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auteurs essais
 

François Jacqmin



L'automne - Poéme


Poéme / Poémes d'François Jacqmin





La lumière a trouve d'autres armes.

Après la lucidité violente

des lieux communs, voici l'effusion

tranquille d'un soleil

fort de sa pâleur.

A la stupeur de tous, les discussions interminables de l'été n'ont suscité aucune vérité.

Seuls les fruits ont émergé.



La nature est fanatisée.
Son entendement en souffre.

Elle se complaît dans le résidu des couleurs et les tristes velléités des couchants.

Il est peut-être indécent d'être en sa compagnie.



Le hêtre agite ses bras enflammés.

Il célèbre la dernière fête du feu.

Dans le lointain, les

fanes se consument dans

une odeur doucement impérieuse.

Ce qui ne participe pas devient bruine.



La saison a dépensé son soleil.

Il va falloir goûter le temps avec des papilles d'ombre.

Il faudra réapprendre le savoir-vivre parcimonieux des dormeurs.



La clarté achève de tromper.

La fabuleuse volupté du visible a déjà perdu la futaie.

L'art d'aujourd'hui s'épuise dans les douces immensités de la fin.



Le déplaisir s'empare des hirondelles.

Elles songent à un voyage dans d'autres nuances du temps.

Elles affrètent la vapeur des jours et s'en vont.

Il vaut mieux se nourrir d'abandons que de pulpe qui surit.



La forêt découvre qu'il n'est pas nécessaire d'être aimée.

Elle sait que l'on peut être belle sans le faste inquiet de l'apoplexie.

La douceur de n'être rien pour personne la dispense des ornements de la passion.



L'arbre entre dans un sommeil qui le vieillit.

Certes, la feuille lui reviendra, comme un boomerang.

Mais quel sera, entre-temps,

l'autre appât

pour les ivrognes du réel?



Les jours sont touchés par un au-delà qui nie les bienfaits de la matière.

Ils se complaisent dans une sérénité peureuse.

L'introspection va gagner les poires.



J'entends l'arbre exalter l'économie de l'expression.

Pendant une saison, il va se consacrer à parfaire sa monotonie.

Son silence l'emporte déjà sur la lutte de l'homme pour le mot juste.



L'aube a la fraîcheur des faïences.

Les vents brusques auront tôt fait de ce vase en fibres de brume.

L'image va se rompre en tessons d'arbre.



La suavité est le patriarche des poisons.



Son chef-d'ouvre consiste en un fruit attentivement mûri.



Elle l'éclairé d'une saveur

qui ouvre les portes tomenteuses

de la mort.



Les eaux verdissent.

Les feuilles mortes y meurent davantage.

Il leur est fait une sorte d'apothéose visqueuse.

Les fonds glauques et malhabiles sont refermés sur les reflets.



La jaune transparence des capucines est usée.

Trop de veilles solaires ont épuisé leur provision de panache.

Il ne reste plus qu'un peu de safran au fond de leurs yeux.



L'existant est séduction en soi.

Lorsque le chêne allume son four, l'apparence atteint la pureté de l'émail.

En automne, le réel est cette superbe rousseur que l'on voit en filigrane entre la pensée et l'espace.



L'eau qui faisait les délices du printemps et l'abondance de l'été n'inspire plus le jardin.

On l'évite comme une caresse marécageuse.

C'est en vain que l'on tente de réveiller l'excentricité de la croissance.



On a jeté l'ancre de la tristesse.

On attend sur une mer de vapeurs songeuses.

Une perle immense et taciturne roule sur l'horizon.



Les premières feuilles tombent sur les dernières larmes de félicité.

Le soleil sourit encore aux géraniums.

La brume acquiert de la rondeur.



Une ivresse dont personne ne se garde tue le cour.

Elle l'entraîne dans une demeure tapissée de feuilles d'or chaud et de rumex rouillé.

Là règne une infaillible décadence

La vérité y est inexorable comme dans l'âme des lâches.



Dans le verger se tient un vieillard dont le visage est éclairé par le passé.

Il sourit à la pensée d'être inconsolable.

Les passions d'autrefois lui ont laissé une impérieuse immobilité.

Il s'enrichit de ses regrets.



Un soir, une bourrasque vint qui portait plus que la pluie.
Elle remuait une vieille invitation.

Les arbres savaient déjà.
Ils étaient appareillés et se mouvaient comme des mâts sévères et sereins.

Je regardais les cordages de l'ombre.

La forêt avançait.



Il n'est plus possible d'être loin.

La distance est réduite à l'indistinct.

La forêt ne participe plus à l'horizon.

L'arbre attise une feuille et marque sa limite.



Les oiseaux ont enlevé les portes de l'espace.

Ils ont aboli la perspective du froid.

L'exode leur tient heu de pensée.

Ils voient déjà la mer.



Les propos du monde sont gênés par un lapsus qui ramène tout à l'humide.

On ne trouve plus les termes précis pour soutenir une fraise.



La fleur va enfin oublier

la folie qui crée le lendemain.

Elle ignore que mourir est une autre manière de déguiser le poids de la vie.

Il est, dans l'air, un mal héréditaire qui empêche de détruire ou de partir.



Fous d'ennui, les oiseaux s'en vont comme des jets de fronde.

Mon intention était de partir aussi, de suivre ce qui conduit hors de l'être.

Il aurait fallu que je renouvelle mon art d'abandonner.



J'envie rageusement ces frondaisons pour qui la mort semble suffire.



La feuille jongle avec l'air et meurt de son art.

Ce qui était vaste devient intime, c'est-à-dire intolérable.

Le plaisir se fait rare.

Il ne dure guère plus longtemps que la chute d'un fruit.



Les invités de l'arbre sont morts.

Ceux qui demeurent sont paralysés dans leur illumination.



Jamais absence ne fut autant visible que dans les entrailles du peuplier.

Ses branches sont vides de tout commentaire.

Cette réalité dévitalisée satisfait un aspect peu connu des sens.



L'arbre savoure l'indescriptible bonheur de perdre.

Il use de sa dépossession avec cette précaution colorée qui fait les bouquets inoubliables.

La joie du vide l'inonde comme un vin dépouillé de son orgie.



Le bleu a perdu le secret du bleu.

On erre dans l'espace pâle

à la recherche

d'une nuance qui adoucit

l'absence.

On redoute la transparence, cette furie de l'abîme.



Le soleil se lève mourant.

Il s'appuie sur un coussin de fougères et prononce une phrase, un apophtegme doré où l'intention est colossale, mais la signification diffuse.

Il se souvient à peine du monde.



Rien n'est irrémédiable, semble-t-il.

Pourtant, on aspire à l'éternité une dernière fois.

Tout est devenu très discret.



Le brouillard commence à danser.

C'est une légèreté qui prend corps pour dissimuler le passage de la matière à l'invisible.

Nul encore ne dramatise.



La rose n'attend plus rien de son époque.

Les amants ne hantent plus les lieux suscites par son parfum.

Son infini est sans force.

La passion de la mort est sans analogue chez ceux qui ont aimé.



A la fin, l'arbre se ravise et s'oriente au-delà des couleurs.

Il voit que le ciel cesse de nacrer le monde.

Il tend désormais vers des certitudes sans prisme ni formule.



Le soleil est las tel un violoniste vieilli.

Sa chanterelle est pulpeuse.

L'instrument n'a plus cette glotte de feu aigu qui embrasait le taillis de l'ouïe.

D'ici peu, on sera réduit à la gamme des gouttières.



La fleur s'attendait à l'éternité.

Ce n'est plus qu'un moment de couleur qui s'amincit.

On lui demande de faire épanouir un paradoxe: vivre et témoigner de la mort.



La nostalgie est l'enluminure d'une existence qui ne fut jamais vécue.

Celui qui contemple le désert pourpre que laisse l'automne baigne dans une clarté analogue.

Il est une teinte qui sied à ceux qui aspirent à souffrir de l'immensité.



La saison est réduite à un jeu de lustre.

Le pigment dégradé flatte l'impéritie des arbres.

Il y a complaisance à vouloir décrire et affiner ce qui meurt.



Le ciel s'éteint.

L'argument selon lequel on peut vivre sans lumière gagne du crédit, mais devient douloureux.

Les lueurs qui résistent avivent la fougère en pure perte.



La fin se met à vivre.

On perçoit son souffle dans le silence des oiseaux.

On se donne à la fougue naissante de la ruine.

L'arbre le plus fruste

est gagné par la distinction

déraisonnable du vide.



La beauté était une cruauté remise à neuf.

La chair était un habit rapiécé de framboises.

L'automne connaît sa première déception.



La marche arme le bras de ] contemplation.

Dans les feuilles, mes pas fomentent un fin ravage.

Je goûte ces aigres applaudissements.

Ils m'accompagnent durant l'interminable saison du reste de la vie.





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François Jacqmin
(1929 - 1992)
 
  François Jacqmin - Portrait  
 
Portrait de François Jacqmin

Bibliographie

Le poète François Jacqmin fut un des principaux représentants du groupe dit des « Types en or », poètes et prosateurs belges se réclamant des surréalistes et animateurs de la revue Phantomas.

Chronologie

1929
: Naissance à Horion-Hozémont (Province de Liège).

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