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STENDHAL






Imaginons d'abord un état entièrement négatif, dont il faudrait sortir à tout prix. L'ennui, l'inertie, l'apathie, l'absence d'intérêt et de passion, une sorte d'engourdissement stupide y empêcheraient, peut-être irrémédiablement, l'épanouissement vital des sensations et le développement spontané de l'être. Voilà, pour Stendhal, ce qui serait le pire des états, et ce qui pourtant, s'il ne réagissait pas de toutes ses forces, serait l'état premier le guettant dès sa naissance. Il s'agit donc d'y échapper, coûte que coûte, car il est de tous les états - Stendhal n'en doute pas un instant - le plus insupportable.



En réalité, tout ceci est un peu hypothétique, car malgré les abondantes révélations d'Henry Brulard et de quelques autres textes, nous ne savons pas très clairement comment le futur Stendhal réagissait dans son extrême jeunesse. Nous sommes enclins à croire cependant que, presque dès l'abord, ses réactions furent ce qu'elles devaient être, c'est-à-dire le plus souvent immédiates, directes et énergiques, Stendhal étant de ceux qui, fondamentalement, ne peuvent supporter l'inactivité. Il faut l'imaginer, dès l'enfance, tel qu'on le verra par la suite, dans tout le reste de sa vie : un être qui, de primesaut, avec une extrême promptitude et sans hésitation aucune, tourne le dos à tous les états passifs ou léthargiques, au contentement inerte de soi-même, à la rêverie sans objet, bref, à toutes les façons d'être qui seraient caractérisées par l'absence de passion et l'acceptation résignée de l'existence.



Il est donc justifiable de considérer Stendhal comme le type même de l'être qui, en chaque occasion, par un acte de la volonté aussi prompt que possible, se soustrait à la situation nécessairement statique dans laquelle il risque d'être immobilisé. Sa volonté d'émancipation est incontestable. Néanmoins, elle ne semble pas être chez lui un état véritablement initial, celui d'un être qui, dès le premier moment, dans son fond, se découvrirait comme un protestataire et un violent. Il n'est pas, comme on dit, un révolutionnaire-né. Mais, sans nul doute, déjà très tôt et, plus tard, sur tout le cours de son existence, chaque fois qu'il s'est senti menacé dans son indépendance, il est celui qui a réagi avec une énergie exceptionnelle. La réaction chez lui, toujours très vive, dépend d'une précédente action. Il en résulte qu'il faut considérer cette vie comme composée d'une série toujours renouvelée d'explosions, qui lui permettent de se rebeller contre ce fameux état négatif que tant d'hommes, eux, se résignent bassement à accepter. A chaque moment déterminé où cette situation se présente, Henry Beyle s'arrache à l'état que d'autres se contenteraient de subir. Par ce trait de caractère, comme par beaucoup d'autres qui en dérivent, Stendhal, contrairement aux poètes désenchantés et poitrinaires de la fin du siècle précédent, c'est-à-dire du préromantisme, n'est pas sans ressembler aux petits philosophes du milieu de ce siècle, comme Helvétius ou d'Holbach, ou encore à ces conteurs égrillards qu'on y trouve, du genre de Voisenon ou de Crébillon fils.-Pour lui, comme pour eux, la grande affaire, c'était toujours de sortir immédiatement de l'inaction par des réactions aussi intenses que variées.



De ce point de vue, Stendhal pourrait très bien être considéré comme un sensualiste, venu un peu sur le tard, mais qui n'aurait rien perdu de la souplesse et de l'indépendance de ses devanciers. Il comprend très lucidement la mission qui, dans cette perspective, doit être toujours la sienne : sortir, chaque fois, coûte que coûte et sur-le-champ, de la négativité. Or, sortir de la négativité, comme le savaient déjà fort bien les moralistes du XVIIIe siècle, cela ne consistait pas simplement à « casser les vitres », à faire scandale. C'était s'encourager sans cesse à mener une vie indépendante, être prêt à l'action, à la passion, consentir à des impulsions de toute sorte. A chaque instant, une nouvelle intrigue pouvait se nouer, un nouveau caprice pouvait naître, une vue aussi ingénieuse qu'inattendue pouvait s'emparer de l'esprit; tout comme, à chaque instant aussi, une certaine action poursuivie jusqu'alors, pouvait brusquement arriver à son terme. Et par là, dans la multiplicité des changements, et dans la merveilleuse élasticité avec laquelle se renouvelait cette chasse à l'idée qui était*aussi une « chasse au bonheur », deux choses importantes pouvaient être, l'une gagnée, l'autre perdue. La chose gagnée devait être la jonction dans l'immédiat, du chasseur et de sa proie, dans une brève effusion de plaisir. La chose perdue était plus difficile à définir, mais n'en était pas moins, au fond, avantageuse. C'était un certain sentiment dont l'importance venait justement d'être mise en valeur par les contemporains de Stendhal, les romantiques : le sentiment qu'à côté des proies déterminées que le chasseur pouvait poursuivre - plaisirs intenses et limités, émotions définissables - il y en avait d'autres, comme dans la tendresse, comme dans la rêverie, comme dans les élans de l'âme ou les expériences intimes et confuses, qui n'étaient rien moins que déterminées, et pourtant infiniment précieuses. Il y avait grand risque de leur tourner le dos et de les manquer à jamais en se livrant avec trop d'acharnement à des poursuites plus précises.



Or, ce fut là trop souvent l'erreur des chercheurs de plaisir au XVIIIe siècle. Ils préférèrent souvent la proie à l'ombre. Ils choisirent trop souvent les plaisirs déterminés aux dépens des rêves qui auraient pu leur donner des bonheurs indéterminables. Cette erreur, Stendhal, lui aussi, à plus d'une époque de sa vie, a été prêt à la commettre. Il y a plus d'une occasion dans sa jeunesse, ou même dans son âge mûr, où ce qui domine chez lui, c'est l'impatience, la précipitation, la recherche d'une sensualité un peu grossière, ou encore le cynisme. Il lui a fallu faire l'apprentissage de la modération et de la délicatesse, ce qui n'était pas facile pour un intendant des armées. Il lui a fallu aussi prendre conscience de ce que c'était que la tendresse, l'abandon de soi, ou même, ce qui était le plus difficile à acquérir pour lui, la profondeur. Trop souvent ne s'était-il pas contenté d'agir et de sentir par impulsions successives ? Trop souvent le culte de l'énergie n'avait-il pas primé chez lui le culte de la tendresse ?

Toutefois, pour arriver à cet état parfait, il faut se corriger de plusieurs défauts, dont le premier est probablement l'insouciance. Qui a le culte de l'énergie a du goût pour l'action, et pour la sorte d'objet désirable auquel on s'adresse directement, en soldat de l'Empire, sans scrupule et sans nuance. On affronte le futur, surtout le futur immédiat, l'autre étant trop loin pour qu'on s'en occupe. Pour ce qui est du passé, au contraire, on ne s'en soucie pas, ou, du moins pas tout de suite, pas avant longtemps. L'époque n'est pas encore venue pour le jeune militaire qu'était Henry Beyle de goûter les charmes du souvenir. Pendant longtemps, ce qu'il préfère à tout, c'est de faire de sa vie une improvisation continuelle. Or, ce qui est vécu à fond de train est vite oublié. Stendhal, à cette époque de son existence, acquiert une petite provision de souvenirs, mais ceux-ci ou bien sont des souvenirs de moments vécus en éclair, qui enchantent d'emblée, mais n'ont pas beaucoup de résonance, ou bien ce sont des souvenirs affaiblis, ayant perdu leur peu de puissance, devenus indistincts sans avoir acquis pourtant le charme des choses vagues. Ce sont des épisodes d'une brève intensité, qui subsistent dans l'esprit comme les pans de mur, restés debout, d'une cabane écroulée.



Ainsi, pendant longtemps, presque sans futur, presque sans passé, en dépit de quelques éclairs de bonheur dont il conserve la trace, Stendhal se trouve pratiquement réduit au moment présent. Il tend à vivre au jour le jour, comme ses émules du XVIIIe siècle. Il poursuit, avec beaucoup de lucidité d'ailleurs, une existence qui, à cette époque, est faite encore d'incidents détachés et, pour la plupart, fortuits. C'est alors que se fait jour dans son esprit, prenant une place de plus en plus grande, une sorte de réalité qui va y jouer un rôle considérable, et qui est effectivement, pour ceux qui croient à l'imprévisibilité générale des choses, la réalité par excellence, c'est-à-dire le hasard.



D'un côté, le hasard, c'est le désordre, l'anarchie. Tout arrive au petit bonheur. Tout est à la fois déterminé par la netteté avec laquelle l'événement inattendu se détache en explosant, pour ainsi dire, sur le front régulier présenté par tous les autres; et, en même temps, tout est indéterminé, en ce sens que l'événement en question apparaît comme soustrait chaque fois à la continuité des choses prévisibles, donc comme hors classe, comme incalculable. Il est hors de jeu par rapport à l'ordre apparent où les événements prévus ne peuvent que se ranger sagement les uns à la suite des autres. On dirait, au contraire, chaque fois qu'ils surviennent, qu'ils sont produits par le caprice imprévisible d'un dieu, ou appelés à l'existence par la fantaisie du mortel qui en souhaite simplement la réalisation. C'est dans sa gratuité, c'est-à-dire dans l'absence réelle ou supposée de toute cause déterminante, que l'événement fortuit chez Stendhal, comme plus tard chez Gide, se trouve accepté et utilisé. Il est là, on l'accueille, on l'utilise à fond, mais pas un moment on ne cherche à en analyser les origines. Il est créé, vécu, absorbé et dépassé sur-le-champ. Tout se passe sans calcul, sans le sentiment d'être guidé ou dirigé, et, par conséquent, en toute liberté d'esprit. Inutile de remonter jusqu'à des causes et de chercher des origines. L'événement semble, naître de lui-même et être approprié de la même façon": N'est-ce pas là encore, si l'on y songe bien, une manière d'indétermination ?

Indétermination, sans aucun doute, profondément différente de toutes celles découvertes et explorées par les mystiques du Moyen Age ou par les grands métaphysiciens allemands de l'époque romantique^ L'indéterminé, pour Stendhal, n'est nullement le secret, l'occulte, le mystère divin, ni même la pensée humaine saisie dans les tâtonnements où l'entraîne l'exploration de son monde intérieur. L'indéterminé, c'est tout bonnement la liberté qu'il possède de penser ou de ne pas penser, de penser ceci et de penser cela. C'est en somme, la pensée jamais entièrement engagée, consciente du privilège qui est le sien de se porter dans telle direction ou dans telle autre, d'échapper à toute définition et à toute fixation.

Bref, l'indétermination stendhalienne est la capacité infinie que chacun possède d'accueillir toutes les chances qu'offre l'exercice illimité de la pensée, et de se soustraire à toutes les déterminations arbitraires auxquelles, trop souvent, elle tend à se soumettre. Elle est donc, en elle-même, libre, insaisissable, indéterminable. Négativement, elle consiste dans le refus d'observer, au cours de ses manifestations successives, une ligne unique, systématique et rigoureuse. Positivement, elle est la propriété inépuisable, que possède l'esprit, d'inventer, selon ses humeurs, les lignes variables qu'il se décide provisoirement à suivre. C'est ainsi que Stendhal, grâce à cette faculté d'indétermination active qu'il possède, se trouve en mesure de renouveler à chaque instant son existence.



L'indétermination, pour Stendhal, est donc, en fin de compte, le moyen positif et négatif à la fois, d'inventer sa propre existence. Non pas seulement d'inventer, en cours de route, des morceaux isolés d'existence, mais d'inventer par une sorte de variation continue une existence qui aurait pour principe d'unification l'usage d'une liberté ne cessant d'être en exercice. Sans doute, une telle manière d'exister obligerait celui qui la pratique à passer de détermination en détermination, comme quelqu'un qui, pour traverser un ruisseau, saute de pierre en pierre. Il lui faudrait toujours improviser, voire adopter des déterminations successives. Mais ce qui ne serait pas successif, ce serait le mouvement souple, alerte et persévérant, avec lequel il userait, tour à tour, de toutes ces déterminations particulières. Un écrivain, comme Stendhal, donne couramment cette impression. Ce qu'il invente, ce n'est pas une série de comportements indépendants les uns des autres, c'est de façon ininterrompue le cours de son existence. Là, il ne s'agit plus d'une multiplicité de déterminations séparées, mais de quelque chose de semblable à un élan de l'esprit perpétuellement renouvelé. Elan qui ne peut se définir et qui a toujours sa source dans l'indéfinissable. Telle est la sorte d'indétermination très particulière qu'on trouve et retrouve, sans en jamais voir la fin, dans la pensée libre de Stendhal.



STENDHAL : TEXTES



Je sens que, dans les choses de la vie où je sens ma force, je suis disposé à ne point prendre de parti d'avance.

Le grand mal de la vie, pour moi, c'est l'ennui.

L'ennui est une maladie de l'âme. Quel en est le principe ? L'absence de sensations assez vives pour nous occuper.

Dire tout bonnement ce qui me viendra.

Je suis tout à la sensation.

La bonhomie italienne a fait ma conquête. Quel naturel ! Quelle simplicité ! Comme chacun dit bien ce qu'il sent ou ce qu'il pense au moment même !

Tout l'art d'aimer se réduit, ce me semble, à dire exactement ce que le degré d'ivresse du moment comporte.

A mesure qu'il entendait sonner les heures qui le rapprochaient du moment de l'action, il se sentait allègre et dispos.

Il me semble qu'aucune des femmes que j'ai eues ne m'a donné un moment aussi doux et aussi peu acheté que celui que je dois à la phrase de musique que je- viens d'entendre. Le plaisir est venu sans que je m'y attendisse. Il a rempli toute mon âme.

Ce fut un de ces instants rapides que le hasard accorde quelquefois aux âmes faites pour sentir avec énergie.

J'ai toujours plus senti que perçu.

... Volupté de vivre au hasard...

L'énergie crée de l'imprévu.

Je prends au hasard ce que le sort place sur ma route.



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