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NAISSANCE D'UN ECRIVAIN


Poésie / Poémes d'François Zola





Devenu chef du service de la publicité chez Hachette, Zola est plongé jusqu'au cou dans la vie littéraire de Paris. Les auteurs les plus connus entrent dans son bureau et se déboutonnent. Il les entend parler avec naïveté de leurs ambitions, de leurs chiffres de vente, de leur désir de gagner l'estime de tel ou tel critique, de la réclame insuffisante qui est faite autour de leur dernier livre. Tous ces grands hommes, loin de voir en lui un futur confrère prêt à les dévorer, se confient à lui comme à un conseiller technique. Discret et efficace, Zola apprend auprès d'eux les dessous du métier d'écrivain. Ils croient qu'il est là pour les servir alors que ce sont eux qui le servent en l'affranchissant. Avant même d'avoir publié un seul volume, il est leur égal dans le maniement des ficelles du succès. Il fait ainsi la connaissance de Duranty, le doctrinaire du réalisme, de Taine, de Renan, de Littré, de Sainte-Beuve, de Guizot, de Lamartine, de Michelet, d'About, de Barbey d'Aurevilly... La plupart, malgré leur talent ou leur génie, ont besoin d'argent et n'ont à la bouche que les mots de contrat, de tirage, de garantie, de partage des droits, de rapports avec la presse... Et Zola les comprend. Pour lui aussi, la littérature doit être à la fois un sacerdoce et un gagne-pain. En attendant de leur emboîter le pas, il distribue des communiqués aux journaux pour vanter les mérites d'un Amédée Achard ou d'un Prévost-Paradol.





Mais, s'il les reçoit tous aimablement, il ne se lie avec aucun. Ses vrais amis sont ceux qu'il a connus à Aix. Justement, Cézanne revient à Paris où il a loué un atelier. Baille sort deux fois par semaine de l'Ecole polytechnique. Les trois inséparables jurent de s'épauler l'un l'autre pour conquérir la capitale et - pourquoi pas ? - la France. Cézanne, le plus au large dans ses finances, mais aussi le plus tourmenté, initie ses amis à la peinture telle qu'il la conçoit. Baille, le plus raisonnable, le plus froid, voit tout sous l'angle de la science et rêve d'une haute situation dans le domaine de la recherche pure. Et Zola, le plus sensible, le plus passionné, se demande si la solution, en littérature, ne serait pas une alliance entre le bouillonnement coloré de Cézanne et la rigueur savante de Baille.

Hélas ! Baille tire au sort un mauvais numéro et est obligé d'accomplir son service militaire. Zola doit, à son tour, subir l'épreuve. N'a-t-il pas eu tort de réclamer sa naturalisation ? S'il était resté italien, on l'aurait laissé tranquille ! Mais le hasard lui attribue le numéro 495, lequel n'est pas appelé. Le voici libre comme l'air. Cézanne, lui, a coupé au service militaire, son père lui ayant acheté un remplaçant.



Cette double chance réconcilie Zola avec l'armée. Sa vie matérielle est assurée. Il a définitivement choisi sa voie. Que demander de plus ?

Avec Cézanne, il entreprend de longues promenades à Fontenay-aux-Roses, à Aulnay, vers la Vallée-aux-Loups. Une mare verte les attire. Cézanne plante son chevalet au bord de l'eau et peint avec fièvre. Zola observe le jeu du pinceau sur la toile et essaie de comprendre le goût de son ami pour le bariolage brutal.

L'art de l'époque est résolument académique, léché et émasculé. C'est contre ce parti pris de convention philistine, de bonne éducation picturale que les nouveaux venus réagissent. Zola est de leur bord, non parce qu'il les approuve, mais parce qu'ils représentent pour lui l'avenir. C'est, pense-t-il, une affaire de génération. Les jeunes doivent aller côte à côte et s'entraider, dans tous les domaines, pour relayer et, au besoin, bousculer les anciens.

Cézanne rêve d'entrer aux Beaux-Arts. Mais il échoue au concours d'admission. Il espère aussi exposer au Salon de 1863. Or, il est refoulé, en même temps que Pissarro, Claude Monet et Edouard Manet. La bourgeoisie cossue qui dicte les modes au temps de Napoléon III n'aime pas qu'on touche à ses habitudes. Elle est pour l'ordre, la religion, la fortune, la décence et l'immobilité. Toute originalité, en art comme en politique, l'effraie. Sa préférence, en peinture, va aux scènes historiques, aux tableaux de genre, aux anecdotes gentillettes, aux représentations de déesses mythologiques dont la nudité lisse et pomponnée se déguste du regard comme une pâtisserie. Mais déjà l'Empire évolue et veut se montrer libéral. Le 24 avril 1863, Le Moniteur officiel publie cette information étonnante : « De nombreuses réclamations sont parvenues à l'fjmpereur au sujet des ouvres d'art qui ont été refusées par le jury de l'Exposition. Sa Majesté, voulant laisser le public juge de la légitimité de ces réclamations, a décidé que les ouvres d'art qui ont ét§ refusées seraient exposées dans une autre partie du Palais de l'Industrie. »

Entraîné par Cézanne, il fait le tour des ateliers, se lie avec des peintres d'avant-garde, Pissarro, Monet, Degas, Renoir, Fantin-Latour, Manet lui-même, et se passionne pour leur entreprise, qui nargue l'imbécillité de la foule habituée aux chromos. Mais Cézanne, qui a une vie sentimentale tumultueuse, changeant souvent de partenaire, lui présente aussi des femmes. L'une d'elles, Gabrielle-Éléonore-Alexandrine Meley, retient l'attention d'Emile. Plantureuse et un brin populacière, elle n'a rien de la petite paysanne de Greuze ni des nymphes de Jean Goujon dont Zola s'éprenait dans sa solitude. Pourtant la chair robuste, l'esprit sain et pratique de cette Junon le séduisent. De basse condition, orpheline de mère, Gabrielle-Alexandrine, née le 16 mars 1839, a été blanchisseuse et a vendu des fleurs place Clichy. Raison de plus, pense Zola, pour s'intéresser à elle. Bientôt, la jeune femme devient pour lui le refuge sûr et hygiénique dont il a besoin pour son équilibre. Il opte pour elle comme il opte pour le réalisme en peinture et en littérature.



Afin d'exprimer ses nouvelles théories en la matière, il adresse à un ami aixois, Antony Valabrè-gue, lui aussi féru de poésie, une longue dissertation au sujet des trois écrans (classique, romantique, réalistE) sur lesquels se projette le génie de l'écrivain. Selon lui, « l'écran classique est une belle feuille de talc, très pure et d'un grain fin et solide, d'une blancheur laiteuse... Les couleurs des objets s'affaiblissent en en traversant la limpidité voilée... La création dans ce cristal froid et peu translucide perd toutes ses brusqueries, toutes ses énergies vivantes et lumineuses... L'écran romantique est une glace sans tain, claire, bien qu'un peu trouble en certains endroits, et colorée des sept couleurs de l'arc-en-ciel. Non seulement elle laisse passer les couleurs, mais elle leur donne encore plus de force ; parfois, elle les transforme et les mêle... L'écran réaliste est un simple verre à vitre, très mince, très clair et qui a la prétention d'être si parfaitement transparent que les images le traversent et se reproduisent ensuite dans toute leur réalité... Toutes mes sympathies, s'il faut le dire, sont pour l'écran réaliste; il contente ma raison et je sens en lui des beautés immenses de solidité et de vérité ».



Dans l'intervalle de quelques mois, Zola a pris de l'assurance. Ayant réuni une pincée de nouvelles sous le titre Contes à Ninon, il a porté le recueil à son patron, qui l'a recommandé aussitôt à l'éditeur Hetzel. En se présentant à lui, il déclare avec aplomb : « Monsieur, trois éditeurs ont refusé mon manuscrit. Pourtant, j'ai du talent. » Amusé, Hetzel promet de le lire et, quarante-huit heures plus tard, Zola reçoit un billet laconique : « Veuillez passer demain chez moi. » En attendant l'heure du rendez-vous, il se promène, la tête à l'envers, dans les allées du Luxembourg. Enfin le voici devant Hetzel. « Votre volume est pris, lui annonce ce dernier. Voici M. Lacroix qui vous édite. Il va vous signer un traité. » Éperdu de bonheur, Zola court annoncer la nouvelle à sa mère qui en pleure de fierté.

Et, immédiatement, il s'occupe de préparer le lancement de son livre. Profitant de sa situation chez Hachette, il écrit des dizaines de lettres aux critiques de sa connaissance afin de se rappeler à eux et de piquer leur curiosité. Le résultat ne se fait pas attendre. À leur parution, en novembre 1864, les Contes à Ninon sont accueillis par la presse avec sympathie. Il est vrai que ces petits récits, conventionnels et fadasses, ne peuvent que plaire à des journalistes et à un public soucieux avant tout de n'être pas dérangés dans leurs habitudes.



Encouragé par ce premier succès, Zola publie des articles et des nouvelles dans Le Petit Journal, La Vie parisienne, Le Salut public de Lyon... Mais sa grande affaire, c'est la rédaction d'une sorte de roman autobiographique, La Confession de Claude. « J'ai besoin de marcher vite aujourd'hui, et la rime me gênerait, écrit-il à Antony Valabrègue. Je suis à la prose et m'en trouve bien. J'ai un roman sur le métier et je pense pouvoir le publier dans un an... Des ouvres ! des ouvres !! des ouvres Ml! » Dans La Confession de Claude, Zola évoque l'aventure d'un poète pauvre qui se lie avec une fille des rues, Laurence, la garde par pitié, essaie de la soustraire à son vice et, peu à peu, se laisse entraîner par elle dans la déchéance. Pourtant, parvenu au dernier degré de l'abjection, il s'arrache à la fascination qu'exerce sur lui cette prostituée, s'enfuit de Paris et va se réfugier en Provence pour retrouver la dignité, la sérénité et le goût de vivre et d'écrire. Ce n'est pas encore du réalisme raide et saignant, mais une timide approche de ce genre littéraire.

Zola a mis dans ce récit beaucoup de son expérience personnelle. Claude, le poète malchanceux, c'est lui-même ; Laurence, c'est Berthe, la « fille à parties », qui l'a suivi de taudis en taudis et dont il a tenté en vain la guérison morale ; enfin, la régénération du héros au contact de la Provence traduit son propre attachement au pays de ses souvenirs. D'ailleurs, le livre est dédié « à [ses] amis Paul Cézanne et Jean-Baptistin Baille ».



Malgré la pâleur de l'ouvrage, le procureur impérial s'en saisit et rédige un rapport au garde des Sceaux. Tout en condamnant les outrances de certains passages du roman, il estime qu'il n'y a pas heu d'en poursuivre l'auteur pour atteinte à la morale publique. Zola pousse un ouf de soulagement : la Confession ne sera pas retirée des librairies. Cependant, la vente est faible. Quelques bonnes critiques, mais d'autres, dont celle de Barbey d'Aurevilly, carrément injurieuses. Il répond à ce dernier par une lettre très rêche et explique son sentiment à Antony Valabrègue : « J'ai récolté des coups de férule à droite et à gauche, et me voilà perdu dans l'esprit des gens de bien... Mais aujourd'hui je suis connu, on me craint et on m'injurie ; aujourd'hui je suis classé parmi les écrivains dont on Ut les livres avec effroi. Là est l'habileté... L'habileté consiste, l'ouvre une fois faite, à ne pas attendre le public, mais à aller vers lui et à le forcer à vous caresser ou à vous injurier... Vous me demandez ce que mon livre m'a rapporté. Peu de chose. Un livre ne nourrit jamais son auteur. J'ai avec Lacroix un traité qui m'alloue 10 % sur le prix du catalogue. Je touche donc 30 centimes par exemplaire tiré. On en a tiré 1500. Comptez. Remarquez que mon traité est très avantageux. On a le feuilleton. Toute ouvre, pour nourrir son auteur, doit d'abord passer dans un journal qui la paie à raison de 15 à 20 centimes la ligne .



Zola étage des chiffres avec délectation. Le roman est pour lui, tout ensemble, une ouvre d'art et une opération commerciale. « Je ne veux pas que l'on fasse une ouvre en vue de la vendre, disait-il, dès 1860, à Cézanne ; mais, une fois faite, je veux qu'on la vende2. » Il accepterait, à la rigueur, que la poésie fût destinée à quelques rares amateurs ; la prose, en revanche, doit attirer les foules. Aucun écrivain digne de ce nom n'a à rougir de constater que ses livres s'enlèvent comme des petits pains. N'ont-ils pas sous les yeux, ces chers auteurs, les exemples d'un Balzac, d'un Hugo, d'un Dickens ? En dépit du demi-échec de La Confession de Claude, Zola est persuadé qu'un large public va bientôt l'acclamer ou le haïr. Apprenant par Antony Valabrègue qu'à Aix il est question de débaptiser le canal Zola, il répond avec superbe : « Je ne tiens guère à la faible renommée que peut m'attirer un nom donné à un mur; quant à moi, je me sens de taille à bâtir plusieurs murs, s'il le faut3. »



Ces « murs » qu'il entend bâtir, il craint à présent que son travail chez Hachette ne l'en empêche. Il a besoin d'une liberté totale pour se consacrer à son ouvre. D'ailleurs, son protecteur, Louis Hachette, est mort entre-temps et la nouvelle direction n'apprécie guère son activité d'écrivain moderne et audacieux. Il y a eu une enquête de police à son domicile et dans les bureaux de la société d'édition. Ce qui inquiète les services secrets, c'est principalement le fait que Zola ait publié des vers dans le journal de gauche Le Travail, chapeauté par Clemenceau. Après de savants calculs, il se convainc que, grâce à ses livres et à ses articles, il arrivera à joindre les deux bouts. Aussi quitte-t-il son emploi chez Hachette en se réservant la possibilité d'une collaboration « extérieure » avec la maison.

Le voici écrivain « professionnel ». Il déménage, une fois de plus, et loue un appartement avec sa maîtresse, Alexandrine Meley, rue de FÉcole-de-Médecine. Elle est pour lui une compagne dévouée, attentive à soigner ses humeurs et à respecter son travail. Discrète, elle se tient dans un coin, le jeudi, lorsqu'il réunit ses compagnons de lutte : Cézanne, Baille, Roux, Solari, Pajot, Pissarro... On rit, on discute art et littérature autour d'une bouteille de vin. La tête échauffée, Zola se voit déjà livrant assaut à l'univers entier. Et il est sûr de la victoire. « Je battrai monnaie autant que possible, annonce-t-il encore à Antony Valabrègue. D'ailleurs j'ai foi en moi, et je marche gaillardement. »



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François Zola
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