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Jacques Du Lorens



Satire x - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





L'amour.

J'avois bien resolu d'écrire quelque jour

Un discours satyric touchant le fait d'amour,

Champ fertil à la gloire; et certes je m'estonne

Qu'il n'aye encore esté cultivé de personne.

Peut estre que le ciel, et nostre bon destin,

Nous avoit reservé ce precieux butin,

D'autant que nous pouvons, de nos seules pensées,

Par le doux souvenir en ce lieu ramassées,

Et sans rien emprunter, dire tout ce qu'il faut.

Celuy qui veut du drap sçait ce que l'aune en vaut;

Ces autres qui ne font que regratter et suivre

Ne doivent esperer aprés la mort de vivre.



Pour moy, je veux puiser de l'eau dedans mon puis,

Et premier faire essay de tout ce que je puis

Que de m'approprier la science voisine

Et les faisans d'autrui rotir en ma cuisine.

Je croy que la douleur, qui mon visage teint,

Demonstre assez le mal dont mon coeur est atteint,

Et que mon corps changé peut fournir de matiere,

Plus que suffisamment, à ma satyre entiere.

J'ay dequoy la bastir à mes propres dépens;

Mais j'ay peur d'offencer celle dont je dépens,

Qui me peut chastier et rendre miserable,

Car le moyen de plaire et d'estre veritable?

Monsieur, à qui je fay, par honneur et devoir,

Present de ces miens vers, vous pouvez bien sçavoir

Tout ce que mon esprit conçoit sur ce passage;

Vous avez de longtemps fait vostre apprentissage,

Et le faites encor, en cet art decevant

Où jamais l'homme n'est parfaictement sçavant.

Tousjours il recommence, et la moindre fillette

Peut monstrer au plus fin qu'il n'est qu'un vray caillette,

Le mettre au desespoir et le rendre marry.



Quant il se persuade estre plus favory,

Le voila devalé du plus haut de la roue.

Ce sexe est tout muable, et de nous il se joue

Tout ainsi qu'il luy plaist, et nous le voulons bien.

Bref, amour est un mal que nous appellons bien;

C'est un plaisant erreur, tellement favorable

Que, lors qu'un medecin se monstre secourable,

Nous voulant delivrer par drogues ou discours,

Nous nous mocquons de luy et de tout son secours.

Le tenir bien secret est toute nostre estude,

Ce qui nous fait chercher la triste solitude,

Et les lieux qui ne sont des hommes frequentez,

Des hommes curieux, et fuir les citez,

Pour souspirer à l'aise, et raconter nos peines

Aux arbres, aux rochers et aux claires fontaines,

Comme s'ils n'estoient pas privez de sentiment.

Mais, puis que nous avons perdu le jugement,

Nous faut-il estonner de toutes ces folies?

La tristesse nous plaist, et nos melancholies

Nous aggreent si fort que nous les nourrissons

De pensers affligeans, et que nous haïssons

Les divertissemens et les contes pour rire.

Cet humeur a gaigné le souverain empire,

Dessus nos actions elle donne la loy,

C'est nostre grand seigneur et nostre unique roy.



Nous relevons tous d'elle, et, pour luy faire hommage,

Nous estimons profit ce qui nous est dommage;

Le berger amoureux neglige son troupeau,

L'advocat, pour aymer, ne va plus au barreau,

Le soldat sa valeur eschange en couardise,

Et le jeune marchand en perd sa chalandise,

Devient pauvre, endebté, ne hante plus la mer;

Ce luy est bien assez d'exercer l'art d'aymer.

Il est trop suffisant pour employer tout l'homme,

Si ce n'est à
Paris, à
Venise ou à
Rome,

Où vous les rencontrez ces putains de relés,

Mettant en mesme rang les maistres et valets,

Vuides d'affection comme de conscience,

Dont l'humeur est tousjours dedans l'indifference,

Fors qu'elles sçavent bien caresser les derniers,

Pour desir qu'elles ont d'attraper leurs deniers.

C'est là qu'est leur amour, et, s'il s'en trouvoit une

Qui se voulut resoudre à n'estre pas commune

Et ne fausser sa foy pour un demi escu,

Qui ne tendit plustost les deux mains que le cu,

Qui usast de reffus, qui fit un peu la beste,

Qui exerçast cet art d'une façon honeste,

Qui haist ces deux beaux noms de garce et de bordeau,

Il faudroit l'admirer, car c'est un rare oyseau.

Ainsi, comme des fleurs, les amitiez nouvelles

Au sexe feminin sont tousjours les plus belles;

Et fusse vous, monsieur, qui donnez pension,

Elle n'aura pour vous aucune passion.



Ne croyez pas changer une loüable mode,

Vous aurez vostre nuit et vostre heure commode;

L'autre temps n'est à vous, elle en disposera

De sorte et tout ainsi que bon luy semblera.

La putain vend le temps, le taille et le mesure,

Semblable au creancier quand il preste à usure;

C'est son fond, son estoffe, et qui dure tousjours,

Dont le long et le lai sont les nuits et les jours.

Vous aurez beau crier contre son inconstance,

C'est vous qui avez tort de prendre pour offence

Les traits de son métier et de son naturel,

Injuste et ignorant disciple du bordel.

Si vous pensez aymer dans la petite ville,

Ou bien à la campagne, o!
Qu'il faut estre habile,

Si le monde aussi-tost n'entre en grande rumeur,

S'il ne marque vos pas et gloze vostre humeur!

Il veut sçavoir pourquoy vous hantez une telle,

Le pasteur à cent yeux y fait la sentinelle.



Bref, vous serez bien tost matiere du caquet,

L'entrée, le milieu, et la fin du banquet;

Enfin, par un arest de tout le parentage,

Prononcé par celuy qui craint le cocuage,

Vous serez adverty du scandale et du bruit;

Voila de vos travaux le plus asseuré fruit.

La peine que souffroit le malheureux
Tantale

Dans le milieu des eaux est à la vostr'égale;

Le regret vous fera tomber en desespoir,

Car vous verrez tousjours, et si n'oseriez voir.

Est-ce pas grand pitié, j'enrage quand j'y pense,

Qu'amour soit fait larcin plustost que recompense?



Que l'air et le soleil, la lune et la clair'eau,

Et tout ce que le monde enferme de plus beau,

À tout le genre humain se preste et communique,

Mais que le seul amour ne soit chose publique,

Qui de nostre pouvoir n'aye pas dependu,

Que hors le mariage il nous soit deffendu

Par la divine loy, qui semble en ce point dure,

Et ne s'accorder pas avec nostre nature,

Encline vers ce sexe enclin aussi vers nous,

Et que ce peché soit si nuisible et si dous?



Dieu n'a pourtant rien fait (tout beau, nostre caprice),

Il n'a rien ordonné sans raison et justice;

Mais nous sommes conceus dans la corruption,

Qui cause à nostre esprit ceste rebellion,

Et nous ne voulons pas invoquer ceste grace,

Que nostre infirmité si puissamment efface;

Nous ne voulons agir que par l'homme animal,

Ennemy de son bien, curieux de son mal.

Nous aymons mieux courir aprés des femmelettes,

Et consommer nos coeurs de vaines amourettes,

Réver, maigrir, pallir, et faire icy les fols,

Qu'au devoir principal nous rendre plus devots.

Nous oyons le sermon, nous allons à confesse,

Nous sommes bien vaillans à deffendre la messe;

Nous sommes en tout temps bien amplement garnis

De crois, de chapelets, et de s.
Grains benis;

Nous croyons paradis, enfer et purgatoire;

Mais, sans rien operer, il nous suffit de croire

Et parler de vertu.
Au reste, l'action

Fait peu, ou rien du tout, à la perfection.

Porter habit decent, composer son visage,

Fait juger que l'on est quelque grand personnage.

Si l'on boit, si l'on ayme, ou si l'on rit icy,

Le ciel n'a pas loisir d'en avoir du soucy.

Voila tout justement le point où nous en sommes.

Ainsi croit, ainsi vist la plus grand part des hommes.

Chacun d'eux est subject à quelque grand peché;

L'un à son avarice a le coeur attaché,

L'autre à l'ambition, et l'autre à son usure;

Mais tous, ou peu s'en faut, s'adonnent à luxure.



C'est le joly peché, c'est le crime d'amour,

C'est la vertu du temps, c'est le jeu de la cour,

Où monstrer que l'on souffre et qu'on ne l'ose dire,

Que l'on souspire et meurt sous l'amoureux empire,

Que l'on sçait comme il faut servir et bien aimer,

Est un brave moyen de se faire estimer,

D'acquerir de la gloire et de la renommée,

Mais principalement lors que la femme aymée,

Pour sa rare beauté ou son extraction,

Est en quelque degré de reputation.

Sous ce beau nom d'amour c'est ainsi qu'on déguise,

Et fait on plein métier d'infame paillardise.

Le meurtrier ou larron tient son crime caché,

L'amoureux oze bien raconter son peché.

Faire des gens cocus sont actes heroïques,

Dignes d'estre couchez és nouvelles chroniques;

Se rendre possesseur d'une jeune beauté,

Rompre avec des souspirs un roc de chasteté,

L'amolir, le plier avec humbles requestes,

Egale d'un
Caesar les fameuses conquestes.

Quiconque ayme vrayement prefere les faveurs

De la dame qu'il sert à toutes les grandeurs.



Pourveu tant seulement qu'en sa perseverance

Il ose concevoir un'once d'esperance,

Le voila si content qu'en l'attente du bien

Qu'il possede en esprit, il ne souhaite rien,

S'imaginant en luy toutes les autres choses,

Pour grandes qu'elles soient, heureusement encloses.

C'est, à dire le vray, la fin de ses plaisirs,

Le centre de ses voeux, le blanc de ses desirs;

C'est sa religion; il n'a l'ame saisie

Que de l'humble respect de ceste fantaisie,

Qui l'a fait
Dom
Guichot, oubliant sa maison,

Et a sillé les yeux de sa droite raison;

De sorte qu'il resout, d'une humeur obstinée,

De n'estimer plus rien au prix de
Dolcinée.



Il croit qu'en son amour soit le vray paradis,

Et a pour fondement l'histoire d'Amadis,

Dont le meilleur presage et les preuves certaines

Sont les contentemens qu'il reçoit en ses peines.

Qu'il est aveugle et sot, qu'il est fol, l'amoureux,

De souffrir tant de mal et s'oser dire heureux,

D'honorer son tourment, de cherir son martyre!

Je n'ay peu me tenir d'en faire une satyre.





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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
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