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Jacques Du Lorens



Satire xi - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





L'argent.

À propos de vertu, t'avois je pas bien dit

Qu'elle n'estoit de mise en ce siecle maudit,

Que c'estoit un manteau dont l'hipocrite couvre,

Aussi bien au palais comme à la cour du
Louvre,

Au plus sainct lieu du temple, au milieu du marché,

Avec un teint blaffart, son crime et son peché?

L'argent a pris sa place et gouverne le monde;

Quiconque faict dessein, sur l'argent il se fonde;

Le marchand n'oseroit ses navires armer,

Et, content de son peu, ne monteroit sur mer;

Mais il en veut avoir, et prefere à sa vie

Son furieux desir et son avare envie.

La vertu suit l'argent en ordre de raison.

Il faut, comment que soit, faire bonne maison,

Avoir du revenu pour tenir bonne table,

Et s'acquerir enfin le nom de venerable.

Si la table ne va, fussiez vous potestat,

Fussiez vous duc et pair, on n'en fait point d'estat.



Si vous doutez pourquoy ce mystere je touche,

C'est que souvent le coeur se gaigne par la bouche.

Sans argent on ne peut dresser un bon festin,

Sans argent on ne peut s'habiller de satin,

Faire le beau garçon et en tout lieu paroistre;

L'apprentif, sans argent, ne peut se passer maistre.

Sans argent on ne peut payer un bon escot,

Un homme est ignorant, et, fusse
Jean
L'Escot,

On ne croira jamais qu'il ait la prud'hommie.

Il se peut asseurer qu'il n'aura belle amie,

Qu'il n'aura femme riche; il faut avoir du bien.

En fait de mariage, on demande combien

Dés le commencement; s'il est sçavant ou beste;

S'il est beau, s'il est bon, c'est la derniere enqueste.

L'argent donne les moeurs, la grace et la façon;

Tout le reste sans luy ne sert d'une chanson.

L'argent, dans le trafic, toute chose accommode;

C'est ce mont heroïc dont parloit
Hesiode.

Le plaideur, quoy qu'il soit actif et diligent,

S'il n'a dequoy payer les recors et sergent,

Procureur, advocat, de tant de longs services,

Il est bien en hazard de rendre les épices.



Qui pour lever soldats a la commission

Doit de ce bon metal faire provision,

Ou ne doit esperer qu'avoir perdu sa peine,

Car il demeurera soldat et capitaine.

L'argent fait le party; selon l'appointement,

Il est bon ou mauvais, et non pas autrement.

Le devoir est à prix, et la foy s'abandonne,

Comme quelque putain, à cil qui plus luy donne.

On ne vous donne rien, messieurs les financiers,

De l'estat ruiné debteurs et creanciers;

Vous ne prenez jamais, il n'est tel que de prendre.

Si le cas y eschet, on est quitte pour rendre.

Si les edicts sont durs, les juges sont humains,

Qui pourront declarer innocentes vos mains,

En rendant à
Caesar son or et sa monnoye.

Pourquoy, en la plumant, faisiez-vous crier l'oye?



La paillardise regne aux esprits et aux corps;

À l'empire d'argent se rangent les accors.

Enfin l'argent peut tout : les batailles rangées,

Et le canon qui bat les villes assiegées,

Le plus souvent ne sont qu'instrumens inutils;

Mais la pecune agit par moyens si subtils,

Si doux et si certains, que les villes plus fortes

Croient se faire honneur en luy ouvrant leurs portes,

De la mesme façon qu'appaisant sa rigueur,

À cete pluye d'or
Danaé ouvrit son coeur.

Or et argent sont un, selon nostre logique,

De cet aveugle amour la bonne rethorique

Et les vrays medecins : car ce sont les escus,

Plustost que les discours, qui font les gens cocus.



Un coquin fera plus moyennant trois pistoles

Qu'un poëte du temps d'un milier de paroles,

Voire de tout un livre, et fut il un
Ronsard.

Donner, en fait d'amour, c'est la finesse et l'art.

On ne fait rien pour rien, toute chose s'eschange

Pour les necessitez, car l'homme n'est pas ange;

Il boit, mange et se vest; tandis qu'il est icy,

Son corps est en sueur et son ame en soucy.

Tant plus il est grizon, et tant plus il travaille,

Foible, froid, et peureux que terre ne luy faille.

Si vous manquez d'argent quand vous serez là bas,

Charon le nautonnier ne vous passera pas;

Il veut estre avant main payé de son salaire.



On ne meurt plus gratis; on marchande au vicaire

Le convoy, le service, et pour tant d'oraisons;

Et tout cela se faict avec bonnes raisons;

Car, cependant qu'on fait son devoir à l'eglise,

Le soleil fait sa course, et l'appetit s'aiguise.



Mais, afin que ce point je rime tout entier,

Chacun doit, comme on dit, vivre de son métier.

Les dieux vivoient du leur jadis au
Capitole,

Le senat ne prioit de la simple parole,

Une somme d'argent il souloit presenter,

Pour la rendre agreable au
Sire
Juppiter.

Hier je lisois cela dans un vieux satyrique.

Si vous ne le croyez, vous n'estes heretique.

Pour moy, je le croy bien, puis qu'il est imprimé,

Et fait voir que l'argent fut des romains aymé

Autant qu'il est de nous, joint que, dans leurs comices,

Il asseuroit les voix et donnoit les offices.

En
France tout de mesme, où, par droits annuels,

Comme un bel heritage ils sont perpetuels.

La femme ne craint plus du trespas la fortune,

Les effects du serain, ny du clair de la lune.

Qui voudroit de l'argent raconter le pouvoir

Et toutes les vertus, il en faudroit avoir,

Dit le pere aux escus, selon ma fantaisie,

Aussi bien qu'Appollon dicte la poesie.





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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
  Jacques Du Lorens - Portrait  
 
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