Louise Labé |
D'un tel vouloir le serf point ne désire La liberté, ou son port le navire. Comme j'atens, helas, de jour en jour De toy. Ami, le gracieus retour. s Là j'avois mis le but de ma douleur. Qui fineioit, quand j'aurais ce bon heur De te revir: mais de la longue atente, Helas, en vain mon désir se lamente. Cruel, Cruel, qui te faisoit promettre Ton brief retour en ta première lettre? As tu si peu de mémoire de moy, Que de m'avoir si tôt rompu la foy? Comme oses tu ainsi abuser celle Qui de tout tems t'a esté si fidelle ? Or' que tu es auprès de ce rivage Du Pau comu , peut estre ton courage S'est embrasé d'une nouvelle flame. En me changeant pour prendre une autre Dame : Jà en oubli inconstamment est mise La loyauté que tu m'avois promise. S'il est ainsi, et que desja la foy Et la bonté se retirent de toy : Il ne me faut esmerveiller si ores Toute pitié tu as perdu encores. O combien ha de pensée et de creinte, Tout aparsoy, l'ame d'Amour ateinte! Ores je croy, vu notre amour passée. Qu'impossible est, que tu m'aies laissée: Et de nouvel ta foy je me fiance, Et plus qu'humeine estime ta constance. Tu es, peut estre, en chemin inconnu Outre ton gré malade retenu. Je croy que non : car tant suis coutumiere De faire aus Dieus pour ta santé prière, Que plus cruels que tigres ils seroient, Quand maladie ils te prochasseroient : Bien que ta foie et volage inconstance Meriteroit avoir quelque soufrance. Telle est ma foy, qu'elle pourra sufire A te garder d'avoir mal et martire. Celui qui tient au haut Ciel son Empire Ne me saurait, ce me semble, desdire: Mais quand mes pleurs et larmes entendrait Pour toy prians, son ire il retiendrait. J'ay de tout tems vescu en son service. Sans me sentir coulpable d'autre vice Que de t'avoir bien souvent en son lieu Damour forcé, adoré comme Dieu. Desja deus fois depuis le promis terme, De ton retour, Phebe ' ses cornes ferme, Sans que de bonne ou mauvaise fortune De toy. Ami, j'aye nouvelle aucune. Si toutefois pour estre énamouré En autre lieu, tu as tant demeuré, Si say je bien que t'amie nouvelle A peine aura le renom d'estre telle, Soit en beauté, vertu, grâce et faconde. Comme plusieurs gens savans par le monde M'ont fait à tort, ce croy je, estre estimée. Mais qui pourra garder la renommée? Non seulement en France suis flatee, Et beaucoup plus, que ne veus, exaltée. La terre aussi que Calpe et Pyrenee Avec la mer tiennent environnée, Du large Rhin les roulantes areines, , Le beau pais auquel or'te promeines, Ont entendu (tu me l'as fait à croire) Que gens d'esprit me donnent quelque gloire. Goûte le bien que tant d'hommes désirent: Demeure au but ou tant d'autres aspirent: Et croy qu'ailleurs n'en auras une telle. Je ne dy pas qu'elle ne soit plus belle : Mais que jamais femme ne t'aymera. Ne plus que moy d'honneur te portera. Maints grans Signeurs à mon amour prétendent, Et à me plaire et servir prêts se rendent, Joutes et jeus, maintes belles devises ' En ma faveur sont par eus entreprises : Et néanmoins, tant peu je m'en soucie, Que seulement ne les en remercie : Tu es tout seul, tout mon mal et mon bien: Avec toy tout, et sans toy je n'ay rien : Et n'ayant rien qui plaise à ma pensée, De tout plaisir me treuve délaissée, Et pour plaisir ennui saisir me vient. Le regretter et plorer me convient, Et sur ce point entre en tel desconfort. Que mile fois je souhaite la mort. Ainsi, Ami, ton absence lointeine Depuis deus mois me tient en cette peine. Ne vivant pas, mais mourant d'une Amour Lequel m'occit dix mile fois le jour. Revien donq tôt, si tu as quelque envie De me revoir encor' un coup en vie. Et si la mort avant ton arrivée Ha de mon corps l'aymante ame privée, Au moins un jour vien, habillé de dueil, Environner le tour de mon cercueil. |
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Louise Labé (1524 - 1566) |
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Portrait de Louise Labé | |||||||||
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Biographie / chronologiePierre Charly, apprenti cordier (peut-être d'origine italienne), né aux alentours de 1470, illettré au point de ne pas savoir signer, épouse Guillermette Decuchermois, sans doute âgée ; celle-ci est veuve depuis 1489 de Jacques Humbert, dit Labé (ou L'Abbé [forme la plus ancienne], l'Abé, Labbé, Labbyt), cordier installé rue de l'Arbre sec. Pierre reprend le surnom de Labé, qui est attaché au fond BibliographieLouise Labé (ou Labbé) est née à Lyon vers l'année 1524. Son père, Pierre Charly, était un cordelier de la ville. Elle tirera son surnom, la belle cordelière, de son père aussi bien que de son futur époux, Ennemont Perrin, qui exercera la même activité. |
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