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Jacques Du Lorens



Satire vii - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





À monseigneur l'evesque de
Chartres.

S'il a esté permis à deux sortes de gens,

Pour tousjours se monstrer à plaire diligens,

En exerçant leur art tout subject entreprendre,

Qui est ce qui pourra justement me reprendre

Si, observant les loix de la discretion,

Je peins icy l'estat de la religion,

Deplorant ses abus, et de quelle licence

Un chacun en nos jours se forme une creance,

Dispute hardiment, et fait de l'entendu?

Si
Dieu n'y met la main, prelat, tout est perdu.

C'est chose deplorable en ce pauvre royaume,

Auquel il n'y a plus ny
Gautier ny
Guillaume

Qui ne lise la bible et face jugement

De ce qui est escrit au nouveau testament,

Qui ne cite
S
Jean dans son apocalypse,

Plus sçavant à son goust que ne fut jamais
Lypse;

Encores qu'il n'ait onc payé, comme l'on dit,

Dans l'université chandelles ny landit,

Il a du
S
Esprit si pleine la poictrine

Qu'il n'a pas de besoin de l'humaine doctrine;

Pour mieux interpreter les livres qu'il a leus,

Il luy suffit qu'il soit du nombre des esleus

Et des predestinez : voila où nous en sommes.



L'humilité n'est plus dedans le coeur des hommes,

Mais la presomption s'est logée en son lieu,

Qui s'adore soy mesme aprés adore
Dieu;

Chaque particulier se croit estre un concile,

Et puis, à la parfin, tous chemins vont à ville;

Les uns sont les plus longs, les autres les plus cours.

C'est de ceste saison de plus communs discours,

Qui fut premierement introduit par
Symmaque,

Disputant contre
Ambroise : un party, l'autre attaque.

Où est cette unité qui fut au tens jadis?

S
Pierre n'a plus seul la clef de paradis;

On y a fait bastir, comme à
Thebes, cent portes

De bronze jaunissant, affin qu'elles soient fortes;

Elles ont pris leurs noms des divers noms de ceux

Qui aux religions se sont rendus fameux.

Dans celle de
Calvin on voit, de plusieurs mondes,

Les ames des mortels entrer à grosses ondes.

Dans celle de
Martyr et du docte
Luter,

Qui furent tous les deux si bons à disputer,

On passe maintenant avec tant de malaize

Que le reflux en va dedans celle de
Baize,

Leur plus proche voisin; et sont dessus plantez,

En relief azuré, ces hommes tant vantez.

Mais il est tout certain que dans celle de
Rome

On n'y voit presque plus entrer femme ny homme.

Croyez en ces porteurs qui en sont revenus,

Ausquels ne manque rien que ces beaux revenus

Qui ont esté donnez à l'eglise romaine,

Car que sert le caquet à qui n'a du domaine?

Si un homme n'est riche et n'a fort bien de quoy,

Jamais à ce qu'il dit on n'adjoutera foy.

En la religion où se chante la messe,

Si de sa verité n'est preuvé sa richesse,

S'en est à tout le moins un tres-bel argument,

Un appuy gracieux et utile ornement.

S'ils demandoient partage, ils l'obtiendroient peut estre.

Feroit il pas bon voir un ministre et un prestre

Vivre d'un benefice avec fidelité,

Garder l'edict qui veut qu'on vive en liberté?

Si la religion va suivant la police,

Si chacun la mesure à l'aune du caprice,

Comme dit un quidam, pourquoy ne feroit-on

Dedans un mesme lieu le presche et le sermon?



Les braves de ce tens ayment l'indifference,

Et croyent pouvoir tout en bonne conscience;

Disent qu'il faut tout voir, ne s'offenser de rien,

Que les religions visent toutes au bien,

Que
Dieu, comme un grand roy, nourrit les controverses,

Pour se faire honorer en manieres diverses;

Pourveu que l'on s'accorde au devoir principal

De croire en
Jesus
Christ, qu'il n'y a plus de mal

Pour estre en differend sur quelque point d'histoire,

S'il est ou s'il n'est pas du feu de purgatoire,

S'il faut prier les saincts d'interceder pour nous,

D'autant que le seigneur en peut estre jalous.

De nom tant seulement l'eglise est la coulonne

De toute verité, mais aussi qu'en autonne,

La femme estant malade et ne pouvant disner,

On voit son bon mary qui la fait uriner,

Et court au medecin conter sa maladie;

On ne va plus vers elle au fait de l'heresie;

On demande où elle est, et qui en est le chef.

Il seroit de besoin que
Jesus derechef

Descendit icy bas pour esclaircir nos doutes,

Et qu'on luy vit d'un mot guerir le mal des goutes;

Encor luy faudroit il un bon certificat

Pour dire que c'est luy.
Le monde est delicat,

Deffiant et malin, tellement incredule

Qu'il ne préte plus rien sur la simple cedule;

Il faut un bon notaire et de bons répondans,

Ou qui n'en peut trouver, qu'il garnisse des nans.

Puisque pour croire en
Dieu chacun choisit sa forme,

Et que l'on trouve bon qu'en ce point la loy dorme,

Qu'on ne craint pas icy les inquisitions,

Et qu'on dispute fort sur les traditions,

Que le livre est ouvert où le salut se puise,

Et qu'on voit que chacun l'interprete à sa guise,

Estans par ce moyen de nostre sens conduits,

Je vous laisse à penser où nous sommes reduits,

S'il y a pas autant comme il y a de testes

D'opinions, d'erreurs, excitans des tempestes,

Et des brouillars obscurs qui ostent à nos yeux,

Il y a trop long tens, le droict chemin des cieux.

Nostre vie n'est plus qu'un desordre et un schisme,

Chacun à son humeur compose un catechisme.

Telle confusion ne se peut estimer.

Les vers sont trop contrains pour la bien exprimer;

La prose, qui feconde emplit aussi la marge,

Et qui coule aisément, à ce subject si large

S'accomoderoit mieux, pourveu que l'escrivain

Parlast si à propos que ce ne fut en vain,

Que de son bel ouvrage on vit que les étofes

Fussent les ris et pleurs de ces deux philosofes.



Toutefois, qui pourroit rire de son malheur

Et faire le plaisant au fort de la douleur

Qui semble menacer l'estat d'une ruine,

Aux hommes clairs-voyans toute proche et voisine?

" cela est, il n'est point, si est, non est, tu mens ";

On en vient aux cousteaus aprés les argumens.

Le peuple tout devot s'enrolle en ceste guerre,

Et, d'un courage égal à celuy de
Saint
Pierre

Quand il coupa l'oreille à ce pauvre
Malcus,

Jusques à ce qu'il ait ses ennemis vaincus,

Que le party plus juste ait gaigné la bataille,

Il frappe en s'escrimant et d'estoc et de taille,

Pour tesmoigner son zele et sa sainte fureur,

Et cherche de tuer le mary de sa soeur,

Vrai
Horace chrestien, et, si elle le pleure,

Il faudra, comme luy, que du glaive elle meure.

Mais c'est un grand plaisir quand on voit preparé

Un ministre au combat alencontre un curé,

Un evesque affulé, pour un mytre, d'un casque,

Et changer son roquet à un harnois fantasque;

Quand on voit affronter un brave surveillant

Par un grand cordelier qui n'est pas moins vaillant,

Et que l'on recognoist, à ses demarches seures,

Imiter la valeur de
Jan
Des
Antomeurs.

Voila le champ jonché d'un grand nombre de morts,

Les fleuves pleins de sang vont surpassans leurs bords,

Et prennent sa couleur d'une façon pareille

Qu'un verre à demy d'eau par le vin se vermeille;

La terre nostre mere est le grand eschaufaut

De ce triste spectacle, et jette un cri si haut

Que tout l'air d'alentour, qui souspirant l'entonne,

Pour le porter au ciel fait comme quand il tonne.

Faut il panser les corps, et ce sont les esprits

Qui sont de nostre mal cruellement espris,

Du mal de l'heresie; et la grace divine,

Non les efforts humains, en sont la medecine.



Les meurtres et les cous sont bons à l'augmenter,

Au lieu de la guerir ne font que l'irriter;

Aussi les passions, qui bourrellent nos ames,

De ces conditions nous allument les flames,

Nos interets privez, plus tost que la raison,

Et l'affamé desir de faire sa maison.

Il faut, pour guerroier, avoir quelque pretexte;

Car, comme les regens sçavent gloser un texte

De mots si recherchez qu'il en est obscurcy,

De la religion les princes sont ainsy;

C'est l'utile bouchon de leur grande taverne;

Suivant leur appetit le peuple se gouverne,

Fol, sot et ignorant, qui ne voit pas assez,

Et puis à la parfin paie les pots cassez.

Mais il faut tolerer prés de soy l'heretique,

Qui n'est que trop nombreux pour nous faire la nique,

Et qui ne manquera, lors qu'il sera plus fort,

D'essayer par la guerre à vanger un vieus tort;

Ou plustost delaisser ceste querelle d'ames

Au jugement de
Dieu qu'aux canons et aux lames,

À la plume, au papier, à l'ancre, au parchemin,

Aux veilles et labeurs de
Monsieur
Bellarmin,

Et du roy des anglois, si dous et pacifique,

En ses braves escrits, que personne il ne pique.

Si les religions, ainsi que les frimas,

Procedent d'influence et suivent les climas,

Comme on dit qu'un chanoine a mis en sa sagesse,

Pourquoy ne vivons nous en extreme paresse,

Les recevans ainsi que la pluye et le vant,

Et sans se soucier quel bout va le devant?

Si du pere deffunct, sans cercher davantage,

Le bon fils prend la foy, comme il prend l'heritage,

Si le pur don du ciel il la faut estimer,

Qui n'est que personnel, nous faut il animer?



Et avons nous pouvoir, pauvres fols que nous sommes,

D'en faire part à force à tous les autres hommes?

" croyez-le, je le veux " : n'est-ce pas bien chanté?

La poussiniere luit au plus chaut de l'esté;

Consultons l'almanac, et, si de haute lute

Vous voulez emporter sur moy céte dispute,

Je garderay tousjours en mon entendement

Que vous ne le pouvez sans mon consentement.

Trop libre est mon penser; mon imaginative

Des volontez d'autruy ne peut estre captive.

Tous les hommes jadis pour leurs commoditez,

Par crainte ou par amour, ont fait des deitez;

Les rats et les souris ont trouvé reverence

Chez les aegyptiens, peres de la science;

La plus part du levant est suppliant encor

Aux beautez du soleil;
Israel au veau d'or,

Delaissant le vray
Dieu, fit humbles sacrifices;

Ingrat et oublieus de ses vieux benefices,

Ils vont d'un brave soin leur salut recherchans

Maintenant, et jamais ne furent si méchans.

Accordez ces deux points : tout le monde estudie,

En quittant son métier à la theologie.

Un petit mercadant, un simple cordonnier,

Ores ont à mépris la foy du charbonnier,

Entendent leur salut, et, faisant leurs traffiques,

En jasent aux chalans qui sont en leurs boutiques.

Conferences par tout, soit de l'autorité

De ceux qui ont pouvoir, ou par temerité.

Sur la religion on cajole, on babille,

Et nous nous arrestons sur le point d'une eguille,

Pour faire bande à part et semer maint escrit,

Et tout cela n'est rien qu'ambition d'esprit.

Du grand livre sacré prenez la moindre page,

Vous trouverez tousjours quelque joly passage

Sur lequel pourra bien un sçavant libertin

Fonder une heresie, en disant qu'au latin,

Au grec et à l'hebreu il y a difference

De parole ou de sens, jettans la deffiance

Dans l'ame du commun, qui aux doctes s'attant,

Et qui prend au besoin tout pour argent contant.

De ces esprits malsains et fantasques cervelles

Sont nez tant de surnoms et de sectes nouvelles.

Ô!
Qu'il est malaisé, quand il faut traffiquer

Et avoir pension, d'ainsi sophistiquer!

Le pauvre est inventif, et, d'une humeur maline,

S'offre à tout ce qu'on veut pour bastir sa cuisine.

Il aura composé, dans un mois au plus tart,

Contre la cour de
Rome un volume plein d'art,

Contre les cardinaus et contre les dispences,

Et le taux que l'on met aux sainctes indulgences;

Et puis, pour mettre fin à son fameux escrit,

Monstrera que le pape est le vray antechrist.



Voila le mot pour rire, et qui est necessaire

Pour estre promptement payé de son salaire.

Moy qui pour les blasmer m'emploie à ce labeur,

Le seray je du mien, prelat, par ta grandeur,

En quelcun de mes fils que je te recommande,

À qui tu peux un jour donner une prebande?

Ne te moque de moy si je suis mandien;

J'imite en ce faisant
Homere, gardien,

Prince et patron sacré de nostre poesie.

D'ailleurs, ce que j'en fai n'est que par fantasie.

Retournons aux propos que nous avons quitez,

Retranchons les abus et partialitez;

N'estoient les passions qui rompent l'assemblée

Par emulation, l'eau n'est point si troublée.

Mais, au lieu de chercher doucement le salut,

Et à la verité regarder pour tout but,

Tousjours devant les gens nous tirons à la gloire

Et bruslons du desir d'emporter la victoire.

Il faut injurier et crier en tous cas,

Pour faire voir qu'ils sont fidelles advocas.

Quand on veut faire accord, il faut que les parties,

Puis qu'elles ont dessein de demeurer amies,

Se rangent à raison au lieu de s'obstiner.

Exemple : nos curez ont un droict de diner

Et de collation aux festes bastonnieres;

Si nous le remettons avecques ces lumieres

Dont le sexe devot éborgne
Jean du coin,

Nous ne remettons rien, s'ils ne sont de besoin;

Et, quand nous mangerons de la chair en caresme,

Et du fourmage avec, il en sera de mesme;

L'adversaire content s'obligeroit au lieu,

Ainsi que nous faisons, d'adorer nostre
Dieu,

Voire iroit dés demain comme nous à la messe,

Pourveu tant seulement que luy fissions promesse

De reformer son nom et la rebaptiser;

Si peu, pour paix avoir, il ne faut refuser.

Enfin, pour nous tirer de toutes brouilleries,

Nous luy remettrions encor nos confrairies.

Pour en venir à bout, on doit de ces contras

Chasser les descendans des occis à coutrats,

Ministres appointez et moynes de tout ordre,

Qui sont interessez et ne veulent demordre;

Ces prieurs inutils, qui craignent justement,

Si l'on s'accommodoit, un triste changement.

Gentilshommes, sçavans, gens de jurisprudence,

Les pourroient bien passer avec plus d'apparence;

Ils sont hors de soubçon, et, en sages humains,

Enclineroient tousjours du costé des romains,

Hors les poincts de la foy permettans d'accortise

Qu'on bannit les abus qui se font en l'eglise,

Coulez depuis cent ans, les excés et deffaux

Reduisans au milieu.
Excusez si je faus;

Une satyre put si elle n'est hagarde;

Au mal desesperé le medecin n'hazarde;

Un jardinier peut bien dire d'aussi bons mos,

Quand il est en humeur, que le prophete
Amos.

Je suis homme de paix, d'humeur fort delicate,

Et, comme un chat à l'eau craint de moüiller la pate,

Je crains d'entrer en guerre, et de souïller mes mains

Des meurtres et du sang de mes cousins germains.

Cependant je prevoi que ce vent nous l'amene,

Qui, siflant en courroux, noircit les bords de
Séne.



Ce ne sera pas moy qui la commencera,

Ny qui le dur harnois premier endossera.

Deslors comme à present au moins je m'en excuse;

Imitant
Archimede au sac de
Syracuse,

La mort me trouvera descrivant les malheurs

Qui menacent l'estat pour nos mauvaises moeurs,

Pour cette liberté mere des heresies,

Qui san dessus dessous tourne les fantaisies.

Ainsi qu'en mesme ruche et mouches et freslons,

Sont parmy nous confus les mauvais et les bons,

Confus d'une façon bizarrement estrange,

Qui m'engendre une peur qu'à la fin ce bon ange,

Qui nous garde si bien, en regardant cela,

S'en estonne, s'en fasche, et puis nous quitte là.

Moy, trop soul d'y penser, je finis ce grimoire,

Et, en attendant mieux, je vay disant que voire.






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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
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