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François Villon



Cy commence le grant testament de maistre françois villon - Poéme


Poéme / Poémes d'François Villon





En l'an de mon trentiesme aage,
Que toutes mes hontes j'eus beues,
Ne du tout fol, ne du tout sage,
Non obstant maintes peines eues,
Lesquelles j'ay toutes receues
Soubz la main
Thibault d'Aussigny...
S'evesque il est, seignant les rues,
Qu'il soit le mien je le regny.



Mon seigneur n'est ne mon evesque,
Soubz luy ne tiens, s'il n'est en friche;
Foy ne luy doy n'hommage avecque,
Je ne suis son serf ne sa biche.
Peu m'a d'une petite miche
Et de froide eau tout ung esté ;
Large ou estroit, moult me fut chiche :
Tel luy soit
Dieu qu'il m'a esté !



Et s'aucun me vouloit reprendre

Et dire que je le mauldis,

Non fais, se bien le scet comprendre;

En riens de luy je ne mesdis.

Vecy tout le mal que j'en dis :

S'il m'a esté misericors,

Jhesus, le roy de
Paradis,

Tel luy soit a l'ame et au corps !

Et s'este m'a dur et cruel

Trop plus que cy ne le raconte,

Je vueil que le
Dieu éternel

Luy soit donc semblable a ce compte...



Et l'Eglise nous dit et compte
Que prions pour noz ennemis;
Je vous diray : «
J'ay tort et honte,
Quoy qu'il m'ait fait, a
Dieu remis ! »



Si prieray pour luy de bon cuer,
Par l'ame du bon feu
Cotart !
Mais quoy? ce sera donc par cuer,
Car de lire je suis fetart.
Prière en feray de
Picart;
S'il ne la scet, voise l'aprendre,
S'il m'en croit, ains qu'il soit plus tart,
A
Douai ou a l'Isle en
Flandre !



Combien que s'il veut que l'on prie

Pour luy, foy que doy mon baptesme !

Obstant qu'a chascun ne le crye,

Je ne fauldrai pas a son esme.

Ou
Psauitier prens, quant suis a mesme,

Qui n'est de beuf ne cordoen,

Le verselet escript septiesme

De psëaulme.
Deus laudem.



Si prie au benoist fils de
Dieu,
Qu'a tous mes besoings je reclame,
Que ma povre prière ait lieu
Vers luy, de qui tiens corps et ame,
Qui m'a préservé de maint blasme
Et franchy de ville puissance,
Loué soit il, et
Nostre
Dame,
Et
Loys, le bon roy de
France



Auquel doint
Dieu l'eur de
Jacob
Et de
Salmon l'onneur et gloire;
Quant de proesse, il en a trop,
De force aussi, par m'ame! voire;
En ce monde cy transitoire,
Tant qu'il a de long et de lé,
Affin que de luy soit mémoire,
Vivre autant que
Mathusalé !



Et douze beaux enfans, tous masles,
Voire de son chier sang royal,
Aussi preux que fut le grant
Charles,
Conceus en ventre nupcial,
Bons comme fut sainct
Marcial !
Ainsi en preigne au feu
Dauphin !
Je ne luy souhaitte autre mal,
Et puis
Paradis a la fin.



Et pour ce que foible me sens
Trop plus de biens que de santé,
Tant que je suis en mon plain sens,
Si peu que
Dieu m'en a preste,
Car d'autre ne l'ay emprunté,
J'ay ce testament très estable
Faict, de dernière voulenté,
Seul pour tout et irrévocable.



Escript l'ay l'an soixante et ung,
Que le bon roy me délivra
De la dure prison de
Mehun,
Et que vie me recouvra,



Dont suis, tant que mon cuer vivra,
Tenu vers luy m'humilier,
Ce que feray tant qu'il mourra :
Bienfait ne se doit oublier.



Or est vray qu'après plainz et pleurs
Et angoisseux gemissemens,
Après tristesses et douleurs,
Labeurs et griefz cheminemens,
Travail mes lubres sentemens,
Esguisez comme une pelote,
M'ouvrit plus que tous les
Commens
D'Averroas sur
Aristote.



Combien qu'au plus fort de mes maulx,
En cheminant sans croix ne pille,
Dieu, qui les pèlerins d'Esmaus
Conforta, ce dit l'Evangile,
Me monstra une bonne ville
Et pourveut du don d'espérance;
Combien que le pécheur soit ville,
Riens ne hayt que persévérance.



Je suis pécheur, je le sçay bien;
Pourtant ne veult pas
Dieu ma mort,
Mais convertisse et vive en bien,
Mieulx tout autre qu'en pechié mort.
Combien qu'en pechié soye mort,
Dieu vit, et sa miséricorde,
Se conscience me remort,
Par sa grâce pardon m'accorde.



Et, comme le noble
Rommant

De la
Rose dit et confesse

En son premier commencement

Qu'on doit jeune cuer en jeunesse,

Quant on le voit viel en viellesse,

Excuser, helas! il dit voir;

Ceulx donc qui me font telle oppresse

En meurté ne me vouldroient veoir.



Se, pour ma mort, le bien publique
D'aucune chose vaulsist mieulx,
A mourir comme ung homme inique
Je me jujasse, ainsi m'ait
Dieux !
Grief ne faiz a jeunes n'a vieulx,
Soie sur piez ou soie en bière :
Les mons ne bougent de leurs lieux,
Pour ung povre, n'avant n'arriére.



Ou temps qu'Alixandre régna,
Ung homs nommé
Diomedès
Devant luy on luy amena,
Engrillonné poulces et des
Comme ung larron, car il fut des
Escumeurs que voions courir;
Si fut mis devant ce cadès,
Pour estre jugié a mourir.



L'empereur si l'araisonna :

«
Pourquoi es tu larron en mer? >

L'autre responce luy donna :

«
Pourquoi larron me faiz nommer?



Pour ce qu'on me voit escumer
En une petiote fuste?
Se comme toy me peusse armer,
Comme toy empereur je fusse.



«
Mais que veux tu?
De ma fortune,
Contre qui ne puis bonnement,
Qui si faulcement me fortune,
Me vient tout ce gouvernement.
Excuse moy aucunement
Et saiche qu'en grant povreté,
Ce mot dit on communément,
Ne gist pas trop grant loyauté. »



Quant l'empereur ot remiré

De
Diomedès tout le dit :

«
Ta fortune je te mueray

Mauvaise en bonne », si luy dit.

Si fist il.
One puis ne mesdit

A personne, mais fut vray homme;

Valere pour vray le nous dit,

Qui fut nommé le
Grant a
Romme.



Se
Dieu m'eust donné rencontrer
Ung autre piteux
Alixandre
Qui m'eust fait en bon eur entrer,
Et lors qui m'eust veu condescendre
A mal, estre ars et mis en cendre
Jugié me feusse de ma voix.
Nécessité fait gens mesprendre
Et faim saillir le loup du bois.



Je plaings le temps de ma jeunesse,
Ouquel j'ay plus qu'autre galle
Jusques a l'entrée de viellesse
Qui son partement m'a celé.
Il ne s'en est a pie allé
N'a cheval : helas! comment don?
Soudainement s'en est voilé
Et ne m'a laissié quelque don.



Allé s'en est, et je demeure,
Povre de sens et de savoir,
Triste, failly, plus noir que meure,
Qui n'ay n'escus, rente, n'avoir;
Des miens le mendre, je dis voir,
De me desavouer s'avance,
Oubliant naturel devoir
Par faulte d'ung peu de chevance.



Si ne crains avoir despendu
Par friander et par leschier;
Par trop amer n'ay riens vendu
Qu'amis me puissent reprouchier,
Au moins qui leur couste moult chier
Je le dy et ne croy mesdire;
De ce ne me puis revenchier :
Qui n'a mesfait ne le doit dire.



Bien est verte que j'ay amé
Et ameroie voulentiers;
Mais triste tuer, ventre affamé
Qui n'est rassasié au tiers.



M'oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu'ung s'en recompence,
Qui est remply sur les chantiers;
Car la dance vient de la pance.



Hé !
Dieu, se j'eusse estudié
Ou temps de ma jeunesse folle,
Et a bonnes meurs dédié,
J'eusse maison et couche molle.
Mais quoy? je fuyoie l'escolle,
Comme fait le mauvais enfant.
En escripvant ceste parolle,
A peu que le cuer ne me fent.



Le dit du
Saige trop le feiz
Favorable, bien n'en puis mais,
Qui dit : «
Esjoys toy, mon filz,
En ton adolescence » ; mais
Ailleurs sert bien d'ung autre mes,
Car «
Jeunesse et adolescence »,
C'est son parler, ne moins ne mais, «
Ne sont qu'abus et ignorance ».



Mes jours s'en sont allez errant
Comme, dit
Job, d'une touaille
Font les filetz, quant tisserant
En son poing tient ardente paille :
Lors, s'il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains plus que riens m'assaille,
Car a la mort tout s'assouvit,



Ou sont les gracieux gallans
Que je suivoye ou temps jadis,
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en faiz et en dis?



Les aucuns sont mors et roidis,
D'eulx n'est il plus riens maintenant :
Repos aient en paradis,
Et
Dieu saulve le demourant !



Et les autres sont devenus,

Dieu mercy ! grans seigneurs et maistres ;

Les autres mendient tous nus

Et pain ne voient qu'aux fenestres;

Les autres sont entrez en cloistres

De
Celestins et de
Chartreux,

Botez, housez, com pescheurs d'oistres.

Vovez
Testât divers d'entre eux.



Aux grans maistres
Dieu doint bien faire,
Vivans en paix et en requoy;
En eulx, il n'y a que refaire,
Si s'en fait bon taire tout quoy.



Mais aux povres qui n'ont de quoy
Comme moy,
Dieu doint patience;
Aux autres ne fault qui ne quoy,
Car assez ont pain et pitance.



Bons vins ont, souvent embrochiez,
Saulces, brouetz et gros poissons,
Tartes, flaons, oefz fritz et pochiez,
Perdus et en toutes façons.
Pas ne ressemblent les maçons,
Que servir fault a si grant peine :
Ilz ne veulent nuls eschançons,
De soy verser chascun se peine.



En cest incident me suis mis
Qui de riens ne sert a mon fait;
Je ne suis juge, ne commis
Pour pugnir n'absoudre mesfait :
De tous suis le plus imparfait,
Loué soit le doulx
Jhesucrist!
Que par moy leur soit satisfait !
Ce que j'ay escript est escript.



Laissons le moustier ou il est;
Parlons de chose plus plaisante :
Ceste matière a tous ne plaist,
Ennuyeuse est et desplaisante.
Povreté, chagrine et dolente,
Tousjours despiteuse et rebelle,
Dit quelque parolle cuisante;
S'elle n'ose, si la pense elle.



Povre je suis de ma jeunesse,
De povre et de petite extrace;
Mon père n'ot oncq grant richesse,
Ne son ayeul, nommé
Orace;
Povreté tous nous suit et trace.
Sur les tombeaulx de mes ancestres,
Les âmes desquelz
Dieu embrasse,
On n'y voit couronnes ne ceptres.



De povreté me garmentant,

Souventesfois me dit le cuer :

«
Homme, ne te doulouse tant

Et ne demaine tel douleur,

Se tu n'as tant que
Jacques
Cuer :

Mieulx vault vivre soubz gros bureau

Povre, qu'avoir esté seigneur

Et pourrir soubz riche tombeau ! »



Qu'avoir esté seigneur!...
Que dis?
Seigneur, las! et ne l'est il mais?
Selon les davitiques dis
Son lieu ne congnoistras jamais.
Quant du surplus, je m'en desmetz :
Il n'appartient a moy, pécheur;
Aux théologiens le remetz,
Car c'est office de prescheur.



Si ne suis, bien le considère,

Filz d'ange portant dyademe

D'estoille ne d'autre sidère.

Mon père est mort,
Dieu en ait l'ame !



Quant est du corps, il gist soubz lame.
J'entens que ma mère mourra,
Et le scet bien la povre femme,
Et le filz pas ne demourra.



Je congnois que povres et riches,
Sages et folz, prestres et laiz,
Nobles, villains, larges et chiches,
Petits et grans, et beaulx et laiz,



Dames a rebrassez colletz,
De quelconque condicion,
Portans atours et bourreletz,
Mort saisit sans exception



Et meure
Paris ou
Helaine,
Quiconques meurt, meurt a douleur
Telle qu'il pert vent et alaine;
Son fiel se crevé sur son cuer,
Puis sue,
Dieu scet quelle sueur !
Et n'est qui de ses maux l'alege :
Car enfant n'a, frère ne seur,
Qui lors voulsist estre son plege.



La mort le fait frémir, pallir,

Le nez courber, les vaines tendre,

Le col enfler, la chair mollir,

Joinctes et nerfs croistre et estendre

Corps femenin, qui tant es tendre,

Poly, souef, si precieulx,

Te fauldra il ces maux attendre?

Oy, ou tout vif aller es cieulx.



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François Villon
(1431 - 1463)
 
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