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Révolution sans littérature, littérature sans révolution ?






Bouleversement aussi énorme qu'imprévu, souvent attribué aux hommes de lettres, la Révolution a-t-elle révolutionné la littérature ? Cette question évidemment trop simple appelle des réponses évidemment nuancées.



Fin d'un régime



Dès 1789, la censure disparaît : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, art. 11). Les infractions, précisées par la Constitution de 1791, relèvent donc du pouvoir judiciaire. Disparaît également le régime corporatif à privilèges : chacun peut exercer librement le métier de son choix (1791). On passe brutalement d'environ 250 libraires et/ou imprimeurs à Paris à plus de 600 (309 libraires et 224 imprimeurs en 1799, environ 1 100 en provincE). Les journaux se multiplient prodigieusement, l'empire journalistique de Panckoucke s'effondre d'un seul coup. Mais il fallut attendre 1793 pour qu'une loi protège les droits d'auteur, supprimés avec les privilèges sur l'autel de la liberté : ce texte servit de base, durant le XIXe siècle, à la réglementation de la propriété littéraire, déjà amorcée par des décrets de 1777, qui avaient également limité les privilèges des éditeurs : ruptures et continuités de la Révolution.



Ce régime de liberté quasi totale ne put résister à la Terreur. De 1789 à 1800, trente textes tentent d'organiser la liberté d'expression : contradiction de la liberté et de la politique.



Innovations



En supprimant la censure et les privilèges, en exaltant les esprits et les énergies, la Révolution, dans son mouvement enfiévré, libère et surexcite le désir de s'informer, d'écouter, de parler, d'écrire. Elle fait de la littérature et des arts un emblème des temps nouveaux, un moyen d'éducation et de mobilisation, et donc un terrain d'affrontement à l'échelle d'une société en mutation et d'un public renouvelé. Car beaucoup apprennent à lire pour comprendre et agir, dans les clubs, les sociétés populaires, les sections, l'armée républicaine. On y lit en public les informations, les lois et décrets, les grands discours révolutionnaires. Le journal, lu cursivement, fiévreusement, devient la prière quotidienne du monde moderne, selon le mot de Hegel. L'éloquence, réduite à la prédication religieuse et à la plaidoirie juridique sous la monarchie, retrouve le prestige de ses antiques fonctions politiques, découvertes au collège.



La fête



Les artistes sont mobilisés pour la mise en ouvre de fêtes nationales grandioses, l'innovation majeure et incontestable de la période révolutionnaire, dont Robespierre définit fort bien le sens rousseauiste dans son rapport du 7 mai 1794 (18 floréal an II) : « L'homme est le plus grand objet qui soit dans la nature, et le plus magnifique de tous les spectacles, c'est celui d'un grand peuple assemblé. On ne parle jamais sans enthousiasme des fêtes de la Grèce [...]. Un système de fêtes nationales bien entendu serait à la fois le plus doux lien de fraternité et le plus puissant moyen de régénération ». Écho direct de la Lettre à d'Alembert sur les spectacles, 1758.



La première fête nationale fut celle de la Fédération, le 14 juillet 1790. La première fête philosophique, celle du transfert des cendres de Voltaire au Panthéon le 11 juillet 1791, organisée, comme bien d'autres, par le peintre David. Elles atteignent naturellement leur apogée en l'an II (1794), au plus fort de la dictature jacobine, mais le Directoire en maintient le principe républicain. David, les musiciens Méhul et Gossec, le poète Marie-Joseph Chénier (cadet d'André) y travaillent avec ferveur : Marie-Joseph Chénier composa les paroles du Chant dû 14 juillet (1791), musique de Gossec, et surtout du Chant du départ (14 juillet 1794), musique de Méhul, le plus beau chant révolutionnaire avec la Marseillaise de Rouget de Lisle (25 avril 1792).



Appel d'air



Avec le journalisme, l'éloquence politique, les fêtes nationales, nous sommes évidemment aux marges de ce qu'il est convenu d'appeler, avec bien des équivoques, la littérature, que la tornade révolutionnaire n'ébranle qu'à peine. Mais elle fait exploser le milieu littéraire. En transformant radicalement les conditions de production : censure, privilèges, droits d'auteur ; mais surtout en déstructurant la société d'Ancien Régime où les Lumières triomphantes s'étaient enfin confortablement installées. Au moment où disparaissent les grands protagonistes du combat des Lumières (Voltaire et Rousseau en 1778, d'Alembert en 1783, Diderot en 1784, Mably en 1785, d'Holbach en 1789), la génération des héritiers occupe les bonnes places et jouit de la douceur de vivre. Or, c'est là justement que le bât blesse : une foule croissante de jeunes intellectuels trouvent les places prises, les réseaux d'influence installés, les débouchés fermés. D'où l'émergence, à la veille de la Révolution, de nouveaux foyers de sociabilité où cette énergie cherche à s'épancher : musées, lycées, sociétés de pensée... D'où l'accroissement, aussi, d'une plèbe littéraire qui nourrit frustration et amertume. La Révolution est un gigantesque appel d'air, l'occasion d'une redistribution des cartes. Elle mobilise pour l'action et la parole politique la plupart de ceux qui essayaient, avant 1789, de se frayer un chemin par les lettres.



Le mal du siècle



Loin de mettre un terme aux inégalités, aux injustices, au mal de vivre, la Révolution bourgeoise leur substitue de nouvelles insatisfactions, qui alimentent rêveries, nostalgies, solitudes : émigrés déracinés que l'exil disperse et paupérise ; mais aussi nouveaux exclus à l'intérieur même de la France révolutionnée. La permanence d'une expérience et d'une filiation rousseauistes avant et après 1789 se lit sans détours des Rêveries de Jean-Jacques à celles de Senancour (Rêveries..., 1799), en passant par les fulgurances autobiographiques de l'Essai sur les révolutions de Chateaubriand (1797). De même que l'Émigré, 1797, seul roman de l'ancien haut fonctionnaire Senac de Meilhan, maintient la tradition bien rodée du roman épistolaire, confrontée ici à l'analyse (elle se veut lucide et objectivE) du phénomène révolutionnaire. Sans renier les principes essentiels des Lumières, sans les figer non plus, Mme de Staël propose quant à elle de régénérer la société révolutionnée, mais aussi la littérature (De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, 1800). C'est à ses deux romans (Delphine, 1802, Corinne, 1807) qu'il reviendra, sous l'Empire, de scruter l'échec et l'incomplé-tude des individus acculés au suicide par les préjugés collectifs.

La tradition littéraire paraît donc continuer imperturbablement sous la Révolution : romans historiques, sentimentaux, libertins, etc. ; tragédies et drames idéologiquement épurés, mais dans les formes léguées par le siècle (Marie-Joseph Chénier, Charles IX, ou la Saint-Barthélémy, 1789). Pourquoi s'en étonner ? La Révolution ne pouvait se digérer en un jour, ni le public changer miraculeusement de goûts. Politique, idéologies, mentalités, économie, arts, n'évoluent pas au même rythme.



Mais qu'on se garde d'oublier deux phénomènes de grande portée : la cristallisation en fin de siècle du mélodrame, et la vogue croissante du roman noir, qui mêle tradition française et influence anglaise.

Et surtout, on l'oublie trop souvent : Sade, libéré par les événements, président de la section des Piques, puis condamné à mort la veille de la chute de Robespierre, n'a pas cessé de produire et de publier textes politiques, pièces de théâtre, fictions narratives (Oxtiern ou les Malheurs du libertinage, drame représenté en 1791 ; Aline et Valcour, la Philosophie dans le boudoir, 1795 ; la Nouvelle Justine, 1798, etc.). H n'est pas non plus raisonnable d'enterrer trop vite l'infatigable Rétif de La Bretonne, mort en 1806 (les Nuits de Paris, 1788-1794 ; Monsieur Nicolas, 1796-1797 ; l'Anti-Justine, 1798, etc.).

Au total, la décade prodigieuse, malgré la disparition des grandes figures des Lumières, apparaît bien plus riche et talentueuse qu'on n'a pris le pli de le dire.



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