sainte-Geneviève. Au passage du cortège funèbre, les femmes et les enfants jetaient des fleurs ; et l'on pouvait lire, sur le catafalque, cette inscription édifiante : « II combattit les athées et les fanatiques. Il inspira la tolérance. Il réclama les droits de l'homme contre la servitude de la féodalité. »





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François-Marie Arouet Voltaire
(1694 - 1778)
 
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