Olivier de Magny |
Muses, filles de Jupiter, Il nous faut ores aquiter Vers ce docte et gentil Fumee, Qui contre le tems inhumain Tient vos meilleurs trets en sa main, Pour paranner sa renommee. Je lui dois, il me doit aussi Et si j'ay ores du souci Pour faire mon payment plus dine Je le voy ores devant moy En un aussi plaisant émoy Pour faire son Ode Latine. Mais par ou commencerons nous ? Dites le, Muses: car sans vous Je ne fuis l'ignorante tourbe, Et sans vous je ne peu chanter Chose qui puisse contenter Le pere de la lyre courbe. Quand celui qui jadis naquit Dans la tour d'erein, que conquit Jupiter d'une caute ruse, Ut trenché le chef qui muoit En rocher celui qu'il voyoit, Le chef hideus de la Meduse : Adonques, par l'air s'en allant, Monté sur un cheval volant, Il portoit cette horrible teste Et ja desja voisin des Cieus Il faisoit voir en mile lieus La grandeur de cette conqueste. Tandis du chef ainsi trenché Estant freschement arraché, Distiloit du sang goute à goute : Qui soudein qu'en terre il estoit, Des fleurs vermeilles enfantoit, Qui changement la campagne toute, Non en serpent, non en ruisseau, Non en loup, et non en oiseau, En pucelle, Satire ou Cyne : Mais bien en pierre : faisant voir Par un admirable pouvoir La vertu de leur origine. Et c'est aussi pourquoy je crois, Que fendant l'air en mile endrois Sur mile estrangeres campagnes, A la fin en France il vola, Ou du chef hideus s'escoula Quelque sang entre ces montagnes. Mesmement aupres de ce pont Opposé viz à viz du mont, Du mont orguilleus de Forviere En cet endroit ou je te vois Egaler meinte et meintefois Entre l'une et l'autre riviere Car deslors que fatalement J'en aprochay premierement, Je vis des la premiere aproche Je ne say quelle belle fleur : Qui soudein mesclavant le coeur Le fit changer en une roche. Je viz encor tout à lentour Mile petis freres d'Amour, Qui menoient mile douces guerres, Et mile creintifs amoureus Qui tous comme moy langoureus Avoient leurs coeurs changez en pierres. Depuis estant ainsi rocher, Je viz pres de moy aprocher Une Meduse plus acorte Que celle dont s'arme Pallas, Qui changea jadis cet Atlas Qui le Ciel sur l'eschine porte Car elle, ayant moins de beautez, De ces cheveux enserpentez Faisoit ces changements estranges : Mais cetteci, d'un seul regard De son oeil doucement hagard Fait mile plus heureus eschanges. Celui qui voit son front si beau Voit un Ciel, ainçois un tableau De cristal, de glace, ou de verre Et qui voit son sourcil benin, Voit le petit arc hebenin Dont Amour ses traits nous desserre. Celui qui voit son teint vermeil, Voit les roses qu'à son réveil Phebus épanit et colore : Et qui voit ses cheveus encor, Voit dens Pactole le tresor Dequoy ses sablons il redore. Celui qui voit ses yeus jumeaus, Voit au Ciel deus heureus flambeaus, Qui rendent la nuit plus cerene Et celui qui peut quelquefois Escouter sa divine voix Entend celle d'une Sirene. Celui qui fleure en la baisant Son vent si dous et si plaisant, Fleure l'odeur de la Sabee : Et qui voit ses dens en riant Voit des terres de l'Orient Meinte perlette desrobee. Celui qui contemple son sein Large, poli, profond et plein, De l'Amour contemple la gloire, Et voit son teton rondelet, Voit deus petis gazons de lait, Ou bien deus boulettes d'ivoire. Celui qui voit sa belle main, Se peut asseurer tout soudein D'avoir vu celle de l'Aurore Et qui voit ses piez si petis, S'asseure que ceux de Thetis Heureus il ha pù voir encore. Quant à ce que l'acoutrement Cache, ce semble, expressement Pour mirer sur ce beau chef d'euvre, Nul que l'Ami ne le voit point : Mais le grasselet embonpoint Du visage le nous descoeuvre. Et voilà comment je fuz pris Aus rets de l'enfant de Cypris Esprouvant sa douce pointure : Et comme une Meduse fit, Par un dommageable proufit, Changer mon coeur en pierre dure. Mais c'est au vray la rarité De sa grace et de sa beauté, Qui ravit ainsi les personnes : Et qui leur ôte cautement La franchise et le sentiment, Ainsi que faisoient les Gorgonnes. Le Tems cette grand'fauls tenant Se vét de couleur azuree, Pour nous montrer qu'en moissonnant Les choses de plus de duree Il se gouverne par les Cieus : Et porte ainsi la barbe grise Pour faire voir qu'Hommes et Dieus Ont de lui leur naissance prise. Il assemble meinte couleur Sur son azur, pource qu'il treine Le plaisir apres la douleur Et le repos apres la peine : Montrant qu'il nous faut endurer Le mal, pensant qu'il doit fin prendre, Comme l'Amant doit esperer Et merci de sa Dame atendre. Il porte sur son vétement, Un milier d'esles empennees Pour montrer comme vitement Il s'en vole avec nos annees : Et s'acompagne en tous ses faits De cette gente Damoiselle, Confessant que tous ses effets N'ont grace ne vertu sans elle. Elle s'apelle Ocasion, Qui chauve par derriere porte, Sous une docte allusion, Ses longs cheveus en cette sorte A fin d'enseigner à tous ceus Qui la rencontrent d'aventure De ne se montrer paresseus A la prendre à la chevelure. Car, s'elle se tourne et s'en fuit, En vain apres on se travaille Sans espoir de fruit on la suit. Le Tems ce dous loisir nous baille, De pouvoir gayement ici Dire et ouir maintes sornettes, Et adoucir notre souci, En contant de nos amourettes. Le Tems encore quelquefois, Admirant ta grace eternelle, Chantera d'une belle voix D'Avanson ta gloire eternelle : Mais or' l'ocasion n'entend Que plus long tems je l'entretienne, Creignant perdre l'heur qui m'atend Ou qu'autre masque ne survienne. |
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Olivier de Magny (1529 - 1561) |
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