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LES « FABLES »


Poésie / Poémes d'Jean de La Fontaine





Le conte (et j'y inclus Psyché) est comme un exercice où La Fontaine s'entraîne à la combinaison des points de vue et des styles.Mais ce n'est que « conter pour conter » ; les Fables reprennent le même an mais elles ont beaucoup à dire (5). Le premier recueil s'inspire essentiellement d'Ésope et de Phèdre (6) (70 et 30 fables sur 125), qu'il suit assez fidèlement et ne développe guère. Il répète leurs tristes constats, leur empirique opportunisme, leur sagesse résignée. Il ne s'échappe que timidement vers d'autres genres : conte (I, 17 ; III, 16 ; IV, 4 ; VI, 21), épître (II, 1), élégie (III, 15), allégorie (VI, 20), méditation philosophique (II, 13), parodies d'épopée (III, 18 ; IV, 6). Dans le second, Esope et Phèdre ne fournissent que 14 et 2 ou 3 fables sur 89 : 20 viennent d'Abstemius (Italien du XVT sièclE), 18 de l'Inde. Celles-ci apportent de nouveaux signifiants (serpent, ours, tortue ; bassa, marchand, mage, viziR) et renforcent le pessimisme, le goût de la retraite et du merveilleux. La Fontaine a pris de l'assurance : fables plus longues (en moyenne 46 vers contre 31), plus indépendantes de leurs sources, mélangeant plus librement les tons et les genres. Digressions, confidences (VIII, 4 et 11 ; LX, 2 ; XI, 4...) ; préoccupations philosophiques et scientifiques (VII, 17 ; VIII, 26 ; XI, 9 ; DiscourS), nourries par les rencontres chez Mme de La Sablière ; satire politique (qui éclate dès VII, 1). Davantage d'amertume face à l'homme et à la société, mais une aspiration plus affirmée au bonheur, renforcée par un entourage épicurien. Plus de relief, de pittoresque, de fine souplesse dans l'écriture.





1. Pourquoi des fables ?



Ésope, dit Phèdre, « n'osant pas s'exprimer librement », écrivit « des apologues » et « des fictions badines » ; moi aussi : « parler tout haut, quand on est plébéien, est un sacrilège ». Ces fables furent écrites « en des pays où, la plupart des gouvernements étant despotiques, il faisait dangereux de dire des vérités toutes nues » (Furetière, 1610). La Fontaine sait qu'avec « les grands » il faut



Parler de loin ou bien se taire. (X, 1)

C'est un opposant à l'absolutisme et surtout à Colbert, qui voulait la tête de Fouquet. Il commence sans doute à écrire des fables vers l'époque de la chute du Surintendant. L'une d'elles. Le Renard et l'Ecureuil (J), sur un sujet de son invention et qu'il n'a pas publiée, représente le duel des deux hommes.

La fable convient à la vision satirique de La Fontaine, à son ironique sagesse, à son épicurisme désabusé, à son envie de conter en étant à la fois complice et critique, dans un curieux mélange de satire et de bonhomie, un art populaire et subtilement savant.



2. Notre principe : l'avidité



Il est impossible de réduire à l'unité le kaléidoscope d'un auteur tributaire de sources multiples qui se déguise et joue de la subtile complexité des choses. Sa « morale » est tantôt son opinion, tantôt un constat qui souvent l'indigne (8). Il faut étudier chaque fable dans son originalité : je ne peux indiquer ici que des tendances générales.

La Fontaine rend hommage à La Rochefoucauld (I, 11) et dénonce comme lui l'« amour-propre [...] auteur de tous les défauts » (* XI, 5 ; cf. * I, 7 et *IV, 3) (9). Mais il ne se limite pas à ce constat psychologique. Il le fonde sur l'avidité physiologique :



Toute espèce est lige de son seul appétit. (*IV, 12)



D'où cette « guerre éternelle » qui est « la loi de Nature » (XII, 8) dans une jungle où tous sont «,1'un à l'autre des loups », où



La raison du plus fort est toujours la meilleure (I, 10), où les moutons sont gentils faute d'avoir les moyens de leurs appétits (cf. *XII, 1).

Il le fonde surtout sur l'ambition suscitée par un système social où « tien-et-mien » a engendré « la déesse Discorde » (*VI, 20), poussant les gens à s'agresser sans cesse pour



Un intérêt de biens, de grandeur et de gloire. (X, 14)



Toute « Grenouille [...] veut se faire aussi grosse que le Bouf» (I, 3*).

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs. (*I, 3) « Fureur d'accumuler »,

Te combattrai-je en vain sans cesse en cet ouvrage ?

(*VIII, 27) (10)



C'est l'avidité, dans une société de concurrence et de faveur, qui soutient la fourberie des profiteurs et flatteurs : avidité, fourberie, ce sont les deux choses que La Fontaine dénonce le plus fortement.

Les ajouts (11) du fabuliste à Ésope, Phèdre ou Pilpay montrent que l'une de ses principales sources est bien la société absolutiste, fortement hiérarchisée et travaillée par la concurrence pour la faveur, la société du premier capitalisme (Perrette et le Pot au lait, Le Berger et la Mer, L'Homme qui court après la FortunE) et du premier impérialisme (VII, 15 ; XI, 7).



3. La critique politique



La Fontaine fait bien sûr l'éloge de Louis XTV, de Mme de Mon-tespan (qui le protègE) et du Dauphin, dans des préambules, épilogues ou dédicaces. Comment l'éviter ? Son tempérament, ses idées, ses goûts l'opposent à l'absolutisme et plus généralement à la discipline. Il est protégé du duc de Bouillon, opposé à Louis XTV* ; ami de Brienne, ministre disgracié en 1662 (cf. V, 1) et au service de la veuve de Gaston d'Orléans, éternel frondeur. Il n'a pas oublié l'élimination cynique et perfide de Fouquet. Il déteste Colbert.

C'est à partit du livre VII que la satire politique se fait précise et virulente : le Roi-Lion ; les Grands, « la raison les offense » (*X, 1),



L'Univers leur sait gré du mal qu 'ils ne font pas. (*XII, 12)



La Cour, remplie du peuple Caméléon (*VII, 14) des « machineurs d'impostures » (X, 9*), est un heu de fourbe flatterie et de concurrence féroce (*VII, 1 ; VIII, 3 ; VIII, 14*), meurtrier pour les faibles (*VII, 1) comme pour les gens de « candeur » ou de « mérite » (X, 9* ; cf. VII, 6*). Les Fables plaignent les exploités : ânes, agneaux, pigeons, petites gens (12).

Alors que se préparait la guerre de Hollande, La Fontaine écrivit contre cette « République aquatique » Le Soleil et les Grenouilles. Mais il ne reprit pas cette fable, non plus que La Ligue des Rats, dans ses recueils, où il célèbre au contraire la paix (VII, 17 ; VIII, 4) et foudroie l'impérialisme des Romains, qui passaient pour modèles d'héroïsme vertueux. Ce n'est pas « l'adresse et le courage » qui ont fait leur « puissance », mais « l'avidité et la violence » (XI, 7 ; cf. VII, 15 et VIII, 27).



4. Une sagesse passéiste, résignée, épicurienne



Le Sage chez La Fontaine, c'est l'homme d'expérience et de réflexion qui s'adapte aux réalités pour éviter les déconvenues, et souvent même (vingt-cinq fois sur soixante-trois me semble-t-iL) l'homme avisé qui, tel « le sage Ulysse » (II, 1), sait tirer parti des situations. « Sage » peut s'opposer à « scrupuleux » (VIII, 7*) et à « charitable » (*VI, 13). Cela reflète la tradition de l'apologue et l'attitude d'une époque où l'on cherche son intérêt. Mais considérons la sagesse proposée par l'auteur lui-même. Au règne de « l'intérêt [...], l'ambition, l'envie », les Fables opposent « la concorde » (IV, 8) :



Il se faut entr'aider, c'est la loi de nature. (VIII, 17)



Vision idéaliste : les cinq exemples fournis (II, 11 et 12 ; VIII, 17 ; XII, 15) sont a contrario. Pas un instant La Fontaine ne voit que le principe d'-entraide, à cette époque, c'est déjà le jeu des intérêts particuliers, produisant l'avantage général par l'échange de biens et de services (cf. p. 237-328). Si, par exception, il envisage ce mécanisme, c'est pour l'imputer à la monarchie, dont il fait pour une fois l'éloge, alors qu'elle empêchait le développement du libéralisme et servait surtout à prélever la plus-value au bénéfice de privilégiés parasitaires (*III, 2).

Renchérissant sur ses sources, parfois même les contredisant (IX, 16), La Fontaine dénonce l'« erreur » (IV, 20*) de l'avare,



Thésaurisant pour les voleurs,

Pour ses parents ou pour la terre. (*IX, 16)



Or, ce qui caractérisait son époque n'était plus cette avarice stérile mais la spéculation fiscale, financière et commerciale qui avait fait la fortune de Fouquet et de La Sablière, la puissance de l'Angleterre et de la Hollande. Quand il met en scène un financier (dont ses sources ne parlaient paS), c'est pour dire les « soucis » que lui cause son argent (*VIII, 2). Mieux, non content de ridiculiser la spéculation de Perrette (VII, 9* ; cf. V, 3* ; *LX, 10), il prétend que le commerce maritime conduit à la ruine (VII, 13*). Une fable de son invention met en scène un de ces « fous » qui vont jusqu'au «Japon ». Il rentre bredouille alors que son ami, resté dans « son village », a fait fortune (*VII, 11). Le Berger et la Mer s'achève sur une longue morale anticapitaliste qui ne doit rien à Esope.

Désir d'épargner Fouquet et Mme de La Sablière ? De s'opposer aux compagnies maritimes de Colbert (1664, 1669, 1670), auxquelles la réticence des Français sera fatale ? Aveuglement inconsciemment volontaire, devant les problèmes d'argent, d'une cigale qui ne veut pas regarder en face son statut de poète entretenu par des spéculateurs (13) ? Oui, mais ce contresens sur les nouvelles réalités économiques exprime aussi l'attitude fondamentale d'un auteur (14) opposé à toute initiative pour transformer le monde. Pour lui, c'est « le travail » de la terre qui « est un trésor » (V, 9*)- Aux « quatre chercheurs de nouveaux monde [...] échoués au bord de l'Amérique », c'est le travail du pâtre-fagotier et non celui du marchand qui fournit de quoi manger (*X, 15). A l'en croire, l'élevage des moutons rapporte « de très notables sommes » (*X, 9 ; cf. IV, 2*). Il réagit à une société qu'il condamne, mais ne peut transformer, par une entière adhésion à une Nature qui justifie des maux incurables et offre des compensations épicuriennes. Choses et gens sont ce qu'ils sont et « tant le naturel a de force » qu'



On ne saurait le réformer.

(II, 18* ; cf. *m, 7 et 16* ; VIII 16* et *24 ; *XII, 9)

Il est des naturels de coqs et de perdrix (*X, 7 ; cf. VIII, 22 ; XII, 2), mais aussi de loups et de renards :



Ne les accusons point : plaignons plutôt ces gens. (*X, 7 ; cf. *III » ; XI, 3)



C'est « la loi de nature » (*XII, 8), « la loi par le Ciel établie », qui fixe le « destin » de chacun (EX, 7). On n'y échappe pas, non plus qu'aux aléas de la Fortune. Bien que surprenante parfois (IX, 4), il faut l'admettre sans trop se soucier « d'en chercher la raison » :



Dieu fit bien ce qu 'il fit et je n 'en sais pas plus.

(*XII, 8 ; cf. VI, 4*)



Malgré son injustice, l'ordre social bénéficie de la même adhésion, au moins par prudence :



Il se faut contenter de sa condition (*IV, 2)

De peur d'en rencontrer une pire. (III, 4* ; cf. XII, 13*)



Alceste, revu par Philinte. L'adhésion volontaire à l'ordre des choses, mort comprise (VIII, 1* ; *X, 3), prévient l'amertume désespérée. Intelligence et liberté, que la plupart utilisent pour la violence et la ruse, peuvent être principes d'une sagesse qui consiste à connaître le monde pour en éviter les dangers (au besoin avec opportunisme, II, 5*, ou machiavélisme, VII, 7*), à « régler ses désirs » (*VII, 11), dont le déchaînement est funeste, à goûter dans la retraite (VII, 12, XI, 4 ; XII, 24), la nature, l'amitié (VIII, 10 et 11), la tendresse- (IX, 2), cette « douce volupté » que chantait la fin de Psyché. C'est tout : même dans le livre XII, à une époque où l'auteur s'inquiète de son salut, les Fables n'envisagent pas un au-delà qui nous récompenserait de nos misères. Elles ne connaissent pas d'âme immortelle. Si un Dieu y intervient, c'est pour punir parfois la prétention ou pour satisfaire pour leur malheur les voux des sots (III, 4 ; VII, 16).

La résignation traditionnelle de la fable, art d'éternels dominés et d'un monde paysan impuissant devant la nature, rejoint ici celle de beaucoup de sujets de l'absolutisme, et notamment d'épicuriens auxquels La Fontaine était lié, qui renonçaient à transformer le monde pour se préserver un espace de liberté personnelle.



5. Structure et style



La distribution en livres, la composition de chacun ne sont guère significatives : on note seulement quelques regroupements thématiques et souvent l'importance des première et dernière fables. Chacune se présente généralement comme un récit dramatique, souvent à plusieurs voix. Certains schémas sont fréquents : le trompeur trompé, l'avidité insatiable et sa punition, la ruse flattant la vanité ou se heurtant à une méfiance expérimentée, l'ingratitude, la vengeance. Souvent, sur fond d'heureuse paix (15), éclate l'avidité brutale ou la prétention subversive ; parfois son triomphe l'aveugle jusqu'au précipice ; la leçon est de tranquille acceptation de l'ordre des choses (I, 3, 4 ; VII, 12 ; VTII, 1 ; XI, 8).

Du genre stéréotypé de l'apologue didactique, La Fontaine a fait un festival poétique. Le style est toujours clair, élégant, rationnel. Mais, alors que triomphent les normes et l'unité, il mêle les genres, les styles, les mètres (16), joue des connotations et, l'un des tout premiers, de la focalisation. Son écriture ludique, humoristique élargit la tradition du badinage, le goût mondain pour la variété enjouée : aux conteurs, à Marot, à Rabelais, aux langages des métiers et des terroirs, il emprunte mots, tours, dictons qu'il intègre avec élégance dans un « miracle de culture » (A. GidE). Prenant le lecteur pour partenaire, alternant distanciation et complicité, il mime les rythmes et les tons du récit et de nos réactions. L'habileté du metteur en scène, une rapide discrétion, le sens de l'équilibre, l'harmonie des contrepoints, l'art des transitions, des regroupements strophiques rigoureux mais discrets enveloppent les contrastes dans une vivante unité.






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Jean de La Fontaine
(1621 - 1695)
 
  Jean de La Fontaine - Portrait  
 
Portrait de Jean de La Fontaine


Bibliographie

8 juillet 1621.
Naissance et baptême de Jean de La Fontaine. (Paroisse de Château-Thierry.) Son père est Charles de La Fontaine, conseiller du roi et maître des eaux et forêts, fils de bourgeois champenois. Sa mère est Françoise Pidoux de bonne maison poitevine, veuve remariée.

Biographie / Ouvres

Jean de La Fontaine passe ses premières années à Château-Thierry dans l'hôtel particulier que ses parents, Charles de La Fontaine, Maître des Eaux et Forêts et Capitaine des Chasses du duché de Château-Thierry, et Françoise Pidoux, fille du bailli de Coulommiers, ont acheté en 1617 au moment de leur mariage. Le poète gardera cette maison jusqu'en 1676. Classée monument historique en 1886, la demeu

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