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Jean Anouilh



La dispute - Fable


Fable / Poémes d'Jean Anouilh















Une femme avait rénové

L'art délicat de la dispute.

Non qu'il se puisse rien trouver,

Depuis qu'hommes et femmes aux uns les autres

[en butte,

Des diverses façons de se faire du mal

Ont étudié la théorie.

Mais enfin, celle-ci, charmante dans la vie,

Et avec ses amis d'un caractère égal,

Avait, avec beaucoup d'ingéniosité,

Mis au point un curieux et nouveau procédé

De l'art très ancien d'exaspérer le mâle.

Elle avait inventé la dispute en spirale.

La recette en est simple.
Appâtez avec rien

(Il faut bien commencer) : un grief sans raison.

Puis, attaquez à petit feu, en prenant soin

Que la dispute ne vienne à ébullition







Sur ce premier motif, qui n'était qu'une amorce.

Quand la pâte est un peu montée, utilisez

Un reproche connu, aux effets éprouvés.

Mijotez un instant; quand la chose se corse

Prenez un reproche majeur :

Une insulte à votre famille;

Ou ce qu'il a brisé en vous,

Saccageant votre petit cour,

Quand il vous a pris, jeune fille...

(Une formule : «
C'est comme le jour où... »

Suffit presque toujours pour changer de reproche)

Et c'est ainsi que, peu à peu, de proche

En proche,

Si vous savez élégamment lier le tout,

Vous amenez votre homme à bout.

Parvenue là, ayant su garder son empire,

Si elle a bien choisi son moment pour pleurer,

Une femme entendue peut enfin commencer

A dire ce qu'elle a à dire.

Ayant d'abord sombré dans la mélancolie

Car il l'aimait encor (sa femme était jolie)

Le mari avait éventé le procédé.

Un jour il crut avoir trouvé

-
C'était simple, encor fallait-il y penser -

Le moyen de remettre un peu d'ordre en sa vie.

Comme elle détaillait un de ses attentats,

S'inclinant avec courtoisie,



Il lui dit simplement «
Chérie,

Adressez-vous donc à mon avocat. »

Le lendemain,
Maître
Garçon

Se présentait chez cette dame.

Au juste, que reprochait-on ?

De lui avoir brisé son âme ?

Où, comment, de quelle façon ?

On exigeait des précisions.

L'avocat était calme et n'y était pour rien.

La femme dut mettre du sien

Le climat passionnel qui manquait à la chose,

Maître
Garçon maniant en maître l'eau de rose;

Elle vit qu'elle était en train

De perdre beaucoup de terrain.

Il fallait trouver la parade.

Brisant là, elle remit au lendemain.

Le lendemain, à la première algarade,

«
Voyez mon avocat », dit l'homme s'esquivant,

En coup de vent.

Arrivé au bureau, il eut une surprise :

On annonçait
Maître
Floriot.

«
Je suis,
Monsieur, lui dit le
Maître,

Chargé par
Madame de mettre

Les points sur les i, sans façons.

Ma cliente est toujours éprise.

Aucune solution de force;

Nous ne voulons pas le divorce;



Rien qu'une franche explication.

Vous avez mal agi, il suffit de l'admettre, a

«
Pour tous renseignements, cher
Maître,

Dit l'homme, voyez
Garçon. »

Les deux
Maîtres s'invitèrent, mutuellement,

Pour transiger devant des huîtres, chez
Drouant.

Notre homme emmena sa femme à
Versailles,

Au restaurant où s'étaient faites leurs fiançailles.

Le repas fut charmant et calme -

Leurs avocats devant régler pour eux -

La table fleurie sous les palmes

Dans un coin de jardin heureux.

Le garçon crut servir un couple d'amoureux -

Adultère - vu les alliances ;
Mais ce détail avait pour lui peu d'importance.

Chez
Drouant, après les premiers mots d'esprit,

L'atmosphère soudain s'aigrit.

«
Mon cher, disait
Garçon, parfois vous êtes prude

-
A
Floriot contracté -

Vous refusez au
Ut les moindres privautés...

Passe un godelureau, vous changez d'attitude.

Ne parlons pas des plages en été,

Où vous vous enivrez de votre nudité,

Croupe offerte,
Madame, et vous vous dites



Voulez-vous des détails précis ?

J'ai mesuré vos bikinis!

Une fille, mon cher, voilà ce que vous êtes. »

«
Ah ! ricanait
Floriot, de ce lit, parlons-en !

(A son tour
Garçon était pâle)

Combien de fois, je ne dis pas par mois, par an,

Faites-vous vos devoirs de mâle ?

(Floriot levait un doigt aux cieux)

Je suis une femme insatisfaite,
Monsieur ! »

«
Soyez un peu plus séduisante !

Hurlait
Garçon, à
Floriot furibond,

Apprenez à être une amante,

Madame, avant d'avoir le front,

De douter de nos aptitudes.

Ayez donc du tempérament! »

«
Sachez donc que si je suis prude,

Comme il vous plaît de le dire,
Monsieur,

(Jetait
Floriot, yeux dans les yeux,

A
Garçon rattrapant sa mèche)

C'est que vous êtes maladroit !

Je suis femme et serai à qui saura me prendre !

Mais vous, morne et brutal voyou ! » -

«
Pimbêche! »

Garçon et
Floriot écumants

En firent tant

Que le gérant

Les expulsa de chez
Drouant.



A
Montfort-l'Amaury, leurs clients, chez
Carrère,

Prenaient le thé, surpris de la douceur du jour.

Sur le soir, ils demandèrent

Une chambre et firent l'amour.

Moralité :
Ne faites pas

Le travail de vos avocats.

Tout le mal vient de la tête.

Les corps sont souvent amis

Et, le temps qu'ils se font fête,

Il faut leur être soumis.



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Jean Anouilh
(1910 - 1987)
 
  Jean Anouilh - Portrait  
 
Portrait de Jean Anouilh

Carrière

Formation

Biographie de jean anouilh

Jean Anouilh est né en 1910 à Bordeaux (France). Son père est tailleur et sa mère est musicienne et professeur de piano, elle joue dans un orchestre se produisant sur des scènes de casino en province.

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