Léo Ferré |
J'ai de la brume en vrac pour illustrer le monde Et je peins des apache(s) à chaque promeneur Le boulevard s'annonce mal et puis débonde Toute une moisissure humaine en z'yeux à fleurs Mill neuf cent cinquant'-six... bientôt quadragénaire, La rue me monte au nez comme des barbaries Ça moud aux devanture(s) et ça pue la colère Les phonos lise(nt) Armstrong dans le texte à Paris Les poètes sont là vissés au crépuscule Entre deux autobus ils riment des appels Ohé de l'inconnu de Parpette et des bulles Que font les bouches accolées à l'essentiel ! Les magasins s'en vont par dix faire trempette Dans la cervelle des badauds rue d'Amsterdam Et la gar' Saint-Lazare ajuste ses lunettes Le buvard à banlieue sèche le macadam C'est l'heure à requiem six piges c'est la pointe Et ça pointe un peu mauve au-dessous des quinquets Les filles de quinze ans ça pointe et ça complainte C'est le chant des banlieues de l'aiguilleur distrait Par ici pas si haut les mains sont des fantômes Précis et maladroits sous les jupe(s) à huis clos Les mêmes mains qui parle(nt) en gutturant des psaumes Dans les bistrots du roi David Ricard and Co Pie douze en pin up boy aboie sur les façades Comme la Margaret on en parle au café Ce monde épique est un poète qui balade Aux portes de l'abstrait des dieux de cabaret Les tailleurs pour le tweed ont l'oil caméléon Et découpe(nt) à Scotland des gigots à la mode Tu peux miss déployer tout ton qu'en dira-t-on Le tailleur pour ton cul a l'oeil aux antilopes Les flics les anges blonds tenanciers de football Les meetings c'est le choeur antique qui s'attarde Cet enchevêtrement de muscle obscène sur le sol Et ce peuple qui bande en lâchant ses cocardes La radio dans le ciel lance des anathèmes Les annonceurs publics se lavent au Persil Es-tu blanche ô mon âme en cette terreur même Où l'onde savonneuse en a pour son babil Une affiche fanée comme une vieille actrice Remonte un peu ses lettre(s) et se met de trois quarts Faisant du gringue au cantonnier qui va et plisse Sous les ordures communales) et son devoir Dans la rue les jardins ont du pavé qui pousse Sur les étals grimpants la mer porte le deuil Gisant là démarrés des poissons vous repoussent De l'ouïe ma chère à vous faire tourner de l'oil C'est le ventre à Paris qui gargouille et s'étire Comme un revenez-y d'Atlantique en allé Il y'a là tout Rimbaud dans ce colin messire Ivre de mayonnaise il s'est mis en congé Ah se vêtir de pluie dans ce siècle extra sec Et briller dans la nuit d'un brillant de fontaine S'ébrouer comme un chien perdu qui rit avec Sa queue tout empennée de la tendresse humaine Prendre la langue verte et la couper au ras S'en réchauffer les doigts gercés par la palabre Cracher des mots comme on cracherait des crachats Et faire un style enfin à débander les arbres Et partir loin des yeux de la technicolor Tout seul en noir et blanc comme une ombre légère Divaguer dans le no man's land et dire encor Même en vers ce qui suinte alentour de la terre |
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Léo Ferré (1916 - 1993) |
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Portrait de Léo Ferré | |||||||||
biographiePoète... vos papiers !, poèmes (La Table ronde, 1956) La Nuit, feuilleton lyrique (La Table ronde, 1956) Mon programme, plaquette auto-éditée (1968) Benoît Misère, récit (Robert Laffont, 1970) Il est six heures ici et midi à New York, plaquette auto-éditée (Gufo del Tramonto, 1974) Je parle à n'importe qui, plaquette auto-éditée (Gufo del Tramonto, 1979) |
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