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Jacques Du Lorens



Satire ix - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





À
Monsieur
Bourbon.

Nul autre comme vous, si vous vouliez,
Bourbon,

Pourroit noter les moeurs avecques du charbon;

Car en ce beau latin vous egalleriez
Perse,

Qui de son style argu les consciences perse

Des grands seigneurs romains, leur donnant des remors,

Sous les noms empruntez d'autres qui estoient mors

Cent ans auparavant.
Du prudent satyrique,

Ainsi que du soleil, la carriere est oblique.

Aujourd'huy neantmoins chacun s'en veut mesler;

Icare audacieux veut encore voler

Sur l'aile de ces vers, assez mal emplumée;

Un esprit de haut nez queste la renommée;

Comme un asne au moulin, il s'employe à l'avoir,

Sans mesurer sa force avecque son pouvoir.

Il faut qu'un satyrique evite le scandale,

Qu'il pratique discret la leçon que
Dedale

Donnoit à son enfant, et qu'il n'observa pas;

Que son vol moderé n'aille ny haut ny bas.

Pourveu qu'ils ayent leu les parties d'Astrée,

Ils s'imagineront faire d'une ventrée

Cinq cens vers plus polis, plus nets et plus divins

Que ceux là que
Lucain faisoit en ses jardins,

Ou que vous ne feriez, quand vostre riche veine

Jaillit heureusement sur les rives de
Seine;

Que ne feroit
Malherbe en sa plus belle humeur.

Le sçavoir en nostre ame engendre une tumeur,

L'enfle comme un balon, charité l'edifie;

Ils n'ont point fait leur cours en la philosophie,

Ils n'ont point leu
Virgile, encor moins
Ciceron,

Ils ont leu d'Achilles tué par le talon,

Et des sages conseils que luy donnoit sa mere,

Dans
Oger
Le
Danois plus tost que dans
Homere;

Ils l'ont peut estre leu dedans quelque
Amadis.



Je suis bien estonné qui les fait si hardis,

N'ayans jamais soustraict la main à la ferule,

De s'ozer escrimer des armes de
Marulle.

Aussi leur advient il comme à ce chevalier

À refformer sa mine et porter le colier,

À
Thaïs la converse à porter une cape,

Au jeune arcadien à trainer une chape,

À l'enroué corbeau chanter en rossignol;

C'est précher en françois et sentir l'espagnol.

Ils s'y prennent ainsi que chats à porter mouffles,

À qui n'est cordonnier à juger des pantouffles,

À qui n'est pas guerrier endosser le harnois,

Aux vieillards frequenter les joustes et tournois;

Et de leurs beaux escrits, qu'on y prenne un peu garde,

Qui en retrancheroit ceste phraze mignarde,

Ces petits mots de cour jolyment enfilez,

Que le devot
Nerveze a jadis compilez,

Et depuis
Renouard en sa metamorphose,

Le reste, à mon advis, ne vaudroit pas grand chose.

Mais, quand ces escrivains cinglent en haute mer,

Et veulent tesmoigner qu'ils sçavent l'art d'aimer,

Qu'ils ont leu tout
Ronsard, et
Ovide, et
Petrarque,

Dieu sçait à quels perils ils hazardent leur barque,

Et en quelles erreurs s'impliquent leurs esprits,

Quand, aprés un discours de
Cephale et
Procris,

Ils font une equipée aux histoires romaines,

Et brouillent hardiment les affaires humaines,

Prenans la republique, où florirent les loys,

Pour le tans de l'empire ou pour celuy des roys,

Alleguans
Suetone au lieu de
Tite
Live.

Bref, en tous leurs escrits n'y a ny fond ny rive.



L'ignorance est aveugle ou elle n'a qu'un oeil,

Qui à chaque propos prend
Paris pour
Corbeil,

Pensant gaigner
Calais tire au pays des basques.

Le monde est vileiné d'opinions fantasques.

Il prendra plus tost goust à ces demy sçavans

Qu'aux doctes qui ont veu la demeure des vans,

Des pluyes, des frimas; dont la perseverance

Est enfin parvenue au sommet de science,

Qui gist à se montrer benin à l'entretien,

À bien juger de tout, et à ne juger rien

En matiere de foy qui nous est revelée,

Sans demander comment captiver sa pensée;

Parler et se vétir comme on fait à
Paris,

Voire, s'il est besoin, chanter : adieu
Cloris.

Qui vit jamais amant, à banqueter, à rire,

Aprés dedans son coeur en faire une satyre?

L'esprit du sage est double et ferme à deux ressorts;

S'il estoit au dedans tel qu'il est au dehors,

Et s'il ne separoit sa peau de sa chemise,

Il heurteroit le monde et ne seroit de mise.



C'est dommage que moy qui di la verité,

Qui censure la vie avecque charité,

Qui n'ay intention d'attaquer les personnes,

Ne vai donner advis au gros seigneur d'Alonnes

Que sa façon deplait, qu'on le tient sur les rangs,

Qu'il est trop orgueilleux; qu'envers
Dieu, les plus grands,

Soient ils papes ou roys, ne sont que des pygmées;

Qu'un bon veneur cognoit le cerf à ses fumées;

Qu'un ecclesiastic, tant plus se voit haussé

Aux honneurs de son ordre, est tant moins dispensé

De se montrer courtois, humble, doux et honneste;

Que dessous tout habit on peut faire la beste;

Qu'il n'est rien estimable, estant en ces bas lieux,

Que la seule vertu, qui fait les hommes dieux;

Que ceux qui sont chargez de mytres et de crosses,

Qui ont le sceptre en main, pour qui sont les colosses,

Les statuës de bronze et les arcs triumphans,

Qu'on a veu chevaucher les monstreux elephans,

Caesar,
Pyrrhe,
Annibal,
Scipion,
Alexandre,

Seront bien empéchez quand il leur faudra rendre

Conte de tous les maux que leurs soldats ont faict;

L'estat plus relevé n'est pas le plus parfaict;

C'est un present du ciel que de naistre un pauvre homme,

Vivant de son travail, plus tost qu'un gentil homme,

Que riche, que puissant, en faveur à la cour,

Si le proverbe est vray, que chacun a son tour.

Il se faut conformer aux vaines apparences,

Et faire à ces messieurs de grandes reverences;

Il leur faut rire au nez, approuver leurs façons;

Ne les sentez vous plus, en faire des chansons;

Car qu'ils ne pensent pas assujettir nos ames,

Ainsi qu'ils font nos corps, ces subjets d'epigrammes,

Ces mignons, delicats, qui ont tout à souhait.

L'esprit se moque d'eux, et plus fou qui l'en hait.

Il réve, il considere, il remasche, il rumine,

Il controlle l'habit, et la barbe et la mine,

Les craintes, les desseins, la joye et les douleurs,

Et en juge un peu mieux qu'aveugle des couleurs;

Il aime à sindiquer la vanité des hommes,

Il en est plus friand qu'un normand n'est de pommes.

Tout est de son gibier, c'est un petit
Phoebus,

Dont la vive clairté découvre les abus,

Et, parmy leur grand nombre, il s'en trouve d'insignes

Dont l'excés criminel nous fait noircir ces lignes,

Qui produiront leurs fruits en quelques debauchez

Et les retireront de leurs sales pechez,

Paillardize, larcins, jeux, meurtres, tavernage,

Pour voüer aux vertus leur genereux courage;

Imitans en ce point le jeune
Polemon,

Lequel, ayant ouy cette belle leçon

Du grec
Xenocratés, touchant la continence,

Avant son dejeuner, n'eut pas la patience,

Pour mieux la repeter, d'aller en sa maison;

Mais, s'advouant vaincu par la droicte raison,

Arracha de son col la couronne etoffée,

Pour luy faire soudain de sa honte un trophée.



D'autres mépriseront nos advertissemens;

Bourbon, autant d'humains, autant de jugemens;

Comme nous les voyons avoir divers visages;

Les uns, s'il echeoit, voudroient bien estre sages,

D'autres le croyent estre, et ne sont que des fous;

C'est la lune icy bas vouloir garder des lous,

Et changer en genets les asnes du
Bazacle.

Selon
Hypocrates, c'est tenter un miracle

Que de penser guerir contre leur volonté

Ceux qui cherissent plus le mal que la santé.

Pour moy, j'estale icy mes drogues, et vous jure

Que qui n'en veut user ne me fait point d'injure.






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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
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