Louis Aragon |
Les voyageurs d'Europe entre eux parlaient d'affaires Les yeux de la vigie adoraient l'horizon Dans la cale où valsaient d'obscures salaisons Le rêve des mutins se tordait dans les fers Oublions qu'ils ont soif puisque nous nous grisons Sur le pont-promenade on joue un jeu d'enfer Des marchands de bétail que les vents décoiffèrent En quatre coups de dés perdaient leur cargaison Soudain le ciel blanchit et des rochers s'escarpent Pure comme une nuit découpée aux ciseaux C'est une île Voyez sa couronne d'oiseaux Les dauphins alentour sautent comme des carpes La mer qui vient briser contre elle son biseau D'écume en soupirant l'entoure d'une écharpe Avez-vous entendu la tristesse des harpes Aux doigts musiciens qui caressent les eaux De quel prédestiné Dame de délivrance Attends-tu sur la pierre noire la venue Blanche à qui l'acier bleu cercle les poings menus Où saignent les rubis d'un bracelet garance Les marins regardaient cette femme inconnue Étrangement parée aux couleurs de souffrance Attachée au récif bordé d'indifférence Si belle qu'on tremblait de voir qu'elle était nue Andromède Andromède ô tendre prisonnière N'est-ce pas toi qui pleures et Méduse qui rit Le moderne Persee aurait-il entrepris Sur le cheval volant l'école buissonnière Aux jours que nous vivons les héros ont péri Je n'attends plus des Dieux que l'injure dernière Va dire qu'Andromède est morte à sa manière Dans ses cheveux dorés en rêvant de Paris Va dire au monde sourd qu'une seule Andromède Qu'il croit au cour des mers à jamais oubliée Peut esclave mourir à son rocher liée Méduse aux yeux d'argent tourne autour d'elle mais De nuit le rossignol fait peur aux sangliers Car toute tyrannie en soi porte remède Ah soulevez le ciel millions d'Archimèdes Qui chantez ma chanson géants humiliés La mer comme le sable est sujette aux mirages L'espace efface un pli dans son rideau mouvant J'avais cru voir une île à l'aisselle du vent Et celle qui criait la langue des naufrages N'est que l'illusion qui me reprend souvent Depuis qu'ayant quitté les terres sans courage Plus oisif* que l'oiseau j'ai choisi pour ouvrage De guetter le soleil sur le gaillard d'avant J'escompte vainement les escales du sort Terre Mais ce n'est pas la terre où tu naquis Quel calme On se croirait dans un pays conquis Les passagers vêtus de tweed et de tussor Trouvent que ce voyage est tout à fait exquis La mer est une reine Eux ses princes-consorts Et la vie a passé comme ont fait les Açores Dit le poète Vladimir Maïakovski |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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