Louis Aragon |
C'était un temps de solitude Ô long carême des études Où tout à son signe est réduit Aux constellations la nuit La vie affaire de mémoire De chiffres blancs au tableau noir Et lorsqu'on mourait à Vimy Moi j'apprenais l'anatomie J'avais l'homme abstrait pour domaine Or les récits des Théramène Fallait-il deux fois qu'on les tue Transformaient les morts en statues De toujours les grands mots m'irritent Et ces millions d'Hippolyte Ils étaient sur les chars et moi J'avais quatre-vingt francs par mois Pardonnez-moi cette amertume Mais l'âge d'aimer quand nous l'eûmes Comme le regain sous la faux Tout y sonnait mortel et faux Et qu'opposer sinon nos songes Au pas triomphant du mensonge Nous qui n'avions pour horizon Qu'hypocrisie et trahison La guerre on la voit à l'envers Et vienne le troisième hiver Petit verre des condamnés Est-ce que c'est pour cette année Le ciel déjà prend goût de terre Puisqu'on est des morts sursitaires Tous les calculs que nous ferons Auront une balle en plein front Comment croire ce qu'on enseigne J'ai touché pourtant ce qui saigne J'ai u frémir j'ai dû fermer De mes doigts des yeux bien-aimés D'autres les ont à la taverne J'eus moi mes vingt ans en caserne Enfant maigre habillé de bleu Rêvant beaucoup et. mangeant peu C'était le Paris de l'An Mille Adieu ma vie adieu ma ville Pont Alexandre pâle et beau Le soir comme un vers de Rimbaud Ma tour au loin qui semble un air Renouvelé d'Apollinaire Se peut-il que je vous oublie O palefreniers de Marly J'ai laissé mon cour à la traîne Dans les bosquets du Cours-la-Reine Je ne vous reverrai jamais Fleurir marronniers que j'aimais Je pars et je vous abandonne Longs quais de pierre sans personne Veillant sur le fleuve profond Où les désespérés s'en vont Il paraît que je pars me battre Adieu Paris mon grand théâtre Adieu viaduc de Passy Adieu tout ce qu'on voit d'ici Les deux rives fuyant à l'amble Ce qui se cache et ce qui tremble Les jardins du Trocadéro Et le ver luisant du métro Le temps vient des métamorphoses J'ai quitté la beauté des choses Et dans le train qui s'éloignait Ma plaque de fer au poignet J'entendais d'abord creux et sourd Croître le bruit des canons lourds Et le wagon vers les armées Portait des chants et des fumées Voici la région des tirs Voici la roue et le martyre Le fer y tombe des nuées Y vivre a pour règle tuer Entends l'approche des marmites Sous le crépuscule des mythes Dans cette terre déchirée Le cri de la chair labourée Tes yeux ta lèvre ta narine L'intérieur de ta poitrine L'air même y viendra les ronger Tu respireras le danger Alerte alerte aux gaz Arrache le masque des phrases Et sous les velours des idées Montre ta face défardée |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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