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Jacques Du Lorens



Satire i - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





Au roy

Sire, puisque ma muse à censurer s'adonne,

Et qu'en mon vercoquin je n'espargne personne,

Fusse mon propre frere, ou mon oncle, ou ma soeur,

Et,
Dieu me le pardoint, mon pere confesseur,

Puisque une plume libre est tousjours odieuse,

Qu'une bonne satyre est chose imperieuse,

Qu'un timide respect n'est pas son element,

Qu'elle tient trop de soy, je ne sçai pas comment

Je la pourray ployer d'une juste contrainte

Au devoir qu'il faut rendre à la majesté saincte;

Desireux que je suis de luy faire un discours

Qui soit, comme l'argent, et de mise et de cours,

Portant de bien regner les reigles generales,

Et qui serve à tous roys de breviaire ou d'annales;

Non que je m'imagine estre un platon nouveau,

Pour des formes d'estats tirer de mon cerveau,

Joint qu'enseigner mon roy c'est enseigner
Minerve,

Mais mon esprit se laisse emporter à ma verve.



Il sera toutefois en ce lieu si discret

Qu'il se gardera bien de sonder le secret,

Mais il demeurera dans l'air de mon genie,

Qui d'honorer les roys sans cesse le convie.

En effect, mon dessein n'est que de vous servir

Et de vous estimer, coustumier de sevir

Sur les erreurs humains que chasse ma satyre.

Dessus vos actions il n'y a que redire.

Rien ne se peut trouver icy bas de parfait

Que ce que vostre main depuis deux ans a fait;

La preuve maintenant est trop claire et certaine

Que des nobles bourbons la tige n'est humaine;

Leurs peres sont les dieux : car, aux autres enfans,

Le courage et valeur viennent avec les ans;

La vostre, poursuivant sa royale advanture,

Hautaine, a renversé tout ordre de nature.

Prince envoyé du ciel, rejetton de
Henry,

Sous lequel si long tens nostre
France a flory,

Savourant les doux fruicts d'une paix si tranquille

Que les champs estoient lors aussi seurs que la ville,

Des pheaques oisifs l'estat est fabuleux,

Ou n'est qu'un ombre vain du nostre plus heureux.

Et ne faut s'estonner si, en vostre jeune age,

Un serain si plaisant s'est troublé de nuage,

Si le bruict court l'hyver qu'on leve des soudars,

Et que nous reverrons la guerre au mois de mars;

Cela s'est tousjours faict : la noblesse endebtée,

Qui de ses creanciers en paix est molestée,

Et qui voit tous les jours, ainsi qu'en garnison,

Un nombre de sergens fourrager sa maison,

Ne demande qu'où est ce, et seme des nouvelles

Pour avoir des delais, respis et quinquennelles.



Ces rebelles avec, qui, pour tout argument,

Alleguent qu'on ne peut forcer l'entendement,

Et que vous les voulez, deceus d'une promesse,

Contre leur volonté faire aller à la messe,

Ombrage qui leur a produict tant de malheurs,

À vostre majesté causent tant de labeurs.

Que plus j'y pense, et plus j'en ay mal à la teste,

Les foiriers sont bien longs d'une mauvaise feste.

Poussez de mesme esprit sont ces desesperez,

Qui ont faict cession, bannis et deferez,

Un tas de faineans, et toute la canaille,

Voire vos bons sujets qui couchent sur la paille;

Non que par penitence ils pleurent leurs delits,

Mais pour la grande cruë on a vendu leurs lits.

Il faut boire le jus d'une bonne racine,

Pour empescher l'effect des songes de
Bazine.

Les plaintes que l'on fait sont les seuls fondemens,

Le pretexte et couleur de tant de mouvemens;

Et c'est le bien public que celebroient ces princes,

Qui fit au tens passé tant de mal aux provinces.

Ce peuple qui vous ayme, il le faut soulager,

Il vous l'a faict paroistre au milieu du danger;

Vous ne pouvez encor, pour vos justes despenses,

Luy faire voir les fruicts de vos magnificences,

Trop bien les luy promettre et puis ne manquer pas.

Messieurs les deputez, en ces derniers estas,

Vous en remercieront, à qui, pour tous saleres,

Le pays delivra le chemin des galeres;

Il se sont obligez, voire en leur privé non,

Qu'on abaissera tost la taille et le taillon;

Vos mauvais conseillers en parlent à leur aise,

Ces harpies encor, dont la faim ne s'appaise

De nostre sang plus pur, qu'ils succent comme let,

Lors qu'ils vont conparant vostre peuple au mulet.



Vous estes son pasteur, son gardien, son pere,

Et luy est vostre enfant qui des faveurs espere;

Vous l'en devez combler, et le temperament

De droict et d'equité permettre au parlement,

Qui vous est obligé de ce qu'en jours si calmes

Il donne ses arests à l'ombre de vos palmes,

Qui avec le respect reçoit vos bons edicts,

Admire vos beaux faicts et revere vos dicts;

Car jamais ne se vit, en si tendre jeunesse,

Prince qui fut doüé de si grande prouesse,

Plus pieux, plus humain, plus benin, plus courtois,

Plus digne de tenir le sceptre des françois.

Les rois furent creés pour rendre la justice;

Il la rendra pour vous, il chassera le vice.

Gardez luy ses honneurs en toute liberté;

C'est l'unique splendeur de vostre majesté,

C'est l'ancien fleuron de la double couronne

Qui vostre chef sacré de fin or environne;

C'est le plus grand senat de tout cet univers;

Phoebus pour le louer n'a pas d'assez bons vers.

Voyez y ces
Verduns, ces
Villiers, ces
Bellievres,

Devant qui les méchans sont paoureux comme lievres,

Ces mesmes,
Novions,
Dozembrez, et le
Gé,

Qui au gré des sauveurs jamais n'ont rien jugé.



Vous devez neantmoins le principal conduire,

Et dans vostre conseil comme un astre reluire,

Soir, matin, en tout tens; vous le faictes aussi,

Et tesmoignez par là qu'avez de nous soucy.

Vous le devez, grand roy, affin que chacun die

Que de vostre costé ne vient la maladie;

Si le corps de l'estat a de l'affliction,

Que sans doute elle naist de sa corruption.

Quant à la pieté, l'estoille de la
France,

Qui éclairoit d'en haut vostre heureuse naissance,

Nous promet en vos jours un general sermon,

Et qu'on ne fera plus le presche à
Charanton,

Et, ce qui nous seroit contentement extreme,

Que tous les huguenots jeuneront le caresme.

Le tout sans coup ferir, car la divine loy

N'a jamais entendu que l'on force la foy,

Et ce propos qui dit qu'elle entre par l'oreille

Assez ouvertement la guerre deconseille;

Que vous n'entreprendrez, sinon par ce devoir,

Qui vous oblige un peu de vos confins ravoir,

Ensuivant le conseil de vostre amy
Guillaume,

Plus tost que du soldat qui presche le royaume

Au front de ce livret, et, comme un rossignol,

Croit en se degoisant qu'il tue l'espagnol.

Il trouve le pain bon, et ne laisse de vivre.

Ô!
Qu'il est malaisé de tuer dans un livre,

Quand on est tant soit peu garny d'entendement,

Que l'encre et le papier sont à commandement!

Sa fantaisie fut de plusieurs approuvée.

La guerre est douce à ceux qui ne l'ont esprouvée.

Vous devés nonobstant, quand vous serés plus fort,

En armes faire voir un genereux effort,

Afin de tesmoigner à la gent estrangere

Que le fils est souvent aussi bon que le pere.

Comme son grand renom, qui par tout resonnoit,

Par crainte ou par amour en devoir la tenoit,

Le vostre, au sien égal, fera la mesme chose;

Dieu de tous vos conseils heureusement dispose.



Ainsi nous jouyrons du repos gracieux,

Et vivrons icy bas comme l'on vit aux cieux,

Sans debats ny procés, où les juges propices,

Au cas qu'il y en eust, ne prendont plus d'épices,

Vous couperés la teste à la venalité,

Par laquelle en detail l'office est debité.

Sire, vous osterez un autre abus enorme,

La guerre de la paix, ces bons juges sous l'orme,

Qui mangent vostre peuple avec tant de delais,

Qui oyent ces coquins faire comme au palais;

Ces vautours, lycaons, ces affamés briares,

Il les faut envoyer aux estroites gyares.

En dépit des volleurs, qu'en ce lieu mon papier

N'est il du plus dur fer, et ma plume d'acier!

Que ma satyre, ailleurs par trop respectueuse,

Et qui bat trop à froid, n'est elle injurieuse!

Mais il fait dangereux injurier le mal,

Qui est si grand seigneur en ce siecle anomal,

Qui marche à si gros train, qui s'en fait tant à croire,

Qu'il brigue pour avoir bonne place en l'histoire.

Le temple de
Janus en ce temps n'ouvrira,

Et la fureur dedans horrible fremira,

De vos puissantes mains liée de cent chénes;

Le miel au lieu de gland nous produiront les chénes.

Toutes choses riront, et vostre regne encor

En tous biens passera l'antique siecle d'or.



Moy je feray des vers en forme de satyre,

Et les accorderay non point sur une lyre,

Ainsi que fit
Ronsard, mais sur quelque instrument

Qui, comme ils sont rustics, sonne rustiquement.

Tout homme les pourra joüer sans tablature,

Puisque je les ay faits sur la clef de nature,

Sans me gratter la teste et mes ongles ronger,

Puisqu'ils me sont venus quasi sans y songer.

Voila comment devroient convenir toutes choses;

Les vieux ayment le vin, et les nymphes les roses.

Mais falloit il au roy cet oeuvre dedier?

Non pas si j'estois sage aux depens du barbier,

Qui, servant de son art un qui portoit ce titre,

Fut payé d'un bon mot dont vous serez arbitre.

Aprés l'avoir tué long tens de son caquet,

En fin luy demanda ce joly perroquet,

Se retournant vers luy d'une gentille garbe:

" comment, à vostre advis, feray je vostre barbe,

Sire? à tous vos desirs je suis fort complaisant.

-s'il y avoit moyen, mon maistre, en te taisant. "

Or nostre poësie est bien plus favorable

Que les propos communs, car elle est delectable;

Chassant, par la vertu de son nombreux accent,

La tristesse malsaine et l'ennuy plus recent,

Ennuy qui nos esprits et nos corps ronge et mine.

Les roys ont bien besoin de cette medecine.



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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
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