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Pierre de Ronsard



Sonnets pour hélène - Sonnet


Sonnet / Poémes d'Pierre de Ronsard





Quand à longs traits je bois l'amoureuse étincelle
Qui sort de tes beaux yeux, les miens sont éblouis.
D'esprit ni de raison troublé je ne jouis,
Et comme ivre d'amour tout le corps me chancelle.

Le cour me bat au sein, ma chaleur naturelle
Se refroidit de peur, mes sens évanouis
Se perdent tout en
Pair, tant tu te réjouis
D'acquérir par ma mort le surnom de cruelle.

Tes regards foudroyants me percent de leurs rais *
La peau, le corps, le cour, comme pointes de traits
Que je sens dedans l'âme, et quand je me veux plaindre

Ou demander merci du mal que je reçois,
Si bien ta cruauté me resserre la voix,
Que je n'ose parler, tant tes yeux me font craindre.



Tout ce qui est de saint, d'honneur et de vertu,
Tout le bien qu'aux mortels la
Nature peut faire,
Tout ce que l'artifice ici peut contrefaire,
Ma maîtresse en naissant dans l'esprit l'avait eu.

Du juste et de l'honnête à l'envi débattu
Aux écoles des
Grecs, de ce qui peut attraire
A l'amour du vrai bien, à fuir le contraire,
Ainsi que d'un habit son corps fut revêtu.

Toujours la chasteté, des beautés ennemie,
Gomme l'or fait la
Perle, honore son
Printemps,
Une vertu naïve, une peur d'infamie,

Un oil qui fait les
Dieux et les hommes contents.
La voyant si parfaite, il faut que je m'écrie :
Bienheureux qui l'adore, et qui vit de son temps!



Hélène sut charmer avecque son
Népenthe *
Les pleurs de
Télémaque.
Hélène, je voudroi
Que tu pusses charmer les maux que je reçoi
Depuis deux ans passés, sans que je m'en repente.

Naisse de nos amours une nouvelle plante,
Qui retienne nos noms pour éternelle foi
Qu'obligé je me suis de servitude à toi.
Et qu'à notre contrat la terre soit présente.

O terre, de nos os en ton sein chaleureux
Naisse une herbe au
Printemps propice aux amoureux,
Qui sur nos tombeaux croisse en un lieu solitaire.

O désir fantastiq', duquel je me déçoi,
Mon souhait n'adviendra, puisqu'en vivant je voi
Que mon amour me trompe, et qu'il n'a point de frère.



Dedans les flots d'Amour je n'ai point de support
Je ne vois point de phare, et si je ne désire (O désir trop hardi
I) sinon que ma navire
Après tant de périls puisse gagner le port.

Las ! devant que payer mes voux dessus le bord,
Naufragé je mourrai : car je ne vois reluire
Qu'une flamme sur moi, qu'une
Hélène qui tire
Entre mille rochers ma navire à la mort.

Je suis seul me noyant, de ma vie homicide,
Choisissant un enfant, un aveugle pour guide,
Dont il me faut de honte et pleurer et rougir.

Je ne sais si mes sens, ou si ma raison tâche
De conduire ma nef; mais je sais qu'il me fâche
De voir un si beau port et n'y pouvoir surgir.



CHANSON



Quand je devise assis auprès de vous,
Tout le cour me tressaut;
Je tremble tout de nerfs et de genoux,

Et le pouls me défaut *.
Je n'ai ni sang, ni esprit, ni haleine,
Qui ne se trouble en voyant mon
Hélène,
Ma chère et douce peine.

Je deviens fol, je perds toute raison*

Connaître je ne puis
Si je suis libre, ou mort, ou en prison :

Plus en moi je ne suis.
En vous voyant, mon oil perd connaissance;
Le vôtre altère et change mon essence,

Tant il a de puissance.

Votre beauté me fait en même temps
Souffrir cent passions,
Et toutefois tous mes sens sont contents,
Divers d'affections.

L'oil vous regarde, et d'autre part l'oreille
Oit votre voix, qui n'a point de pareille,
Du monde la merveille.

Voilà comment vous m'avez enchanté,
Heureux de mon malheur.
De mon travail je me sens contenté,

Tant j'aime ma douleur,
Et veux toujours que le souci me tienne.
Et que de vous toujours il me souvienne.
Vous donnant l'âme mienne.

Donc ne cherchez de parler au
Devin,
Qui savez tout charmer :
Vous seule auriez un esprit tout divin.

Si vous pouviez aimer.
Que plût à
Dieu, ma moitié bien aimée,
Qu'Amour vous eût d'une flèche enflammée
Autant que moi charmée!

En se jouant il m'a de part en part

Le cour outrepercé;
A vous s'amie il n'a montré le dard

Duquel il m'a blessé.
De telle mort heureux je me confesse,
Et ne veux point que la plaie me laisse

Pour vous, belle
Maîtresse.

Dessus ma tombe engravez mon souci

En mémorable écrit : «
D'un
Vendômois le corps repose ici.

Sous les
Myrtes l'esprit.
Comme
Paris là-bas faut que je voise,
Non pour l'amour d'une
Hélène
Grégeoise,

Mais d'une
Saintongeoise. »

Amour, abandonnant les vergers de
Cythères,
D'Amathonte et d'Eryce * en la
France passa :
Et me montrant son arc, comme
Dieu, me tança,
Que j'oubliais, ingrat, ses lois et ses mystères.
Il me frappa trois fois de ses ailes légères,
Un trait le plus aigu dans les yeux m'élança.
La plaie vint au cour, qui chaude me laissa
Une ardeur de chanter les honneurs de
Surgères.

«
Chante, me dit
Amour, sa grâce et sa beauté,
Sa bouche, ses beaux yeux, sa douceur, sa bonté :
Je la garde pour toi le sujet de ta plumé.

-
Un sujet si divin ma
Muse ne poursuit. - «
Je te ferai l'esprit meilleur que de coutume :
L'homme ne peut faillir, quand un
Dieu le conduit. »

Le
Soleil l'autre jour se mit entre nous deux,
Ardent de regarder tes yeux par la verrière;
Mais lui, comme ébloui de ta vive lumière,
Ne pouvant la souffrir, s'en alla tout honteux.

Je te regardai ferme, et devins glorieux
D'avoir vaincu ce
Dieu qui se tournait arrière,
Quand regardant vers moi tu me dis, ma guerrière : «
Ce
Soleil est fâcheux, je t'aime beaucoup mieux. »

Une joie en mon cour incroyable s'envole
Pour ma victoire acquise, et pour telle parole;
Mais longuement cette aise en moi ne trouva lieu.

Arrivant un mortel de plus fraîche jeunesse,
Sans égard que j'avais triomphé d'un grand
Dieu,
Tu me laissas tout seul pour lui faire caresse.



Deux
Vénus en avril, puissante
Déité,
Naquirent, l'une en
Cypre, et l'autre en la
Saintonge.
La
Vénus
Cyprienne est des
Grecs la mensonge,
La chaste
Saintongeoise est une vérité.

L'avril se réjouit de telle nouveauté,
Et moi qui jour ni nuit d'autre
Dame ne songe,
Qui le fil amoureux de mon destin allonge
Ou raccourcit, ainsi qu'il plaît à sa beauté,

Je me sens bienheureux d'être né de son âge.
Sitôt que je la vis, je fus mis en servage
De ses yeux, que j'estime un sujet plus qu'humain.

Ma raison sans combattre abandonna la place,
Et mon cour se vit pris comme un poisson à l'hain *.
Si j'ai failli, ma faute est bien digne de grâce.



Soit que je sois haï de toi, ma
Pasithée *,
Soit que j'en sois aimé, je veux suivre mon cours.
J'ai joué comme aux dés mon cour et mes amours :
Arrive bien ou mal, la chance en est jetée.

Si mon âme, et de glace et de feu tourmentée,
Peut deviner son mal, je vois que sans secours,
Passionné d'amour, je dois finir mes jours,
Et que devant mon soir se clora ma nuitée.

Je suis du camp d'Amour pratique
Chevalier.
Pour avoir trop souffert, le mal m'est familier;
Comme un habillement j'ai vêtu le martyre.

Donques je te défie, et toute ta rigueur.
Tu m'as déjà tué, tu ne saurais m'occire
Pour la seconde fois, car je n'ai plus de cour.



Trois ans sont jà * passés que ton oil me tient pris,
Et si ne suis marri de me voir en servage.
Seulement je me deuls * des ailes de mon âge,
Qui me laissent le chef semé de cheveux gris.

Si tu me vois ou pâle, ou de fièvre surpris,
Quelquefois solitaire, ou triste de visage,
Tu devrais d'un regard soulager mon dommage :
L'Aurore ne met point son
Tithon * à mépris.

Si tu es de mon mal seule cause première,
Il faut que de mon mal tu sentes les effets :
C'est une sympathie aux hommes coutumière.

Je suis, j'en jure
Amour, tout tel que tu me fais.
Tu es mon cour, mon sang, ma vie et ma lumière.
Seule je te choisis, seule aussi tu me plais.



De vos yeux tout divins, dont un
Dieu se paîtrait,
Si un
Dieu se paissait de quelque chose en terre,
Je me paissais hier, et
Amour qui m'enferre,
Cependant sur mon cour ses flèches racoutrait.

Mon oil dedans le vôtre ébahi rencontrait
Cent beautés, qui me font une si longue guerre,
Et la même vertu, qui toute se resserre
En vous, d'aller au
Ciel le chemin me montrait.

Je n'avais ni esprit, ni penser, ni orciile,
Qui ne fussent ravis de crainte et de merveille,
Tant d'aise transportés mes sens étaient contents.

J'étais
Dieu, si mon oil vous eût vu davantage;
Mais le soir qui survint, cacha votre visage,
Jaloux que les mortels le vissent si longtemps.



Te regardant assise auprès de ta cousine *,
Belle comme une
Aurore, et toi comme un
Soleil,
Je pensai voir deux fleurs d'un même teint pareil,
Croissantes en beauté, l'une à l'autre voisine.

La chaste, sainte, belle et unique
Angevine,
Vite comme un éclair sur moi jeta son oil.
Toi, comme paresseuse et pleine de sommeil.
D'un seul petit regard tu ne m'estimas digne.

Tu t'entretenais seule au visage abaissé,
Pensive toute à toi, n'aimant rien que toi-même,
Dédaignant un chacun d'un sourcil ramassé,

Comme une qui ne veut qu'on la cherche ou qu'on

[l'aime.
J'eus peur de ton silence, et m'en allai tout blême,
Craignant que mon salut n'eût ton oil offensé.



De toi, ma belle
Grecque, ainçois * belle
Espagnole,
Qui tires tes aïeux du sang
Ibérienl,
Je suis tant serviteur que je ne vois plus rien
Qui me plaise, sinon tes yeux et ta parole.

Comme un miroir ardent, ton visage m'affole
Me perçant de ses rais *, et tant je sens de bien
En t'oyant deviser, que je ne suis plus mien,
Et mon âme fuitive à la tienne s'envole.

Puis contemplant ton oil, du mien victorieux,
Je vois tant de vertus que je n'en sais le compte, Éparses sur ton front comme étoiles aux
Cieux.

Je voudrais être
Argus *, mais je rougis de honte
Pour voir tant de beautés que je n'ai que deux yeux,
Et que toujours le fort le plus faible surmonte.



Tant de fois s'appointer *, tant de fois se fâcher.
Tant de fois rompre ensemble et puis se renouer,
Tantôt blâmer
Amour et tantôt le louer,
Tant de fois se fuir, tant de fois se chercher,

Tant de fois se montrer, tant de fois se cacher.
Tantôt se mettre au joug, tantôt le secouer,
Avouer sa promesse et la désavouer,
Sont signes que l'Amour de près nous vient toucher.

L'inconstance amoureuse est marque d'amitié.
Si donc tout à la fois avoir haine et pitié,
Jurer, se parjurer, serments faits et défaits.

Espérer sans espoir, confort sans réconfort,
Sont vrais signes d'amour, nous entr'aimons bien fort.
Car nous avons toujours ou la guerre, ou la paix.



Quoi! me donner congé de servir toute femme,
Et mon ardeur éteindre au premier corps venu,
Ainsi qu'un vagabond, sans être retenu,
Abandonner la bride au vouloir de ma flamme,

Non, ce n'est pas aimer.
L'Archer ne vous entame
Qu'un peu le haut du cour d'un trait faible et menu.
Si d'un coup bien profond il vous était connu,
Ce ne serait que soufre et braise de votre âme :

En soupçon de votre ombre en tous lieux vous seriez ;
A toute heure, en tous temps, jalouse me suivriez.
D'ardeur et de fureur et de crainte allumée.

Amour au petit pas, non au galop, vous court,
Et votre amitié n'est qu'une flamme de
Cour,
Dù peu de feu se trouve et beaucoup de fumée.



Je t'avais dépitée, et jà trois mois passés
Se perdaient.
Temps ingrat, que je ne t'avais vue,
Quand détournant sur moi les éclairs de ta vue.
Je sentis la vertu de tes yeux offensés.

Puis tout aussi soudain que les feux élancés
Qui par le ciel obscur s'éclatent de la nue,
Rassérénant l'ardeur de ta colère émue,
Souriant tu rendis mes péchés effacés.

J'étais sot d'apaiser par soupirs et par larmes
Ton cour qui me fait vivre au milieu des alarmes
D'Amour, et que six ans n'ont pu jamais ployer.

Dieu peut avec raison mettre son ouvre en poudre;
Mais je ne suis ton ouvre, ou sujet de ta foudre.
Qui sert bien, sans parler demande son loyer.



Puisqu'elle est tout hiver, toute la même glace,
Toute neige, et son cour tout armé de glaçons,
Qui ne m'aime sinon pour avoir mes chansons,
Pourquoi suis-je si fol que je ne m'en délace?

De quoi me sert son nom, sa grandeur et sa race,
Que d'honnête servage et de belles prisons ?
Maîtresse, je n'ai pas les cheveux si grisons,
Qu'une autre de bon cour ne prenne votre place.

Amour, qui est enfant, ne cèle vérité.
Vous n'ëics si superbe, ou si riche en beauté,
Qu'il faille ckdaigner un bon cour qui vous aime.

Rentrer en mon avril désormais je ne puis :
Aimez-moi, s'il vous plaît, grison comme je suis,
Et je vous aimerai quand vous serez de même.



Je liai d'un filet de soie cramoisie
Votre bras l'autre jour, parlant avecques vous;
Mais le bras seulement fut captif de mes nouds,
Sans vous pouvoir lier ni cour ni fantaisie.

Beauté, que pour maîtresse unique j'ai choisie,
Le sort est inégal : vous triomphez de nous.
Vous me tenez esclave, esprit, bras et genoux,
Et
Amour ne vous tient ni prise ni saisie.

Je veux parler,
Maîtresse, à quelque vieil sorcier,
Afin qu'il puisse au mien votre vouloir lier,
Et qu'une même plaie à nos cours soit semblable.

Je faux : l'amour qu'on charme est de peu de séjour. Être beau, jeune, riche, éloquent, agréable,
Non les vers enchantés, sont les sorciers d'Amour.



D'un profond pensement j'avais si fort troublée
L'imagination qui toute en vous était.
Que mon âme a tous coups de mes lèvres sortait,
Pour être en me laissant à la vôtre assemblée.

J'ai cent fois la fuitive au logis rappelée,
Qu'Amour me débauchait; ores elle écoutait,
Et ores sans m'ouïr le frein elle emportait.
Comme un jeune poulain, qui court à la volée.

La tançant je disais : «
Tu te vas décevant :
Si elle nous aimait, nous aurions plus souvent
Ou chiffres ou message ou lettre accoutumée.

Elle a de nos chansons et non de nous souci.
Mon âme, sois plus fine : il nous faut tout ainsi
Qu'elle nous paît de vent, la paître de fumée. »



Je fuis les pas frayés du méchant populaire,
Et les villes où sont les peuples amassés.
Les rochers, les forêts déjà savent assez
Quelle trempe a ma vie étrange et solitaire.

Si ne suis-je si seul, qu'Amour mon secrétaire,
N'accompagne mes pieds débiles er cassés.
Qu'il ne conte mes maux et présents et passés
A cette voix sans corps ', qui rien ne saurait taire.

Souvent, plein de discours, pour flatter mon émoi,
Je m'arrête, et je dis :
Se pourrait-il bien faire
Qu'elle pensât, parlât, ou se souvînt de moi?

Qu'à sa pitié mon mal commençât à déplaire?
Encor que )e me trompe, abuse du contraire,
Pour me faire plaisir,
Hélène, je le croi.



Si j'étais seulement en votre bonne grâce
Par l'erré * d'un baiser doucement amoureux,
Mon cour au départir ne serait langoureux.
En espoir d'échauffer quelque jour votre glace.

Si j'avais le portrait de votre belle face,
Las ! je demande trop ou bien de vos cheveux,
Content de mon malheur, je serais bien heureux,
Et ne voudrais changer aux célestes de place.

Mais je n'ai rien de vous que je puisse emporter,
Qui soit cher à mes yeux pour me réconforter,
Ne qui me touche au cour d'une douce mémoire.

Vous dites que l'Amour entretient ses accords
Par l'esprit seulement : je ne saurais le croire,
Car l'esprit ne sent rien que par l'aide du corps.



De vos yeux, le miroir du
Ciel et de nature,
La retraite d'Amour, la forge de ses dards,
D'où coule une douceur, que versent vos regards
Au cour, quand un rayon y survient d'aventure,

Je tire pour ma vie une douce pâture,
Une joie, un plaisir, que les plus grands
Césars
Au milieu du triomphe, entre un camp de soudards *,
Ne sentirent jamais, mais courte elle me dure.

Je la sens distiller goutte à goutte en mon cour,
Pure, sainte, parfaite, angélique liqueur,
Qui m'échauffe le sang d'une chaleur extrême.

Mon âme la reçoit avecque tel plaisir,
Que tout évanoui je n'ai pas le loisir
Ni de goûter mon bien, ni penser à moi-même,



L'arbre qui met à croître a la plante assurée;
Celui qui croît bien tôt, ne dure pas long temps,
Il n'endure des vents les soufflets inconstants :
Ainsi l'amour tardive est de longyjejiurifi.

Ma foi du premier jour ne vous fut pas donnée :
L'Amour et la
Raison, comme deux combattants,
Se sont escarmouches l'espace de quatre ans.
A la fin j'ai perdu, vaincu par
Destinée.

Il était destiné par sentence des
Cieux,
Que je devais servir, mais adorer vos yeux.
J'ai, comme les
Géants, au
Ciel fait résistance.

Aussi je suis comme eux maintenant foudroyé;
Pour résister au bien qu'ils m'avaient octroyé
Je meurs, et si ma mort m'est trop de récompense.



Otez votre beauté, ôtez votre jeunesse,
Otez ces rares dons que vous tenez des
Cieux,
Otez ce docte esprit, ôtez-moi ces beaux yeux,
Cet aller, ce parler digne d'une
Déesse.

Je ne vous serai plus d'une importune presse,
Fâcheux comme je suis; vos dons si précieux
Me font en les voyant devenir furieux,
Et par le désespoir l'âme prend hardiesse.

Pource si quelquefois je vous touche la main,
Par courroux votre teint n'en doit devenir blême.
Je suis fol, ma raison n'obéit plus au frein,

Tant je suis agité d'une fureur extrême.
Ne prenez, s'il vous plaît, mon offense à dédain.
Mais douce, pardonnez mes fautes à vous-même.



De votre belle, vive, angélique lumière,
Le beau logis d'Amour, de douceur, de rigueur.
S'élance un doux regard, qui, me navrant le cour,
Dérobe loin de moi mon âme prisonnière.

Je ne sais ni moyen, remède, ni manière
De sortir de vos rets *, où je vis en langueur,
Et si l'extrême ennui traîne plus en longueur,
Vous aurez de mon corps la dépouille dernière.

Yeux, qui m'avez blessé, yeux, mon mal et mon bien,
Guérissez votre plaie :
Achille le peut bien.
Vous êtes tout divins, il n'était que pur homme.

Voyez, parlant à vous, comme le cour me faut!
Hélas
I je ne me deuls * du mal qui me consomme :
Le mal dont je me deuls, c'est qu'il ne vous en chaut *.



Nous promenant tous seuls, vous me dîtes,
Maîtresse,
Qu'un chant vous déplaisait, s'il était doucereux;
Que vous aimiez les plaints des tristes amoureux,
Toute voix lamentable et pleine de tristesse.

Et pource, disiez-vous, quand je suis loin de presse,
Je choisis vos
Sonnets qui sont plus douloureux,
Puis d'un chant qui est propre au sujet langoureux,
Ma nature et
Amour veulent que je me paisse.

Vos propos sont trompeurs.
Si vous aviez souci
De ceux qui ont un cour larmoyant et transi,
Je vous ferais pitié par une sympathie;

Mais votre oil cauteleux, trop finement subtil.
Pleure en chantant mes vers, comme le crocodil,
Pour mieux me dérober par feintise la vie.



Cent et cent fois le jour l'orange je rebaise,
Et le pâle citron dérobé de ta main,
Doux présent amoureux, que je loge en mon sein
Pour leur faire sentir combien je suis de braise.

Quand ils sont demi-cuits, leur chaleur je rapaise,
Versant des pleurs dessus, dont triste je suis plein,
Et de ta nonchalance avec eux je me plain,
Qui cruelle te ris de me voir à malaise.

Oranges et citrons sont symboles d'Amour,
Ce sont signes muets, que je puis quelque jour "l'arrêter, comme fit
Hippomène
Atalante *.

Mais je ne le puis croire :
Amour ne le veut pas,
Qui m'attache du plomb pour retarder mes pas,
Et te donne à fuir des ailes à la plante.



Toujours pour mon sujet il faut que je vous aie.
Je meurs sans regarder vos deux
Astres jumeaux,
Vos yeux, mes deux
Soleils, qui m'éclairent si beaux
Qu'à trouver autre jour autre part je n'essaie.

Le criant du rossignol m'est le chant d'une orfraie,
Roses me sont chardons, torrents me sont ruisseaux,
La vigne mariée à l'entour des ormeaux,
Et le
Printemps au cour me rengrège la plaie.

Mon plaisir en ce mois c'est de voir les coloms
S'emboucher bec à bec de baisers doux et longs,
Dès l'aube jusqu'au soir que le
Soleil se plonge.

O bienheureux pigeons, vrai germe
Cyprien,
Vous avez par nature et par effet le bien
Que je n'ose espérer tant seulement en songe!



Vous me dîtes,
Maîtresse, étant à la fenêtre,
Regardant vers
Montmartrel et les champs d'alentour :
La solitaire vie, et le désert séjour
Valent mieux que la
Cour, je voudrais bien y être.

A l'heure mon esprit de mes sens serait maître,
En jeûne et oraison je passerais le jour,
Je défierais les traits et les flammes d'Amour;
Ce cruel de mon sang ne pourrait se repaître.

Quand je vous répondis : «
Vous trompez de penser
Qu'un feu ne soit pas feu pour se couvrir de cendre,
Sur les cloîtres sacrés la flamme on voit passer.

Amour dans les déserts comme aux villes s'engendre.
Contre un
Dieu si puissant, qui les
Dieux peut forcer,
Jeûnes ni oraisons ne se peuvent défendre. »



Voici le mois d'avril, où naquit la merveille
Qui fait en terre foi de la beauté des deux,
Le miroir de vertu, le
Soleil de mes yeux,
Seule
Phénix d'honneur, qui les âmes réveille.

Les oillets et les lis et la rose vermeille
Servirent de berceau ; la
Nature et les
Dieux
La regardèrent naître, et d'un soin curieux
Amour enfant comme elle allaita sa pareille.

Les
Muses,
Apollon et les
Grâces étaient
Tout à l'entour du lit, qui à l'envi jetaient
Des fleurs sur
FAngelette.
Ah ! ce mois me convie

D'élever un autel, et suppliant
Amour
Sanctifier d'avril le neuvième jour,
Qui m'est cent fois plus cher que celui de ma vie.



D'autre torche mon cour ne pouvait s'allumer
Sinon de tes beaux yeux, où l'Amour me convie.
J'avais déjà passé le meilleur de ma vie,
Tout franc * de passion, fuyant le nom d'aimer.

Je soûlais * maintenant cette dame estimer,
Et maintenant cette autre où me portait l'envie,
Sans rendre ma franchise à quelqu'une asservie.
Rusé je ne voulais dans les rets m'enfermer.

Maintenant je suis pris, et si je prends à gloire
D'avoir perdu le camp, frustré de la victoire,
Ton oil vaut un combat de dix ans d'Ilion.

mour comme étant
Dieu n'aime pas les superbes : »ois aouce à qui te prie, imitant le lion. a coudre abat les monts, non les petites herbes.



Agate, où du
Soleil le signe est imprimé,
L'écrevisse marchant, comme il fait, en arrière.
Cher présent que je donne à toi, chère guerrière.
Won don pour le
Soleil est digne d'être aimé.

l.c
Soleil va toujours de flammes allumé,
Je porte au cour
If- feu de ta belle lumière;
Il est l'âme du monde, et ma force première
Dépend de ta vertu, dont je suis animé.

O douce, belle, vive, angélique
Sereine,
Ma toute
Pasithce , essence surhumaine.
Merveille de
Nature, exemple sans pareil,

D'honneur et de beauté l'ornement et le signe.
Puisque rien ici-bas de ta vertu n'est digne
Que te puis-je donner sinon que le
Soleil ?



Puisque tu connais bien qu'affamé je me pais
Du regard de tes yeux, dont larron je retire
Des rayons, pour nourrir ma douleur qui s'empire,
Pourquoi me caches-tu l'oil par qui tu me plais?

Tu es deux fois venue à
Paris, et tu fais
Semblant de n'y venir, afin que mon martyre
Ne s'allège en voyant ton oil que )e désire.
Ton oil qui me nourrit par le trait de ses rais.

Tu vas bien à
Hercueil avecque ta cousine
Voir les prés, les jardins et la source voisine
De l'Antre où j'ai chanté tant de divers accords.

Tu devais m'appeler, oublieuse
Maîtresse :
En ton coche * porté je n'eusse fait grand-presse,
Car je ne suis plus rien qu'un fantôme sans corps.



Comme je regardais ces yeux, mais cette foudre,
Dont l'éclat amoureux ne part jamais en vain,
Sa blanche, charitable et délicate main
Me parfuma le chef et la barbe de poudre.

Poudre, l'honneur de
Cypre, actuelle à résoudre
L'ulcère qui s'encharne au plus creux de mon sein,
Depuis telle faveur j'ai senti mon cour sain,
Ma plaie se reprendre, et mon mal se dissoudre.

Poudre,
Atomes sacrés qui sur moi voletaient,
Où toute
Cypre, l'Inde et leurs parfums étaient,
Je vous sens dedans l'âme.
O
Poudre souhaitée,

En parfumant mon chef vous avez combattu
Ma douleur et mon cour : je faux *, c'est la vertu
De cette belle main qui vous avait jetée.



Cet amoureux dédain, ce
Nenni gracieux,
Qui refusant mon bien, me réchauffent l'envie
Par leur fière douceur d'assujettir ma vie,
Où sont déjà sujets mes pensers et mes yeux,

Me font transir le cour, quand trop impétueux
A baiser votre main le désir me convie,
Et vous, la retirant, feignez d'être marrie,
Et m'appelez, honteuse, amant présomptueux.

Mais surtout je me plains de vos douces menaces,
De vos lettres qui sont toutes pleines d'audaces,
De moi-même, d'Amour, de vous et de votre art,

Qui si doucement farde et sucre sa harangue,
Qu'écrivant et parlant vous n'avez trait de langue
Qui ne me soit au cour la pointe d'un poignard.



J'avais, en regardant tes beaux yeux, enduré
Tant de flammes au cour, que plein de sécheresse
Ma langue était réduite en extrême détresse,
Ayant de trop parler tout le corps altéré.

Lors tu fis apporter en ton vase doré
De l'eau froide d'un puits, et la soif qui me presse
Me fit boire à l'endroit où tu bois, ma
Maîtresse,
Quand ton vaisseau se voit de ta lèvre honoré.

Mais le vase amoureux de ta bouche qu'il baise,
En réchauffant ses bords du feu qu'il a receu,
Le garde en sa rondeur comme en une fournaise.

Seulement au toucher je l'ai bien aperceu.
Comment pourrai-je vivre un quart d'heure à mon aise,
Quand je sens contre moi l'eau se tourner en feu ?






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Pierre de Ronsard
(? - 1585)
 
  Pierre de Ronsard - Portrait  
 
Portrait de Pierre de Ronsard


Biographie

1524
- (10 ou 11 septembre) : naissance au château de la Posson-nière (Couture, Loir-et-Cher).

Orientation bibliographique


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