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UN THÉÂTRE DE L'ÉLÉMENTAIRE


Poésie / Poémes d'René Char





Le Festival d'Avignon, qu'a co-fondé René Char, s'intéresse, pour le centenaire de sa naissance, à son théâtre : ou du moins à la part délaissée de son ouvre qui nous est restée sous cette appellation générique. Alexis Forestier, qui l'a déjà mise en scène il y a dix ans, reprendra Claire à la demande du Festival d'Avignon cet été ; mais c'est dès 1952, comme l'a rappelé Philippe Morier-Genoud au cours d'une mise en espace réalisée pour le séminaire de l'Education nationale « Dire René Char » du 18 mai dernier, que Roger Planchon obtint de René Char l'autorisation de porter Claire à la scène. Le jugement que le metteur en scène nous a laissé à cette occasion, vaut la peine qu'on le prenne au sérieux :





L'ouvre théâtrale de René Char est ignorée aujourd'hui par ceux que fascine la poésie et par les critiques et gens de théâtre. Ceux qui méditent ou écrivent sur la poésie de Char accordent peu d'importance à son théâtre. La densité des phrases de ses dialogues ne paraît pas suffisante ils ont le sentiment que l'obligation de mettre ses phrases dans la bouche des acteurs a entraîné l'auteur à une déperdition d'énergie poétique. Les uns et les autres ne voient pas ce qui est aveuglant : au théâtre, ce n'est pas la densité de la langue mais son exactitude par rapport à l'acuité de la situation dramatique présentée qui en fait la poésie, avec une grâce et une violence qui vont et viennent d'ailleurs. Cette grâce et cette violence sont le cour des dialogues de Char. (...) Je suis convaincu que si le public et la critique avait su entendre et accueillir le théâtre de Char, nous aurions aujourd'hui une ouvre dramatique fondamentale du XXe siècle.

(l'Evénement du jeudi du 25 févr. 1988).



Notre propos ne sera pas d'archéologie littéraire ni de génétique textuelle, encore moins de littérature-fiction : il s'agit, en donnant un aperçu des textes de théâtre de René Char dans l'état que leur auteur a choisi d'arrêter pour l'édition de la Pléiade, d'explorer quelques-unes des ressources particulières qu'ils peuvent offrir aujourd'hui à la scène.

A présent que les conventions qui pouvaient encore « informer » le théâtre après-guerre ont depuis longtemps volé en éclats, le fait que René Char n'ait jamais voulu se considérer comme un auteur dramatique est-il une chance pour les textes dialogiques ou scénographiques qu'il nous a laissés? A cette question nous répondons par l'affirmative. En ajoutant que pour nous les causes de cette anti-conformité (néologisme préférable au cliché positiviste de « l'étonnante modernité ») ne sont pas à rechercher dans l'accidentel biographique, par exemple dans une idylle interrompue avec le cinéma, mais bien dans le choix d'une liberté créative et d'une écriture située au-delà, ou plutôt en deçà, des frontières de genre. Ce choix se déclare dans toute l'ouvre de René Char, qu'elle opte pour une mimèsis dialoguée ou pour renonciation protéiforme du poème, cette dernière étant évidemment majoritaire dans l'ouvre. Notre postulat est qu'il n'y a pas, chez René Char, de différence typologique radicale entre poème et dramaturgie. Le choix du dialogue dramatique propose un travail sur les frontières de genre, susceptible de libérer et d'exacerber la dimension poétique du théâtral, aussi bien que la dimension dramatique du poétique.



1. 1946-1952 : Trois coups sous les arbres, la

« saison » du théâtre dans l'ouvre de Char



Si l'on examine la place réservée au théâtre de René Char dans l'édition des Oeuvres de la Pléiade de 1983, édition dont on doit l'organisation au poète lui-même, on ne peut qu'être frappé par la place marginale concédée, comme en appendice, à ces textes théâtraux ou scénographiques qu'on peut lire regroupés sous le titre collectif : Trois coups sous les arbres, avec ce sous-titre : « Théâtre saisonnier ».



Une aventure artistique sans lendemain ?



La période resserrée, essentiellement entre 1946 et 1949, dans laquelle s'inscrit cette production, renforce encore l'impression d'une aventure artistique sans lendemain, d'un surgeon de l'ouvre qui serait demeuré sans développement ni ramure. La biographie de référence éditée par Laurent Greilsamer, la chronologie détaillée de l'édition Pléiade, ainsi que les recherches qui ont présidé à l'organisation des grandes expositions du centenaire Char (Bibliothèque Nationale de France, Hôtel de Campredon à L'Isle-sur-la-SorguE) montrent que la «saison » du théâtre dans l'ou-vre de René Char est liée, dans son parcours, à l'ouvre cinématographique qu'il souhaite entreprendre, dans ces années d'après-guerre où la publication de Fureur et de mystère (septembre 1948) va le propulser au rang de grand poète national. Un film sur les années de Résistance, Cancer au pays natal, fait partie de ces projets : Jérôme Prieur vient d'en sauver quelques rushes dans son documentaire René Char, nom de guerre Alexandre, où l'on voit le poète jouer son propre rôle de chef de maquis. L'échec apparent de ces projets, qui demanderait une étude approfondie, est d'abord lié aux difficultés de financement et de production que va rencontrer René Char ainsi que ses « alliés substantiels » dans l'entreprise : Christian et Yvonne Zervos. C'est avec eux qu'il lance en 47, comme on sait, l'exposition d'art contemporain, assortie d'une proposition théâtrale confiée par Char à Jean Vilar, qui est destinée à devenir le Festival d'Avignon. Le premier des textes théâtraux recueillis dans Trois coups sous les arbres, Sur les hauteurs, porte la mémoire de l'idylle de René Char avec Yvonne Zervos, à qui le drame est dédié ; les Zervos seront encore dédicataires du Soleil des Eaux, aux côtés des pêcheurs de LTsle-sur-Sorgue qui ont inspiré la pièce. Madame Martine Roche, qui participe à cet atelier, et qui a pu rencontrer René Char dans le cadre de recherches qu'elle menait sur son théâtre, confirme l'association du projet cinématographique et de l'écriture dramatique dans la carrière du poète, qui parlait à ce sujet, nous dit notre collègue, d'un « pente facile » pour lui.

Il serait cependant aporétique de tirer de ce commentaire un jugement de valeur, ou d'y voir un rejet rétroactif, dans une hypothétique axiologie des beaux-arts où la part du contextuel et du conjoncturel resterait, de toute manière, indémêlable de l'essentiel et de l'atemporel. L'interprétation la moins hasardée reste fournie par l'ouvre elle-même, dans l'état du texte que l'auteur a souhaité nous laisser. Ici se présente un double constat : . la nature polysémique du sous-titre « Théâtre saisonnier », . la recomposition rétrospective dont le théâtre de René Char a fait l'objet, de la part de son auteur lui-même.



De l'éphémère au cycle naturel : polysémie d'un sous-titre, « Théâtre saisonnier »



Parler d'un « théâtre saisonnier », ce n'est pas seulement parler d'une « saison » révolue au sein d'une ère plus large. C'est aussi convoquer le retour cyclique des saisons, et donc, potentiellement, accorder le théâtre, cet « éternel éphémère » (selon le syntagme qui introduit un ouvrage de Daniel MesguicH) au cycle naturel : tout théâtre ne présente-t-il pas d'ailleurs, en début d'année, sa « saison » théâtrale ? C'est encore solliciter dans l'imaginaire du lecteur-spectateur une expérience du plein air, reliée séculairement à la tradition des tréteaux et du théâtre forain.

Sur les hauteurs est défini initialement comme « un nid suspendu dans l'été. Pas autre chose. » Le célèbre Festival d'Avignon, dont nous venons de rappeler la fondation, est-il après tout « autre chose » ?... René Char pouvait constater la pérennité institutionnelle de son initiative, en reconsidérant, pour l'édition de son ouvre complète, la production dramatique et scénographique qui avait été la sienne.

L'examen du tableau synoptique ci-dessous nous permet de voir que, sans bouleverser en profondeur la chronologie de son ouvre, Char relecteur de lui-même choisit néanmoins de privilégier un principe d'organisation esthétique et poétique, plutôt que de se livrer à un simple recensement. A deux reprises, pour Le Soleil des eaux et pour La Conjuration, l'ordre retenu pour l'édition n'est pas celui que commanderait la date d'écriture. Char applique donc à ses textes écrits pour la scène le même principe de relecture créative qu'il applique inlassablement à ses recueils poétiques.

L'ensemble réuni sous le titre de Trois coups sous les arbres se présente ainsi comme une sorte d'écrin au centre duquel le drame le plus long, le plus charpenté, le plus interprété (de la radio à la scène en passant par la télévisioN), Le Soleil des eaux, fait figure d'acmé thématique par rapport à l'inspiration tellurique et élémentaire que Sur les hauteurs et Claire ont puisé dans la terre provençale : le tout s'orchestre selon une montée en puissance ternaire. L'homme qui marchait dans un rayon de soleil assure, par la reprise thématique de l'élément solaire, mais aussi par son caractère très chorégraphique, la transition avec les textes des deux ballets, La Conjuration et L'abominable des neiges. Ces deux derniers textes semblent rétablir dans leurs droits le classement typologique et le destin historique de l'ouvre, puisque L'abominable des neiges, seule ouvre à n'avoir été pas été créée en dépit des projets scénographiques de Nicolas de Staël, clôture pianissimo ce «Théâtre saisonnier» qui « meurt » dans la perspective virtuelle d'un passage à la scène toujours possible.



Un théâtre « d'extérieur », tendu vers l'arrachement à soi-même



Tourné vers la nature et l'extérieur (d'autant plus spontanément qu'il ne se désolidarise pas du cinémA), le théâtre de Char l'est encore par la pulsion qui anime ses protagonistes à s'arracher à eux-mêmes. Ce tropisme irrésistible revêt, selon la fable, les allures du consentement à l'amour ou du consentement à 1"action combattante, souvent les deux, dans l'union vécue de la fécondité et de la mort. Le lien d'une telle dramaturgie avec la vision héraclitéenne du flux vital et de la complémentarité des contraires pourrait aisément être approfondi : nous renvoyons ici aux percutantes analyses de Pascal Charvet dans l'atelier consacré à l'aphorisme. Contentons-nous d'esquisser, dans les limites du corpus dramatique procuré par l'édition de la Pléiade, un parcours thématique de reconnaissance.

Sur les hauteurs., 1947, est une « inscription passagère » dédiée à Yvonne Zervos. « Un nid suspendu dans l'été, pas autre chose » dit l'indication liminaire. « Au lendemain de la guerre de Libération, à Aulan, dans la Drôme » un jeune étudiant accède au château où l'attend une jeune fille inconnue, peut-être une revenante, peut-être une fée, à moins qu'il ne s'agisse de la fille des propriétaires, en résidence dans les lieux à une date imprévue. Les enfants du village, dont un certain Lucien au prénom éloquent, qui présente plus d'une analogie avec le jeune Char, ont été les révélateurs de cette présence et sont en quelque sorte les « inventeurs » du jeune couple. Mais Carafon, le chasseur embusqué qui prend les lièvres pour des fées, va être le meurtrier illuminé de cette idylle à peine esquissée et tragiquement interrompue. Il tire et tue la jeune fille, accomplissant à son insu la prophétie prononcée par elle-même: « Malheur à ceux qui aiment, s'ils ont une hauteur au-dessus de leur amour. »

Ce drame à double lecture, d'un symbolisme latent qui fait songer à Maeterlinck, comporte onze courts tableaux, dont cinq purement narratifs. En dépit de la brièveté et de la légèreté qu'elle revendique, cette « inscription passagère » présente plusieurs des caractéristiques durables qu'on retrouvera dans les textes « dramatiques » suivants. Sur le plan fabulaire, le moteur de l'action, son cour énergétique, est un mode de l'Eros provoqué par la Vision : il lui demeure étroitement associé jusqu'au moment où il appelle, par son excès même, les puissances de mort qui lui sont co-existantes. Sur le plan de l'écriture, l'indifférence souveraine et délibérée de Char envers les conventions typologiques se manifeste d'entrée de jeu, ne serait-ce que dans les didascalies (ou passages se présentant comme telS) et le texte des tableaux non dialogues. Plus encore que l'indication scénique, la forme-modèle semble bien être le scénario de film, dans ses liens au récit d'action et à la description ; mais ce support sous-jacent est immédiatement phagocyté par la subjectivité d'un poète-narrateur qui se moque ouvertement, et non sans humour, de tout naturalisme à courte vue. On ne peut songer sans sourire, par exemple, aux méditations que pouvaient provoquer les « indications » relatives au personnage de Carafon, chez un acteur assujetti à la tradition dramaturgique des années 50 :



Sur le flanc nord du Ventoux, Carafon chasse le lièvre. C'est un homme d'aspect lustral, ancien pupille de l'Assistance Publique. Il croit que des fées ont enlevé jadis ses parents. (...) Il hait les fées : ce sont des lièvres. Chaque fois qu'il tue son lièvre, il fusille une fée ! etc.



Char dès l'origine émancipe la représentation du devoir de « représenter » au sens mièvre de ce terme : en France, il faudra peut-être attendre Genêt {Comment jouer les bonneS) pour voir formuler en termes de manifeste ce qui est ici une revendication poétique en acte, initiale, fondatrice, et sans appel.



1948, Claire : Ce drame mystérieux sur lequel nous allons revenir, doit être abordé, comme toujours chez René Char, en accordant la plus grande attention à l'épigraphe initiale.



J'étais épris d'une rivière

Et ne pouvais m'en faire aimer.

Pour qui vous gardez-vous, la belle?

Suivez-moi et vous l'apprendrez.

Chanson de pêcheur. '



Claire est un personnage de jeune fille et de rivière, indissociablement. Sa fluidité qui défie la capture font d'elle une force de séduction et une force motrice, « transparente » comme son prénom, tantôt visible, tantôt cachée, mais omniprésente et impossible à arrêter. Le drame ne fait « que » la suivre comme en décalage amoureux, dans chacun de ses avatars humains ou géologiques, depuis sa naissance, produit « des violentes amours de la nuée et du glacier », jusqu'à son confluent avec le Fleuve, « noces de l'eau limpide et de l'eau limoneuse ». Du début à la fin, à chaque stade du parcours, l'identité passe par la métamorphose. Il faut mourir à soi-même pour continuer d'être.

Par rapport à Sur les hauteurs, le mythe s'élargit ; mais selon un mouvement typiquement charien, plus il s'élargit, plus il s'inscrit dans une réalité tangible. Claire est rattachée à un répertoire ethnographique (« chanson de pêcheurs ») et à un terroir, cette vallée de la Sorgue, Vallis clusa ancêtre du Vaucluse, dont Char va choisir de faire son Arcadie.



1946 (mais troisième volet de Trois coups sous les arbreS) : Le Soleil des eaux. Ce drame que sa longueur suffirait à isoler sera l'objet, de la part de René Char, de plusieurs relectures, additions et réévaluations. Les plus importantes sont sans doute celle qu'apportera le passage au cinéma, devenu effectif en 1968 (date qui n'est pas indifférentE). On trouvera ci-dessous le début du scénario rédigé par René Char, que Marie-Claude Char porte à la connaissance du public avec Daniel Abadie et Yannic Pompidou, à l'occasion de l'exposition « René Char, paysages premiers », qu'elle organise à l'Hôtel de Campredon de l'Isle-sur-Sorgue. L'édition de la Pléiade, pour sa part, présente à la suite de la pièce un ensemble de « témoignages et documents » : le «Pourquoi du Soleil des eaux » . Char s'y fait le porte-parole des personnes réelles qui sont à l'origine de plusieurs de ses personnages, sachant que tout le personnel du drame représente la communauté villageoise de L'Isle-sur-Sorgue, rebaptisé Saint-Laurent. Le dernier de ces textes, écrit dès 1946, est un avis de l'auteur «au public » où l'on peut lire : « Sous le titre du Soleil des eaux vous avez écouté un récit dialogué mettant en scène des êtres aux bases populaires bien établies et dont les traces font entendre encore dans ma mémoire et dans d'autres mémoires que la mienne leurs bruits familiers de source. » Ce néoréalisme d'origine autobiographique s'énonce également dans Pavant-propos liminaire de la pièce (dépourvu de titrE) : « Ici ne devront affleurer que des indices de littérature. On y parle la langue de la paresse et de l'action, la langue du pain quotidien, la langue sans valeur. » Mais il s'accompagne immédiatement de la dimension mythique qui lui est consubstantielle : « Circonscrit, l'étemel mal, l'éternel bien y luttent sous les figures minimes de la truite et de l'anguille. Des pêcheurs portent leurs couleurs. » C'est dans la tension encore approfondie, par rapport à Claire, entre la peinture d'une terre lucidement idéalisée par la nostalgie, et le combat des forces atemporelles qui la traversent, que réside, précisément, le mythe.



Certes l'on peut résumer Le Soleil des eaux comme le drame engagé, écologiste avant la lettre, mettant aux prises une communauté de pécheurs avec l'industrie polluante qui décime les truites, sa principale ressource ; tandis que l'anguille, poisson de la vase, survit à l'agression chimique. Mais il faut, pour en mesurer le grandissement épique et l'allure de théomachie, garder à l'esprit (comme nous y invite Char dans le Pourquoi...) que le pêcheur d'anguilles, nommé le Drac, qui trahit ses concitoyens pour le compte de la fabrique, n'est autre que « le Serpent Python, (...) le Dragon, le Drakne, le Drac, « celui-ci n'a qu'un oil », le Mal, le poison ; mais aussi la lucidité, la Voyance. » Ambivalence propre au mythe, là encore, de même que la complémentarité des forces antagonistes : Francis, pêcheur de truites et héros positif du drame « reconnaît dans le Drac, l'homme aux anguilles, un mal jumeau, inséparable du bien « comme le monde des truites l'est de celui des anguilles ». Défilent encore Apollon, colosse débonnaire et saltimbanque, magnification du très réel Louis Uni, ou l'Armurier, alias Jean-Pancrace Nouguier, boiteux comme Héphaïstos : le second fournit à Francis «ce feu terrestre utilitaire, la dynamite », qui fera sauter le barrage de l'usine à la fin de la pièce, non sans que la lutte ait emporté l'un des pêcheurs insurgés. Le Soleil des eaux, c'est encore l'histoire d'amour de Francis et de Solange, dont le fils n'est autre que le chasseur qui ouvre la pièce par son monologue. On ne sera pas surpris d'apprendre que le père de Solange est contremaître à la fabrique - mais un contremaître qui refuse de trahir le village, à l'heure des choix décisifs.

Plus légères de facture, mais non moins singulières de nature, sont les trois ouvres courtes qui terminent Trois coups sous les arbres, en une sorte de triptyque chorégraphique. A mi-chemin du drame dialogué et du ballet, L'Homme qui marchait dans un rayon de soleil (1949) enchâsse en une structure assez pirandellienne le « délit » d'amour perpétré en temps réel par un jeune homme aux allures de « baladin », et son jugement simultané par un jury placé dans la fosse d'orchestre. Le jeune homme est protégé jusque sous l'averse par un « cercle magique de soleil » qui le suit partout (premier scandalE), mais dont il va s'extraire à la vue d'une jeune fille « glacée de pluie » : « Elle est la part attractive, toujours aimée en vain, de la solitude », précise le Récitant qui livre le drame en pâture au jury. «Convoitise d'Eros. Mime du déchirement physique...»: le jeune homme s'abat aux pieds de la jeune fille, qui s'éloigne. Condamnation bruyante du jury : ce dernier aura vite fait de terrasser le seul de ses membres qui tente de défendre la « Solitude... Solitude de tous condamnée... Solitude irritant le soupçon ! »



« Devant nous, des dunes allusives multiplient leur dérision. Pas le moindre alphabet pour notre amour.



Comment la danse ne prévaudrait-t-elle pas alors comme remède, ou simplement comme diseuse de l'inconscient et de la tragédie ? » : ainsi commence le ballet de La Conjuration (1946). Comment ne pas noter les résonances contemporaines que revêt pour nous aujourd'hui cet éloge du non-verbal, loin des « alphabets » en usage? Comment ne pas remarquer, ici encore, l'étonnante cohérence avec le reste de l'ouvre que présente cet enchaînement de cinq strophes précédées d'un prologue, où l'on voit « un homme à la peau de miroir » poursuivi par ses semblables qui veulent se voir en lui, quand paraît (strophe III) une jeune fille «folle » à la danse «hermétique» pour laquelle l'homme commence à se dévêtir? Ayant perdu son « autorité désinvolte » du début, il se jette par la fenêtre (strophe IV). Son corps sera rejoint, dans le « champ du miroir noir dans lequel [il] vient de s'engloutir », par la jeune fille qui s'étend sur lui. « Le rideau tombe avec un bruit ailé de rivière qui s'éloigne » : une phrase finale qui pourrait aussi bien ouvrir Claire.

Dans L'Abominable des neiges (1952), Vénus veille, dans le ciel d'Asie, sur une expédition lancée à la conquête de l'Everest encore invaincu. Un certain docteur Hermez, parti de l'avant, est emporté par une avalanche ; miraculeusement épargné, il connaît l'amour de la déesse descendue s'unir, sous l'aspect de P « abominable des neiges », à cet « audacieux venu jusqu'à elle ». Mais le Satellite lui aussi épris de Vénus, « jeune homme bossu aux visage émouvant et pur», attire Hermez dans le gouffre et le tue. Dès lors, il « continuera d'escorter Vénus qui lui refuse son pardon. » Cette fable allégorique qui flirte avec Pétiologie et les légendes népalaises se termine par ces mots : « L'Everest foulé, Vénus ne reviendra plus sur terre. L'impossible se trouve désormais dans le champ des hommes. Qu'avons-nous conquis, gagné ? Le leurre inévitable, mais en faveur duquel nous devons plaider. » Difficile de ne pas entendre aussi dans cette réponse, qui clôt le cycle de Trois coups sous les arbres, une défense de la mimesis jouée et dansée...



2. René Char, l'écriture théâtrale d'après-guerre et Claire : virtuosité mimétique, dramaturgie sans allégeance



Les récurrences et la variété qui ramifient le corpus dramatique laissé par Char supporteraient sans aucun doute une analyse plus serrée : chaque ouvre, même la plus brève, possède manifestement son souffle et son « algorythme » propre. Char n'use pas indifféremment des mots «tableau», «scène», «strophe»... Mais concentrons-nous sur Claire, qui fait de l'équivoque le principe même de sa dramaturgie. Pièce, fille et rivière, « Claire/Claire » tire en effet de l'énigme fondatrice de sa nature les vertus d'un prisme qui concentrerait les éclats du théâtre charien, même resté à l'état de prémices.



Un kaléidoscope de styles



En dépit du flux qui unifie Claire, les changements de lieux et d'atmosphère aux divers stades de son parcours confèrent à chaque tableau (à l'exception des tableaux VI et VII) une autonomie redoutable, et en même temps stimulante, pour un metteur en scène. Mais ce kaléidoscope défie encore toute unité de style. A la première lecture de Claire, on pourrait croire qu'un collectif d'auteurs s'est donné rendez-vous pour en écrire les dix tableaux. Plus que de modèles avérés, il s'agit de courants d'écriture dont il est étonnant d'explorer la diversité.

Les passages de lyrique amoureuse ou sensuelle qui président à la naissance de Claire (« Je viens de naître. Claire est mon nom. Je le tiens de vous. Déjà la caresse de votre main se plaît à mon élan désordonné... ») aussi bien qu'à ses noces avec le grand Fleuve (« Claire, laisse-moi à présent te conduire. Mêle ton corps au mien, fraîche, aime et endors-toi... ») font songer aux Epiphanies d'un Henri Pichette (1947), dans le droit fil de l'amour fou surréaliste, où l'attraction biologique mâle-femelle cesse d'être antithétique de la sublimation la plus exaltée. A l'inverse, le drame bourgeois affleure dans la scène de jalousie qui a pour cadre la chambre de « Madame », épouse de l'ingénieur du troisième tableau ; immédiatement après, une « cuisine de paysans » (tableau IV) nous propose une quasi scène de genre où Claire, fille de la maison, sert l'eau de Claire, la rivière, sur la table familiale. Le drame de l'Ouvrier et de l'Ouvrière (tableau II) a jamais séparés par le corps souffrant d'un mari accidenté, possède Pâpreté sociale d'un Gorki. Le triptyque formé par les tableaux VI, VU et VIII, dont l'action se situe dans la « France des cavernes » de l'Occupation, puis à la Libération, suit le destin d'un résistant, le « Chargé de missions », confronté à la question cruciale de la peine de mort appliquée au nom du combat national : l'ensemble ne déparerait pas sous la plume d'un Camus. La dernière réplique du Chargé de missions, qui vient de faire brûler, liasse par liasse, au notaire indicateur la fortune qu'il a accumulée par sa collaboration avec l'ennemi, résonne d'une question morale qui accompagna Char toute sa vie, et qu'on retrouve dans Le Soleil des eaux (quand les plus vieux des pêcheurs prennent sur eux la « sale besogne » d'assassiner le DraC) :



« Notaire de l'État français, j'étais venu ici pour vous abattre. Je ne suis pas peu fier d'y avoir réussi, sans vous supprimer. De cette manière au moins, plus tard, je n'aurai pas de remords. »

On notera que Claire, fille du notaire, est tenue en dehors de cette scène dont elle entraperçoit seulement le début et la fin. Quand, au tableau VIII, le Chargé de missions devenu simplement « Lui », renaît à la vie par son amour avec la Rencontrée, il entrevoit le fruit de cet amour sous l'aspect une petite fille à qui sera donné « un nom qui ne fasse pas sombre »...

Claire est une force jaillissante qui renaît en de perpétuelles hypostases, en même temps que l'écriture du drame se prête avec une virtuosité étonnante à toutes les tentations de l'écriture.



Brouillage des pistes et des voix : un « ruisseau signifiant » qui défie l'emprise de la mise en scène



Les personnages de Char, en particulier dans Claire, sont multiples, protéiformes et clivés, on pourrait en prolonger la démonstration. Mais le poète scénariste sait aussi parfaitement éviter la dispersion et esquisser entre les tableaux de Claire le minimum de rapports qui provoqueront chez le spectateur ces « promenades inférentielles », ces hypothèses mentales qui donnent à la fable son corps imaginaire. La jeune fille amoureuse de l'étudiant du tableau V pourrait bien être la jeune domestique entrevue chez l'ingénieur au tableau III : elle ne répond jamais quand on l'appelle, occupée qu'elle est, peut-être, par son idylle avec le fils de la maison. Celui-ci revient-il est sous les traits du « Visiteur » qui vient retrouver la sagesse du « Vieil homme » de l'avant-dernier tableau, après avoir quitté le pays natal et les leçons de la rivière ? Le magnifique duo d'amitié entre ces deux hommes incame-t-il les deux voix du poète, auteur consacré par la capitale, mais travaillé par la nostalgie de la Terre-origine ?... Char s'arrête au moment où le spectateur « raccorderait » trop commodément les fils d'une intrigue banale. Il ne tranche pas, puisque tout l'effort poétique consiste à proposer une écriture qui refuse de trancher et d'obéir aux codes d'une vraisemblance univoque.



De même, on l'a vu, ses « didascalies » sont de véritables poèmes narrativisés. Le poète sait se déposséder de sa voix et parler le langage de ses personnages, cependant il n'est pas dupe de cette dépossession et reprend la réplique sous la dictée du Verbe quand il l'estime nécessaire.

Chef-d'ouvre d'écriture labile, et pourtant matrice cohérente d'images et de fables, Claire est donc un objet dramaturgique particulièrement attachant par la résistance qu'il oppose à toute dramaturgie classique. Une rapide comparaison avec Le Soleil des eattx, au moyen des diagrammes scéniques qu'on trouvera en annexe, permet de mesurer à quel point l'opposition, établie par Michel Vinaver, entre pièce-machine et pièce-paysage, peut prendre ici toute sa validité. Les dix premières scènes du Soleil des eaux font alterner scènes de foule et présentation des protagonistes pour installer la double intrigue, agonistique et amoureuse, qui formera la solide charpente du drame de lutte et de passion qui s'engage. Francis, clairement présenté comme héros et porte-parole des pêcheurs de la Crillonne (nom « théâtral » de la SorguE), fait la conquête de Solange en même temps qu'il affronte le Drac, son ennemi et son double antithétique. Rien d'une telle construction n'apparaît dans Claire, où l'omniprésence du personnage éponyme n'a d'égale que la multiplicité et l'instabilité de ses modes d'apparition et d'action. La dramaturgie de Claire, écrira Char à Roger Planchon2, est celle d'un « ruisseau signifiant ». Nul doute que Claire ne porte dans son parcours sinueux, mais puissamment unifié par un courant unique, la modernité de la pièce-paysage.



3. Une cosmogonie de l'eau



A peine cependant a-t-on opposé la dramaturgie du Soleil des eaux et celle de Claire, qu'il faut s'empresser de souligner leur solidarité mythique profonde, et leur enracinement dans une même cosmogonie de l'eau.



Les cinq âges de la Sorgue

La Sorgue, ou la Crillonne, alias Claire, « mythe personnel » de René Char au sens de Charles Mauron, a le pouvoir de métaphoriser par son cours une histoire de l'humanité, qui irait de l'âge d'or, où la rivière nourrit la collectivité, à la chute de l'âge industriel, en passant par le bienheureux temps des Papes, et par celui, déjà dégradé, de l'artisanat. Rien de systématique dans cette vision, mais un espace-temps vectorise qui ne s'est jamais trouvé plus nettement dépeint, peut-être, que dans le début du scénario rédigé par René Char pour le tournage du Soleil des eaux. Nous le restituons ici en suivant la ponctuation du manuscrit. On y retrouve l'humour du poète qui se plaît à prêter des sentiments et des réactions anthropomorphes à « l'appareil »...



Le film débute sur une vue panoramique de la Fontaine de Vaucluse prise du faîte du rocher de 500 mètres qui surplombe le gouffre d'où jaillissent les eaux de la Sorgue. L'appareil s'inclinera comme à regret sur la perspective de ce gouffre. Paysage dantesque [Note de l'auteur en bas de page : Et non pétrarquien ! »] composé de rochers aigus, d'arbustes rabougris qui s'oppose à la luxuriance des eaux soudain libres. Elles s'échappent en bouillonnant sur la pente de la montagne. L'appareil distinguera les groupes de corneilles qui nichent haut dans les rochers. Les oiseaux tournent dans l'altitude verticale au-dessus de la cavité du gouffre qui les rive à son miroir sombre. L'appareil ne s'attardera pas, et suivra immédiatement les cinq phases de la rivière :

A) la phase d'allégresse grondante au sortir du gouffre d'intenses tourbillons d'eau et d'écumes explosant sur les rochers,

B) aussitôt après ce tumulte une fraction où l'eau soudain apaisée semble mesurer sa profondeur avant de s'élever à nouveau. Ici la ruine d'un château féodal se dresse sur le roc telle une grande rose de pierre.

C) les maisons à peine discernables d'un petit village que la rivière traverse rapidement. Quelques habitants. Tout cela sans arbre.

D) L'usine (la papeteriE) à l'installation extrêmement compliquée. Bâtiment redoutable à cheval [de toutes ses dépendances, telle une pieuvre] sur la rivière.

E) le cours de la Sorgue tempéré, amaigri, coulant entre des berges verdoyantes. La rivière s'étire dans la plaine fertile. Quelques barques de pêcheurs ici et là, reconnaissables à leur longue perche.

Tout ce décor sera vu de façon tout à fait neutre, sans tonalité ni expression particulière. C'est le premier contact. Il ne s'est encore rien passé, [souligné dans le manuscrit]. »



Claire, lors de sa première apparition, parle de l'« ubiquité successive » qui sera la sienne, reflétant les travaux et les jours des hommes : « Vous montrant ma vie, je découvrirai la vôtre ». On note que l'irrémédiable présence de l'activité industrielle n'en est pas moins contrebalancée par l'essor de la « vallée fertile » au-delà de l'usine. « J'ai à peine le temps d'éprouver ma jeunesse, de vous révéler la vôtre, conclura Claire dans la même adresse liminaire au public, que nous volons ensemble vers les supplices, mais aussi vers les grands prologues pleins d'espoir». Dans cette cosmogonie de l'eau, les éléments s'interpénétrent et les contraires s'unissent.



« Dantesque, et non pétrarquien !» : la copulation des éléments



Dans un projet de scénario cinématographique pour Claire conservé à la bibliothèque Jacques Doucet, Char revient une fois encore à la vision initiale, à 1' «aperçu rapide de la Vallée de Vaucluse (source de la SorguE) » d'où va naître le récit :



Enchaîné rapide

Nuages et vapeurs en mouvement autour de sommets neigeux. Pénétration des uns par les autres. Vent violent. Clarté intense. Anfractuosités luisantes d'humidité. Pluies. Et dans une éclaircie du ciel, le croissant solitaire de la lune . La cime du Mont Ventoux vue de quelques kilomètres (de BédouiN). Le gouffre de Vaucluse. Verdure soyeuse sur les bords. Clarté du ciel et des choses mate. Peu à peu derrière les monts apparaît le disque du Soleil qui remplit l'écran. Enchaîné avec la cascade de la rivière. Similitude des deux éléments. Panoramique de la cascade dont l'eau bondit en fines poussières d'écume. Vagues silhouettes de personnes sur la rive, comme dans un rêve. Une main trempe délicieusement dans l'eau transparente.



L'union cosmique de l'eau et de l'air, parents de Claire (sa mère est la nuée, son père le glacier, eux-mêmes compositeS), de l'eau et du feu (ne serait-ce qu'en l'espèce du miroir aquatique qui capture le soleiL), rejoue à l'infini la copulation originelle des éléments qui fait jaillir du chaos de la fécondité civilisatrice. Nul n'a mieux exprimé cette intuition héraclitéenne de Char que Maurice Blanchot : « Si la parole du poème, dans l'ouvre de René char, évoque la parole de la pensée chez Heraclite, telle qu'elle nous a été transmise, nous le devons, semble-t-il, à ce rapport avec l'origine, rapport chez l'un et l'autre, non pas du tout confiant ni stable, mais déchiré et orageux. » (« Sur René Char », mars 1971, L'Herne n° 15). C'est pourquoi, placer en exergue du Soleil des eaux cet hymne de Pétrarque à la Fontaine de Vaucluse, pétri de sagesse épicurienne : « Je mène une vie douce modeste et sobre. Le peuple est bon, facile, sans armes ; le seigneur populaire et affable. À Vaucluse, l'air est sain, les vents tempérés, les sources claires, la rivière poissonneuse », c'est en même temps se souvenir que le gouffre-origine est « dantesque, et non pétrarquien » (voir ci-dessus la note apportée par René Char à l'ouverture cinématographique du Soleil des eauX). Claire s'ouvre par le sacrifice humain du «chercheur de de champignons » qui a voulu jouir de plonger ses bras dans l'eau naissante : « Soudain il glisse, il crie, il tombe, il roule, heurte le rocher... » Le sort d'Actéon guette celui qui tente de violer la virginité de la rivière. Or c'est précisément ce « chercheur de champignons » trop audacieux qui compromettra par son infirmité, dès le deuxième tableau, l'amour de l'Ouvrier et de l'Ouvrière. Du sacrifice et de la violence originels « découle » le drame humain. Jouissance et souffrance, bonheur et malheur s'interpénétrent et s'engendrent à l'instar des éléments.



Le théâtre de René Char nous entraîne donc aux antipodes du pittoresque méridional dont certains auteurs (non dépourvus de charme au demeuranT) ont pu faire leur fonds de commerce. Par le dynamisme intrinsèque du mythe, par le rejet immédiat de toute convention de genre et d'écriture, le poète dramaturge installe une cosmogonie dans un creuset naturel et humain dont l'humilité peut atteindre à l'universel, en vertu des antiques correspondances entre microcosme et macrocosme.

L'illumination fulgurante de cette scène poétique inclassable, est de faire de la force elle-même, dans son ambivalence, ses soubresauts et ses métamorphoses, le protagoniste du drame. Le metteur en scène d'aujourd'hui peut rouvrir Trois coups sous les arbres sans craindre la poussière : comme l'Armurier de Saint-Laurent, comme les pêcheurs de la Sorgue, Char a pris soin de dynamiter toutes les digues qui prétendaient canaliser la puissance agissante de la vision. Le théâtre et la danse sont pour lui des moyens spécifiques de la poésie, que la poésie n'aliène pas, mais interroge et rénove dans leur identité. Ce n'est donc pas un réservoir de mots, ni un laboratoire involontaire, que le théâtre peut venir y chercher : c'est l'espace d'une légitimité redonnée, un champ de forces qui l'attendait en connaissance de cause.



Une lettre de René Char à Pianchon à propos de Claire

Procurée par Philippe Morier-Genoud, comédien et tirée d't/w Défi En Province, Pianchon. Chronique d'une aventure théâtrale, par Michel Bataillon, 1950-1957, éditions Marval, p. 95-102.



«Paris, 17 mars 1952

« J'ai les plus grandi doutes sur la possibilité de porter Claire à la scène. Bien sûr, l'amitié que vous et vos camarades voulez bien manifester à cette Claire qui m'importe, votre conviction que cela se peut, font que je vous réponds : « Essayez » Mats vraiment, la brièveté des tableaux, la difficulté de maintenir à la scène un fil de la lecture que la lecture par contre permet de ne pas lâcher, la clarté et l'opacité à la fois de ce poème dialogué qui n 'est en définitive que le visage étemel de ce qui demeure en changeant. Une sorte d'anti-narcisse, jeunesse et amour, coulant entre les berges du drame et de i"insouci. Pensez-vous que l'essentiel en soit transmissible ? Si oui, allez, et que le montage soit le plus nu, le plus dépouillé et le plus sobre possible : un ruisseau signifiant.

Sensiblement et sympathiquement à vous. »

René Char »








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René Char
(1907 - 1988)
 
  René Char - Portrait  
 
Portrait de René Char


Biographie / Ouvres

René Char est né le 14 juin 1907 à L'Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse.

Principaux ouvrages


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