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Jean-Jacques Viton



Le courant - Poéme


Poéme / Poémes d'Jean-Jacques Viton





Une radio propose dix jours pour découvrir

la diversité ethnique du
Brésil et son
Histoire.

Je m'aperçois qu'il me reste dix minutes

pour assister avant la nuit complète à la

quotidienne dissolution du paysage.

J'annonce maintenant dix minutes de lecture

pour ce poème écrit dans un temps bien plus long.

Travailler à regarder dehors le travail de l'ombre

qui grandit et défait les rails de la neige là

en face sur les pentes de la montagne

à l'instant de l'oil de chèvre c'est l'instant

où le soleil à son coucher est coupé

en oblique par des bandes de nuages.

J'emporte une provision incertaine et ancienne qui sursaute dans un courant aussi lent que rapide un courant où sursautent aussi d'autres souvenirs que je ne connais pas ai-je donc été un autre.

Regarder ces bandes claires rescapées du blanc



travées brillant encore sur leur fond opaque un fond presque noir une terre mêlée d'écorces des traînées pâles qui vont pâlir encore quand la lumière partira en laissant la terre prendre le dessus des valeurs principales.

Regarder ce blanc qui tient encore à la terre où s'étendent des silences apparents et épais comme des couvre-lits de flanelle superposés cette image du noir sur blanc c'est la métaphore d'un deuil précoce.

La couleur ne modèle pas elle s'installe.
Est-ce qu'on modifie une bande de neige en la déclarant blanche puis terne parce qu'on l'a regardée longtemps une ligne de terre en la disant noire parce que chargée d'arbres sombres ?

Je ne suis pas encore dans la nuit complète

pas non plus dans l'énigme de l'entre chien-et-loup

mais plutôt le moment d'un piano sans cordes

la sourdine de la musique solitude de la neige

de combien de plumes plumées de neige sur la nuit

la nuit nappe nappe de nuit qui approche

l'instant où la récitante qui en fait beaucoup

se penche sur les eaux comme indiqué sur le livret

l'esprit rêveur rêvant que s'y dessinent

des initiales des aveux des messages entre

les petites bulles et les petits insectes

du petit théâtre de la rivière où en été

une autre récitante vient prendre sa place



et se rêve dormant aux portes du crépuscule.

Je suis bien loin de la poche brésilienne

d'où surgiraient
Haroldo et
Augusto de
Campos

Drummond ou
Oswald de
Andrade ou la magnifique
Pagù

ou le petit garcazer dents acérées et doigts griffus

que les premiers
Japonais qui débarquèrent du «
Nadejda »

prirent naturellement pour un dragon et tuèrent.

Ils conservèrent sa forme dans du saké.

Où est la flèche qui tua le souvenir ?

Je l'ai vue entrer en scène par la droite

furtive et sèche d'un seul coup sans écho

tandis que du côté jardin-jésus apparaissait

le boxeur grimaçant au visage tuméfié

avec ses cocardes bleues virant au jaune

les veines de son coup beaucoup trop gonflées

l'obligeant à marcher tête basse en vaincu

ce qui donnait aux épaules toute leur pente

on se demandait où était passée sa serviette

un boxeur a toujours autour du cou sa serviette.

Maintenant l'ombre aborde les terres hachées de rayures encore claires comme des couvertures de trappeurs.

La dernière fois que je suis allé sur le port un haut tas de pavés encombrait l'esplanade sur laquelle tournoyaient des mouettes énormes alors l'Anglais s'est exclamé très fort sea-gull la récitante a compris tout bas cigale et pour cacher sa honte s'est tournée du côté



des poissonnières qui sur leurs planches grises arrosaient quelques loups suffoquant au soleil d'une eau il faut le dire plutôt sale.

En cinq minutes de lecture j'ai retrouvé un parc

traversé autrefois à quinze heures très souvent.

J'avançais sur une allée en contrebas

d'une terrasse publique où se reposait

le gardien dans un fauteuil en toile.

Je me rappelle sa corpulence ses aller retour

sur le gravier blanc qui filait en bandes.

Il parlait de loin à une femme désemparée.

Je retrouve aussi une clairière.
L'allée

y conduisait.
Et une pièce d'eau dont

la bordure en ruine faisait frontière

avec une décharge de pneus hérissée de roseaux.

Je regardais aussi des épaves au soleil.

Un hippodrome avec une entrée en verrière

un large escalier qui jaillissait des ronces

survolées par des mouettes la mer n'était pas loin.

Quelqu'un que je ne vois pas me dit : tu m'as regardé par-dessus la mémoire les sentiments qui t'agitent ne transpercent pas.

Je me demande ce qui transperce.
Une flèche un coup de poing la pluie une douleur une chose abstraite concrète ou les deux une absence une phrase un cri dans la nuit le geste d'une femme qui dérobe ses lèvres.
Transpercer veut dire aussi apparaître



comme cette nuit arrivée enfin et qui m'entoure
Oui c'est la nuit.
Nuit qui recouvre tout.
En elle tout s'effondre sur place.

Je laisse le courant m'entraîner encore.
Je pratique une contrebande de souvenirs mélangeant les repères les abréviations qui étoilent les pages des vieux carnets les feuilles arrachées aux calendriers comme ces autres feuilles recouvertes par les sédiments le désordre les mémoires en lambeaux sous la pourriture la plus forte lorsqu'on tente des retouches elles deviennent des repeints de pudeur et nous savons bien qu'il y a cour et petit cour.

Je vois le ciel couleur de chien qui court de chien courant je nous vois courant perdus dans le courant nous aussi nous deux dans le courant comme si nous étions trois qu'aucune nuit n'arrête.

Lorsqu'on découpe une volaille on termine en détachant les ailes.

avec ça débrouille-toi avec ça ça ça ça ça.






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Jean-Jacques Viton
(1933 - 1620)
 
  Jean-Jacques Viton - Portrait  
 
Portrait de Jean-Jacques Viton


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