Marceline Desbordes-Valmore |
Ondine ! enfant joyeux qui bondis sur la terre. Mobile comme l'eau qui t'a donné son nom, Es-tu d'un séraphin le miroir solitaire ? Sous ta grâce mortelle ome-t-il ma maison ? Quand je t'y vois glisser dansante et gracieuse, Je sens flotter mon âme errante autour de toi : Je me regarde vivre, ombre silencieuse ; Mes jours purs, sous tes traits, repassent devant moi ! Car toujours ramenés vers nos jeunes annales. Nous retrempons nos yeux dans leurs fraîches Midi n'a plus le goût des heures matinales [couleurs ; Où l'on a respiré tant de sauvages fleurs ! Le champ, le plus beau champ que renfermât la terre, Furent les blés bordant la maison de mon père, Où je dansais, volage, en poursuivant du cour Un rêve qui criait : "Bonheur ! bonheur ! bonheur !" C'est toi ! mes yeux blessés par le temps et les larmes. Redevenus miroirs, se rallument d'amour ! N'es-tu pas tout ce monde infini, plein de charmes, Que j'encerclais d'espoir, en essayant le jour ? Viens donc, ma vie enfant ! et si tu la prolonges, Ondine ! aux mêmes flots ne l'abandonne pas. Que les ruisseaux, les bois, les fleurs où tu te plonges, Gardent leur fraîche amorce au penchant de tes pas ; Viens ! mon âme sur toi pleure et se désaltère. Ma fille, ils m'ont fait mal !... Mets tes mains sur mes Montre-moi l'espérance et cache-moi la terre ; [yeux, Ange ! redens mon vol, ou suis-moi dans les deux. Mais tu n'entendras pas mes plaintes interdites. Dit-on au passereau de haïr, d'avoir peur ? Tes oreilles encor sont tendres et pedtes, Enfant ! Je ne veux pas méchandser ton cour. Garde-le plein d'écho de ma voix maternelle : Dieu qui t'écoute encore ainsi m'écoutera. O ma blanche colombe ! entr'ouvre-moi ton aile ; Mon cour a fait le den ; il s'y renfermera ; Car ce serait affreux et pidé de t'apprendre, Quand tu baises mes pleurs, ce qui les fait couler ; Va les porter à Dieu, sans chercher à comprendre Ce qu'une larme pèse et coûte à révéler ! Tout pleure ! et l'innocent que le torrent entraîne, Et ceux qui, pour prier, n'ont que leurs repentirs ; Peut-être en ce moment les soupirs d'une reine, Sur la route du ciel, rencontrent mes soupirs. Mais que l'oiseau des nuits t'effleure en sa tristesse : Il passe, mon Ondine, il passe avec vitesse : Sur tes traits veloutés j'aime à boire tes pleurs ; C'est l'ondée en avril qui roule sur les fleurs. Que tes cheveux sont doux ! étends-les sur mes Comme un voile doré sur un noir souvenir. [larmes, Embrassons-nous !... Sais-tu qu'il reste bien des A ce monde pour moi plein de ton avenir ? [charmes Et le monde est en nous : demeure avec toi-même ; L'oiseau pour ses concerts goûte un sauvage lieu ; L'innocence a partout un confident qui l'aime. Oh ! ne livre ta voix qu'à cet écho : c'est Dieu ! |
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Marceline Desbordes-Valmore (1786 - 1859) |
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Portrait de Marceline Desbordes-Valmore | |||||||||
Biographie / OuvresNée à Douai en 1786, elle devient chanteuse puis comédienne et elle épouse en 1817 un certain Valmore, acteur dont elle fera passer le nom à la postérité. Chronologie |
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