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ALEXANDRINE


Poésie / Poémes d'François Zola





L'idée creuse son chemin. Plus Zola réfléchit au déroulement de sa carrière, plus il se persuade que, s'il veut attacher son nom à une vaste entreprise, il lui faut concevoir une fresque en plusieurs volumes, quelque chose de comparable à La Comédie humaine de Balzac. Il a une vénération pour l'auteur du Père Goriot. « Quel homme ! écrit-il. Je le relis en ce moment. Il écrase tout le siècle. Victor Hugo et les autres, pour moi, s'effacent devant luil. » Mais, tout en admirant ce géant des lettres françaises, il lui en veut un peu d'être si grand. Comment égaler un tel génie sans le copier ? Tout le problème est là. Avec obstination, Zola cherche à se démarquer de son modèle. Première nuance : l'organisation de La Comédie humaine ne s'est faite qu'après coup, alors que Balzac avait déjà écrit plusieurs romans de la série. D'où une sorte d'incohérence dans la construction de l'ensemble. Ainsi les divers morceaux qui composent ce monument n'ont-ils souvent d'autre rapport entre eux que la réapparition de certains comparses. C'est là, songe Zola, le travail d'un homme inspiré et brouillon, n'obéissant qu'aux secousses de son inspiration. Lui, en revanche, veut être un créateur méthodique, dont le plan général sera établi dossier par dossier, tiroir par tiroir, avant qu'il ait tracé la première ligne du premier volume. Contrairement à Balzac qui s'est abandonné à sa fantaisie pour peupler son univers, il décide de ne rien laisser au hasard pour animer le sien. Il remarque aussi qu'il n'y a pas d'ouvriers chez Balzac, que celui-ci a voulu faire l'histoire des mours de son temps, que son ouvre est le miroir d'une société « dominée par la religion et la royauté ». Et il précise dans une note intitulée Différence entre Balzac et moi : « Mon ouvre à moi sera tout autre chose. Le cadre en sera plus restreint. Je ne veux pas peindre la société contemporaine, mais une seule famille, en montrant le jeu de la race modifiée par les milieux... Ma grande affaire est d'être purement naturaliste, purement physiologiste. »





Il faut une idée directrice à un tel déploiement de personnages, de lieux, de professions. Qu'à cela ne tienne : Zola se précipite sur les théories à la mode et y trouve la justification de sa propre inclination pour les sciences exactes. Ces sciences exactes vont si vite dans la conquête du monde qu'un jour ou l'autre, se dit-il, elles expliqueront tout. À son avis, le romancier penché sur sa page et le savant enfermé dans son laboratoire sont investis de la même mission : approfondir la connaissance du réel. Les uns travaillent sur les âmes, les autres sur les corps. Mais la démarche de leur esprit est identique. Le public, émerveillé par les progrès des spécialistes du scalpel, de la cornue ou du microscope, devrait donc accorder toute confiance aux écrivains qui obéissent à la même discipline intellectuelle. Le siècle étant scientifique, la littérature est forcée de le devenir. Pour »s'en persuader, Zola revient, en pensée, à ses conversations avec un ami d'Aix, un savant, Fortuné Marion, qui lui a démontré la persistance des liens du sang dans le caractère physique et moral de l'homme. Il ht aussi, avec une voracité de néophyte, l'Introduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard, le Traité de l'hérédité naturelle du docteur Prosper Lucas, la Philosophie de l'art de Taine, la Physiologie des passions du docteur Charles Letour-neau et les études de Darwin récemment traduites en français. Toutes ces publications achèvent de le convaincre que, pour être de son temps, il doit répudier les rêves idéalistes et coller au plus près à la réalité tangible. Très vite, il se décide à faire de son ouvre l'illustration des théories de l'hérédité. Tout s'explique par les antécédents d'un individu. Fouiller dans son passé génétique, c'est déterminer son avenir au sein de la société. Fort de cette certitude, dont le côté systématique, loin de l'inquiéter, le réjouit, Zola se croit appelé à être le promoteur d'un art nouveau. Il le pressentait déjà lorsqu'il écrivait Thérèse Raquin. Aujourd'hui, à près de trente ans, et avec toutes ces lectures savantissimes dans la tête, il en est sûr. Ébloui par la révélation, il estime que le meilleur moyen de démontrer l'importance de l'hérédité dans la vie des êtres humains, c'est de prendre tous les personnages de cette suite romanesque dans une même famille. Les tares de chacun se trouveraient ainsi éclairées, et comme justifiées, par un atavisme quasi automatique. Cette pyramide s'appellerait Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire. Si Balzac a été un démiurge, lui sera un expérimentateur.



Maintenant, il embrasse d'un regard d'aigle le terrain où il va chasser. Il dresse un premier plan de dix romans se déboîtant l'un de l'autre et portant la triple étiquette du matérialisme, de la physiologie, de l'hérédité, tout cela évoqué sous le règne de Napoléon III. Ce règne, Zola l'exècre pour ses génuflexions devant l'argent, son clinquant, ses préjugés bourgeois, son hypocrisie, sa bigoterie, son intolérance. En situant son ouvre à cette époque qu'il abhorre, il en dénoncera les vices et la stupidité. Mais il ne veut s'aventurer qu'à coup sûr dans une telle fondrière. Pendant un an, il travaille assidûment à la Bibliothèque impériale, plongé dans des livres de sciences, prenant des notes, fignolant l'arbre généalogique de ses héros, les Rougon-Macquart. Cet arbre généalogique, il le présente à Lacroix en même temps que le plan de sa série romanesque, et l'éditeur, impressionné par l'ampleur et le sérieux du projet, signe un contrat pour les quatre premiers tomes. En garantie, l'auteur recevra cinq cents francs par mois.



Au moment d'aborder la rédaction du premier volume, intitulé La Fortune des Rougon, Zola établit, une fois pour toutes, son emploi du temps. Lever à huit heures du matin; promenade pendant une heure pour se dégourdir à la fois le corps et l'esprit ; ensuite, travail; l'après-midi, visites utiles, correspondance, séances de lecture à la Bibliothèque impériale pour parfaire la documentation. Toujours précis, il calcule le nombre de pages qu'il pourra abattre chaque jour et conclut qu'il aura terminé son cycle dans dix ans. Pourvu qu'aucun événement extérieur ne vienne le perturber dans la tâche immense où il s'engage !

Afin de s'assurer un avenir paisible, il décide de régulariser sa liaison avec Alexandrine. En quelque cinq ans, il a pu apprécier les solides qualités de sa compagne. Sans être une beauté sur laquelle on se retourne dans la rue, elle se présente comme une femme bien en chair, aux cheveux bruns soyeux, au visage ferme, aux yeux sombres et vifs, à la lèvre supérieure ombrée d'un léger duvet. Elle est loyale, active, pratique et ambitieuse. L'ascension sociale est son idée fixe. Elle veut être reconnue comme une vraie bourgeoise, partageant la vie d'un romancier célèbre. En lui proposant le mariage, Zola comble ses voux. Mais elle exige de passer par l'église et Zola, le positiviste, l'agnostique, ne peut lui refuser cette faveur. Les témoins sont Paul Cézanne, Marius Roux, Philippe Solari et un nouveau venu, un jeune poète aixois, grand admirateur de l'auteur de Thérèse Raquin : Paul Alexis. Mme Zola mère se résigne à avoir pour bru une fille du peuple. Les rapports des deux femmes sont affectueux en apparence. D'un commun accord, elles mettent leurs dissentiments en sourdine pour respecter la tranquillité du maître de maison.



Après le mariage, Zola se sent enfin rasséréné. Il n'a pas un appétit sexuel bien exigeant. Ou plutôt, cet appétit ne se réveille en lui que lorsqu'il tient une plume. Si la femme de chair le laisse assez indifférent, son tempérament s'enflamme dès qu'il évoque des créatures imaginaires. Auprès d'elles, il n'est plus paralysé par une timidité d'enfant. Il ose vivre et décrire les enlacements les plus hardis. Débarrassé de toute crainte d'échec physique, il se livre, en secret, à une jouissance qui le transporte. Quand il retrouve Alexandrine, il a l'impression de l'avoir trompée, tout en lui restant fidèle. Chaste dans sa chambre à coucher, il prend sa revanche dans son cabinet de travail. Et nul ne soupçonne les joies qu'il éprouve ainsi dans la solitude. Non, rien ne remplace pour lui l'enivrant plaisir de noircir du papier, avec dans la tête un univers dont il est le seul maître. Nourri d'encre, il est un monstre de labeur et de rêverie. À la mort de Jules de Goncourt, en juin 1870, il écrit à son frère Edmond une lettre pathétique où il conclut : « L'art l'a tué. » Quelques semaines plus tard, en allant déjeuner à Auteuil, il discourt longuement, devant son hôte, de ses propres travaux. Goncourt note dans son Journall : « Il me parle d'une épopée en dix volumes, de VHistoire naturelle et sociale d'une famille qu'il a l'ambition de tenter, avec l'exposition des tempéraments, des caractères, des vices, des vertus développés par les milieux et différenciés comme les parties d'un jardin où il y a de l'ombre, où il y a du soleil. » En fin de repas, devant cet homme accablé par la disparition de son frère, il s'écrie : « Après l'analyse des infiniment petits du sentiment comme elle a été exécutée par Flaubert dans Madame Bovary, après l'analyse des choses artistiques, plastiques, nerveuses, comme vous l'avez faite, après ces ouvres-bijoux, ces volumes ciselés, il n'y a plus de place pour les jeunes, plus rien à faire, plus à constituer, plus à construire un personnage. Ce n'est que par la quantité des volumes, la puissance de la création qu'on peut parler au public. »



En lançant ces mots, Zola est sincère. Il a une profonde admiration pour Flaubert (il le lui a d'ailleurs écrit en lui adressant son livre Madeleine FeraI), il le reconnaît comme un maître de l'observation du réel et, en quelque sorte, comme un précurseur, mais il ne partage pas son obsession de la phrase parfaite. Tout en louant l'excellence de ce style travaillé à la manière d'un orfèvre, il se refuse à le prendre pour exemple. L'ouvre-bijou n'est pas son fait. Il écrit violemment, à la va-vite, avec des avalanches d'adjectifs, des sonorités heurtées, et même parfois des incorrections de langage. Ce qu'il cherche en lâchant ce torrent verbal, ce n'est pas à flatter l'oreille de ses lecteurs, mais à les plonger, tout suffocants, dans la vision d'un monde qui leur est étranger. Il faut que les couleurs, les rumeurs, les odeurs de ce monde assaillent le public comme elles l'assaillent lui, dans le silence de son bureau, alors que, derrière la porte, sa mère et sa femme vaquent, sur la pointe des pieds, aux soins du ménage. S'il grossit le trait de ses descriptions, c'est pour mieux frapper les esprits paresseux. La vérité de Flaubert est une copie scrupuleuse, la sienne est une caricature tragique. Mais, par son excès même, cette caricature tragique secoue les imaginations, éveille les sensibilités, aide à la découverte des âmes et des choses. L'art, tel qu'il le conçoit, est un grossissement de la réalité qui restitue, en l'accentuant, l'essence de cette réalité. Il remplace la délicatesse par la force, l'observation méticuleuse par la déformation passionnée.



Dans La Fortune des Rougon, il évoque, avec une truculente ironie, les répercussions du coup d'État du prince Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, dans une ville de Provence qu'il a inventée d'après ses souvenirs d'Aix et baptisée Plassans. À la faveur de ce séisme, les ambitions se déchaînent. Deux branches rivales d'une même famille, les Rougon et les Macquart, s'affrontent, les premiers se révélant bonapartistes par calcul, les seconds libéraux par pauvreté et par envie. Entre ces deux camps ennemis, un jeune parent, Silvère Mouret, un idéaliste, meurt pour la défense de la république. Sur cette trame politique, Zola brode un roman psychologique d'une joyeuse férocité, dénonçant le lent pourrissement des âmes fascinées par l'appât du gain et des honneurs.



L'auteur espère un beau branle-bas à la publication de ce livre si sévère pour le régime impérial. Mais il sait que, cette fois, il aura derrière lui une large partie de l'opinion. Après avoir porté Napoléon III aux nues, bien des gens se détournent de leur idole, lui reprochant les abus de pouvoir du gouvernement, les scandales, la malheureuse expédition au Mexique, les travaux extravagants d'Hauss-mann, l'étalage insolent du luxe, face à la misère des ouvriers. Les républicains, encouragés par le résultat des élections de 1869, redressent la tête. La collaboration de Zola à des journaux comme La Tribune, Le Rappel et surtout La Cloche a fait de lui un homme de gauche, un opposant déclaré. Pourtant, il n'appartient à aucun groupe militant. Simplement il souhaite pour la France plus de justice, plus de liberté, plus d'égalité dans la distribution des richesses, bref un régime parlementaire digne de ce nom. Et il le dit et il l'écrit avec d'autant plus d'ardeur qu'il sent venir l'orage.

Depuis l'assassinat, le 10 janvier 1870, de Victor Noir par le prince Pierre Bonaparte, un malaise plane sur le pays. Les institutions les plus solides semblent attaquées de l'intérieur. Devant cette déliquescence fardée de vanité, les convoitises de l'Allemagne se réveillent. Bismarck veut la guerre. Et, si Napoléon III la redoute, l'impératrice Eugénie le somme de se montrer intransigeant. C'est dans cette atmosphère d'indécision gouvernementale et de nervosité populaire que La Fortune des Rougon paraît en feuilleton dans Le Siècle. La publication ira-t-elle jusqu'au bout? Zola en doute. Il a raison. Le 13 juillet 1870, Bismarck, qui a mené le jeu de main de maître, communique à la presse une version tronquée de la dépêche qui lui a été envoyée d'Ems par l'empereur Guillaume Ier, version jugée en France insultante pour l'honneur national. Ce camouflet ranime le patriotisme de la rue. Les journaux de droite affirment que l'armée française est invincible. Tous les experts militaires prévoient une victoire rapide. Le peuple unanime hurle : « À Berlin ! » Zola est stupéfié par l'aveuglement imbécile du gouvernement et des masses. La guerre lui semble inévitable. Personne ne se soucie plus de La Fortune des Rougon. Les lecteurs du Siècle n'ont d'yeux, dans leur journal, que pour les nouvelles politiques. Déjà on mobilise. Au milieu de cette lièvre belliqueuse, Zola ose écrire, dans La Cloche, que des dizaines de milliers de soldats français vont paradoxalement se faire tuer pour défendre un Empire qu'ils détestent. Et il appelle de ses voux le retour de la république. Cet article lui vaut d'être inculpé « d'excitation au mépris et à la haine du gouvernement et de provocation à la désobéissance aux lois ». Mais, fort heureusement, les tribunaux sont encombrés, l'affaire s'enlise. Pour prouver que, malgré ses idées pacifistes, il est un bon Français, Zola veut s'engager dans la garde nationale. On le refuse à cause de sa myopie qui s'est accentuée avec les années. Les événements se précipitent. Le 19 juillet 1870, malgré les efforts de Thiers, la guerre est déclarée. Le 11 août, Le Siècle suspend la publication de La Fortune des Rougon, vu « la gravité des circonstances ». Zola est désespéré, à cause de la guerre, à cause du naufrage de son roman, à cause de son inutilité d'écrivain dans un monde devenu fou. « Cette affreuse guerre m'a fait tomber la plume des mains, écrit-il le 22 août 1870 à Edmond de Gon-court. Je suis comme une âme en peine. Je bats les rues. Un petit voyage à Auteuil serait une promenade pour un pauvre diable de romancier sans ouvrage. »



Le désastre de Sedan, la capture de l'empereur, la retraite désordonnée de l'armée empêchent Zola de se réjouir pleinement de l'instauration de la république. Devant l'avance des Prussiens, sa mère et Alexandrine prennent peur. Paris n'est plus sûr. Il faut partir. Pour aller où ? La révolution triomphe à Aix. Baille et le père de Cézanne font partie de la nouvelle municipalité. Mais des troubles sont à craindre. Mieux vaut se réfugier dans un coin paisible, loin du délire des villes. On en discute, tandis que la bataille fait rage à l'est. Et, le 7 septembre, la famille quitte Paris pour s'installer dans la banlieue de Marseille, à L'Estaque. Paul Cézanne y a planté son chevalet. Sa vieille et rude amitié ne sera pas de trop pour réconforter le « pauvre Emile ». Zola est à la fois honteux de fuir et soulagé de mettre de la distance entre lui et l'envahisseur, malheureux enfin de ne pouvoir faire entendre sa voix au miheu du tumulte que soulève la chute de l'Empire.



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François Zola
(1796 - 1847)
 
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