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Séparations, retrouvailles et amours contingentes


Poésie / Poémes d'Simone de Beauvoir





Sartre s'intéresse au monde, aux caractères, Simone poursuit toujours plus avant l'introspection. Ils se veulent à la fois auteurs, acteurs et spectateurs de leur propre vie; la beauté du scénario l'emporte sur toute autre considération. Ils se définissent comme des « elfes » : d'éternels adolescents, dont le seul devoir est de faire de leur vie une ouvre, quitte à blesser parfois leur entourage.



La première séparation approche : Sartre doit effectuer son service militaire. En attendant, ils profitent de leur « mariage morganatique » (ce terme désigne l'union légale mais officieuse d'un prince et d'une roturièrE) en jouant. Ils se présentent tour à tour dans les lieux publics comme des milliardaires américains, M. et Mme Morgan Hattick, ou comme un modeste couple français, M. et Mme Organatique. En janvier 1930, Sartre est affecté près de Tours ; ils se voient tous les week-ends. Pendant la semaine Simone donne des cours au lycée Victor-Duruy, aide des amis de Stépha à rédiger des articles de presse, et pense à l'écriture, sans parvenir à se lancer. À la fin de son service, Sartre demande un poste de lecteur au Japon pour un an; s'il l'obtient, il partira seul. Sans lui Castor ne veut pas rester à Paris, et finit par demander une affectation : ce sera Marseille. Sartre n'est finalement pas choisi pour le Japon et nommé remplaçant au Havre. À la rentrée de 1931, il y aura des centaines de kilomètres entre eux, et aucun moyen de se voir pendant des semaines.





Pour Sartre, c'est une aventure ; pour Simone, une angoisse insupportable. Elle est abattue, sans énergie, si bien qu'il l'emmène, lui qui déteste la campagne, faire quelques voyages en province. Ils visitent la Touraine, les environs de Nantes et de Saint-Nazaire. Les promenades enchantent Simone, mais chaque soir ses humeurs noires reprennent le dessus. Déconcerté, Sartre lui propose à nouveau de l'épouser. Au cours de leur longue histoire, il aura plusieurs fois recours à la demande en mariage pour tenter de calmer sa détresse. Il veut retrouver son « petit compagnon » audacieux et enjoué, lui faire lire ce qu'il a écrit durant ses mois de caserne. Si le mariage leur permet d'être nommés dans la même ville et de redonner sa joie de vivre à Simone, il veut bien passer outre ses principes. Après tout, cela ne changerait rien à leur pacte. Mais elle ne veut pas en entendre parler.

Leur premier été de vacances leur offre l'occasion de traverser la frontière. Fernando et Stépha, installés à Madrid, leur proposent de passer l'été en Espagne où séjourne également Hélène. Avec enthousiasme Sartre et Castor organisent leur voyage : Simone s'occupe des billets, des papiers, des horaires, du programme touristique et Sartre la retrouve sur le quai de la gare. Ils visitent Barcelone, Madrid, Ségovie et Tolède, ensemble mais chacun à sa manière ; elle aime tout voir et tout parcourir, il préfère observer la vie de la terrasse d'un café.

Deux mois de bonheur, c'est bien court, et le moment tant redouté arrive. À la gare de Bayonne, Castor descend pour prendre la correspondance vers Marseille, tandis que Sartre continue jusqu'à Paris. Commence alors ce qu'elle appellera « l'année la plus malheureuse de ma vie ». Avant de se quitter ils ont révisé leur pacte : « nous abandonnâmes l'idée d'un bail provisoire entre nous. Notre entente était devenue plus étroite et plus exigeante qu'au départ. » Leur union est définitive.



À Marseille, Simone essaie de se réhabituer à la solitude. Le jeudi et le dimanche, elle fait de longues promenades, marchant parfois quarante kilomètres dans la journée. Ses collègues du lycée Montgrand désapprouvent les randonnées solitaires et le mépris du qu'en dira-t-on de cette belle jeune femme à l'intelligence insolente. Elle a quelques ennuis avec des parents d'élèves choqués par son enseignement qui ne censure aucun auteur, aucune question de morale. Elle encourage ses élèves à aiguiser leur sens critique, ce qui lui vaut l'admiration de beaucoup d'entre elles. Reprenant ses anciennes habitudes parisiennes, elle se promène dans les quartiers mal famés de la ville, observant, prenant des notes dans l'idée de commencer un roman. Hélène lui rend visite, et ses parents viennent passer une semaine avec elle. Leur fille a maintenant un métier respectable, un emploi sûr, peut-être va-t-elle enfin rentrer dans le rang et devenir, à défaut d'une épouse respectable, une vieille fille raisonnable ? Ils s'aperçoivent vite que l'éloignement n'a pas fait cesser sa liaison avec Sartre : décidément leur fille ne fera jamais rien comme tout le monde.



Castor et Sartre s'écrivent presque tous les jours. Les vacances scolaires sont l'occasion de retrouvailles intenses, de confrontations de leurs écrits et de leurs aventures. Sartre remplit des cahiers entiers de notes, de projets, de réflexions. Lorsqu'ils se retrouvent à Paris pour les vacances de Noël, Sartre a des dizaines de pages à lui soumettre, il veut son avis sur chaque ligne ; elle n'a rien à montrer. « Son expression, si déçue, me secoua de mon obsession de moi-même. Je me rendis compte que j'avais intérêt à me mettre au travail avant de le perdre. »



Si Castor n'arrive pas à écrire, c'est parce qu'elle tourne depuis des mois autour d'un sujet difficile : Zaza. Elle voudrait faire du sort tragique de son amie le roman de leur classe sociale, lui manifester une dernière fois son amitié en lui rendant justice. Comment s'y prendre ? Elle tient à la forme romanesque, il faut donc transposer les personnages, prendre de la distance par rapports aux faits ; mais elle veut aussi que ce soit l'histoire d'Elisabeth. L'exigence de Sartre la stimule : faute de savoir comment aborder son roman, elle s'entraîne à l'écriture en décrivant des paysages, des scènes vues à Marseille.

La fin de l'année scolaire est moins tourmentée, Simone se lance dans l'écriture non plus seulement pour elle-même, mais pour être à la hauteur de Sartre. Elle sait à présent qu'ils peuvent être séparés sans que l'intensité de leur relation faiblisse. Au printemps 1932, elle apprend sa nomination au lycée Jeanne-d'Arc à Rouen : elle sera tout près du Havre.

L'été suivant, Pierre Guille, l'ancien condisciple de Sartre, organise avec son amie madame Morel un voyage dans le sud de l'Espagne et en Afrique du Nord. Celle-ci invite les deux jeunes professeurs à se joindre à eux ; comme elle offre sa voiture et l'essence, ils peuvent se permettre cette expédition. Sartre a entièrement dépensé l'héritage de sa grand-mère, en bonne partie en cadeaux et aides diverses à ses amis, mais Simone a économisé durant son année marseillaise. La mise en commun des ressources fait partie du pacte : pour Sartre, ce qui compte c'est qu'il y ait assez pour eux deux, peu importe qui a mis combien. Pour Castor, élevée dans l'horreur du gaspillage et la gêne financière, il est difficile de dépenser sans compter. C'est le seul désaccord qu'il y a entre eux, et finalement c'est elle qui fait l'effort de surmonter ses principes. Elle ne le regrette pas : pour partager la vie de Sartre et découvrir de nouveaux horizons, elle se sent fière d'abandonner ses préjugés. La chaleur étouffante, les pannes de voiture, le manque d'intérêt de Sartre pour le tourisme ne l'empêchent pas d'être émerveillée par tout ce qu'elle voit.

À son arrivée à Rouen, Simone ne s'intéresse que peu à son nouvel environnement. Elle habite suffisamment près du Havre pour voir Sartre à chaque jour de congé, et dès qu'ils le peuvent ils passent un week-end à Paris. Leurs amis restent ceux de toujours : c'est Paul Nizan qui recommande à Castor une jeune enseignante de Jeanne-d'Arc, Colette Audry. Leur première rencontre est un peu froide. Colette est une fine jeune femme cultivée, élégante ; elle est bientôt membre du Parti communiste. Simone est jolie et tout aussi cultivée, mais ne s'intéresse ni à la politique, ni à son allure. Vêtue de bric et de broc, inconsciente de sa beauté, masquant son manque d'assurance derrière une brusquerie qui peut être prise pour de la grossièreté : il faut à Colette plusieurs rencontres (sur l'insistance de SimonE) pour comprendre à quel point celle-ci est intéressante. Dès que leur amitié est scellée, Castor la présente à Sartre. Bien que ni l'un ni l'autre ne s'intéressent à la politique, Colette a avec eux des conversations passionnantes où les idées s'affrontent brillamment. On lui doit une analyse perspicace du couple : « on ne doit pas oublier qu'elle avait autant d'influence sur lui que lui sur elle; qu'un garçon comme Sartre (...) qui avait une telle puissance d'analyse, à la fois destructrice et polémique, n'en était pas moins, au fond de lui, subjugué par cette fille. »



Sartre et Castor forment un couple fascinant : intelligents, indissolublement liés mais libres, sans aucune autre responsabilité qu'eux-mêmes. « Leur entente était d'un type nouveau (...). Je ne peux pas décrire l'impression qu'on avait quand ils étaient ensemble. C'était si intense que ceux qui en étaient témoins regrettaient de ne pas vivre ça eux aussi. »*. Beaucoup de leurs amis sont politisés car les événements des années 30 donnent à réfléchir : en France les gouvernements se succèdent sans résoudre la grande crise économique, en Europe des régimes totalitaires se mettent en place. Les deux philosophes restent concentrés sur leur future ouvre, le militantisme quel qu'il soit leur paraît vain. En revanche, les individus les intéressent : ils nouent des relations avec leurs élèves les plus brillants, gardent des liens très forts avec leurs amis de Paris, se passionnent pour les faits divers qui, à leurs yeux, en disent plus sur la société que les théories politiques.

Parmi les élèves de Sartre, Jacques-Laurent Bost et Lionel de Roulet sont ses premiers disciples, souvent conviés au café, après les cours, pour continuer des débats philosophiques amorcés en classe. L'une des lycéennes de Castor, Olga Kosakievicz, devient bientôt un élément central de leur univers. Fille d'un Russe et d'une Française, Olga vit avec ses parents et sa jeune sour Wanda près de Rouen. Blonde, gracieuse, mais renfermée, il se passe plusieurs mois avant qu'une dissertation brillante ne la distingue aux yeux de son professeur. Elles deviennent amies, et Sartre tombe amoureux. Il ne se passera rien entre Olga et lui dans l'immédiat, mais les sentiments sont là, et pour Castor le temps est venu d'accepter les amours contingentes.



Sartre passe une année à Berlin entre 1933 et 1934. À son retour, le couple se transforme en trio. Sartre aime profondément Olga et veut jouer un rôle central dans sa vie, ce qui déséquilibre « l'amour nécessaire » qui existe entre Simone et lui. Pour Castor, il n'est pas facile d'être l'amante de l'un, le professeur de l'autre et la confidente des deux, sans laisser une jalousie naturelle prendre le dessus. Durant les quatre années passées à Rouen, Simone poursuit ses essais d'écriture et jette les bases de plusieurs romans qu'elle ne concrétisera que beaucoup plus tard. Dans tous ces écrits, elle transpose les

événements qu'elle vit avec ses amis. Dans L'Invitée, le personnage inspiré par Olga finit... assassiné par l'héroïne.

En 1936, enfin, Simone rentre à Paris. Elle est nommée au lycée Molière, où elle fait sensation : talons hauts, maquillage et franc-parler détonnent dans cet établissement situé dans un quartier chic. Il faut dire qu'elle est précédée par sa réputation : on raconte qu'elle est la maîtresse d'un professeur qui enseigne sans cravate, et qu'elle dédaigne toutes les tâches ménagères, préférant se consacrer à l'écriture ! Toutes choses peu respectables pour une enseignante. Sartre a refusé un poste dans une classe préparatoire à Lyon afin de ne pas trop s'éloigner de Paris. Il enseigne à Laon, bien desservi par le train et revient donc à Paris deux fois par semaine. Toute la petite bande s'est déplacée et vit à Montparnasse, dans de petits hôtels.

Les disciples de Sartre, Bost et Roulet, ont également suivi. Le premier, surnommé le petit Bost, tombe amoureux d'Olga, et ce sentiment est réciproque. Le second deviendra le mari d'Hélène. Stépha et son mari sont revenus vivre à Paris avec leur bébé, John. Les anciens condisciples, Raymond Aron, Maurice Merleau-Ponty, Pierre Guille entre autres, sont sur la voie de la vie adulte, c'est-à-dire des responsabilités : mariage, enfants, et les concessions qu'ils induisent. Sartre et Castor refusent catégoriquement de les suivre. Le seul engagement qu'ils acceptent, c'est le pacte qui les unit amoureusement et intellectuellement : leur vie, c'est leur ouvre. Cela explique qu'ils n'aient pas désiré d'enfants. « Je n'ai pas eu l'impression de refuser la maternité ; elle n'était pas mon lot ; en demeurant sans enfant, j'accomplissais ma condition naturelle. »



Pendant qu'ils cherchent leur voie littéraire, les rumeurs de guerre enflent. La politique ne les intéresse toujours pas, même s'ils penchent plus volontiers vers les révolutionnaires et les contestataires que vers les tenants de l'ordre. C'est dans la logique de leur conduite individuelle, mais cela ne les incite pas à s'intégrer dans le monde tel qu'il est. Sartre est nommé au lycée Pasteur, il va bientôt publier La Nausée. À la rentrée de 1937, Simone a enfin terminé un recueil de nouvelles, Primauté du spirituel ; Gallimard et Grasset le refusent, mais encouragent la jeune femme à persévérer. Simone a eu une liaison avec Bost, en cachette d'Olga ; c'est le début d'une amitié amoureuse qui durera toute leur vie ; Sartre s'est découvert amoureux de la jeune sour d'Olga, Wanda, pour laquelle il écrit des pièces de théâtre. Les amours contingentes renforcent leur amour nécessaire.

Les journaux racontent des événements effrayants, mais il leur semble impossible que ces malheurs arrivent en France. Le Paris de 1938 est joyeux, élégant, fréquenté par des intellectuels du monde entier. Simone et Sartre vivent encore dans un monde d'adolescents qui refuse de croire au malheur. Ils vont être bien être obligés d'ouvrir les yeux.



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Simone de Beauvoir
(1908 - 1986)
 
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Portrait de Simone de Beauvoir

Ouvres

Née dans une famille bourgeoise et catholique, Simone de Beauvoir entreprend, à l'âge de 17 ans, des études de lettres et de mathématiques. En 1926, elle adhère à un mouvement socialiste et suit des cours de philosophie à la Sorbonne pour préparer le concours de l'agrégation. C'est à cette époque qu'elle fait la connaissance de Jean-Paul Sartre, qui fréquente le même groupe d'étudiants qu'elle. Dé

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