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VALÉRY






On ne peut commencer à parler de Valéry sans évoquer d'abord ses réveils. Ils sont de suprême importance : réveils au grand matin, qui sont la source de ses premières pensées, réveils qui le mettent toujours dans un état d'indécision, mais merveilleusement riche de promesse, et où il se découvre, comme il dit, à l'état naissant. Valéry prenant conscience de lui-même comme d'un être encore vierge et naissant à la vie, quel plus beau début peut-on rêver pour un être surgissant du sommeil comme on peut surgir du non-être ! Et pourtant il ne s'agit pas là d'un moment vraiment exceptionnel, comme on en trouve dans l'histoire de certaines personnes appelées à une grande destinée et voyant déjà se profiler dans leur avenir le prolongement glorieux de leur présente existence. Ici, au contraire, le moment initial n'est nullement considéré par Valéry dans tous les prolongements qu'il pourrait avoir par la suite. Dès le premier moment le poète est saisi par une certaine force qui le pousse en avant. Il naît à ce qui lui arrive. Il participe à une ouverture et à une avancée. Mais il ne devance pas le présent en anticipant sur l'avenir. C'est à l'immédiat que sa pensée s'adresse. Il se sent tout prêt à l'accueillir.





Aventure instantanée, mais qui, chez Valéry, est quotidiennement répétée. Jour après jour, aube après aube, Valéry se retrouve à l'état naissant. C'est en ce mouvement prospectif aussitôt déclenché que consiste, avant tout, son existence. Il s'y retrouve sans cesse surgissant du non-être. Ceci est le principe même de son existence. Et pourtant, dans ce cas, est-il vraiment exact de parler d'existence ? Ou bien ne doit-on pas voir là justement le contraire de ce qu'on doit appeler une existence, puisque celle-ci est composée d'une multiplicité de moments particuliers qui semblent isolés les uns des autres ? Tâchons de concevoir ce que pourrait être l'existence d'un homme qui, par un étrange phénomène, d'un type que nous pourrions décrire sous le nom de pulsatoire, se trouverait ainsi occupé à saisir perpétuellement son existence sous la forme d'un moment nouveau, à partir duquel, chaque fois, sa vie avancerait d'un pas. Ce serait là, de façon approximative, mais non absolument inexacte, ce que, pour Valéry, la vie devrait être, naissant ainsi de façon répétée, presque par saccades, en des instants toujours ouverts, mais toujours isolés.



L'expérience ainsi décrite n'est d'ailleurs pas aussi rare qu'elle le semble à première vue. N'est-ce pas, par exemple, celle de l'ami, presque du rival de Valéry, André Gide, à l'époque où celui-ci écrivait Les nourritures terrestres ? Car ces nourritures, Gide lui-même insistait pour qu'on les considérât comme essentiellement isolées les unes des autres. Comme les réveils de Valéry, les moments privilégiés de Gide n'ont d'autre substance qu'une prise de conscience si brusque, ou si impatiente, qu'elle ne peut se trouver contentée que par une installation immédiate en des lieux convoités. Il est vrai, néanmoins que la conscience gidienne n'est pas tout à fait identique à la conscience valérienne. La première est plus jaillissante, la seconde plus réfléchie. Mais dans un cas comme dans l'autre, ne se trouve-t-on pas en présence d'expériences considérées chaque fois comme initiales, c'est-à-dire comme ne se rattachant à aucune expérience antérieure, ni, d'autre part, à aucune satisfaction ultérieure, mais qui sont vécues chaque fois de façon détachée, par ceux qui s'y trouvent sujets ? L'événement en question n'a pas seulement une valeur incontestablement positive, celle de constituer dans son isolement une espèce de cime, mais de réduire, en même temps et du même coup, tout le reste à l'insignifiance, à l'oubli, à l'anéantissement. Si la vie est faite d'une série de sommets qui pointent les uns après les autres, il y a, il n'y a, entre les sommets, que du vide. D'où la difficulté d'imaginer une existence continue, à moins de considérer celle-ci comme une sorte de réalité neutre ou négative, sur le fond de laquelle les moments exceptionnels se détacheraient. Et peut-être ne serait-ce pas encore assez dire. Peut-être faudrait-il dire, comme Valéry, plus d'une fois, semble sur le point de le faire, que chaque être humain est une conscience qui, de temps en temps, fait surface, en des moments qui, comme ceux du réveil, renaissent matin après matin ?



Conscience qui, cependant, dans le cas de Valéry - à la différence de ce qui en est avec Gide -, n'est jamais présentée par celui qui en est le sujet, comme intensément personnelle. L'auteur de La jeune Parque est, de tous les grands écrivains, peut-être le seul à part Montaigne, qui n'ait jamais eu honte de se dévoiler, devant le lecteur, tel qu'il est, c'est-à-dire un être négatif, une sorte de nullité, dans la pensée de laquelle, à de certains moments, il se passe quelque chose. Personne, en aucun siècle, toujours à l'exception de l'auteur des Essais, n'a eu autant d'humilité. Car il faut, en effet, une exceptionnelle modestie pour reconnaître que tout, ou presque tout ce qu'on considère d'ordinaire comme faisant partie de nous-mêmes, ne forme jamais qu'une sorte de supplément qui, en tant qu'adjonction temporaire, s'ajoute au vide de notre pensée pour la garnir.

Tout cela étant mis de côté comme il convient, que reste-t-il ? Qu'est-ce que cette conscience nue, qui est nous, quand elle est débarrassée de son superflu, et qu'elle se montre alors tellement dénudée que c'est vraiment impossible de prétendre qu'elle est encore quelque chose ?

Qu'est-elle, en effet ? On ne saurait le dire. Car on ne peut rien dire qui ne se rapporte en fin de compte à quelque chose de positif. Or, la conscience de soi, quand elle apparaît comme elle le fait, dans le vide, ne peut se révéler que comme une manifestation du vide. Ou si elle apparaît autrement, elle ne peut le faire qu'environnée, soutenue par des réalités objectives, vigoureusement déterminées, qui l'entourent de leurs présences concrètes, et, par contraste, font ainsi ressortir ce qu'on ne peut appeler autrement que la négativité du moi. Valéry adore se reconnaître négativement, ce qui ne veut pas dire qu'il se nie, mais, au contraire, qu'il se reconnaît comme un simple sujet, purement négatif, en lui-même, et ne prenant forme que par contraste «vec les réalités objectives sous son regard.



Toutes ces réalités objectives, cela va sans dire, sont essentiellement déterminées, c'est-à-dire qu'elles sont définies par les caractéristiques objectives qu'elles présentent. Seule la conscience de soi ne peut être définie, même pas par elle-même. Avant qu'elle ne soit en quelque sorte cernée, d'ailleurs le plus souvent pour un temps très bref, par les objets qui l'entourent et lui donnent quelque chose comme une détermination factice, la conscience ne peut apparaître que comme une réalité non déterminée, privée de toute caractéristique particulière, sorte d'entité sans signification aucune, non dotée d'une forme, et par conséquent incapable de recevoir la moindre définition. Dans un certain sens, il est vrai, on peut considérer cette absence de caractéristique comme un avantage, car ce qui est regardé comme une privation pourrait aussi bien être considéré comme l'élimination des innombrables super-fluités dont les objets de notre pensée sont généralement encombrés. La conscience de soi, elle, ne supporte pas la moindre définition. Dans un certain sens, c'est un être absolument libre qui, par nature, ou plutôt par son absence totale de nature particulière, se trouve dispensé d'occuper quelque place précise dans l'ensemble qui l'entoure. Rien ne peut donc le fixer, ni le commettre, ni le compromettre. Il est pur, imparticulier, dit Valéry, et général. Comme il est anonyme, il n'a pas d'attache. Il est un être totalement impersonnel. Ce n'est pas un Je, dit encore Valéry, c'est un On. De lui-même il se détache de toute personnalité et se défend rigoureusement d'être lui-même personnel. D'autre part encore, n'étant pas une personne déterminée, il se trouve libre de jouer, quand il lui plaît, le rôle de toutes les personnes qu'il n'est pas. Il assume donc tous les déguisements, en risquant ainsi de ne paraître jamais authentique. On bien encore, sentant partout sa différence, il s'étonne de ne pas être celui-ci ou celui-là, d'avoir une fonction comme de n'en avoir aucune. Que dit cet être si multiple et si évanescent, par la voix de Valéry ? : « Je suis l'éternel potentiel. - Je suis perpétuellement à l'état d'ébauche. - Tout est extérieur à moi. » Mais du fait même que l'être valérien se découvre toujours, en fin de compte, dans sa différence ou dans sa négativité, relativement à tous les êtres qui, superficiellement, lui ressemblent, il a le grand mérite de ne pas céder à la tentation de se confondre avec n'importe qui. Il se sait à part. Dans la conscience de sa différence il ne varie pas. Il se pose comme un invariant. Cela veut dire, selon Valéry : « Je suis la négation qui s'oppose à n'importe quelle affirmation. »



Voilà enfin ce qui caractérise nettement l'être valérien. Il connaît immédiatement sa différence à l'égard de n'importe quoi ou n'importe qui de déterminé. Il va de négation en négation. Il ne cesse de se dégager. Il n'est rien de ce qu'il trouve affirmé. Et pourtant, rien qu'en pensant sans trêve le vide, le manque, le non-être, en s'iden-tifiant toujours avec le rien et en se situant ainsi continuellement à la pointe extrême de l'indéfinissable, l'être valérien ne périt pas, ne s'évapore pas, ne disparaît pas. Il est l'être qui subsiste au sein même de toutes les disparitions qu'autour de lui il constate ou provoque. Bien plus, s'il subsiste lui-même, ce n'est pas comme un désespéré, à la façon de l'homme de Pascal. Se condamnant lui-même après avoir condamné tous les autres, Valéry ne désespère pas. Au contraire, il se divertit en évitant soigneusement de devenir captif de l'une ou l'autre des mille façons d'être possibles. Entre elles il n'est pas interdit de louvoyer, à condition de ne jamais se laisser enfermer dans une forme déterminée. « Je pense, dit Valéry, comme on se détend et reprend, par un acte perpétuel. »

Qu'est-ce que cet acte ? Il consiste, comme Valéry l'a admirablement décrit, à se maintenir toujours juste au-dessus du non-être, comme le nageur maintient la tête juste au-dessus de l'eau par coups de talon successifs. Quelle est la personnalité de ce nageur ? Il n'en a aucune, ou, du moins, il n'en reconnaît aucune. S'il est soutenu dans l'existence, c'est par le mouvement répété de son bras et de sa volonté, et non par la permanence d'une forme externe ou imaginaire. Celui qui se meut dans une réalité elle-même en perpétuelle mouvance ne saurait se passer du manque et du vide. «Ou, s'il y échappe, c'est pour les retrouver inévitablement au-delà de tout objet déterminé. C'est seulement en se libérant de toute pensée particulière, en pensant le manque ou le vide, qu'on peut réellement vivre, c'est-à-dire avancer par un processus d'indétermination continuelle ou de substitution.



VALÉRY : TEXTES



Le « moi », notion négative.

Le moi n'est pas personnalité. C'est une nullité. Il y a un moi déterminé dès que certaines espèces de phénomènes psychiques sont en présence.



Il n'existe que singulier et comme à l'état naissant.

Une large rasade d'informe et de commencement versée au départ. Une nudité avant que l'on se re-vêtisse ? Une naissance de toutes choses avant que quelqu'une n'ait lieu.

La pure et simple conscience a pour unique propriété d'être. Elle est parfaitement impersonnelle.



Le Moi pur est l'invariant. C'est le zéro qui assure l'unité.

Je me réveille comme un nageur remonte.

On est comme par un acte perpétuel, comme un mouvement de nageur qui ne se maintient qu'à coups de talon.

Sentir la connaissance même et points d'objets.



... mouvement premier, quand le seul désir de l'esprit, qui en précède toutes les pensées particulières, semble préférer de les surprendre et d'être amour de ce qui aime.

Tout le cède à cette universalité pure, à cette généralité insurmontable que la conscience se sent être.

C'est le Moi imparticulier qui chasse, méprise ou admire l'image de la Personnalité.

Utilisation des parties vagues de la conscience.






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