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Essais littéraire

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Stéphane MALLARMÉ 1842-1898






Car c'est dans la seconde moitié du xix> siècle, à l'une des périodes les plus désolées du malheur capitaliste, que la littérature a trouvé, du moins pour nous. Français, avec Mallarmé, sa figure exacte : la modernité - notre modernité, qui commence alors - peut se définir par ce fait nouveau : qu'on y conçoit des utopies de langage. Nulle « histoire de la littérature » (s'il doit s'en écrire encorE) ne saurait être juste, qui se contenterait comme par le passé d'enchaîner des écoles sans marquer la coupure qui met alors à nu un nouveau prophétisme : celui de l'écriture.

R. Barthes, Leçon inaugurale au Collège de France, 1977.





Né dans une famille bourgeoise, il fait de bonnes études secondaires. Après son baccalauréat, il prend un petit travail d'employé et commence à publier dans les revues des textes très inspirés de Baudelaire. Après un séjour à Londres, il devient professeur d'anglais tout en continuant à fréquenter les milieux littéraires et en particulier ceux du Midi (MistraL) puisqu'il va enseigner en Avignon : plus tard, il reviendra dans des établissements parisiens et fera paraître des ouvrages scolaires (les Mots anglais, 1877) et des traductions (les Dieux antiques, 1880 ; l'Étoile des fées, 1861, et surtout les poèmes d'Edgar Poe, 1883). En 1866 et 1869, onze poèmes de lui sont retenus dans le Parnasse contemporain et en particulier Hérodiade (poème repris par Mallarmé durant ses dernières annéeS) qui le fait vraiment connaître.

Malgré son inscription par Verlaine dans la lignée des poètes maudits (texte de 1883), on aurait tort d'imaginer Mallarmé comme un solitaire et sa correspondance nous le montre en effet en liaison avec tout un cercle d'amis, de confrères et de disciples en écriture parmi lesquels Banville, Coppée, Mendès, Villiers de l'IsIe-Adam, Leconte de Lisle, Zola, Maeterlinck, Verhaeren, Henri de Régnier ou Valéry : ces écrivains et ces peintres aussi (Manet, Whistler, Odilon RedoN), tous ceux à qui il adresse les « poèmes » des Loisirs de la poste ainsi que de nombreux vers de circonstance. De même, il faudrait parler de toutes les revues où paraissent souvent ses textes : l'Artiste, au début, la Revue des lettres et des arts, la Renaissance artistique et littéraire, la République des lettres, la Revue wagnérienne, la Revue indépendante, la Plume, la Revue blanche, la Vogue, des publications anglaises... ; il en est même une qu'il dirige et rédige en grande partie, la Dernière Mode (1874).



À la fois connu et mystérieux, hermétique et admiré, Mallarmé devient un maître complètement affranchi des influences. Malgré une production assez restreinte, les jeunes écrivains décadents et symbolistes le vénèrent et peuvent parfois l'approcher lors de ses réceptions du mardi, chez lui, rue de Rome. Mais si l'illustre Après-midi d'un faune a paru en 1876 (mis en musique par Debussy en 1893), l'ensemble dispersé des poèmes n'est publié qu'en 1887 (la même année Album de vers et prosE). En 1892, Vers et prose reprendra certains de ces textes avant la grande édition posthume de 1899 préparée par son auteur. Cette fin de vie est marquée aussi par de grands textes théoriques repris dans Divagations (1897). S'y exprime une reflexiqn sur les lettres et le livre qu'illustrent des recherches de mise en page et de typographie dans Un coup de dés jamais n'abolira le hasard (1897) qui s'inscrit dans une tentative visant à constituer le grand ouvre d'un Livre universel.



La blancheur et l'azur



L'ouvre de Mallarmé est marquée par la récurrence de certains thèmes et il y a là une manière de surmonter en partie l'hermétisme de cette poésie. Ainsi le blanc domine et se matérialise, s'incarne par exemple dans l'hiver, porteur de givre, dans le plumage du cygne, dans le marbre de la statue, dans le masque pâle et plâtreux de l'acteur, dans le tutu de la danseuse. La profondeur de ce blanc tient peut-être au fait qu'il est à la fois absence froide de couleur et couleur idéale, issue de leur réunion à toutes et lumineuse par excellencer Par ailleurs, il est aussi la couleur de l'artifice, du spectacle, du voile dans sa transparence et son opacité : couleur paradoxale et infinie, le blanc allie enfin le vide et le pur, l'éclat et la stérilité - il s'exprime dans la stridence du « i » (« givre », « ivre », « hiver ») et la rareté du « y » (le poème en « ix »-« yx » ou ce « songe froid de mépris / Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne »).

Mais, associée à celui de la blancheur, il y a aussi la grande palette des lumières et de leurs jeux : lorsqu'elles éclairent l'objet blanc, par exemple, ou se réfléchissent dans l'obstacle magique du miroir ou de l'oil, se croisent et deviennent rayon, nimbe ou halo... Elles s'arrêtent aussi aux volutes changeantes d'une fumée de cigarette, traversent les remous d'une mousseline. La blancheur et la lumière : on peut y voir aussi la preuve d'une absence, le manque de ce qui aurait pu faire ombre. À la fois euphorique et désespérée, vertigineuse en tout cas, la blancheur lumineuse semble alors la couleur même des diverses négativités dont vit un poème de Mallarmé : l'immobilité, la fuite, le néant, le vidé, la rilôrt et i ennui... Et le paradoxe consiste à donner un rôle poétique à ce qui n'est apparemment qu'absence, à faire assumer à la poésie ce qui devrait être contradiction et devient fondateur d'une tension esthétique : par exemple dans l'espace d'une page où le blanc se charge de sens, autant que le signe typographique. Car une ligne n'existe pas par elle-même, mais seulement sur un champ qu'elle griffe et raye : les volutes de la cigarette, celles de la cheminée d'usine avec ses noires fumées sur le ciel d'azur : l'azur idéal qui se donne seulement lorsqu'on l'écrit (et qu'il disparaîT), à la fois regret et désir, souffrance et espoir, contradiction dialectique, mouvement indiqué entre l'absence et la présence.



L'enjeu littéraire



Bien évidemment, l'analyse thématique débouche très vite, ici, et peut-être plus vite encore que chez tout autre auteur, par la conscience même que possède Mallarmé de son art, sur les enjeux fondamentaux de la littérature. Avec Baudelaire, Mallarmé serait bien le fondateur de la modernité poétique, ne serait-ce que par la place qu'il accorde dans son ouvre au décor quotidien de l'écrivain : l'encre, le papier et ce singulier dessin qui, sur la page, fait naître un monde idéal, toujours noir et blanc : « Tu remarquas, on n'écrit pas, lumineusement sur champ obscur, l'alphabet des astres, seul, ainsi s'indique, ébauché ou interrompu ; l'homme poursuit noir sur blanc ». Les métaphores abondent qui essaient de cerner cet acte d'écrire : « pu de sombres dentelles », vol, aile, esquisse, et l'on sent bien que le sujet central de cette poésie est bien la poésie elle-même dans sa définition incernable, dans sa spécificité.



À de nombreuses reprises, Mallarmé essaie en effet de montrer l'originalité de la poésie par rapport aux autres usages du langage, opposant ainsi le vers au « reportage » : la poésie, travail singulier d'un mot devenu à la fois énigmatique et multiple, et, en face, le discours habituel, l'expression simple d'un sens trop clair, le mot éteint, la syntaxe banale. Mallarmé affirme donc sa volonté de donner un sens plus pur aux mots de la tribu et, en désignant lui-même le travail et l'artifice de son écriture, il accepte logiquement l'obscurité ; il répond de plus à la définition que les linguistes ont pu donner de la fonction poétique : faire s'interroger le langage sur le langage, à la fois sur son propre être (le matériau lexical, la structure de la phrasE) et sur son efficacité, sa capacité à produire un monde hors du monde, à dire autant qu'à dire l'absence de ce qu'il dit : « Je dis : une fleur ! et hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets » (Crise de verS).

On aurait tort de voir dans cette démarche le simple aveu d'une difficulté à écrire ; même si cet aspect existe, il s'agit surtout d'une recherche réflexive qui mène la littérature à la découverte de la littérarité. En fait, elle est à elle-même son propre objet, la seule réalité à laquelle elle puisse avoir affaire : le monde, dès lors, n'existe que pour un livre, pour « le » Livre auquel pensait Mallarmé et auquel, aussi, il faut reconnaître la priorité ontologique. C'est bien par l'écriture que le hasard est vaincu « mot par mot » et qu'au silence du monde avant l'instauration de l'écrit succède le blanc autour du texte ou après lui, « fragments de candeur », « preuves nuptiales de l'Idée » : présence et absence vibrantes de la chose évoquée, problème posé de la réalité de la suggestion et du néant. Valéry rappelait la vertu des auteurs difficiles : ils apprennent à lire et à percevoir l'opacité des mots. Mallarmé comme Thucydide fait partie de ces maîtres.



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