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Jacques Du Lorens



Satire iv - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





À monseigneur le
Duc
De
Nevers.

Il n'est rien si certain, grand prince, que le cuivre

N'a pas tant de pouvoir à faire un homme vivre

Qu'un morceau de papier d'un docte barboüillé

Qui dans l'eau d'Helicon ses levres a mouillé.

Moy qui ne l'ay pas fait, si j'avois, par nature,

Qui fait l'homme poëte, ou par cas d'avanture,

Aussi bien rencontré comme un plus brave autheur,

Vous n'en devez pas moins estimer mon labeur.

Le temps a devoré les oeuvres de
Nestocle,

Pythagore,
Eupranor,
Polyclet et
Patrocle,

De
Lysippe,
Alexis,
Pyromac,
Hegias,

Callon,
Lacon,
Miron,
Timocle,
Gorgias.

Ce gourmand a mangé tous les tableaux d'Apelle.

Que luy sert, aux enfers, crier qu'il en apelle,

Puis qu'il n'y a remede, et n'y en peut avoir,

Par des lettres royaux, encontre son pouvoir;

Puis qu'en son mouvement les roys mesmes il tuë;

Qu'invisible il maigrit et ronge une statuë,

La tronque et la mutile en diverses façons;

Puisque c'est luy qui fait travailler les maçons,

Et avecques sa faux de la besongne taille,

Tantost en abbatant un grand pan de muraille,

Tantost en ruinant les temples et autels,

Les villes et chasteaux, les superbes hostels,

Et n'est rien icy bas qu'au vray l'on puisse dire

Purement affranchi des loix de son empire,

Que les livres, et ce dont vous vous repaissez,

Qui rend dedans nos coeurs vivans les trépassez,

Ce nectar savoureux, cette douce ambrosie,

L'honneur, unique objet de vostre fantaizie?



C'est le poinct qui vous rend estimé parmy nous,

Qui fait que vous avez quantité de jaloux,

De sorte que l'on peut, en vous loüant en
France,

Où vostre vertu luit, tomber dans l'imprudence

D'un qui pensoit avoir trouvé la pie au nic

En faisant d'Herculés un grand panegyric.

Dieu sçait s'il fut sifflé des auditeurs habiles,

Et si ce ne fut pas à luy de faire giles.

Ils l'eussent lapidé cependant sans raison;

Rien n'a si mauvais goust qu'un los hors de saison.

Tant s'en faut qu'avec art il puisse estre agreable

Qu'à ceux qui ont bon nez il put come le diable.

Mais, quand je ne craindrois de faire ce peché,

Je ne me trouverois d'ailleurs moins empesché;

Car d'un riche subject la trop grande abondance

Pourroit à mon cerveau produire l'indigence,

Telle qu'il me faudroit tout ordre renverser,

Ne sçachant bonnement par quel bout commencer.

Et, puisque vos vertus sont entre elles égales,

Suivant un vieux brocard, c'est ferrer les cigales,

Abuzer le tapis et perdre son loisir,

Voire leur faire tort, de penser en choisir

Quelcune en si grand nombre et des autres se taire;

À toutes de
Caesar faudroit un commentaire.

Sur ces difficultez, ma resolution

Est d'observer icy cette discretion,

Que je feray cognoistre, en gardant le silence,

Les voeux que dans mon coeur cache la reverence,

Que je veux marier ces satyriques vers

Aux doux accents qu'echo rend, par tout l'univers,

De vostre renommée, aux cavalliers cogneuë,

Et qui, legere, vole au dessus de la nuë;

Vous publiant benin, vaillant, devotieux,

Qui, semblant estre icy, vivez dedans les cieux;

Qui suivez la vertu, qui fuyez la malice,

Qui cherchez d'avancer la chrestienne milice,

Par un ordre nouveau du s.
Pere approuvé,

Dont le zele sera par le tens éprouvé.

J'oi degoizer monsieur qui a la bouche fraische,

Qui, faineant qu'il est, des faicts de
Dieu s'empesche,

En cruble les raisons, en dit l'evenement;

Il ne luy manque rien qu'un peu de jugement.

Tandis qu'on parle mal il n'est que de bien faire;

Ce n'est pas d'aujourd'huy qu'on oit un asne braire.

Que d'asnes à
Paris aussi bien qu'à
Lion,

Vestus, pour decevoir, de la peau du lion!

Vous diriez, à les voir, qu'ils sont cela qu'ils semblent,

Mais, au premier subject, comme la fueille ils tremblent;

Ils se font reverer aux autres animaux,

Et soubs ce faux manteau leur font tout plein de maux;

Mais le renard, plus caut, leurs finesses descouvre,

Et aux moins advisez la voye au salut ouvre.

N'estoit le rang, la mine, ou le sang, ou l'habit,

Les fadeses de cour n'auroient si prompt debit.

Le harnois du cheval plusieurs vices recelle;

De peur de s'y tromper, il le faut voir sans selle.

Les nobles des villains qui pourroit separer,

Si à leur bon plaisir ils vouloient se parer

L'un et l'autre à qui mieux, et brider la moustache?

Il ne faut qu'au dimanche entrer à
S
Eustache;

Vous verrés les bourgeois, voire les artisans,

Tant ils sont bien vestus, paroistre courtisans.

Les ornemens des dieux en nos jours on profane;

Aujourd'huy les coquins ont des manteaux de pane.



Il faut icy crier : " à l'aide, mes amis! "

Et que pourront porter ces mignons de commis,

Pour monstrer par l'habit qu'ils ont plus de pistoles?

On voit l'homme par là, mais non par les paroles.

Quand vous sçauriés l'hebreu, le grec et le latin,

Si vous n'estes parfois habillé de satin,

Ma foy, l'on vous fera bien souvent maigre feste.

Selon que sa peau vaut, on estime la beste.

Par ainsi font les grands aux petits familiers,

France,
Messire
Jean avec ses escoliers.

Ô!
Combien d'autres maux nous cause ce desordre!

Si j'avois bonnes dens, je le voudrois bien mordre!

Du luxe la disette, et cette faim d'avoir

Qui met souvent les coeurs hors des gons du devoir,

Qui fait que parmy nous y a mainte ame double;

Et puis on dit qu'il n'est que pescher en eau trouble.

À cause des habits, on ne peut faire chois,

Entre les courtisans, des venerables rois,

Sinon que la nature, artiste en ses ouvrages,

Seme certains rayons sur leurs sacrez visages,

Et sur le vostre aussi, qui éblouissent l'oeil

Des mortels, aussi bien comme ceux du soleil;

Astre qui communique aux aigles de l'empire

Cette grande clairté que nous voyons reluire

Autour de vostre corps, son plus bel ornement,

Et, tout ainsi qu'au ciel, luy sert d'habillement.



C'est cela, monseigneur, qui dit sans astrologues

Que vous estes issu des grands paleologues.

Ce port majestueux, ce grave doux maintien,

Ces mouvemens reglez, ce royal entretien,

Font bien voir aux bons yeux quelle est vostre naissance.

Mais, muse, sçais tu bien que ce prince nous tance,

Et que ses bonnes moeurs il desire cacher.

Ne paranimphons plus, de peur de le fascher.



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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
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