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MARIVAUX






« Je ne sais ce qui m'arrive. » C'est toujours par des mots à peu près semblables que le personnage marivau-dien, et, par sa bouche, Marivaux lui-même accueillent la venue de l'imprévu. Le moment où cette venue a Heu est toujours d'une grande importance. C'est comme si le personnage en question prenait vie en ce moment même. Sans doute, avant cela, il avait vécu. Mais soudain, comme le tressaillement immédiat qui l'anime nous en avertit, il nous révèle qu'il entre dans une nouvelle vie. Pourtant l'exclamation qui lui échappe semble purement négative. Mais elle pose en réalité une des questions les plus vieilles qu'un homme puisse formuler. De saint Augustin à Proust et au-delà, chacun, à un moment donné ou à l'autre, soit en son for intérieur et avec une note d'angoisse, soit tout haut, à la cantonade, s'est demandé ce qui était en train de lui arriver. Une telle parole fait donc chaque fois porter tout son poids sur l'actualité. A quelque époque que ce soit, quelqu'un se demande ce qui lui arrive. Et pourtant ce qu'il dit n'a de sens que si ce dont il parle se rapporte d'aussi peu que ce soit à un moment antécédent, celui qui précède immédiatement le moment de 1' « arrivée » du moment nouveau. Pour que celui-ci « arrive », il faut bien que son point de départ ne coïncide pas exactement avec son point d'arrivée. Qu'arrive-t-il donc ? Quelque chose qu'on ne connaissait pas, qu'on ne prévoyait pas, mais que maintenant, tout d'un coup, sans préliminaire, on reconnaît pour sien. Dire : « Je ne sais pas ce qui m'arrive », c'est donc dire : je ne sais pas ce que le temps m'apporte et me force à accepter. Entre le moment émetteur et le moment récepteur il y a donc un intervalle. L'existence d'une différence est reconnue, et cette différence peut être de l'espèce la plus grave. Il implique que, si minime qu'il soit, l'intervalle est indéniable, et que, dans ce cas, quelque chose en nous, peut-être même tout, pourrait être changé.



Cet intervalle à la fois immense et minuscule, on peut le rencontrer à chaque instant dans l'ouvre de Marivaux. Il ne serait pas faux de dire que, sans lui, il ne pourrait y avoir d'ouvre marivaudienne. Parfois il consiste dans le passage d'une humeur paisible à des convulsions imprévues. Parfois il substitue à un état d'esprit triomphant un état d'esprit inquiet. Le plus souvent, cela se fait brusquement, sans préparation, sans transition. D'une humeur à l'autre il y a comme une saute soudaine, parfois inexplicable, au moins pour celui qui l'éprouve. Le changement est imprévisible. Il marque essentiellement chez un certain être la manifestation d'une non-identité entre tel moment passé et, juste après, tel moment présent.



Cette disparité chez l'être marivaudien est toujours très nette. Elle est même souvent violente. Ce n'est pas sans alarme, parfois sans angoisse, que le personnage décrit par Marivaux prend lui-même conscience de la différence d'humeur qui éclate ainsi en lui : « Que m'arrive-t-il ? » Parfois, l'incident est relativement anodin ; le plus souvent, au contraire, il révèle sans ménagement une sorte d'abîme ayant surgi d'une minute, d'une seconde à l'autre, entre l'être qu'on était et l'être qu'on vient de devenir. C'est comme si un nouveau moi se découvrait dans l'opération même par laquelle se trouvait obnubilé le moi ancien. Or cela ne peut se faire sans causer à celui qui s'en voit le sujet le plus grand trouble. Rien de plus saisissant qu'une telle métamorphose. Elle a pour effet immédiat de faire de celui qui en est le sujet un étranger à lui-même. Cet événement ne concerne que lui. U est seul à apprécier l'ampleur de ce qui lui arrive. Elle est sans limites. C'est comme si un moi nouveau usurpait imprévisiblement la place de l'être ancien qu'il a cessé d'être. Il prend ou reprend vie, mais en se découvrant autre. D'un coup, toutes les attaches qu'il avait, même avec son passé le plus récent, tombent à se§ pieds comme des formes vaines. Il ne sait plus, il ne peut plus se rattacher à rien. Tout vacille. L'exclamation la plus fréquente de Marivaux (ou de son personnagE) est la suivante : « Je ne sais plus où j'en sais. » Ou bien encore : « Je ne me reconnais plus. » D'où vient le fait, se dit-il encore en substance, que je suis ce que je suis et non pas celui que j'étais, et que ce changement s'est accompli non par une évolution lente mais dans un laps de temps inappréciable ? La faille devient un abîme. Le gouffre se forme entre un temps maintenant révolu et un temps vierge. Plus grave encore, ce temps révolu, je ne puis plus l'appeler mien, même par un acte de mémoire. Ce moi au passé n'est plus mon moi. Je me vois sans transition réduit à mon existence présente, séparé pour toujours de cet être que j'étais et que je ne puis plus considérer comme mien. Voilà qu'il se détache. Je le perds de vue. Il me devient incompréhensible.



Telle est, en substance, la méditation poursuivie sur-le-champ par le personnage marivaudien. Mais cette méditation, le plus souvent, se réduit à l'exclamation la plus brève. Tout se passe en lui en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Son adieu au passé, sa découverte de lui-même sous la forme d'un nouvel être surgissent en lui de façon si rapide qu'ils ne lui laissent pas le temps de la réflexion. C'est comme si l'être nouveau qu'il se découvrait être était tout d'un coup tombé des nues.

Telle est l'extraordinaire nouveauté introduite par l'événement dans le monde marivaudien; si extraordinaire qu'il a pour effet de produire, chez celui qui l'éprouve, un bouleversement indescriptible. La nouveauté du présent, ainsi allégé du passé, est absolue. D'un coup, l'être nouveau se trouve dépouillé de ses anciens attributs, sans d'ailleurs en acquérir nécessairement de meilleurs. Il ne peut plus compter que sur ce qu'il est dans la minute présente. Or il ne sait encore nullement ce qu'il est, il se perd dans des émotions forcément indéfinissables. Il est incapable de leur donner une forme quelconque, puisqu'il ne peut les relier à quoi que ce soit de son expérience antérieure. En un mot, comme il se l'avoue tout bonnement, il « n'y comprend rien du tout ». C'est comme s'il avait été privé de la faculté de mettre même un minimum d'ordre dans l'état où il se trouve. Le voici, pour tout le temps où il sera sous l'influence de cet événement, sans possibilité de déterminer ce qu'il est, puisqu'il n'existe plus de rapport déterminant entre ce qu'il était et ce qu'il est devenu. Il a l'impression d'être sans cause, de vivre en somme au petit bonheur, par hasard. Ce n'est pas nécessairement catastrophique, mais cela ne laisse pas d'être affolant. L'indétermination dont il est ici à la fois le sujet et la victime consiste donc dans la sorte de confusion extrême produite par l'impossibilité (peut-être provisoirE) de rétablir en soi le fonctionnement du lien causal. Sans lui tout tourne à vide, très vite mais désordonnément. On sent vivement mais indistinctement. On ne sait plus où on en est et où on est. On ne peut se démêler dans le désordre de l'actuel.

C'est cela sans doute que l'expérience marivaudienne. Elle est intense tant qu'elle dure. Elle ne dure pas toujours très longtemps. Néanmoins, pendant qu'elle dure, l'être qui la vit devient le jouet de ce qui lui arrive et de cette espèce d'indétermination qui se nomme la surprise, le caprice, l'imprévisibilité, le hasard.



MARIVAUX : TEXTES



Je ne sais ce qui m'arrive. (La dispute, se. 15.)



Ah I Je ne sais où j'en suis... D'où vient que je soupire ? Les larmes me coulent des yeux; je me sens saisie de la tristesse la plus profonde, et je ne sais pourquoi. (La seconde surprise de l'amour, acte Ul, se. 2.).



- Oh ! Je m'y perds, Madame ! Je n'y comprends plus rien. (Ibid., acte III, se. 12.)



- Ni moi non plus. Je ne sais plus où j'en suis, je ne saurais me démêler, je me meurs ! Qu'est-ce donc que cet état-là ? (Ibid.)

Je ne sais paS seulement moi-même ce que je veux dire. On rêve, on promène sa pensée, et puis c'est tout. (L'épreuve, se. 6.)

Puis-je rien démêler dans mon cour? Je veux me chercher et je me perds. (Spectateur français, 2e feuille.)



Quand je serais tombée des nues, je n'aurais pas été plus étourdie que je l'étais. (Marianne, Ed. Garnier, p. 24.)



C'était pour moi l'Empire de la Lune. (Ibid.)

Un mélange de plaisir et de confusion, voilà mon état. (Marianne.)

Je sentais tant de mouvements, tant de confusion, tant de dépit, que je ne savais par où commencer pour parler. (Marianne.)



Je m'égarais dans un chaos de mouvements où je m'abandonnais avec douceur et pourtant avec peine. (Spectateur français, 9e feuille.)



J'allai m'enfermer dans ma chambre, où le trouble, le plaisir, la crainte, la honte, enfin mille mouvements différents m'agitèrent tous ensemble. (Le don Quichotte moderne, Ouvres, t. 2, p. 154.)



Agitée d'amour et de crainte, elle se perdait dans ces émotions, ne réfléchissait à rien, ne sentait rien de distinct. (Spectateur français, 11e feuille.)



En vérité, je me perds de vue. (Les serments indiscrets, acte 5, se. 2.)



Ce sont là des hasards à qui l'âme est soumise. (Spectateur français, t. 9, p. 6.)



Je sais seulement surprendre en moi les pensées que le hasard me fait naître. (Ibid.)



On agit en mille moments en conséquence d'idées confuses qui viennent je ne sais comment, qui vous mènent, et sur lesquelles on ne réfléchit point. (Le paysan parvenu.)






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