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Jean Anouilh |
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Comme il est affable, Depuis qu'il écrit des fables! Se dit ma famille in petto. Ils se réjouissent trop tôt. On est bien plus nerveux lorsqu'on écrit des pièces... Au théâtre, tout ce qui est bon est donné. Les scènes réussies sont nées dans l'allégresse Et la facilité. C'est un cadeau, toujours. Après, on calfate avec plus ou moins d'adresse Et d'amour. Mais ce bonheur qu'il faut avoir chaque matin Sous peine de n'avoir plus rien, Vous laisse parfois vers midi, pas rasé, L'air d'un vieux hibou épuisé. Et les enfants, que d'autres soucis pressent, N'ont jamais trop aimé les pères titubants D'ambroisie - qui visent sournoisement la fesse Au moindre propos discordant. Avec la fable - Un fabuliste étant par définition, souriant Et aimable - L'effort aussi étant moins grand, Les luttes homériques à table Me laissent indifférent. Je file entre mes dents un vers, comme un gâteux (Il faudra que je me surveille), En coupant le gigot juteux Ou les parts strictement pareilles De la tarte, objet du litige. Pourtant je sens s'enfuir mon reste de prestige... « Pourquoi n'écris-tu plus de pièces ? » M'a demandé Nicolas, tout de go, Moi qui me crois Victor Hugo, Ouvrant, face à la mer dans ma petite pièce, Sur son rocher de Guernesey (La conjoncture politique Rappelant, par ailleurs, le règne de la trique), Je réponds supérieur : « Non, vois-tu, cet été, J'ai décidé (J'ai l'air badin et amusé - Ça me va bien) que j'écrirais plutôt des fables. » « Tu m'en montres une ?» - « Elles ne sont pas pour enfants. » Je le sens surpris : Pourtant une fable... Et puis, il les voit posées sur ma table. Je cherche un peu : « Tiens celle-là, tu peux la lire. » (Je vais voir ce que rend ma lyre.) Il commence; il lit mal. Mais cette voix d'enfant Qui ânonne chantante, un peu fausse, incertaine, Souvenir des classes lointaines, C'est la musique composée depuis trois cents ans Par les écoliers français pour La Fontaine... Je sens que je n'y ai pas droit. Je l'interromps, le désolant; Et me désolant par surcroît. Il sort. Je reviens à ma table Où mon papier est toujours blanc. Ne forçons point notre talent, Comme on dit dans une autre fable. |
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Jean Anouilh (1910 - 1987) |
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Portrait de Jean Anouilh | |||||||||
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CarrièreFormation Biographie de jean anouilh Jean Anouilh est né en 1910 à Bordeaux (France). Son père est tailleur et sa mère est musicienne et professeur de piano, elle joue dans un orchestre se produisant sur des scènes de casino en province. OuvreThéâtre |
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