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MAINE DE BIRAN






Maine de Biran essaie de mener simultanément deux sortes d'existences. Au niveau purement intellectuel, il prend conscience sans difficulté de ce qui se passe en lui et autour de lui. Son intelligence se montre de plain-pied avec les réalités qu'elle rencontre. Elle évolue dans un milieu où elle ne doit faire face à aucun problème insoluble. Tout y est net, précis, lumineux. Certes, nombre des phénomènes ainsi perçus par lui ne sont pas toujours immédiatement intelligibles, mais le monde où ils se manifestent est un monde essentiellement rationnel, qui semble avoir été créé pour être compris par la pensée. Pouvoir l'étudier, en découvrir le sens, c'est se trouver dans la situation d'une intelligence bien adaptée aux objets sur lesquels la compréhension s'exerce. Si donc l'esprit pouvait se contenter d'explorer cette zone pleinement éclairée, tout irait bien, penser offrirait une satisfaction constante, et le philosophe ne se trouverait jamais perdu dans ses opérations. Mais - Biran va en faire l'expérience - c'est là un état idéal, et il en va tout autrement dans la pratique. Au-dessous de la zone éclairée, dont le périmètre se révèle d'ailleurs comme plus étroitement limité qu'il ne semblait d'abord, il est une autre zone, bien moins facilement explorable. Ne disons pas que c'est la région de V « inconscient », terme que Biran répugne à employer. Disons, comme Leibniz le faisait, que c'est le monde des perceptions obscures, ou, plus exactement peut-être, celui de la pensée obnubilée par mille impressions indistinctes. Celles-ci, indéfinissables, y pullulent comme des poissons dans un vivier, où leur profusion désordonnée empêche qu'on les examine séparément comme il faudrait.





Quel est ce monde remuant qui trouble sans cesse la conscience de Maine de Biran ? Une multitude de phénomènes confus le compose. Cette confusion a pour effet d'unir dans le désordre toutes sortes d'éléments qu'il devient impossible d'analyser. On ne sait plus si ce qu'on y rencontre provient de certaines conditions externes - atmosphériques par exemple - ou de tel ou tel état interne, instable, inexploré, mystérieux même, qu'on serait tenté de rattacher au domaine le plus secret de la vie intérieure. Ici le dedans et le dehors se chevauchent ou s'entrepénètrent. Cela crée de constantes équivoques. Une simple journée pluvieuse suffit pour altérer la clarté de la pensée. Il se fait en elle un mélange de phénomènes internes et d'influences externes, qu'il est difficile de séparer ou de ne pas séparer. Biran se découvre le sujet de « fluctuations » de toutes sortes, d'idées flottantes, d'états d'âme ambigus, que leur caractère évanescent empêche de définir. Bref, ces manifestations sont d'une nature telle qu'on ne saurait en avoir d'aperception précise. Or, nous sommes ici dans un monde qui, depuis quelque temps déjà avant Biran, avait passionné les psychologues. Leibniz et ses disciples l'appelaient le monde des perceptions obscures. En se penchant lui-même sur leurs complexités infinies, Biran ne fait donc que suivre une longue tradition de chercheurs. Mais il y a un point sur lequel il insiste plus qu'eux tous. C'est que l'univers mental où la pensée situe ces phénomènes est entièrement dépourvu de formes déterminées. Celles qu'on y perçoit et dont le défilé, souvent ininterrompu, se poursuit avec des remous au centre de l'être, ne sont, au dire de Biran, que « des états de sensibilité ou d'imagination se projetant dans une sorte de champ vague et indéfini ». -« Les fluctuations et le vide que je sens au-dedans de moi-même, écrit-il, m'empêchent de prendre une forme constante. » Biran, en effet, se voit perdre toute capacité de donner une forme à sa pensée en raison même de l'absence de forme qui caractérise les images ou idées qui l'envalussent. Aussi est-il particulièrement affecté par toutes les variations d'humeur qu'il découvre en lui, sans en pouvoir déterminer la cause. C'est avec angoisse qu'il constate le rôle obscu» mais immense, et plus négatif que positif, joué par elles dans sa vie. Toute régularité d'esprit lui devient impossible dans l'ondoyance des sentiments indéfinis qui y jettent le trouble. Biran se trouve forcé de reconnaître qu'en lui toute structure est à la merci de cet indéfinissable. Bientôt il va plus loin encore. Il appréhende de voir son être même s'évanouir dans la multiplicité des changements d'humeur dont il devient l'esclave. Le moi n'existe plus, ou n'est plus qu'une entité intermittente, essentiellement incapable de s'affirmer avec quelque netteté. Au lieu d'une personnalité stable, il n'y a plus qu'une conscience morcelée, amorphe, presque stupéfiée, à laquelle Biran lui-même refuse de donner le nom de conscience. Il l'appelle une « nullité de conscience ».



On pourrait croire que cette carence de la personnalité n'est chez Biran qu'un phénomène purement psychologique, une faiblesse passagère de l'esprit. Mais, au fond, ce qui se passe en lui est bien plus grave. A chaque instant, l'être intérieur, le moi fondamental, à supposer qu'il survive encore, s'effondre sous l'assaut de forces occultes non identifiables : ou, s'il subsiste, c'est sous l'aspect presque insubstantiel d'un témoin passif, subissant sans possibilité de réaction une véritable dépossession; phénomène comparable à la submersion de quelque rocher à fleur d'eau, recouvert par une série de vagues successives qui ne se retirent que pour céder la place à l'assaut des vagues suivantes. Ainsi, la pensée birannienne devient sujette à une série d'éclipsés. Ces disparitions répétées du moi central sous l'afflux d'influences obscures font songer aux périodes d'obscurité endurées par les mystiques des siècles précédents et qui les font parfois désespérer d'avoir une pensée véritablement une. Les mêmes variations se retrouvent chez Biran lui-même. Le caractère vacillant, entrecoupé, rempla cable de sa vie interne, arrive à le faire douter, sinon de son existence, au moins de la possibilité de s'en donner une définition. Comme un Suso, comme un Tauler, mais sans l'aide du soutien que ces mystiques tiraient de leur foi, il entre dans un sentiment qui n'est autre qu'une ignorance profonde de soi-même. Il ne sait plus, il recommence sans cesse de ne plus savoir qui il est.

A la différence, néanmoins, des mystiques qui viennent d'être mentionnés, Biran semble être le sujet, non pas d'une ignorance simple, mais d'une ignorance double. L'ignorance simple est celle qui nous affecte lorsqu'il nous devient impossible de connaître quelque objet que ce soit d'une connaissance déterminée; qu'il s'agisse, par exemple, de nous-mêmes, voire même de l'idée que nous nous faisons de Dieu. Mais, che2 Biran, ce qui se découvre, c'est l'interdiction double et simultanée de se connaître dans sa profondeur intime, comme de connaître Dieu dans sa transcendance. D'un côté comme de l'autre, Biran rencontre la même absence immédiate de certitude, la même privation de fondement. Sans doute, il ne nie pas. Il fait effort pour croire et pour se croire. Mais ce qu'il pense ou ce qu'il rêve ainsi, il est incapable de le définir. Littéralement, il ne sait pas. Il ne saurait décider si ce qu'il se sent être tire son origine d'une source divine, ou est simplement déterminé par les mouvements de sa vie organique. Il ne peut se fier à aucune évidence. Et se donnant à lui-même un certificat de carence, il faut bien qu'il se reconnaisse comme n'étant, en fin de compte, déterminé par rien.



L'indétermination, chez Maine de Biran, est donc d'une espèce spéciale. Elle est quelque chose comme une absence de points de repère. Ne distinguant plus en lui-même de formes fixes, livré à des sollicitations vagues dont il lui est impossible de préciser la nature, qu'elles viennent d'en haut, ou qu'elles viennent d'en bas, il se trouve réduit à ne plus apercevoir en lui, autour de lui, au-dessus de lui, que des présences douteuses et informes. Et finalement, c'est cette indétermination générale qu'il va reconnaître - à défaut d'une autre - comme le milieu ambiant, indéfinissable, ambigu, alternativement divin et subhumain, où il est en train de baigner. Et cela à moins que, de loin en loin, une certaine netteté d'esprit ne lui revienne, mais en risquant alors de lui fermer, pour un temps, l'accès de toute indétermination.



MAINE DE BIRAN: TEXTES



... Troublé, distrait sans cesse par des impressions obscures... {Journal, décembre 1817.)



Journées pluvieuses. Les brouillards obscurcissent ma tête comme le ciel... Toute lumière disparait : tout est sombre et obscur dans mon esprit... Il y a une obscurité, un enveloppement d'idées invincible à toute l'activité de l'esprit quand les conditions organiques manquent. {Journal, 13 mai 1818.)



La lumière se retirant, je ne vois plus que ténèbres épaisses, tout devient confus, incertain, obscur, désordonné dans ma pensée, où je ne trouve plus aucune expression pour représenter et fixer ces idées flottantes et mal terminées. {Journal sans date, Ed. Gouhier, III, p. 235.)



Les fluctuations et le vide que je sens en dedans de moi-même, qui m'empêchent de prendre une forme constante, même en vivant avec moi, tiennent à l'absence d'un sentiment moral, qui serve comme d'ancre... Il n'y a qu'un sentiment fixe qui puisse déterminer ou amener des idées fixes. {Journal, 12 juin 1815.)



... Tourment de l'incertitude et de l'indétermination... Cette liberté, cette activité indéterminée qui erre d'objets en objets, ne se fixe sur aucun et les rejette tour à tour, laisse dans l'âme un vide insupportable. {Journal, avril 1820.)






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