PUISQUE DÉSORMAIS L'USURE M'ATTEINT - Poéme À propos de moi

Il s'est enfui ce temps
Où fort en mon corps
Et vif en mon esprit
J'avais les idées claires
Pour écrire les poèmes justes
Surgissant éclaires
Une lampe vive brûlait en moi
Irradiait ma vie d'une fougue ardente

Aujourd'hui odieuse ennemie
La fatigue à jamais me pèse
Monstre lent et lourd
Ne me quittant jamais
C'est une pierre à mon coup
Un garrot à mon cerveau

Mes pensées engluées se traînent
Mes mots maintenant se font vagues
Ma mémoire peine à se déployer et divague
Quant à mes émotions qui jadis étaient mes ailes
Elles sont des veuves folles sur un navire en détresse
Tout confesse en moi l'usure et une rampante vieillesse

L'indigence est une prison certaine pour celui qui veut s'élever
Philosopher est un luxe, poétiser est un incommensurable plaisir
Mais ne faut-il pas être affranchi de l'urgence pour laisser son esprit s'émerveiller ?
L'âpreté du besoin est une rude épreuve pour l'âme assoiffée de firmament
Mais n'est-ce pas la condition de l'être que d'arracher l'or fulgurant
De la gangue tenace de la pesanteur et de la matérialité ?

Puisque désormais l'usure m'atteint
Et que mon âme par le temps est éreintée
Astreint à brasser la viscosité du quotidien
Mon mérite sera de raccourcir mes efforts
Pour extraire de mes sombres profondeurs
Quelques ultimes pépites du creuset de ma douleur.


Extrait : Poèmes d'hiver.