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Les Sours romantiques






Durant la période romantique, d'autres noms de femmes poètes qu'on affuble généralement du nom de « muses romantiques », ce qui contribue à affadir l'idée qu'on en peut avoir, se détachent, avec parfois quelque originalité. Les plus connues, celles dont les noms reviennent dans les anthologies spécialisées sont Mmes Babois, Tastu, Mercosur, Ackermann, Ségalas... Les lit-on vraiment? Ne sont-elles pas dédaignées parce que, semble-t-il, construites sur le même modèle? Sans doute. Toujours, les critiques et les historiens de la littérature prennent un ton aimable et indulgent (quand ils ne se taisent paS), ce qui donne des phrases dans le genre de celle qui suit et qui concerne M1T Ackermann : « Il est déjà remarquable qu'une intelligence féminine ait assez de vigueur et de portée pour méditer ainsi sur de grands sujets. » Que certaines d'entre elles puissent encourir la sévérité critique est vrai, mais pas plus que leurs correspondants masculins. Évitons surtout de les réduire à un dénominateur commun. Venues d'horizons différents, de milieux culturels ou sociaux divers, avec chacune sa personnalité et son art (rien de commun entre Mme Ackermann et Mme Tastu, par exemplE), elles sont poètes à part entière et, comme les hommes poètes, unissent qualités et délàuts.





L'Histoire et le foyer : M"* Tastu.



Dans un précédent volume, nous avons rencontré Victoire Babois, Mme Dufrénoy, Anne-Marie d'Hautpoul, la princesse de Salm-Dyck et quelques autres qui participent en partie de la période durant laquelle se forma le romantisme.

En 1809, une petite fille de onze ans est complimentée par Joséphine de Beauharnais pour une idylle, le Re'séda. Elle s'appelle Sabine-Casimire-Amable Voïart; elle sera cconnue après son mariage sous le nom de Mme Amable Tastu (1798-1885). Née a Metz, elle vivra à Paris, aux Invalides, où son père est administrateur des Vivres pour l'armée de Sambre-et-Meuse; son oncle maternel est l'ancien ministre de la guerre Bouchotte.

Quelques années plus tard, une autre fleur l'inspire, le Narcisse, et voilà qu'un ami, à son insu, envoie le poème au Mercure qu'imprime ce Joseph Tastu qui lui donnera son nom peu après. Ce Tastu est un homme savant, spécialisé dans le domaine de la littérature catalane et qui sera conservateur à la Bibliothèque Sainte-Geneviève. En 1824, un poème, les Oiseaux du sacre devient populaire. Mme Tastu se mêle au mouvement romantique. Sa Chevalerie française, 1820, sera ainsi suivie de nombreux ouvrages ! Poésies, 1826, Poésies nouvelles, 1833, Éloge de Madame de Sévigné, 1840, d'études littéraires, de relations de voyages, de traductions de l'anglais, d'un Tableau de la littérature italienne, 1843, d'un Tableau de la littérature allemande, 1844, etc.

Mme Tastu a puisé son inspiration dans les grandes époques historiques, l'a livrée dans le plus humble chant du foyer domestique, dans de sensibles élégies. L'histoire ne lui convient guère : elle abuse de la couleur locale, fait du faux ancien à la manière d'un Viollet-le-Duc sans y bien réussir, car sa poésie se dilue, comme dans la Chambre de la châtelaine où de gentes damoiselles, Blanche, Germonde, Aliénor, Loïse se perdent en vains papotages. Parfois» des descriptions sont somptueuses :



La châtelaine en sa molle indolence,

De ses pensers suivait le cours changeant

Et se taisait. Dans la lampe d'argent.

Qui se balance à la haute solive,

Se consumait le doux jus de l'olive;

De ses contours ciselés avec art

Quelques rayons échappés au hasard

Vont effleurer le ciel, où se déploie

L'azur mouvant des courtines de soie;

Les longs tapis, où, d'un épais velours

La blanche hermine enrichit les contours;

Du dais massif, les angles où se cache

L'or du cimier sous l'ombre du panache.

Et la splendeur des pilastres dorés

Oui de l'estrade entourent les degrés.

D un champ de soie, où l'argent se marie.

Le beau tissu de la tapisserie...



Éloignées de ces décors gothiques sont de longues odes, comme la Pauvreté, riches de bons sentiments, mais de trop longue haleine pour un souffle trop court. Elle est plus à son aise quand, sous l'inspiration de Shelley, elle donne une Plainte :



Ô monde! ô vie! ô temps! fantômes, ombres vaines,

Qui lassez à la fin mes pas irrésolus.

Quand reviendront ces jours où vos mains étaient pleines,

Vos regards caressants, vos promesses certaines?

Jamais, oh! jamais plus!



Gentiment familière, elle s'adresse à son ange de manière assez mièvre. Rien ne déçoit tout à fait; rien n'enthousiasme non plus. Sainte-Beuve a trouvé dans sa manière « une nuance d'animation si ménagée, une blanche pâleur si tendre et si vivante, une grâce modeste qui s'efface si pudiquement d'elle-même... ». Ses vers sont aimables, souvent prosaïques, voire négligés. On ne retient que la fraîcheur d'inspiration qui les a dictés.



La Pessimiste Mme Ackermann.



Née Louise-Victorine Choquet, Mme Ackermann (1813-1890) était la fille d'un voltairien, disciple des encyclopédistes. Née à Paris, elle paracheva ses études à Berlin. Elle s'y maria en 1844 avec Paul Ackermann, pasteur protestant, ami de Pierre-Joseph Proudhon. A Berlin, elle fréquenta Humboldt, Mùller, Baecker et toute une élite intellectuelle. Elle-même, savante, étudia le sanskrit et l'hébreu, fut au courant des grands mouvements de pensée de son temps. Veuve en 1846, elle se retira sur les hauteurs de Nice jusqu'à la fin de sa vie, dans la solitude, avec ses souvenirs et ses livres. Profondément pessimiste, athée, exaspérée par l'idée même de Dieu, elle a la passion des idées, de la méditation passionnée. Elle a dit elle-même que le genre humain lui apparaissait « comme le héros d'un drame lamentable qui se joue dans un coin perdu de l'univers, en vertu de lois aveugles, devant une nature indifférente, avec le néant pour dénouement ». C'est cette conception de la vie, sans concession, qui lui inspire la plupart de ses poèmes : L'Amour et la Mort, la Nature à l'homme, l'Homme à la nature, la Guerre, l'Idéal, etc.

Elle a certes écrit des Élégies unissant la gravité à la grâce, le sérieux à une mélancolie souriante, la fermeté à une ligne mélodique très pure, mais ce sont ses Poésies philosophiques qui affirment sa personnalité avec le plus de vigueur. On est frappé par une pensée virile luttant contre les injustices de la destinée humaine. Elle n est pas entièrement négative, en ce sens qu'elle conseille un stoïcisme sans croyance, mais non pas sans grandeur, pour apprendre à l'homme la fierté d'une résignation hautaine. Chez elle, rien de languissant, mais une leçon d'énergie dépassant les délicatesses et les plaintes du romantisme. Spinoza, Kant, Schopenhauer sont présents, et on l'accusa de pédantisme : il apparaissait que ce haut caractère, chez une femme, gênait, mais n'avait-on pas déjà du mal à accepter les hauteurs d'un Vigny? Elle dit ce qu'elle a à dire fermement. Si elle exècre La Guerre, elle jette son dégoût de strophe en strophe avec une force brutale, une ironie farouche :



Liberté, Droit, Justice, affaire de mitraille;

Pour un lambeau d'État, pour un pan de muraille.

Sans pitié, sans remords, un peuple est massacré.

- Mais il est innocent! Qu'importe? On l'extermine.

Pourtant la vie humaine est de source divine;

N'y touchez pas; arrière! un homme, c'est sacré!



Sous des vapeurs de poudre et de sang quand les astres

Pâlissent indignés, parmi tant de désastres,

Moi-même à la fureur me laissant emporter.

Je ne distingue plus les bourreaux des victimes;

Mon âme se soulève, et, devant de tels crimes,

Je voudrais être foudre et pouvoir éclater.



Dans le même poème, on trouve cette strophe étonnante :



Non, ce n'est point à nous, penseur et chantre austère,

De nier les grandeurs de la mort volontaire.

D'un élan généreux, il est beau d'y courir.

Philosophes, savants, explorateurs, apôtres,

Soldats de l'Idéal, ces héros sont les nôtres;

Guerre, ils sauront sans toi trouver pour qui mourir.



« Hier encore, une femme qui s'est révélée à elle-même, et aux autres en ces tout derniers temps, Mrae Ackerrnann, la docte solitaire de Nice, me donnait une fête de l'esprit en me récitant sa poésie philosophique, le Nuage, admirable d'expression et de couleur comme de vérité. » C'est Sainte-Beuve qui parle et voici le final de ce poème :



Ainsi jamais d'arrêt.

L'immortelle matière

Un seul instant encor n'a pu se reposer.

La Nature ne fait, énergique ouvrière,

Que dissoudre et recomposer.



Tout se métamorphose entre ses mains actives;

Partout le mouvement incessant et divers

Dans le cercle éternel des formes fugitives,

Agitant l'immense univers.



Des vers de cette frappe sont courants chez Mme Ackerrnann, maître de la forme précise et du vers parlant juste. Pas de faux éclat, de la fermeté, c'est un poète surprenant dont la réputation réduite frise le scandale. Qui connaît ces poèmes philosophiques dignes des plus grands penseurs en vers? Qui connaît ses Contes habités de fantastique? Qui connaît ses Pensées d'une solitaire qui suivent son autobiographie?

Si elle appartient davantage à la période parnassienne qu'à la période romantique, ses sujets sont ceux de Vigny sur l'inutilité de la destinée humaine. Elle craint la mort uniquement parce qu'elle ne peut répondre à sa soif de savoir :



J'ignore! Un mot, le seul par lequel je réponde

Aux questions sans fin de mon esprit déçu;

Aussi quand je me plains en parlant de ce monde,

C'est moins d'avoir souffert que de n'avoir rien su.



« Du mystère dmide amante » : Elisa Mercour.

A Nantes, Élisa Mercour (1809-1835) écrit très tôt, brûle d'une lueur trop vive et meurt. A douze ans, elle est déjà l'auteur d'une nouvelle et d'un portrait en vers; à seize, on commence à la connaître; à dix-huit, on la publie; à vingt, on la réédite. Chateaubriand lui adresse une lettre chaleureuse. Lamartine y va de quelque exagération : « Cette petite fille nous effacera tous tant que nous sommes. » Victor Hugo l'aide à obtenir une pension. Avant sa mort et après, des amis s'intéressent à elle et à son ouvre : la duchesse de Berry, Mm' Récamier, Guizot. Un vif éclat, un intérêt, puis la révolution de 1830 et une sorte de dédain injustifié. Elle meurt de phtisie, désespérée parce qu'une tragédie n'a pas été reçue, parce que sa jeune gloire est fuyante. Elle a déjà beaucoup écrit : théâtre, nouvelles historiques, roman de mours. En 1843, par les soins de sa mère, ses Ouvres complètes paraissent, avec un portrait de Devéria. Comme Hégésippe Moreau, elle a peu vécu et a connu une mort romantique.



Dans ses vers, elle s'adresse A Monsieur de Chateaubriand :



J'ai besoin, faible enfant, qu'on veille à mon berceau;

Et l'aigle peut, du moins, à l'ombre de son aile.

Protéger le timide oiseau.



Dans Philosophie (où nous sommes loin de Mme AckerrnanN), elle n'a pas oublié Gilbert l'infortuné convive :



Lorsque je vins m'asseoir au lèstin de la vie,

Quand on passa la coupe au convive nouveau,

J'ignorais le dégoût dont l'ivresse est suivie.

Et le poids d'une chaîne à son dernier anneau.



Et pourtant, je savais que les flambeaux des fêtes. Éteints ou consumés, s'éclipsent tour à tour. Et je voyais les fleurs qui tombaient de nos tètes. Montrer en s'effeuillant leur vieillesse d'un jour.



Dans la Feuille flétrie, des voix déjà entendues semblent ressusciter :



Pourquoi tomber déjà, feuille jaune et flétrie?

J'aimais ton doux aspect dans ce triste vallon.

Un printemps, un été furent toute ta vie,

Et tu vas sommeiller sur le pâle gazon.



En fait, elle se rattache aux élégiaques du xvme siècle tout autant qu'aux jeunes romantiques, sinon plus. Elle n'a pas une très grande personnalité, mais ses accents sont sensibles et naturels :



Qu'importe qu'en un jour on dépense une vie,

Si l'on croit en aimant épuiser tout son cour,

Et doucement penché sur la coupe remplie,

Si l'on doit y goûter le nectar du bonheur.



La Chaste muse de Mmc Ségalas.

A quinze ans, la petite Anaïs Ménard, fille de l'humoriste Charles Ménard, auteur de l'Ami des bêtes, devenait Mme Anaïs Ségalas (1814-1875). Deux ans après, elle publiait un recueil de circonstance, les Algériennes, 1831, que suivaient les Oiseaux de passage, 1836, Enfantines, 1844, la Femme, 1847, etc., recueils auxquels s'ajoute une ouvre théâtrale légère, comédies et vaudevilles, un drame aussi, des centaines de chroniques, des articles, des romans, des nouvelles. Elle a éparpillé ses vers dans les albums et les keepsakes, les journaux et les revues. On trouve un peu de tout. Ainsi, Dumas attribua à Victor Hugo ces Vers écrits au-dessous d'une tête de mort :



Lampe, qu'as-tu fait de ta flamme?

Squelette, qu'as-tu fait de l'âme?

Cage déserte, qu'as-tu fait

De ton bel oiseau qui chantait?

Volcan, qu'as-tu fait de ta lave?...

Qu'as-tu fait de ton maître, esclave?



Elle ajoutera :



Étais-tu femme et belle avec de longs cils noirs,

Des fleurs dans les cheveux, souriant aux miroirs?

Grand seigneur dépassant les tètes de la foule?

Jeune homme et délirant pour des yeux bruns ou bleus?

On ne sait; tous les morts se ressemblent entre eux :

La vie a mille aspects, le néant n'a qu'un moule.+





Et l'on trouvera dans les Oiseaux de passage, bien des rêveries macabres, sans pensée bien originale, mais avec une bonne expression :



Ils ont les os disjoints et l'orbite béant.

Un crâne aux larges trous, les dents sans lèvres roses,

Des membres dont la chair iremble et se décompose :

Êtres à part, sans nom, ils sont plus qu'une chose,

Moins qu'un homme; ce sont les hommes du néant.



Auprès de cela qui rappelle les inscriptions funéraires du moyen âge, elle donne des poèmes d'apitoiement mondain comme le Bal de charité :



Pour les pauvres, danse?, s'il vous plaît, ma charmante,

Le quadrille béni, la polka bienfaisante :

Que charitablement vos pieds prennent l'essor;

Sous les lustres passez, belle entre les plus belles,

Dansez, ô papillon, mais en ouvrant vos ailes, aissez au moins au pauvre une couronne d'or.



Comme elle sait bien tourner les vers, elle les applique à tous sujets, s'apitoyant sur la Pauvre femme en répandant sa commisération convenue, parlant en femme du monde du Gamin de Paris, en lui conseillant la bonne tenue. Elle est très « bon genre » cette dame :



Plus de propos qui font rougir les moins farouches;

Lancez les traits piquants, mais non des mots grossiers.

L'enfance sonne encor dans vos jeunes gosiers,

Et les gros mots vont mal sur vos petites bouches.



Cher Gavroche, qu'en dites-vous? Quand elle dédie ses Enfantines à sa fille, sans doute fort bien élevée, elle enchante les mères de famille de l'époque : sept éditions à la suite. Quand elle emprunte à l'univers des Fées, elle donne dans la gentillesse menue et cela peut avoir du charme :



Puis ce fut un jardin plein d'enfants, plein de rondes;

D'oiseaux, ambassadeurs qui venaient des deux mondes :

L'Asie envoyait là son bengali chéri,

Un frais sénégali représentait l'Afrique,

Un rossignol, l'Europe et l'écrin d'Amérique

Donnait un colibri.



Une fée apparut, mais presque imperceptible :

Les oillets dépassaient son petit corps flexible;

Son char frêle, où brillaient des perles pour essieux,

Allait glissant dans l'air, conduit par deux phalènes;

Une araignée avait, pour leur servir de rênes.

Tissé deux nls soyeux.



Anaïs Ségalas est pénétrée des devoirs de la femme et de la mère. Sa muse est chaste. Tout reste délicat, bien fait, sans rien qui pèse, et sans rien qui attache vraiment, a La plus grande de toutes celles qui n'eurent qu'un petit talent », dira Rosemonde Gérard.

Comme elle peignait des fleurs et des oiseaux...



... Il arriva que George Sand fît des vers pour s'amuser. Faut-il le dire? Aurore Dupin, baronne Dudevant, dite George Sand (1804-1876) fut poète dans les romans réalistes de son cher Berry, dans sa Correspondance, son Journal, ses souvenirs, dans sa vie et son action plus que dans ses rares poèmes qu'on cite pour la curiosité en ajoutant qu'ils en valent bien d'autres. Aussi a-t-on quelques scrupules à ne consacrer ici que quelques lignes à la femme la plus importante de son temps. On voudrait rappeler qu'elle a défendu le droit de la femme à l'amour, qu'elle a lutté contre l'exploitation de l'homme par l'homme, qu'elle a aimé des artistes comme Sandeau, Musset, Chopin, qu'elle a été l'amie des grands prophètes socialistes, qu'elle a défendu les travailleurs, qu'elle fut révolutionnaire dans les idées et dans les meeurs. Que sont auprès de cela quelques vers?



On cite la Reine Mab, ballade figurant dans les Soirées littéraires de 1833 :



Le pieux solitaire A cru souvent, la nuit,

Voir sa forme légère Glisser dans son réduit;

Mais, loin qu'il l'exorcise, A son regard si doux,

Pour un ange il l'a prise Et s'est mis à genoux.



Le 18 février 1836, Alfred de Vigny écrit dans son Journal d'un poète : « Quelques jours après la représentation de Chatterton et l'article de Planche, Musset et Madame Sand ont composé chacun un sonnet que voici : on me les donne aujourd'hui (BuloZ). » Tandis que Musset commence ainsi sa défense :



Ô critique du jour, chère mouche bovine,

Que te voilà pédante au troisième degré!



George Sand, moins à son aise que lui, ne s'en tire cependant pas trop mal :



Quand vous aurez prouvé, messieurs du journalisme,

Que Chatterton eut tort de mourir ignoré,



Qu'au Théâtre-Français on l'a défiguré,

Quand vous aurez crié sept fois à 1 athéisme,

Sept fois au contresens et sept fois au sophisme.

Vous n'aurez pas prouvé que je n'ai pas pleuré.

Et si mes pleurs ont tort devant le pédantisme,

Savez-vous, moucherons, ce que je vous dirai?

Je vous dirai : « Sachez que les larmes humaines

Ressemblent en grandeur aux flots de l'Océan;

On n'en fait rien de bon en les analysant;

Quand vous en puiseriez deux tonnes toutes pleines,

En les faisant sécher, vous n'en aurez demain

Qu'un méchant grain de sel dans le creux de la main. »



Ce n'est pas haute poésie, mais ce n'est pas mal dit, n'est-ce pas? Jeanine Moulin, dans son anthologie, a bien fait d'ajouter à ses extraits de la Reine Mab un passage des lettres d'un voyageur : en prose George Sand est plus riche de poésie que dans le poème.



La Très belle Delphine.



La renommée de Sophie Gay (1776-1842), romancière, femme d'esprit, maîtresse d'un salon qui recevait Chateaubriand et la société littéraire de qualité, rejaillit sur sa fille Delphine Gay, qui sera Mme de Girardin (1804-1855) : pourvue de tous les charmes, elle avait été baptisée à Aix-la-Chapelle, lieu de sa naissance, sur le tombeau de Charlemagne. Aimée, courtisée, ne faillit-elle pas devenir la Mmc de Maintenon du comte d'Artois dont elle chantera le Sacre? ne faillit-elle pas devenir comtesse de Vigny? et aussi l'épouse d'un prince italien? A dix-huit ans, l'Académie française la couronnait pour un poème au titre interminable : le Dévouement des médecins français et des sours de Sainte-Camille dans la peste de Barcelone. Allant de sujets intimes en sujets nationaux, on ne tarderait pas à l'appeler « la muse de la Patrie ». Elle écrit des poèmes intitulés le Bonheur d'être belle (il s'agit d'elle-mêmE), Madeleine, Ourika, ou bien la Vision de Jeanne d'Arc et l'Hymne à Sainte Geneviève ou des déplorations politiques qui lui assurent les sympathies du parti libéral : la Mort de Napoléon ou la Mort du général Foy. En Italie, avec sa mère, elle fait un voyage triomphal. Elle est une nouvelle Corinne, et, au retour, elle dit sa reconnaissance par des chants comme le Retour, la Pèlerine, le Dernier jour de Pompéi, par des élégies comme le Désenchantement, le Repentir, Napoline...

Comme sa mère, elle tient salon. Chez elle, on peut rencontrer tous les grands de la littérature nouvelle : son plus grand ami Lamartine, Hugo, Musset, Vigny, Soulié, Gautier, Emile Deschamps, Latouche, Balzac, Dumas, Villemain, Eugène Sue, son confrère Méry puisque comme lui elle écrit des tragédies : sa Cléo-pdtre, 1847, connaît le succès. Elle a épousé en 1831 le publi-ciste Emile de Girardin, un homme aventureux se mêlant d'entreprises politiques et littéraires, de naissance mystérieuse, sans cesse attaqué et toujours défendu par sa femme. Cette dernière continua à écrire des poèmes toujours remarqués : La Jeune fille enterrée aux Invalides, à propos de l'attentat de Fieschi, l'Épître à la Chambre des Députés quand on exclut son mari qu'elle appelait « Celui qui est là-haut » car il se couchait tôt dans une chambre au-dessus du salon. Au milieu des journées de 1848, elle lancera une diatribe Contre le général Cavaignac qui avait fait emprisonner Girardin. Par la suite, elle sera célèbre en signant Vicomte de Launay des Lettres parisiennes dans la Presse. Sans cesse, elle écrira : des romans, des tragédies, des comédies, avec une fortune inégale. Ses Poésies complètes, 1842, puis 1856, seront suivies de ses Ouvres complètes, 1860-1861. Au xixe siècle, on croyait plus volontiers à la survie du vicomte de Launay qu'à celle de Mme de Girardin. Qu'en est-il aujourd'hui? Elle est présente dans la plupart des anthologies féminines, et, sans être un bien grand créateur, elle y tient une place heureuse. Voici comment elle interprète la Nuit :



Ô nuit! pour moi brillante et sombre

Je trouve tout dans la beauté;

Tu réunis l'étoile et l'ombre,

Le mystère et la vérité.

Mais déjà la brise glacée De l'aube annonce le retour;

Adieu, ma sincère pensée; Il faut mentir!... voici le jour.



En vers de cinq pieds, voici une strophe de A quoi pense-t-ilf

Ange aux yeux de flammes,

Tu sais nos secrets;

Tu lis dans nos âmes.

Dis-moi ses regrets.

Sur l'onde en furie,

Cherchant le péril.

Loin de sa patrie,

A quoi pense-t-il?



Dans la Mort d'une jeune fille, elle mêle le chant politique à l'élégie



Dors en paix, victime innocente

Immolée à la royauté ;

Dors; la France reconnaissante



Rend hommage à ta pureté. En voyant les fleurs de ta tombe. Le peuple croyant d'autrefois Aurait dit : la sainte colombe Plane encor sur le Iront des Rois.

Le ton de la satire ne lui est pas étranger; ainsi, dans l'Argent :



Il faut rendre justice aux jeunes gens du jour :

Eux aussi, j'en conviens, ne font rien par amour.

Si l'on vient vous parler de quelque sot jeune homme

Qui consente à l'hymen sans une forte somme,

Dites, sans demander son nom : « C'est un Anglais! »

Si vous avez deux cents louis, pariez-les.



Elle a cependant plus de personnalité lorsqu'elle se laisse aller à la méditation poétique :



Misérable destin! Quoi!

Vivre sans son âme.

Méconnaître l'amour et toujours le rêver,

Parler, sans s'émouvoir, un langage de flamme,

Peindre un bonheur sans l'éprouver!



Dans l'ivresse des vers, lorsque ma voix flexible

Modulait des accords que le monde admirait.

Mon cour indépendant restait seul insensible

Aux chants d'amour qu'il m'inspirait.



Des poèmes d'amour comme II m'aimait, des confidences comme Napoline, des romances comme l'Étranger qui fut célèbre, malgré leur ton suranné, ou peut-être à cause de lui, pour le dépaysement, se lisent agréablement.



Une Grande provinciale : Eugénie de Guérin.



De cinq ans l'aînée de son frère Maurice de Guérin, Eugénie de Guérin (1805-1848) en fut, en quelque sorte, la mère, l'élevant, le soignant, nourrissant pour lui une affection tendre restée célèbre. Elle est née au château de Cayla, dans le Tarn. Ses principales ouvres, ses Lettres et son Journal, n'étaient nullement destinées à paraître : son grand ami Barbey d'Aurevilly, charmé par une personnalité certaine, s'en chargea. Peut-être moins formée que son frère par la lecture, mais d'une intelligence sans doute plus vive et acérée, sa lecture enchante par sa vivacité de penser, par son sens critique. Elle ne dédaigne pas, en bonne provinciale, de parler de cuisine. Quand elle monte à Paris, elle juge à sa façon les hommes et les femmes : « Le soir, dit-elle, nous avons la salle de spectacle en face, et nous nous amusons, Caroline et moi, à voir s'habiller les acteurs, les actrices, se faisant rois et reines en se donnant des coups de pieds. Pauvre canaille! » Et ce jugement sur Victor Hugo : « Quel homme que Hugo! je viens d'en lire quelque chose : il est divin, il est infernal, il est sage, il est fou, il est peuple, il est roi, il est homme, femme, peintre, poète, sculpteur, il est tout, il a tout vu, tout lait, tout senti; il m'étonne, me repousse et m'enchante. »



Elle a fait peu de vers et l'on cite toujours Ma Lyre qui est sans intérêt :



Aux flots revient le navire,

La colombe à ses amours;

A toi je reviens, ma lyre,

A toi je reviens toujours...



On préfère lire ce fragment :



Que mon désert est grand, que mon ciel est immense!

L aigle, sans se lasser, n'en ferait pas le tour;

Mille cités et plus tiendraient en ce contour;

Et mon cour n'y tient pas, et par-delà s'élance.

Où va-t-il? Où va-t-il? Oh! Nommez-moi le lieu!

Il s'en va sur la route à l'étoile tracée;

Il s'en va dans l'espace où vole la pensée;

Il s'en va près de l'ange, il s'en va près de Dieu!...



Ou, mieux encore, un passage de sa prose :

En lisant un livre de géologie, j'ai rencontré un éléphant fossile découvert dans la Laponie, et une pirogue déterrée dans l'île des Cygnes en creusant les fondations du pont des Invalides. Me voilà sur l'éléphant, me voilà dans la pirogue, faisant le tour des mers du Nord et de l'île des Cygnes, voyant ces lieux du temps de ces choses; la Laponie chaude, verdoyante et peuplée, non de nains, mais d'hommes beaux et grands, de femmes s'en allant en promenade sur un éléphant, dans ces forêts, sous ces monts pétrifiés aujourd'hui; et l'île des Cygnes, blanche de fleurs, et de leur duvet, oh! que je la trouve belle!...

Une autre femme poète, Céline Renard (née en 1834), qui publia des Élévations sous le pseudonyme de Marie Jenna, lui a dédié un poème Au Cayla, écrit sur sa tombe :



C'est là qu'elle vivait, belle fleur solitaire,

Entre un rayon du ciel et l'ombre du mystère.

Lorsque sur son coteau Dieu la cueillit pour nous.

Sentiers qu'elle foula, vous en souvenez-vous?

O triste et doux passé! souvenirs pleins de charmes.

Passant, donne à sa tombe et des chants et des larmes!



Quelques femmes poètes nées avant le siècle.

M1T Waldor, née Villenave (1796-1871), fille d'un journaliste nantais, protégea Victor Hugo à ses débuts, fut l'amie de Vigny, Musset, Nerval, Dumas, écrivit de la littérature pour enfants, des pièces de théâtre, des Lettres d'un bas bleu, des Poésies du cour, 1831. Son chant, très doux, reste peu ambitieux. Marie pleure d'entendre sur les lèvres du bien-aimé un nom qui n'est pas le sien. Le Bal est évoqué nostalgiquement :



Heureux temps, où mes pieds, dans leur folle vitesse.

Semblaient ne pas poser sur le parquet glissant;

Où mes regards, n ayant ni langueur ni tristesse,

Trouvaient tout ravissant.



Car ma jeune âme était paisible comme l'onde

Sur laquelle un beau jour avant l'orage a lui.

Et souriait au monde, hélas! tant que ce monde

Pour moi n'avait pas lui!



Et les émois de l'amour :



Ô mon Dieu! c'est bien lui,... lui, qui m'a tant aimée, Lui, qu'attendant toujours je n'espérais plus voir...

Mais il dort, et tout bas je crois qu'il m'a nommée...

A ses pieds doucement je vais aller m'asseoir.



Elle est rêveuse, touchante, d'un romantisme atténué, peu originale. Elle écrit des poèmes d'amour calme et blessé. « Je suis jalouse de tes rêves » dit-elle au bien-aimé. Une poésie frissonnante, un murmure, presque rien, mais un joli rien.

La Maison d'Obermann : c'est un poème de Clémence Robert (1797-1872), Mâconnaise, connue en son temps comme une romancière étrange dont on disait qu'elle « poétisait les monstres ». Hip-polyte de La Morvonnais et Sénancour, son dieu, l'encouragèrent. Elle fut l'amie intime de MT Récamier. Exilée des anthologies, sa poésie mystique a des beautés secrètes :



Vous, fils du globe, éclos dans l'argile ignorée,

Et qui croyez toujours vous élever assez

Alors, que vous montez à sa couche dorée;

Vous, nourris d'ambroisie et d'air serein bercés,

Enfants, vous passerez du monde comme passe

Le ruban parfilé que l'air jette à l'espace,



La perle du collier, dont le globe irisé Ne laisse que poussière au doigt qui l'a brisé. Sur votre coupe d'or voyez la mousse blanche, A votre lèvre à peine elle brille et se penche, Que s'enfuit en vapeur son limpide réseau; Ainsi vous passerez en brillantes fumées, Enfants du monde, esprit des coupes parfumées, En touchant à la bouche avide du tombeau.



D'une famille écossaise, Angélique Gordon (1791-1839), trompée dans ses affections, se retira au couvent et écrivit des romans moraux et des Écrits poétiques d'une jeune solitaire, 1826, où domine le sentiment religieux :



Quoi! j'ose à vos tourments comparer mes souffrances,

Vous qui, pour mes péchés, êtes mort sur la croix!

Ô mon Dieu! pardonnez!... j'ai mérité cent fois



Le châtiment de mes offenses!

Une vapeur brillante avait séduit mon cour,

Je m'égarais dans une nuit profonde;

Mais pour me détacher du monde

Vous m'avez envoyé l'ange de la douleur!...



Trompée elle aussi, Caroline de Marguerge d'Hautefeuille (1788-1862), dans Souffrances, 1834, et Fleurs de tristesse, 1852, répand ses larmes. Philippine Vannoz, née de Sivry (1775-1851), pleure sur Louis XVI, élégie, ou sur la Profanation des tombeaux de Saint-Denis, puis met un peu de romantisme, très peu, dans ses Poésies fugitives, 1812, et ses Poésies, 1845. L'originalité de Marie-Madeleine Joliveau de Segrais (1756-1830) est d'écrire des Fables, 1802, car les femmes fabulistes sont, et c'est curieux, fort rares. Mais l'Aigle et le ver ressemble à du déjà lu :



L'aigle disait au ver, sur un arbre attrapé :

Pour t'élever si haut, qu'as-tu fait? J'ai rampé.



Et citons encore Elisabeth Bayle-Mouillard, née Canard (1796-1836), de Moulins, pour un poème en quatre chants sur l'Inquisition, 1824.



Atavismes poédques.

La fille de Marceline, Ondine Valmore (1821-1853) qu'aima Sainte-Beuve a laissé des Cahiers où l'on trouve son Adieu à l'enfance :



Adieu mes jours enfants, paradis éphémère!

Fleur que brûle déjà le regard du soleil.

Source dormeuse où rit une douce chimère,

Adieu! L'aurore fuit. C'est l'instant du réveil!



J'ai cherché vainement à retenir tes ailes

Sur mon cour qui battait, disant : « Voici le jour! »

J'ai cherché vainement parmi mes jeux fidèles

A prolonger mon sort dans ton calme séjour;



L'heure est sonnée, adieu mon printemps, fleur sauvage;

Demain tant de bonheur sera le souvenir.

Adieu! Voici l'été; je redoute l'orage;

Midi porte l'éclair, et midi va venir.



Elle a parfois des accents d'un bien étrange réalisme :



Cueillons le jour, buvons l'heure qui coule;

Ne perdons pas de temps à nous laver les mains,

Hâtons-nous d'admirer le pigeon qui roucoule,

Car nous le mangerons demain.



Ou bien, elle fait penser à Alfred de Musset :



J'ai pleuré, j'ai souffert, je ne crains plus la vie;

A ma pente inclinée en rêvant je la suis;

Je ne lutterai pas, regretteuse asservie Que je suis.



Je dirai seulement : que m'importent la route,

Les rigueurs du sommet, les ruisseaux des vallons;

Marchons, marchons toujours. A la mort qu'on redoute,

Nous allons.



IDans son Automne, le fruit se fond en jouissance et annonce le renouveau :



Vois ce fruit, chaque jour plus tiède et plus vermeil.

Se gonfler doucement aux regards du soleil!

Sa sève, à chaque instant plus riche et plus féconde,

L'emplit, on le dirait, de volupté profonde.



Sous les feux d'un soleil invisible et puissant,

Notre cour est semblable à ce fruit mûrissant.

De sucs plus abondants chaque jour il enivre,

Et, maintenant mûri, il est heureux de vivre.



L'automne vient : le fruit se vide et va tomber,

Mais sa gaine est vivante et demande à germer.

L'âge arrive, le cour se referme en silence,

Mais, pour l'été promis, il garde sa semence.



La fille de Charles Nodier, la séduisante Marie Nodier qui sera Marie Ménessier-Nodier (née en 1811) appartient à l'histoire romantique. Jeune fille de la maison, à l'Arsenal, elle se mêla à ces jeunes gloires dont son père aimait s'entourer. Victor Hugo lui adressa de belles strophes. Musicienne, elle charma par ses mélodies. Elle a laissé un recueil, les Perce-neige, des nouvelles, des articles, des souvenirs sur son père qu'elle rédigea quand elle se retira à Metz. Son poème Pour endormir ma fille, est souvent cité :



C'est moi qui baise son sommeil,

C'est moi qu'elle trouve au réveil,

Éveillée; Bientôt pourtant, si je mourais,

De ce cour léger je serais

Oubliée.



On pourrait lui donner pour écho un poème pour endormir un fils intitulé Une mère et son enfant :



Dors, mon fils, que toujours ces rameaux, heureux voiles,

Sans dérober ton Iront aux baisers des étoiles,

Te protègent, bercés par ces flots murmurants.



Il est de la fille d'un autre romantique, Alexandre Soumet, dont le nom de dame est Gabrielle Beuvain d'Altenheim (1814-1866). Comme Marie Nodier, elle grandit parmi les romantiques. Jules Janin a préfacé son roman en vers Berthe Bertha, 1843; son recueil la Croix et la lyre contient des vers de son père dont elle termina le poème sur Jeanne d'Arc.

La fille d'un publiciste de l'époque, Louis-François Bertin, fondateur dujournal des Débats, Louise-Angélique Bertin (1805-1863), dans Glanes compare la Mort et la Vie :



Si la mort est le but, pourquoi donc sur les routes

Est-il dans les buissons de si charmantes fleurs?

Et lorsqu'au vent d'automne elles s'envolent toutes,

Pourquoi les voir partir d'un oil momifié de pleurs?



Si la vie est le but, pourquoi donc sur les routes

Tant de pierres dans l'herbe et d'épines aux fleurs,

Que, pendant le voyage, hélas! nous devons toutes

Tacher de notre sang et mouiller de nos pleurs?



Elle était heureusement meilleure musicienne que poète. L'épouse de Pierre-Jean Lesguillon, Hermance Lesguillon, née Sandrin (en 1810) pense que la femme, depuis Molière, a évolué :



S'il revenait, Molière, il verrait avec joie

La lèmme l'admirer en dévidant la soie,

Et la jeune ouvrière, en tournant un chapeau,

Commenter La Fontaine et réciter Boileau.



Elle fait partie des admiratrices de Marceline Desbordes-Val more :



Oh! laissez-moi vous parler d'elle!

Elle est sour de mon âme et d'un écho touchant

Palpite encore en moi sa langue maternelle;

Je l'aime! elle est du cour le plus tendre modèle,

Quand j'étais à l'aurore, elle était mon couchant,

Et lorsque mon rayon fut béni par sa gloire,



Je 1 ai chantée; elle aime mon encens!

Aujourd'hui son beau nom reste dans ma mémoire!

Puisse son souvenir conserver mes accents!



Mais la gentille Hermance ne s'élève guère au-dessus de poésies charmantes dans ses Rayons d'amour ou ses Mauvais jours. Là, règne l'élégie tranquille qui chante l'Automne ou compare l'Ame et l'abeille :



Va, lorsqu'un jour tu seras lasse

Comme cette abeille qui passe

Et court à la ruche finir,

Tu dépouilleras la jeunesse

Pour alimenter ta vieillesse

Du fruit qu'on nomme souvenir.



Puisque nous sommes dans les liens familiaux, rencontrons la nièce de l'historien des ducs de Bourgogne, Barante. Née Bazan-court, elle se nomme Sophie d'Arbouville (1810-1850) et se montre aérienne quand se rencontrent la Jeune fille et l'Ange de la poésie :



- L'ange reste près d'elle; il sourit à ses pleurs,

Et resserre les nouds de ses chaînes de fleurs;

Arrachant une plume à son aile azurée,

Il la met dans la main qui s'était retirée.

En vain, elle résiste, il triomphe... il sourit...

Laissant couler ses pleurs, la jeune femme écrit.



Le Temps des soupirs.



A la Maison de Saint-Denis, la poésie fleurit. La responsable en est Félicie-Marie-Émilie d'Ayzac (1810-1891), professeur et personnage éminent, historiographe impériale pourvue de bien des titres. Poète, elle donne des Soupirs, 1847, où elle reprend un thème constant dans la poésie de cette époque, le Nid :



Arbres hospitaliers! prêtez-leur vos ombrages;

Sur eux avec amour penchez vos bras amis :

Non, par moi vos secrets ne seront point trahis.

Et seule, chaque jour, rêvant dans ces bocages,

Je viendrai visiter sous vos légers feuillages,

L'asile où j'ai compté quatre faibles petits.



Elle prit sous son aile une de ses élèves, Zoé Fleurentin (1815-1863) qui a laissé un petit volume de Poésies où l'on trouve de jolis vers :



Sur la lyre tissant mes douces mélodies,

Tantôt j'ai fait gronder un hymne à la vertu;

Et tantôt, soupirant, mes lèvres moins hardies

Ont tout bas murmuré : « Printemps, que me veux-tu? »



Restant toujours fidèle à l'essaim de mes rêves,

Jamais je n ai maudit l'extase de l'amour,

Ni condamné ceux qui, dans des heures trop brèves,

Prononcent des serments qu'ils oublieront un jour.



Autre élève de la célèbre maison, Pauline de Flaugergues (1810-1853) chanta aussi bien le Tage romantique que le val d'Aulnay. Souvenez-vous de moi, écrit-elle en évoquant la Heur chère à Hégé-sippe Moreau :



Mon oil distrait, errant dans la prairie,

T'a reconnue avec transport.

Suis-moi, rappelle à mon âme attendrie

Les moments passés sur ce bord.

Mais non, fleuris et meurs sur ce rivage,

J'y voudrais mourir près de toi...

Je pars... Vous tous dont j'emporte l'image,

Souvenez-vous de moi!



Céleste-Demante Guinard (1804-1860) qu'encouragea Lamartine dans ses élégies, Auguste et Noémi, 1843, ou ses Poésies du foyer, 1847, brode des poèmes trop longs pour leur contenu de vague mélancolie ou de moralisme familial. Mme de Pressensé, née Default (1826-1901) imite Longfellow :



Ah! ne me dites pas que la vie est un rêve,

Une ombre qui s'enfuit et flotte sous mes pas;

C'est le temps de la lutte, et si rien ne s'achève,

L'éternel avenir a son germe ici-bas.



La vie est un combat, la vie est une arène

Où le devoir grandit du triomphe obtenu;

C'est le sentier qui monte, et pas à pas nous mène

Aux sommets d'où la vue embrasse l'inconnu.



Grave, cette femme de pasteur suisse, écrit en essayant d'être digne de sa foi, dans une ligne nette :



Laisse au vague avenir ses lointaines promesses.

Au stérile passé son sourire d'adieu;

Bannis les rêves d'or et les molles tristesses,

Le présent est à toi, mais le reste est à Dieu.



Caroline Lelaure, née Michel (en 1817) est aussi un poète religieux avec Pleurs et prières, 1852, dans le genre familier, consacrant un poème aux Cloches :



Quand vous mêlez vos sons à l'air que je respire,

Non, tout ce que je sens, je ne puis le redire.

Mais j'entends une voix qui m'appelle au

Seigneur, D'un saint frémissement s'anime et bat mon cour.



Louise Riom (née en 1821) prend pour pseudonyme Louise d'Isolé et publie des recueils : Passions, 1864, Après l'amour, 1867, écrit en vers sur l'Enchanteur Merlin. Elle commente volontiers le vers d'Ovide, Tu sine me ibis in urbem :



Pour la dernière fois, oh! laissez-moi, mon livre,

Rassembler vos feuillets, par mes larmes flétris;

Au souffle du ciel je vous livre,

Qu'il vous emporte vers Paris!



Je e comprends maintenant ces plaintes d'un grand homme, u fond d'un sombre exil disant en son émoi :

« Mon livre, vous irez à Rome!

Hélas! et vous irez sans moi! »



Rose-Céleste Vien, elle, connaît aussi les langues grecque et latine, traduisant Anacréon en 1825 et ^e$ Baisers de Jean Second en 1832, écrivant elle-même d'élégants vers latins, ou, en français, des légendes en vers, des romances, comme Minuit qui connut un grand succès :



J'entends sonner la douzième heure

Et dans ma paisible demeure

Le doux sommeil entre sans bruit :

Il est minuit...



Du troubadour la voix sonore

Éveille un luth plus doux encore;

Phoebé se voile et le conduit;

Il est minuit.



« Le talent peut se singer; le génie, jamais » écrit Claudia Bachi (1825-1864) et aussi : « Il n'y a pas de prosateur détestant la poésie qui ne se soit exercé dans ce genre de littérature et qui n'ait pas réussi. » Il passe un peu de ses sentences dans des poèmes dont le fond est bien banal et où les épithètes forment un morne troupeau, donnant l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire :



La vie est triste, courte, arrière et décevante;

Nous ne savons jamais si nous sommes aimés;

Nous ne savons jamais si l'ami qui nous vante

Ne nous a pas d'un mot la veille diffamés.



L'épouse de François Fertiault, Julie Fertiault, chante l'enfance de la manière la plus laborieuse et mièvre qui soit, épuisant l'arsenal des « blonds chérubins » et autres anges. Louise-Eugénie Hervieu, dame Casanova (1825-1908) qu'on appelle « la Muse du Berry » donne de modestes Fleurs des champs, 1869, auxquelles répondent, si l'on veut, les Echos des bois de Mélanie Bourotte (née en 1832), fille d'un inspecteur des eaux et forêts. Cette dernière a des admirateurs comme Thaïes Bernard ou le marquis de Laincel qui la place à côté de Lamartine. En fait, elle est sans grande personnalité poétique, glissant simplement un peu de panthéisme végétal dans une poésie catholique des plus orthodoxes.



Curiosités.



Fanny Denoix des Vergues, née Descampeaux (1800-1894), si elle n'écrit pas des poèmes patriotiques, des études historiques ou de languides Heures de solitude, 1837, a la curieuse ambition de mettre en vers les Mystères de Paris.

Léocadie-Auguste Penquer (née en 1827) reçoit l'inspiration de Lamartine dans ses Chants du foyer, 1862, celle de Victor Hugo dans ses Révélations poétiques, celle de Chateaubriand dans une Velléda, poème épique en douze chants, où elle éveille les vieilles légendes bretonnes. Comme Musset, elle écrit Une Nuit de Décembre :



Connaissez-vous la nuit?

Non celle qui finira sur l'aile de minuit

Pour se perdre dans l'ombre où son vol se dérobe;

Mais la nuit qui revient vers nous, traînant sa robe.

Et cachant dans les plis d'un manteau de vapeur

Le spectre frissonnant qu'on appelle la peur?



La femme de Francisque Ducros,

Marie-Louise Ducros, née Gayo de

Fiorini, a chanté sa terre natale :



Naples, Naples, cité splendide,

Qui reposes comme Hespéride

En tes parterres enchantés,

Les pieds caressés par les ondes,

Le sein dans les fleurs des deux mondes,

Le front couronné de clartés! et aussi les Flocons de neige, 1867. Elle aime les nids qu'elle compare aux berceaux, les rêveries près des ruisseaux et ses poèmes, de mètres courts, ont le charme de douces barcarolles.

Ernestine Drouet, née Mitchell (en 1834), protégée de Monseigneur Dupanloup de belle mémoire et de Béranger (curieuse alliancE) n'a chanté que le bien : Carita, 1868, la Sour de charité au XIXe siècle, poème couronné par l'Académie française.

Des lauriers académiques, une dame en a reçu plus que tout autre pour des poèmes intitulés le Musée de Versailles, le Monument de Molière ou l'Acropole d'Athènes. C'est Louise Colet, née Révoil (1810-1876), d'Aix-en-Provence, non pas une pâle dame romantique ou une prêtresse du foyer domestique, mais une solide méridionale qui veut tout régenter. Elle se rajeunit s'il le faut, se dit faussement fille d'un peintre, fait de son mari musicien un aristocrate, veut arriver très haut très vite. On la verra projeter ses fureurs contre Gustave Flaubert ou Alphonse Karr, tenter de ramener Musset à la vertu (dans son roman Lui, elle parle surtout d'elle-mêmE), séduire Vigny sur le tard, aller chez Mme Récarnier, chercher une gloire pour laquelle elle ne semble pas très armée, d'autres plus intellectuelles ou d'un niveau social plus élevé la dépassant. Elle a écrit des comédies comme la Jeunesse de Goethe, 1839, un Essai sur la philosophie de Campanella, 1844, de nombreux ouvrages historiques, des relations de voyage, notamment celui d'Italie où à Ischia, elle fut accusée de répandre le choléra :



Leur fureur me tenait captive

Dans une adorable villa,

Tandis qu'un prêtre sur la rive

Criait au peuple : « Assommez-la!



Avec le diable du Vésuve

Cette nuit elle conféra

De l'enfer elle a bu l'effluve

Pour vous vomir le choléra. »



Pour être plus sérieux, évoquons ses Fleurs du Midi ou Penserosa (qui devint son surnoM), des poèmes d'éloges assez pompeux dédiés aux grands hommes, des chants romantiques à la mode, comme Au bord du fleuve :



Qh! que nous voulez-vous, vagues insidieuses!

Parlois vous vous dressez avec des bruits si doux

Que l'essaim éperdu des âmes malheureuses

Voudrait aller à vous.



Montez, montez vers ceux que l'angoisse consume!

Couvrez leurs pieds lassés et leurs fronts abattus;

Ensevelissez-les dans votre blanche écume,

Vous pleurerez sur eux quand ils ne seront plus.



Grande amoureuse, on se réfère plus volontiers à ses amours célèbres qu'à sa poésie et l'on a en cela quelques torts envers elle, car elle vaut nombre de ses consours mieux accueillies.

Élise Gagne, née Moreau de Rus (en 1813) avait commencé dans son enfance à rimer gentiment, ce qui séduisit le préfet de Niort où elle vivait. Il lui donna des lettres de recommandation pour Paris où elle se rendit avec sa mère. Elles furent fort bien accueillies, notamment chez M"" de Bawr dont Élise écrira YÉloge, à sa mort, en 1861. Le premier recueil de celle qu'on appelait encore Élise Moreau, Rêve d'une jeune Jille, 1837, comme Une Destinée, scènes de la vie intime, Souvenirs d'un petit enfant, etc., ne laissaient guère prévoir sa collaboration aux ouvres de son curieux mari. Ainsi, Tristesse :



Mais quoi! je n'ai plus de pensées!

Elles ont pâli sous mes pleurs;

L'air de Paris les a glacées,

Comme l'hiver glace les fleurs!

De mes derniers accords vibrante,

Comme la voix d'une mourante,

Ma lyre se tait pour toujours :

Adieu donc, sainte poésie!...

Hélas! mon cour t'avait choisie

Pour appuyer mes tristes jours !



Ce romantisme ne semblait pas la prédestiner à seconder son anti-romantique de mari. Mais, Bonne Jille et bonne mère, comme le dit un de ses poèmes, elle devait être bonne épouse :



Sois bonne fille,

Emma, tu seras bonne mère;

Tu verras qu'ici-bas le bonheur le plus doux,

Le seul, qui ne soit une ombre passagère.

C'est d'aimer ses enfants et chérir son époux.



Ayant épousé Paulin Gagne, elle épousera également ses conceptions hors du commun, écrivant Otnégar ou le dernier homme, en douze chants, 1858, sans oublier d'écrire quelques livres pour l'enfance. Elle collabore aux grands poèmes de Paulin Gagne comme l'Unitéide ou la femme messie, le Calvaire des rois, etc. Dès lors sa poésie se confond avec celle du personnage peut-être le plus étonnant de son temps.



La Poésie des travailleuses.

Des femmes de condition modeste ont écrit des poèmes qui valent bien ceux de nombreuses femmes du monde rencontrées ici, et qui jouent les dames de charité ou les évaporées mélancoliques. On sait l'intérêt que les romantiques, surtout Lamartine et George Sand (cette dernière plus sincèrE), ont voué aux poètes ouvriers, en y mêlant de la démagogie, un brin de paternalisme, certes, mais qui valent mieux que le silence.

Lamartine a encouragé trois femmes poètes : Antoinette Quarré, Cécile Duf'our et Reine Garde. La première, Antoinette Quarré (1813-1847) était lingère à Dijon. Elle prit goût à la poésie non en lisant ses contemporains, mais la Zaïre de Voltaire. Ses Poésies, 1843, sont sa seule publication : son existence difficile rendit sa carrière très courte. Comme le relate Michel Ragon dans son indispensable Histoire de la littérature prolétarienne, Lamartine lui écrit :



Quand, assise le soir au bord de ta fenêtre,

Devant un coin de ciel qui brille entre les toits,

L'aiguille matinale a langue tes doigts

Et que ton front comprime une âme qui veut naître...



De passage à Marseille, il rencontre Reine Garde (1810-1887), mercière d'Aix-en-Provence venue à pied au-devant de lui. Dans la préface de Geneviève, il la décrit : « Elle était vêtue en journalière de peu d'aisance : une robe d'indienne rayée, déteinte et fanée, un fichu de coton blanc sur le cou, ses cheveux noirs proprement lissés mais un peu poudrés comme ses souliers... » Il juge ainsi ses poèmes qui devaient former la matière du recueil Essais poétiques, 1851, avant sa Marie-Rose, 1855 : « C'était naïf, c'était gracieux, c'était senti... C'était elle; c'était l'air monotone et plaintif qu'une pauvre ouvrière se chante à mi-voix à elle-même, en travaillant des doigts auprès de la fenêtre, pour s'encourager à l'aiguille et au fil. » Les mêmes mots que pour Antoinette Quarré, on le voit. Reine Garde n'a pas renié sa patrie provençale puisqu'elle a écrit en langue d'oc quelques poèmes. Voici ce qu'elle écrit A mes hirondelles :



L'hiver au doux printemps vient de céder la place,

Mars de sa tiède haleine a réchauffé l'espace,

La prairie étale ses fleurs :

Revenez donc, mes hirondelles,

Ne me soyez point infidèles,

Revenez, le bruit de vos ailes

A l'instant suspendra mes pleurs.



Laissant au rossignol les arbres du bocage,

Dans mes vases garnis de fleurs et de feuillage,

Gazouillez du matin au soir.

Je veux que chacune en dispose,

Et pour mieux becqueter la rose,

La giroflée à peine éclose,

Penchez-vous sur mon arrosoir.



Ouvrière modiste, Césarie Bontoux donne un poème, le Bonheur, dans l'Athénée ouvrier de Marseille où s'expriment des travailleurs et dont nous reparlerons plus loin. A l'autre bout de la France, Rose Harel (née en 1830), servante de campagne à Lisieux, a été inspirée par les travaux des champs dans l'Alouette aux blés, 1863, recueil publié grâce à une souscription. Michel Ragon cite la Normande Marie Rose pour ses Églantines, 1842. Élisa Fleury, brodeuse, figure dans une anthologie de 1841, Poésie sociale des ouvriers. Marie-Caroline Quillet (1835-1867) était meunière. Elle dit Ce qu'il faut au poète :



Enfant de la nature,

H lui faut ses bouquets;

Ses tapis de verdure

Et l'or de ses guérets.



Mais il faut au poète

Des rythmes inconnus,

Les clartés du prophète

Et les nuits de Jésus.



Il lui faut des études

Aux aspects infinis :

D'austères solitudes

Pour nourrir ses esprits.



C'est là que le génie,

Au souffle créateur,

Infiltre l'harmonie

Dans le front du penseur...



Si elle dit sa Mélancolie, elle sait où trouver sa consolation, en bonne fille de nature :



Pourquoi pleurer, quand la forêt s'embaume.

Quand tout renaît, plus joyeux et plus pur.

Et quand l'iris, en couronnant le chaume,

Verse à nos sens les parfums et l'azur?



Une autre ouvrière, Augustine-Malvina Blanchecotte (1830 - après 1895) fut soutenue par Lamartine et Béranger qui lui vouait une affection paternelle. Elle accéda à une condition sociale supérieure, mais n'oublia pas les jours mauvais. Béranger lui écrivit :



A franchir les sentiers d'une vie inégale,

Le ciel ne peut vouloir vous aider à demi :

Vous joignez aux vertus que prêche la fourmi

Les plus doux chants de la cigale.



Ses Nouvelles poésies, 1861, après ses Rêves et réalités, 1856, signés « Mme B., ouvrière et poète », ses proses ascétiques, nées des difficultés de sa vie, ont de la fermeté. Comme elle dit d'un de ses personnages, « la pauvreté lui a valu cette rude éducation solitaire, qui a mis une écorce autour de son âme, pour ne rien laisser évaporer des trésors qui y sont renfermés ». Une intense spiritualité domine ses poèmes comme lorsqu'elle salue le Sommeil :



Les perdus, les absents, les morts que fait la vie,

Ces fantômes d'un jour si longuement pleures,

Reparaissent en rêve avec leur voix amie,

Le piège étincelant des regards adorés.



Les amours prisonniers prennent tous leur volée,

La nuit tient la revanche éclatante du jour.

L'aveu brûle la lèvre un moment descellée.

Après le dur réel, l'idéal a son tour!



ô vie en plein azur que le sommeil ramène,

Paradis où le cour donne ses rendez-vous,

N'es-tu pas à ton heure une autre vie humaine,

Aussi vraie, aussi sûre, aussi palpable en nous,



Une vie invisible aussi pleine et vibrante

Que la visible vie où s'étouffent nos jours,

Cette vie incomplète, inassouvie, errante,

S'ouvrant sur l'infini, nous décevant toujours?



Elle écrivit encore en prose des Tablettes d'une femme pendant la Commune, 1872, les Militantes, 1875, ^ Long de la vie, 1876.

Les femmes poètes furent plus que tout autres sensibles aux voix du romantisme. Après deux siècles assez pâles, la nouvelle école a éveillé leurs voix. Du romantisme, il en restera chez les poètes et poétesses que nous rencontrerons aux périodes parnassiennes et symbolistes, à la charnière du siècle où les accents seront de plus en plus voluptueux. La contribution de Mme de Staël et de quelques autres à la naissance du grand mouvement de rénovation montre que si la femme n'a pas encore trouvé l'égalité nécessaire, elle apporte une complémentarité importante. Une Marceline Desbordes-Valmore précède les plus grands. Comme au temps de Louise Labé, l'aventure poétique des femmes, leur apport à la sensibilité, leurs trésors personnels sont déversés dans le grand ensemble dont nous essayons de narrer l'histoire. De nouvelles générations féminines vont apparaître dans le second volume consacré à la poésie du XIXe siècle.





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