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Jacques Du Lorens



Satire iii - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





À la royne mere du roy.

Madame, chacun voit vostre belle maison,

Et puis, selon qu'il est capable de raison,

Il en fait jugement : car ainsi va le monde,

Chacun s'en fait à croire et en son sens abonde;

L'un en discourt en gros, l'autre en juge en detail;

L'un en est pour la cour, l'autre pour le portail,

Pour l'or et pour l'asur, l'autre le marbre trie;

Les plus spirituels loüent la symmetrie,

Le plan et le dessein, qui n'ont point leur pareil;

Et moy je dy que c'est le palais du soleil,

Qu'Ovide represente en sa metamorphose;

Qu'on ne peut icy bas trouver plus belle chose.

Tout y est si parfaict que les plus curieus

Sont faschez, pour la voir, de n'avoir que deux yeus;

L'esclat de ses planchers fait jour à chaque chambre;

On la voit aussi claire, à la fin de novembre,

Que les autres au point du solstice d'esté;

Elle brille aux rayons de vostre majesté.



Mais, pour mieux baptiser cet excellent ouvrage,

C'est un echantillon de vostre grand courage;

Il ne veut pas ceder aux tens des vieux romains,

Qui en l'architecture ont passé tous humains.

Il veut encor monstrer aux plus grands de la
France

Que bastir de la sorte est l'honeste dépence,

D'autant qu'elle entretient ces braves artizans,

Que l'on peut à bon droict appeller courtizans

De
Vitruve, d'Euclide et du bon
Ptolomée,

Et des laides beautez d'une antique entamée,

Qui tachent par estude à redonner aux arts

Ce lustre qu'ils avoient sous les premiers
Caesars;

Car il n'est pas humain qui hait l'architecture;

Il faut estre de fer pour n'aymer la peinture

Plus que l'or, que la soye et que les diamans,

Dont
Rubens, qui excelle entre tous les flamans,

À garny vostre hostel, et, d'une main hardie,

Figuré l'heureux cours de vostre heureuse vie;

Argument, si l'on veut juger en equité,

Qui n'a point son égal dedans l'antiquité.

C'est dommage qu'il n'est en cuivre, et non en toiles;

Les anges l'ont gravé sur le ciel des estoilles.

Vous faites des leçons aux jeunes damoyseaus,

Qui dependent leur bien et leur aage en oiseaus,

En chiens et en chevaux, à trois dez, à la prime,

Qui diroient volontiers que bastir est un crime

Et qu'il y a desja tant de belles maisons,

Qui sont aussi changeans que les quatre saisons;

Les couleurs de l'iris sont leurs propres livrées,

Toutes leurs actions au hazard sont livrées;

De qui tout le sçavoir est un vain entregent;

Qui n'apprirent jamais l'usage de l'argent,

Mais bien, dedans
Paris faisans les
Doms
Rodrigues,

Au lieu de liberaux se monstrer des prodigues;

Faineans, inutils, brutaux, fols de sejour,

Petits fils de
Caïn, tournoyans tout le jour,

Et sans s'appercevoir que c'est courir les ruës;

De qui tous les dessains sont fondez sur les nuës;

Frisez, poudrez, musquez, faisans des quant à moy,

Qui passent bien trois mois sans salüer le roy,

Et qui, en un besoin, y passeroient leurs vies;

Ils se contentent bien d'aller aux
Tuilleries,

Ou sur le port au foin sçavoir de sa santé,

Car il faut reverer de loin la majesté.

Vous baillez sur les dois à nos vieilles avares,

Qui gardent le foyer, et donnent aux dieux lares

Honneste pension, pour avoir tousjours l'oeil

Qu'on ne vienne ravir leurs escus au soleil;

Qui, au lieu de maisons, bastissent des montjoyes

De fin or et d'argent, et qui n'ont autres joyes

Que de n'en point jouir, mais sans cesse amasser,

Et escu sur escu mesquines entasser.

Voicy mon sentiment : le devoir des princesses,

Et des princes avec, est de faire largesses,

De cherir les sçavans et dependre en esprits,

Pour leur donner l'ardeur de proposer des pris,

Comme on faisoit jadis aux athletes de
Pise.

Car aujourd'huy, madame, un chacun les meprise;

Estre un homme lettré, c'est un tiltre honteux,

Plus sans comparaison que borgne et que boiteux,

Qu'infame, que punais, qu'avoir mauvaise haleine;

Car c'est, au goust commun, avoir l'ame malsaine.

Mais, si par malencontre il se mesle de vers,

On le met aussi tost au rang des ladres vers

Et des pestiferez. ô vulgaire profane,

Bien t'a pris que tu fus, tu es, et seras asne,

Puisque en faisant gaigner la cause à
Marsyas

Alencontre
Apollon, tu deviendrois
Mydas.

Pourtant, si tu sçais bien dire chouse pour chose,

Si tu lis ces livrets, sçais tu que c'est de prose,

Et de vers mesurez?
Toy qui es ignorant,

Ozes tu bien vuider un si grand differant?

Encor si tu disois qu'entre douze poëtes,

Il se trouve souvent un millier de choüetes!



Mais avec les mauvais faire patir les bons,

C'est enchéner les dieux avecque les demons,

C'est au noir et au blanc donner mesme tainture,

C'est faire violance aux loix de la nature.

Tousjours y a debat entre le feu et l'eau;

Sainct
Germain porte envie à
Fontainebeleau,

Le turc a tousjours guerre avec le roy des perses;

Ignorance et sçavoir sont pieces trop diverses

Pour s'unir justement et ne plus disputer.

Cestuicy doit pourtant la victoire emporter;

De vostre aspect royal les douces influences

Luy en font concevoir les justes esperances.

Vous estes de vertu le pain quotidian,

Vous faites ce qu'on lit du grand vespasian.

Il receut bien l'advis d'un docte mechanique

Qui, voulant épargner la despence publique,

Monstra comme on pouvoit transporter quantité

De colonnes de marbre avec facilité,

Et sans y employer la peine de tant d'hommes,

D'argent pour les payer assez notables sommes;

Il le recompensa de son invention,

Recognut son esprit et sa perfection,

En ces mots : " je voy bien que tu est treshabile,

Mais laisse moy nourrir les pauvres de la ville. "

Il n'est rien de si vray que des grands bastimens

Apportent au public, outre les ornemens,

Plusieurs commoditez; ils nourrissent maint homme

Du menu populas, qui jeusne quand il chomme.

Homere surnomma les venerables roys

Pasteurs de leurs subjects et gardiens des loys.

Madame, si j'estois un plus grand personage,

Un plus vaillant rimeur, j'en dirois d'avantage;

Je n'ay veu qu'une fois ce magnifique hostel,

En presentant ces vers, ou ces voeux, sur l'autel

Que vous y bastissez à vostre auguste gloire,

Dans le plus sacré lieu du temple de memoire.

Si je ne m'en estois dignement aquitté,

Vous prendrez pour l'effect la bonne volonté;

Quelque autre me suivra dont la maniere haute,

Pensant me corriger, r'abillera ma faute.


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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
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