François Mauriac |
Entre comme autrefois. Tu vis encor. La cendre Chaude attire tes mains où ne luit pas d'anneau. Tes yeux ont le silence et le sommeil de l'eau, O toi qui te taisais pour que l'on pût t'entendre... Tes lourds souliers de feu fument d'un long chemin. Mais sur ton front rayonne une paix étemelle, Et tu goûtes, au soir des combats inhumains, l'anéantissement près de mon cour fidèle. Mon ami que mes mains n'ont pas enseveli, Je fuis dans tes regards l'immense hiver funèbre Et tous les corps vivants ou morts que cette nuit Enveloppe de froid, de pluie et de ténèbre. Une heure délaissant les martyrs, à travers Les branches du passé touffu, mon cour s'avance Sur l'allée, au midi, quand les brusques piverts S'éloignaient dans le bois en blessant le silence. L'odeur de ce matin où tu étais vivant Remonte d'un passé de songe et de faiblesse. Les cloches des coteaux se mêlaient dans le vent. Ma mère revenait de la première messe. La houle qui berça mes voyages d'antan Savait moins consoler ma souffrante insomnie Que celle qui gonflait ta poitrine endormie, 0 dormeur étendu dans l'herbe du printemps ! Ce soir reflue en moi où tu étais vivant. Les feux de la Saint-Jean étoilaient les collines. Le sang ne souillait pas les cheveux des enfants. L'hiver ne glaçait pas d'immobiles poitrines. Au retour des chemins où nous ne causions plus, Tu dénombrais au ciel les astres, tes royaumes. Un bouvier presque enfant passait, d'ombre vêtu : Comme ils étaient vivants encor, les jeunes hommes ! Comme vous vous leviez, fronts ce soir confondus Dans l'argile d'où votre odeur s'élève et rôde... C'était l'époque où l'août sur les provinces chaudes Tend ses ciels traversés de bolides perdus. Mon André, ton silence remplit ce soir l'espace. Ce calme en moi, c'est bien ton étemelle paix. Que la fenêtre est vide où ton corps se penchait ! Et pourtant, tu est là, silencieuse Face. Ainsi nous poursuivons cette étrange veillée. Loin d'un monde à jamais souillé du sang d'Abel. Je ne t'arrache pas à ton songe étemel. Tu ne regardes rien, hors mes lèvres scellées. Jusqu'à ce que, tremblant de vertige et d'effroi. Surgissant de ma couche au brusque appel du Père, J'apparaisse souillé et nu dans ta lumière, O mort ! et me découvre aussi vivant que Toi. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
François Mauriac (1885 - 1970) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de François Mauriac | |||||||||
Biografie / cronologieBibliographieFrançois Mauriac naît le 11 octobre 1885 dans la maison familiale du 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux, fils de Jean-Paul Mauriac (1850-1887), marchand de bois merrains et propriétaire terrien dans les Landes de Gascogne, et Claire Mauriac née Coiffard, héritière d'une famille du négoce bordelais. Dernier d'une fratrie composée d'une sour aînée (Germaine née en 1878) et de trois frères (Raym |
|||||||||