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Max Jacob



Donné à l'amérique - Prose


Prose / Poémes d'Max Jacob





La description a ici une trop grande importance pour que je la néglige. Quelle importance, me direz-vous ? Je n'en sais rien, vous répondrai-je, mais certes de l'importance. Le lieu où s'est passé ce petit drame est resté dans ma mémoire beaucoup plus que le petit drame lui-même. C'est en pleine campagne et pourtant l'escalier est éclairé justement comme un entresol au Palais-Royal à Paris, de la lumière sur le plancher plus qu'au plafond. Cette lumière est encore tamisée par de grandes mousselines blanches. L'escalier est entièrement recouvert d'un épais tapis crème imprimé de petites swastikas bleu foncé et de taches rouges. Près de la fenêtre, bien que ce soit un escalier, il y avait une chaise de paille ronde en ébène. Me voilà soulagé ! J'ai décrit l'escalier, le seul intérêt de cette dramatique villégiature. J'avoue maintenant qu'il ne se passe rien sur cet escalier. Une petite fille en deuil de son père que j'y croise souvent et qui se jette sur la gouvernante plutôt que de me saluer. Je me délivre aussi de la petite fille, sa robe ou sarrau est en mousseline comme les rideaux de l'escalier avec des poches obliques ou franges noires. Quant à la gouvernante, je ne l'ai pas vue ou pas regardée. J'ai dit qu'il ne se passe rien dans l'escalier et pourtant ce rien est quelque chose, puisque la petite ne veut pas me saluer et se jette sur sa gouvernante.



Un jour j'ai réussi à arracher à la mystérieuse enfant cette mystérieuse parole : « Vous avez trahi maman par un sourire ! » Je ne puis me rappeler ce sourire, je ne puis me rappeler ma trahison ; j'ignore ce que peut être cette trahison. La maman est une amie que je ne soupçonne de rien du tout, à qui je ne connais rien de secret. J'ai d'abord vécu sur ce mot dans une anxiété compréhensible. Y a-t-il un secret dans cette maison attristée par la mort d'un père ? Quel est ce secret ? Nous sommes trois à table : un Anglais, Mrjohns, homme gai qui s'efforce d'être mélancolique par politesse et moi. Certains jours la gouvernante paraît à table avec l'enfant qui est boudeuse quand je suis devant elle. Un jour j'ai rapporté avec un sourire la mystérieuse parole comme on jette son sort sur un tapis de jeu ; la mère a balancé la tête affirmativement ; elle a regardé son assiette. L'Anglais a regardé son assiette. Il n'y avait que nous trois. La mère, mon amie, était très « esthétique ». C'était l'époque du modem style et des goûts florentins. Quelle surprise ! Affirmativement... oui affirmativement... Ici sont le drame et le mystère, je ne pouvais pas rester n'est-ce pas, je ne le pouvais pas. Je me suis fait envoyer une dépêche pour me rappeler à Paris et j'ai attendu qu'on m'invitât dans cette maison pour y reparaître. En somme ma conscience est en repos. J'ai perdu une amie ; on peut rarement fonder d'amitié désintéressée sur une femme ! Je n'y pense plus. Je n'y penserai plus. Je n'y eusse plus jamais pensé, je n'eusse jamais revu, jamais senti l'escalier d'entresol de la maison de campagne et la fillette en deuil, si, il y a quelques jours, je n'eusse rencontré une demoiselle très gaie dans un dancing qui vint à moi. Quelque voix intérieure ou extérieure me soufflait que je connaissais ce joli visage pensif, vraiment pas fait pour fumer la cigarette dans un dancing : « Ah !... vous êtes mademoiselle Lallier ! - Vous vous trompez, monsieur, je suis mademoiselle Johns... miss Johns... oui ! et voici mon père ». Ici, je m'interromps. Quelle banale histoire ! Se peut-il que je raconte une aussi banale histoire. Non vraiment, si l'escalier de la maison de campagne n'était pas resté dans ma mémoire, si la petite fille boudeuse en blanc avec des franges noires obliques n'était pas restée dans ma mémoire, je n'aurais pas pris la peine de raconter, moi, une millième histoire aussi banale, mais il y a comme cela des faits qui prennent de la poésie au souvenir des choses. J'allais saluer Mr Johns qui était bien déchu : « Je vous présente mon père ! ». Il avait l'air maintenant d'un vieil ivrogne à binocles. Il portait jadis un joli binocle sans autre monture qu'un peu d'or. Je le revoyais dans ce dancing presque peu convenable avec une horrible machine sur le nez en acier. Il ne me reconnut pas, alors la jeune fille lui parla à l'oreille et il me tendit la main : « Mon femme est morte ! » La jeune fille me proposa un tango : « Monsieur Lallier n'était pas mon père ! Quand mon père apprit sa mort, il vint chez ma mère lui proposer, comme on dit au tribunal, de reprendre la vie commune, mais ma mère ne l'acceptait chez elle que comme vous, comme un ami. Quoi ! Vous ne saviez pas tout cela ! ». Pendant qu'elle parlait et que nous dansions, en nous appliquant, les pas du tango, je revoyais l'escalier et tout ce deuil de convenances. J'ai répété ces mots comme malgré moi à voix basse. « Vous avez trahi maman par un sourire ! ». Ce fut à mon tour de sourire : « J'étais une petite fille désagréable », me dit-elle. « Ma gouvernante, par méchanceté, m'avait appris l'histoire de ma mère et j'avais parfaitement compris !... J'avais parfaitement compris pourquoi ma mère pleurait souvent. Je m'en souviens très bien. Un jour devant le curé du village qui déjeunait chez nous le dimanche, on a parlé à table des situations fausses, que créent les mours et vous avez souri. Pourquoi avez-vous souri, c'était une trahison ! - Je ne connaissais pas l'histoire de votre mère. Il se peut que j'aie souri ! Pourquoi votre mère ne m'a-t-elle jamais rappelé ? - Est-ce que je sais, moi ! Elle parlait souvent de vous avec amitié. -- Ah ! - Elle disait que vous étiez un imbécile, mais qu'elle ne vous détestait pas, parce que vous n'étiez pas un méchant homme ! » Oh ! Le tapis surtout, l'escalier ! Cette lumière d'entresol, des moitiés fenêtres au plancher, cette mousseline sur l'enfant et sur les vitres, la chaise d'ébène !

Maintenant voici cette petite dans un dancing peu convenable ! Est-ce que le vieil anglais déchu croit aussi que je suis un imbécile ? Pas méchant ? Cette fois encore j'ai souri, oh ! avec tant de compassion.



Esplanade de Fontainebleau : devant le château sur la route du jardin la noce s'avance et je reste en arrière avec deux enfants.

Esplanade de Fontainebleau : chaque convié a son arbuste fleuri face au château, moi seul n'en ai pas, pas plus que les domestiques.








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Max Jacob
(1876 - 1944)
 
  Max Jacob - Portrait  
 
Portrait de Max Jacob


Orientation bibliographique / Ouvres

1903
Le Roi Kaboul l et le marmiton Cauwain. Livre de prix pour les écoles (Picard et Kahn), Paris, Librairie d'éducation nationale, 1904.

Biographie

Il passe toute sa jeunesse à Quimper (Bretagne), puis s'installe à Paris, où il fréquente notamment le quartier de Montmartre et se fait de nombreux amis dont Picasso, qu'il rencontre en 1901, Braque, Matisse, Apollinaire et Modigliani.

Juif de naissance, il se convertit au catholicisme. Logeant au 7 de la rue Ravignan, l'image du Christ lui apparaît le 22 septembre 1909 sur le mur

La vie et l'Ouvre de max jacob


Chronologie


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