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Destin des lettres d'oc - L'évolution du lyrisme


Poésie / Poémes d'Marie de France





On a vu le rôle essentiel joué par la littérature en langue d'oc dans le développement de la poésie lyrique et de la courtoisie. Ailleurs, et plus tard, elle nous est apparue beaucoup plus en retrait : quelques chansons de geste, quelques romans, au regard de la production considérable de la littérature d'oïl dans ces deux domaines. Brillante encore au XIIIe siècle, malgré l'épreuve de la croisade contre les Albigeois, elle s'étiole dans les derniers siècles du Moyen Age. Il faut pourtant marquer sa place et garder en mémoire son évolution.



Contrairement à ce qu'on dit parfois, ce n'est pas la croisade qui a causé l'effacement relatif de la littérature en langue d'oc. Dès la seconde moitié du XIIe siècle elle est moins abondante et surtout moins variée que celle en langue d'oïl. Il faut peut-être, il est vrai, faire la part d'une moins bonne conservation des ouvres liée aux conditions particulières de la vie littéraire comme au déclin politique du Midi : des centres plus dispersés, parfois exilés hors du domaine d'oc lui-même, des copies moins nombreuses, et donc à la survie plus aléatoire. Mais la prise en compte de cette hypothèse ne suffit pas à combler l'écart. Ces conditions n'ont pas empêché les chansons des troubadours d'être abondamment et longtemps recopiées. Et si nous connaissons les titres de quelques ouvres narratives qui ont été perdues ou dont seuls des fragments ont survécu, le nombre n'en est malgré tout pas très élevé. Cependant, on ne peut, bien évidemment, pas nier l'effet néfaste de la croisade sur l'évolution comme sur l'esprit des lettres d'oc.



L'évolution du lyrisme



Le « trobar » dans la tourmente



Cet effet s'exerce d'abord, et de plusieurs façons, sur le lyrisme lui-même. Au moment de la croisade, quelques troubadours, en particulier dans le Carcasses et dans les Corbières, étaient liés à de petites cours seigneuriales teintées ou suspectes de catharisme. Ces cours dispersées, ils se sont trouvés déracinés, parfois contraints à l'exil : ainsi Raimon de Miraval, engagé personnellement dans la lutte, réfugié en Aragon après la défaite de Muret, ou, de façon plus indirecte, Peire Vidal. Des milieux littéraires ont été ainsi détruits.

Un autre effet, favorable celui-là au moins dans l'ordre poétique, a été le développement d'une poésie polémique et politique. Née de la croisade, elle se prolonge pendant tout le XIIIe siècle, forme méridionale d'un courant dont on a vu l'importance en France du Nord avec le succès du dit. Cette veine est illustrée par des pièces célèbres. Ainsi le violent sirventès de Guilhem Figueira contre Rome, composé par ce Toulousain en exil entre 1226 et 1229 et auquel répondra peu après, depuis la catholique Montpellier, une trobairitz nommée Gormonde. Ainsi le sirventès Ab greu consire d'un troubadour du Gévaudan, Bernard Sicard de Marvéjols, qui montre le Midi ravagé et humilié par les Français arrogants et cupides :



Ai ! Tolosa e Procnça Hélas ! Toulouse et la Provence,

E la terra d'Argença, et vous terre d'Argence,

Bcsers et Carcassei : Béziers et Carcassonne :

Com vos vi et co'us vei ! comme je vous ai vues, et comme je vous vois !



Ainsi, vers le milieu du siècle, le Toulousain Guilhem de Montan-hagol, plus nuancé pourtant et plus prudent, mais attaché à défendre les valeurs courtoises et amoureuses. Ainsi, vers la même époque, le planh (déploratioN) de Sordel sur la mort de Blacatz, prétexte à flétrir, avec un total éclectisme politique et une totale impartialité, il est vrai, la lâcheté des princes.



Le grand nom qui s'attache à cette inspiration est celui de Peire Cardenal. Né à Brioude en 1180, fils d'un chevalier, il avait été placé tout enfant dans la « chanoinic » du Puy. Mais parvenu à l'âge d'homme, nous dit sa vida, « il s'éprit de la vanité du monde, car il se sentit beau et joyeux et jeune ». Le voilà poète de cour et poète d'amour, bien que cette partie de son ouvre soit aujourd'hui presque tout entière perdue. Lorsque survient la croisade, il devient un poète militant, un moraliste sarcastique, un âpre polémiste dont la verve courroucée s'exerce aux dépens des Français et des clercs, un défenseur enthousiaste du comte de Toulouse qui incarne la résistance. Un poète religieux aussi, exaltant la Croix et le Christ pour mieux flétrir les clercs qui le trahissent et le déshonorent au lieu de le servir. Il compose jusque dans les années 1270 et meurt presque centenaire vers 1278.



Vers l'amour sage.

Fin de la poésie des troubadours, naissance de leur roman

Mais en dehors même de cette poésie polémique qui leur est directement liée, la croisade et ses suites ont des conséquences sur la nature et le ton du lyrisme amoureux lui-même. Dans le climat d'ordre moral qui s'instaure, il tend à devenir timoré, gourmé, convenable, il s'affadit, ou bien il se fige dans le regret d'un apogée qui lui paraît révolu et dans le désir d'assurer de façon didactique la survie d'un art menacé par l'oubli. On le voit avec le sage Daudes de Pradas, qui, aux côtés des croisés, devient vicaire général de Rodez. On le voit même avec Guilhem de Montanhagol, qui tente de sauver la Jin'amor en lui imposant la chasteté. On le voit surtout, dans la seconde moitié du siècle, à travers l'ouvre du Narbonnais Guiraut Riquier, souvent désigné, d'ailleurs improprement, comme le dernier troubadour, dont l'activité poétique s'étend de 1254 à 1292 et s'exerce à la cour du vicomte de Narbonne, puis à celle du roi de Castille Alphonse X le Savant, enfin dans diverses cours occitanes, du Rouergue au Comminges. Guiraut Riquier cultive avec une sorte d'application mélancolique tous les genres lyriques traditionnels, de la chanson au sirventès, de la tenson à la pastourelle, à laquelle il donne une coloration méditative et religieuse. Il a le sentiment d'être venu trop tard. Il défend avec une fierté hautaine, mais aussi avec un souci pointilleux et raide des hiérarchies, sa condition de poète, menacée, tant les vrais amateurs sont devenus rares, d'être confondue avec celle de jongleur. Le commentaire de l'ouvre d'un prédécesseur, qui avait toujours été un exercice intégré à la pratique du trobar, devient chez lui glose professorale qui déborde, oh combien !, le cadre de la chanson et se situe dans un ordre différent : à la demande du comte de Rodez, il compose un commentaire d'un millier de vers sur une chanson difficile de Guiraut de Calanson. Reniant ses compositions amoureuses, il finit par ne plus vouloir chanter que la Vierge.

Enfin l'évolution du trobar est sensible à travers les conditions de conservation des poèmes des troubadours. On a dit plus haut l'importance de l'organisation des chansonniers, et en particulier de la présence des vidas et des razos. Elles montrent, on l'a souligné, comme le fait aussi l'absence fréquente des mélodies, que les troubadours étaient lus à la fin du XIIIe et au XIVe siècle, quand ces vidas ont été écrites et ces manuscrits copiés, dans un esprit bien différent de celui qui anime leurs poèmes, l'esprit même de la poésie à prétention autobiographique qui triomphe au même moment en France du Nord. Mais elles témoignent aussi d'un effort de préservation de ce patrimoine poétique entrepris aux marches ou au-dehors de son domaine naturel : plusieurs de ces manuscrits ont été copiés en Italie du Nord, où Uc de Saint-Cire, troubadour lui-même et auteur dans le second tiers du xnr siècle de plusieurs vidas, a terminé sa carrière. Comme si cet effort de préservation avait quelque chose de trop délibéré, d'un peu artificiel. Les chansons des troubadours ont été recopiées en même temps que s'écrivait le roman des troubadours. Écrire le roman des troubadours, c'était reconnaître qu'ils appartenaient à un passé prestigieux et révolu.



Une tentative de restauration : le « Gai Saber » et les « Leys d'Amors »



Au début du XIV siècle, un mouvement se fait jour à Toulouse pour renouer avec la tradition des troubadours et lutter contre le déclin de cette poésie. D aboutit en 1323 à la création du Consistoire du Gai Savoir (Consistori de la subregaya companhia del Gai SabeR). Cette année-là, le mardi après la Toussaint, sept troubadours qui se réunissaient dans un faubourg de Toulouse envoient une convocation en vers à tous les poètes de langue d'oc pour le 1er mai 1324 : ce jour-là aurait lieu un concours poétique dont le lauréat recevrait une violette d'or fin. Ces troubadours étaient Bernard de Panassac, Pey Camaut, Guilhem de Gontaut, Guil-hem de Lobra, Peyre de Mejanasscrra, Bernard Oth, Berenguier de Sant-Plancat. En dehors du premier, noble gascon qui est aussi le seul à avoir laissé un nom comme poète, c'étaient des bourgeois de Toulouse, banquiers, marchands ou juristes. Ainsi fut fondé le Consistoire du Gai Savoir. En somme, le Midi empruntait à son tour le chemin tracé, on l'a vu, dès les dernières années du XII'' siècle par les villes du Nord, comme Arras, où la bourgeoisie animait sociétés poétiques et concours de poésie. D'activité curiale, la poésie devenait une activité bourgeoise et urbaine.

Les sept troubadours demandèrent à Guilhem Molinier, un docteur en droit qui allait devenir un peu plus tard le chancelier du Consistoire, de rédiger une sorte de code ou de manuel de poésie. Ce furent les Leys d'Amors dont la première rédaction, en prose, fut achevée vers 1341. Elle allait être suivie de trois autres rédactions en prose et d'une en vers. La totalité de l'ouvrage reconstitué en combinant les différentes rédactions comprend cinq parties : un historique de la fondation du Consistoire, un traité religieux et moral, un exposé méthodique de la grammaire occitane (phonétique, morphologie et syntaxE), un art poétique qui étudie, avec de nombreux exemples, le vers, la rime, la strophe, les genres lyriques, enfin un exposé de rhétorique touchant en particulier les figures. Cette somme se fonde sur l'ouvre des anciens troubadours dont la pratique fixe les règles de grammaire et de poétique. En voulant assurer la restauration de leur poésie, elle la fige dans la position de modèle intangible et en interdit l'évolution vivante.

En 1324, les sept troubadours décernèrent la première violette d'or à Arnaud Vidal de Castelnaudary, auteur d'autre part du roman de Guillaume de La Barre. Il fut couronné pour un poème en l'honneur de la Vierge. Mais le plus brillant lauréat des premières années du Consistoire et le meilleur poète à composer dans sa mouvance est Raymond de Cornet, un prêtre originaire de Saint-Antonin-Noble-Val, un moment franciscain avant de quitter l'Ordre et enfin chartreux au soir d'une vie agitée. Comme tous les troubadours tardifs, il chante un amour désincarné dont la dame se confond aisément avec la Vierge. Auteur d'un bref Doctrinal de trobar, il est surtout un poète polémiste et satirique, un peu dans la veine de Peire Cardenal, violemment hostile à la domination française sur le Midi et au roi de France. Mais d'une façon générale, les poèmes couronnés par le Consistoire et réunis pour la période de 1324 à 1484 sous le titre de Joias del Gai Saber n'ont rien de remarquable. I.a dévotion, partout présente, y est assez fade. Seules quelques pièces touchant l'actualité toulousaine - la famine de 1453, l'incendie de 1463 - retiennent l'attention.

Le Consistoire du Gai Savoir ne parviendra pas réellement à ranimer le souffle du trobar. Mais il remplira son rôle en contribuant à la vitalité de la poésie en langue d'oc jusqu'à la fin du Moyen Age et même jusqu'à nos jours, puisqu'il vit encore sous la forme de l'Académie des Jeux floraux de Toulouse dont les quarante mainteneurs, héritiers de ceux du Consistori de la subregaya companhia del Gai Saber du XIV siècle, couronnent chaque année des poèmes occitans et français.



La littérature narrative, didactique et édifiante



Les « novas » et leurs attaches lyriques



On ne s'attardera pas ici sur les grands textes narratifs en langue d'oc que sont les romans de Jaufré et de Flamenca, les chansons de geste de Daurel et Béton, Roland à Saragosse ou Ronsasvak. On les a déjà mentionnés en même temps que leurs congénères en français en étudiant le développement des genres dont ces ouvres relèvent. On ne reparlera pas davantage des vidas et des razos. On se contentera de replacer ces textes dans la tradition de la littérature narrative occitane et d'en faire apparaître les traits caractéristiques et l'évolution.



La chanson de geste est, on le sait, peu représentée en langue d'oc, bien qu'elle y soit peut-être ancienne. Le roman arthurien l'est moins encore : Jaufré en est l'unique, et d'ailleurs remarquable, spécimen ; plus tard, au XIVe siècle, le bref roman de Blandin de Comouaille est certes un roman breton, mais ne fait nulle référence au roi Arthur. Le roman d'aventures non breton n'a lui aussi qu'un seul représentant, qui se fait lui aussi attendre jusqu'au XIVe siècle, le Guillaume de La Barre d'Arnaud Vidal. Flamenca, enfin, correspond en partie à ce que l'on appelle improprement du côté français le « roman réaliste » : c'est sous cette rubrique qu'on l'a classé plus haut.

En revanche, il est un terme qui est propre à la littérature narrative de langue d'oc : celui de novas (« nouvelles »). Il peut désigner toute sorte de récit : Flamenca et même, en une occasion, Jaufré se l'appliquent. Mais il est employé plus précisément à propos de récits relativement brefs, centrés sur une péripétie unique et chargés d'un enseignement, quand ils ne revêtent pas une forme proprement didactique. En un mot, des textes un peu analogues à ce que peuvent être, en langue d'oïl, la Châtelaine de Vergy, le Lai de l'Ombre, le Vair palefroi, voire, un peu plus tard, certains dits.



C'est de ce genre - si le mot peut s'appliquer à un ensemble aussi flou - que relèvent, dans les permières années du XIIIe siècle, deux poèmes du Catalan Raimon Vidal de Besalù, auteur d'autre part de Razos de trobar qui sont comme une maladroite préfiguration des Leys d'Amors. Le Judici d'amor relate, comme son titre l'indique, un jugement rendu en matière amoureuse au château du seigneur et troubadour catalan Uc de Mata-plana (un chevalier peut-il quitter une dame inflexible pour répondre à l'amour que lui offre une jeune fille ?). Le Castiagibs (« châtiment du jaloux ») est l'histoire d'un mari jaloux, cocu et content. On retrouve ce thème quelques années plus tard dans Flamenca, qui est un Castiagibs, mais qui est bien davantage : la résolution narrative pénétrante, provocante, éblouissante, des apories de l'amour et du langage qui se nouent dans la poésie des troubadours. Vers le milieu du siècle, Arnaut de Carcasses compose Las novas del papagai, récit d'une brève rencontre à la faveur d'un incendie allumé par un perroquet entremetteur. Novas encore, mais relevant de l'allégorie didactique de l'amour, et non pas du récit romanesque, que la Cour dAmour et le Château d'Amour, poèmes dont nous ne possédons dans les deux cas qu'un fragment.



On voit combien ces textes s'accordent avec l'esprit d'une littérature dominée par la lyrique amoureuse et courtoise. Ce sont les figures et les images de ce lyrisme qui constituent le germe des développements allégoriques, comme c'est le cas dans le domaine français pour le premier Roman de la Rose. Ce sont ses thèmes et son éthique qui nourrissent les récits amoureux, comme ceux des nouvelles françaises citées plus haut. C'est son langage qui fonde le chef-d'ouvre de l'art narratif occitan qu'est Flamenca. Jusque dans ses choix narratifs la littérature de langue d'oc manifeste son goût pour le lyrisme et sa dépendance à son égard. On le voit avec les novas, on le voit avec les vidas et les razos, bien sûr. On le voit encore à ce fait minuscule que certains passages de Jaufré à caractère rhétorique ou élégiaque, mais en tout cas non narratifs - diatribe contre les médisants, éloge du roi d'Aragon, tourments amoureux, aveux de l'amour - ont été extraits du roman pour être copiés dans deux anthologies de pièces lyriques du XIVe siècle, à une époque où ce n'est plus la musique qui fait le lyrisme et où ils peuvent ainsi rejoindre le genre d'où ils sont issus.



Grammaire et amour, cosmogonie et religion



Les traités en langue d'oc ne séparent pas la grammaire de la métrique et de la versification. C'est le cas des Razos de trobar de Raimon Vidal de Besalù. C'est le cas, au milieu du XIIIe siècle, du Donat proensals d'Uc Faidit. C'est le cas des Leys d'Amors. C'est l'ensemble constitué par la langue et la poésie des troubadours que l'on cherche à enseigner à ceux qui peuvent les avoir oubliées dans le cas du dernier ouvrage, à ceux à qui elles sont étrangères dans le cas des deux premiers : Raimon Vidal est catalan, Uc Faidit écrit en Italie pour deux seigneurs de ce pays.

Mais dans cette culture dominée par les troubadours, au-delà des questions de forme, c'est toute l'idéologie amoureuse qui demandait à être, non pas seulement formalisée, mais plus encore récupérée, intégrée à l'orthodoxie religieuse et morale. Cette tendance se manifeste, on l'a vu, dans l'évolution même du lyrisme. Le Consistoire du Gai Savoir se place sous l'invocation de la Vierge et les Leys d'Amors comporte une partie éthique et religieuse. Mais on voit des entreprises totalement différentes, beaucoup plus ambitieuses, tournées tout entières vers la spéculation sur les réalités divines et humaines et vers leur description, s'enraciner néanmoins dans cette réflexion sur l'amour.

La plus remarquable est le Bréviaire d'Amour (Breviari d'AmoR) composé à partir de 1288 par Matfre Ermcngaud, un juriste de Béziers appartenant sans doute à une famille de la bourgeoisie marchande, et certainement lié à la spiritualité franciscaine. L'ouvrage se présente comme une longue encyclopédie de près de 35 000 vers dont les sources sont aussi bien théologiques comme les Sentences de Pierre Lombard que scientifiques comme le De proprietatibus rerum de Barthélémy l'Anglais. Mais la perspective et le plan sont bien particuliers. Ils reposent sur une représentation de l'arbre d'amour et de ses ramifications. De Dieu émanent Droit de Nature et Droit des gens, qui se divisent eux-mêmes en Amour de Dieu et du prochain, Amour des biens temporels, Amour d'homme et de femme et Amour des enfants, chacun de ces amours fournissant la matière d'une partie de l'ouvrage, sauf l'amour des enfants dont il n'est plus question, sans doute parce que le poème est inachevé. L'auteur s'intéresse d'abord à la nature de Dieu, puis à la création (éléments, sphères célesteS). La partie consacrée à l'amour de Dieu est l'occasion d'une réfutation des erreurs des Juifs, avec des citations en hébreu à l'usage de la communauté juive particulièrement nombreuse en Languedoc, d'un commentaire du Credo, d'une revue des états du monde liée à la satire des péchés propres à chacun.



Mais la dernière partie (v. 27253-34597), le Perilhos tractât d'amor de donas (« Périlleux traité de l'amour des dames »), est d'un intérêt tout particulier. A travers une série de débats, Matfre montre les dangers de l'amour entre homme et femme, défend l'amour et les dames contre les troubadours et les amants qui conçoivent le premier et traitent les secondes de façon à ses yeux inacceptable, place le mariage au rang des vertus, mais il tente en même temps une conciliation de l'amour courtois et de la doctrine chrétienne. Dans cet effort, il invoque l'Ecriture, les Pères, les Remédia amoris d'Ovide, mais il cite aussi très fréquemment et très abondamment les troubadours : plus de deux cent cinquante citations empruntées à plus de soixante troubadours, dont luimême, la plupart d'entre elles couvrant une strophe entière. Aussi bien, dès les premiers vers de son ouvre, il s'était présenté en ces termes :



Matfres Ermengaus de Bczerss, Matfre Ermengaud de Béziers, senhers en leis e d'amors serss, maître en droit et serviteur de l'amour, e no solamen serss d'amor et non seulement serviteur de l'amour, mas de tôt fizel aimador... mais encore amant parfaitement fidèle...

(V. 9-12).



Si grande était la séduction que le trobar et la fin'amor exerçaient sur ce pieux compilateur qui connaissait si bien les troubadours et les citait avec tant de plaisir.



Si ce n'était déborder le cadre de la littérature d'oc, il faudrait mettre en relation l'ouvrage de Matfre Ermengaud avec l'ouvre, infiniment plus abondante et plus importante, de son contemporain le logicien et mystique catalan Raymond Lulle (ca 1232-1315), qui appartient lui aussi à la mouvance franciscaine et qui avait été troubadour avant sa conversion. L'arbre d'amour et la philosophie d'amour, la représentation, dans le texte et dans les illustrations de ses ouvres, des concepts et de leur enchaînement sous la forme d'un arbre, de ses ramifications et de ses feuilles, le souci de conversion des infidèles - musulmans plus que juifs dans son cas - et même l'attention aux états du monde y tiennent une place importante, et le talent comme le goût poétique y ont leur place.

D'une façon générale, c'est dans le domaine religieux que la littérature en langue d'oc des derniers siècles du Moyen Age est la plus vivante. Du côté de l'hérésie, les textes cathares, rares de tout temps en latin et plus encore en langue vulgaire, ont bien entendu disparu. La Nouvelle de l'Hérétique (JVovas de l'HeretgE) de Sicart de Figuciras présente du point de vue de l'orthodoxie le procès d'un cathare en forme de débat. Mais les Vaudois, réfugiés dans les vallées alpines sur le versant italien, ont laissé une collection de sept poèmes composés à la fin du XIVe ou au début du XV siècle, dont le plus remarquable est la Nobla leiçon. Enfin, un médecin juif du Cayla écrit après 1322 le Roman d'Esther, en langue d'oc mais transcrit en alphabet hébreu, qui adapte le début du livre biblique.

Du côté catholique, les vies de saints sont nombreuses, au nombre desquelles on relève, à côté d'un certain nombre de textes touchant saint François et la vie franciscaine, la Vie de sainte Douceline, sour du franciscain Hugues de Digne révéré par Saint Louis, morte en 1274. Sa Vie en prose, particulièrement intéressante pour la connaissance de la dévotion populaire vers la fin du Moyen Age, a sans doute été écrite au début du XIV siècle par Philippine de Porcelet, qui lui avait succédé à la tête du couvent qu'elle avait fondé à Hyères.



Deux poèmes se situent aux confins de la littérature religieuse et de la matière épique. La Vie de saint Honorât du Niçois Raymond Féraud (1325) montre le saint, fils converti d'un roi païen de Hongrie, délivrer, sur l'ordre de saint Jacques, Charlcmagne prisonnier du roi sarrasin Agolant - personnage de la Chanson d'Aspremont - et, devenu archevêque de Vienne, lutter contre les manichéens d'Arles soutenus par le comte Girard ; à sa mort, les morts des Aliscamps sortent de leur tombeau pour empêcher le transfert de son corps au monastère de Lérins qu'il a fondé. Vers la fin du XIV siècle, le Roman d'Arles mêle gauchement des traditions empruntées aux Actes des apôtres apocryphes et des souvenirs du cycle de Guillaume d'Orange.

Signalons enfin, écrite dans la région d'Albi à la fin du XIII ou au début du XIV siècle, une version en prose occitane de Bar-laam et Josaphat, roman ascétique et mystique d'origine orientale reposant sur l'histoire christianisée de la jeunesse de Bouddha, et qui a connu en Occident à partir du XIIe siècle un très vif succès.

En fait, la production littéraire en langue d'oc à la fin du Moyen Age ne présente pas d'originalité par rapport à la production française. Elle suit son évolution dans tous les domaines, y compris le domaine théâtral {Jeu de sainte Agnès au XIV siècle, Passion provençalE). Elle est seulement beaucoup moins riche. Et elle est devenue provinciale. Le temps est loin où l'on chantait et copiait dans le Nord les chansons des troubadours. Le recrutement des concurrents du Gai Savoir est de plus en plus local. En 1387, Froissait accueilli à Orthez par le comte de Foix et de Béarn Gaston Phébus observe avec satisfaction que son hôte ne s'adresse pas à lui dans son gascon mais en excellent français. Parler français est devenu le signe de la distinction.





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Marie de France
(1160 - 1199)
 
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Portrait de Marie de France

Biographie / chronologie

Marie de France est une poétesse médiévale célèbre pour ses lais - sortes de poèmes - rédigés en
ancien français1. Elle a vécu pendant la seconde moitié du XIIème siècle, en France puis en Angleterre,
où on la suppose abbesse d'un monastère, probablement2 celui de Reading.

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