AU 14 JUILLET, MYSTIFIANT ! - Poéme Divers

Au 14 juillet, Mystifiant
Saisi de joyeux sentiments
Une foule bigarrée et dense,
Danse au grand bal citoyen
Elle danse ses heures glorieuses
Honorant, fière, la mémoire
Des libertés arrachées
Au prix des larmes
Et du sang

Et pourtant, sournoisement
Pendant que s'amuse la multitude abusée
Dans le clos trouble des parlements
S'élèvent d'insidieuses bastilles
Rampent d'insipides édits

Et nos libertés
Que nous croyons acquises
Mères protectrices
Aux ventres défoncés
S'effritent, se laminent
À la barbe des foules

Et battent les fanions
Et tonnent les canons
Et ronflent les fanfares
Et dans la foule en fête
Les femmes tout en beauté
Leurs soutiens-gorge rebondis
Offrent des cornets de frites
Et des barbes à papa
Aux enfants aveuglés
Par les feux d'artifices

Les hommes mis en appétit
Regardent le beau monde
Aux balcons des décolletés
Fleuris et généreux
Ils rêvent dans ce beau vacarme
De refaire à leur façon
Leur prise de la bastille.

Pourtant les entraves nouvelles
Reptiliennes et insidieuses
S'enroulent, s'enroulent
Et leurs gueules féroces
Engloutissent les masses léthargiques

Dans la cendre et la cécité

Cette foule dense, folle
Danse au bal du 14 juillet
Garrot au cou, déjà apoplectique
Le discernement embrumé

Et moi, en ces heures graves
Où s'effondrent nos libertés
Je me garde bien de danser
Je regarde ce spectacle,
Dépité, consterné !