Louis Aragon |
Chanté Les charrettes brinquebalent Les carottes vont aux Halles Cahotant sur le pavé Dans cette aube mal lavée Et l'ombre place Dauphine Comme fait une morphine Dans des veines assombries Se retire des lambris Mon amour Ce qu'elle tarde Un pas monte à la mansarde Un pépiement sur le toit C'est toi chérie est-ce toi La clé crie à la serrure Rendors-toi je t'en conjure Jusqu'à la fin de la nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis D'où viens-tu donc à cette heure Tu ne vois pas que je meurs De sommeil Si c'est permis Dormons veux-tu mon ami Dormons dormons Trop facile J'avais dîné chez Cécile Puis m'en fus aux Préniontrés Et de là je suis rentrée Pour qui me prends-tu ma belle Attends voir Je me rappelle Cette Cécile elle t'a Tout juste écrit d'Étretat Quant au couvent des Bons-Pères Ils n'y restent pas j'espère À confesse au tard de nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis J'ai cru rentrer tout de suite Dans la lune on va si vite Pourtant me voilà vannée Peut-être ai-je un peu flâné Mais c'est qu'il faisait très clair Dans la rue du Pré-aux-Clercs Mais c'est qu'il faisait trop bon Se promener rue Cambon Dieu sait ce que j'allais faire Rue Paradis rue Denfert Et tout ce temps j'ai cherché La rue Aubry-le-Boucher Pour tomber an diable vert Sur un banc square d'Anvers Ah quelle nuit quelle nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis Ça paraît tout naturel De jouer à la marelle De l'Étoile à Daubenton De Grenelle à Charenton Quand les hommes qu'on rencontre Tous également se montrent Si galants de but en blanc De but en blanc si galants Avec qui faut-il qu'on aille L'un s'il vous prend c'est la taille L'autre un baiser l'autre un gant Certains sont d'un intrigant Les gens les gens qu'on peut voir Une fois qu'il fait nuit noire Une fois qu'il fait bien nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis L'un avait la voix si tendre Que je m'arrêtai l'entendre L'autre était si bien bâti Qu'en hâte je suis partie Tous n'ont pas même insistance L'un vous suit c'est à distance Un autre m'a plu beaucoup Qui me parlait dans le cou Voulais-tu que je me fâche D'avoir frôlé sa moustacho J'ai ri J'ai vraiment bien ri À traverser tout Paris Enfin je franchis la Seine Ah mes enfants quelle scène C'est le bouquet de la nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis Tout le Pont-Neuf aux chandelles Mangeait de la mortadelle Sur la tête un bonnet plat Que dégoise celui-là Pourpoint noir et veste rouge À celui-ci le nez bouge Un tiers vend l'orviétan En costume de Sultan D'aucuns ont masque de bête D'autres marchent sur la tête Ce sont Enfants sans soucy Qui paradent par ici Ils m'ont mené bonne guerre Et moi de n'avancer guère Craignant les lutins la nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis Or quand je fus sur la Place Je me sentis lasse lasse Messieurs laissez-moi passer Tous m'invitent à danser Le barbouillé qui m'emporte M'abandonne à demi morte À l'enfariné suivant Qui tourne comme le vent Au paillasse il me relance Et moi je vire je danse Ah la face de navet Les bras les bras qu'il avait J'y étais si bien que sûr S'il n'eût perdu sa chaussure J'y restais toute la nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis D'où m'échoit ce Bruscambille Le fichu trousseur de filles Je me défile aussitôt Je saute sur les tréteaux Parmi les tambours qui battent Au milieu des acrobates Grimaciers montreura de chiens Magiciens cartomanciens Us m'en ont fait les jongleurs Voir de toutes les couleurs Entre nous l'homme-scrpent C'est un joli sacripant L'écuyer m'a prise en croupe Ce fut l'avaleur d'étoupe Le plus gentil de la nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis Tu n'imagines pas comme Le feu fait la bouche à l'homme Fraîche et brûlante à la fois Et la lèvre douce aux doigts Entre les flammèches folles Qui lui sortent pour paroles Boum C'est la femme-canon Qui bouscule mon chignon Les nains bleus font des culbutes Pour combattre le scorbut Un guérisseur iroquoia Conseillant je ne sais quoi Parlait de métempsycose Sur la place blanche et rose Où s'achevait cette nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis Pif paf on boit du Champagne Pif paf on bat la campagne Tzim la tzira et tra la la La crème et le chocolat Niquedouille tu m'embrouilles Ça chatouille ça chatouille J'ai su que l'accordéon C'était son grand nom Léon Et le patron du bazar Son petit nom Balthazar Pif paf ça c'est les fusils Beau militaire va-z-y Qu'aux jets d'eau plus rien ne bouge Éteins-moi tous les oufs rouges Qu'il fasse plus longtemps nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis Voilà comme tu t'en tires Tu ne sai3 pas mieux mentir Rue Chalgrin que rue Taitbout Tout ça ne tient pas debout Plus que cette feinte foire Dont tu m'as corné l'histoire Tout ce chahut prétendu Que je n'ai pas entendu Chaque fois chanson nouvelle Tu me troubles la cervelle Avec ce beau baratin Respire un peu le matin Ouvre-moi grand la fenêtre Que le jour naissant pénètre Et chasse l'air de la nuit Baise-moi Julienne Jean-Julien je ne puis Le soleil s'appuie aux vitres Le Pont-Neuf n'a plus de pitres Plus de danseurs farfelus Place Dauphine non plus Un immense écobuage Enflamme au ciel les nuages Les songes les menteries Sur la pâleur de Paris Et l'amour quoi que tu fasses De son souffle immense efface Sur les toits et dans les rues Le vol des coquecigrues Que les noyés à la Morgue Les cagots aux grandes orgues Portent leurs restants do nuit Baise-moi Julienne Murmuré Jean-Julien je ne puis |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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