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Les politiques des Lumières






Au XVIIIe siècle, la gloire du prince responsable devant Dieu seul du salut de ses sujets, la lutte contre le temps et les passions destructeurs des formes politiques et sociales ne constituent plus la finalité de la vie en société. L'organisation politique se légitime en permettant l'accès au bonheur individuel et collectif. Cette substitution qui, non sans résistances, s'opère au cours du siècle, se fonde sur un changement radical de perspective : l'individu est désormais conçu comme le fondement de la cité, l'avenir est une promesse et le bonheur une fin. La raison et le travail doivent permettre à l'homme de jouir de ses connaissances et de ses biens, de concilier son plaisir personnel et l'intérêt général. C'est là une affirmation commune aux politiques des Lumières.





1. L'absolutisme éclairé et son dépassement



Le bon prince - monarque éclairé, prince entouré de philosophes, « philosophe-roi » ou, pour les physiocrates, « prince économiste » - est précisément celui qui, ayant su vaincre les forces qui font obstacle au progrès, sait assurer la convergence des intérêts particuliers. Au XVIIIe siècle il n'est jamais question de « despotisme éclairé », expression qui ne sera employée qu'à partir du XIXe siècle. Catherine II de Russie, Frédéric II de Prusse sont considérés par leurs admirateurs philosophes comme des « monarques éclairés » ou comme des « princes philosophes ». Le terme « despote », indissociable de l'Orient (le despotisme oriental, mal politique absolu, dénoncé par Montesquieu dans les Lettres persaneS), demeure fondamentalement péjoratif. Le prince éclairé, si absolu que soit son pouvoir, ne peut être despote : figure exemplaire par son ouverture aux leçons de la philosophie, il ne peut en aucun cas fouler aux pieds les droits naturels des hommes et des peuples.

Pour Voltaire il est d'abord des formes de gouvernement à éviter : la monarchie de droit divin porte en elle l'intolérance et la guerre et le gouvernement aristocratique ou féodal est plus redoutable que le despotisme d'un seul :



Si je n'ai qu'un despote, j'en suis quitte pour me ranger contre un mur lorsque je le vois passer, ou pour me prosterner, ou pour frapper la terre de mon front, selon la coutume du pays ; mais s'il y a une compagnie de cent despotes, je suis exposé à répéter cette cérémonie cent fois par jour, ce qui est très ennuyeux à la longue, quand on n'a pas les jarrets souples.

Voltaire, Dictionnaire philosophique, art. « Tyrannie », 1764.



Seules comptent en fait pour Voltaire les mesures effectives prises par les gouvernants pour « écraser l'Infâme », pour mettre un terme aux querelles religieuses et aux prétentions exorbitantes du clergé et des grands :



On vous l'a déjà dit, et on n'a d'autre chose à vous dire : si vous avez deux religions chez vous, elles se couperont la gorge ; si vous en avez trente, elles vivront en paix. Voyez le grand Turc : il gouverne des guèbres, des banians, des chrétiens grecs, des nestoriens, des romains. Le premier qui veut exciter du tumulte est empalé, et tout le monde est tranquille.

Voltaire, Dictionnaire philosophique,art. « Tolérance », 1764.



De l'admiration pour la monarchie constitutionnelle anglaise au soutien des monarchies prussienne et russe, Voltaire fait preuve d'indifférence quant aux formes de gouvernement et d'un pragmatisme politique certain.

Cependant, dans ses derniers écrits, Diderot souligne le caractère illusoire des espoirs en un absolutisme éclairé et réformateur auquel il a donné, comme Voltaire, des gages. Du Supplément au voyage de Bougainville ( 1772) à l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron ( 1779), Diderot rappelle avec une insistance croissanté que le problème essentiel est celui du malheur de l'homme social assujetti aux codes religieux et civils qui se contredisent entre eux et contredisent la nature en introduisant tyrannie, inégalité et corruption. L'éducation peut certes modifier, avec le temps, les êtres : les réformes éducatives que Diderot conseille à Catherine II vont dans ce sens. Mais le scepticisme de Diderot quant aux « rois philosophes » ne fait que croître. Quand Frédéric II de Prusse réfute l'Essai sur les préjugés de d'Holbach (1770), Diderot défend avec véhémence les thèses attaquées : nécessité de l'abolition des privilèges, généralisation de l'instruction et union du peuple et du prince sous l'égide du philosophe :



D'après l'aversion que le critique montre pour celui qui prend la liberté de donner quelque leçon au ministère, il m'a bien l'air de n'être pas du nombre de ceux qui souffrent de l'abus de l'autorité. S'il y faisait un peu d'attention, et c'est une condition qu'on peut exiger de tout homme qui prétend au métier de penser, il sentirait que c'est presque inutilement qu'on éclaire les conditions subalternes, si le bandeau reste sur les yeux de ces dix ou douze individus privilégiés qui disposent du bonheur de la terre. Voilà ceux surtout qu'il importe de convertir. Tant que ces individus seront aveugles et méchants, il n'y aura point de vertus solides ni de mours. Les mours bonnes ou mauvaises consistent dans l'observation des lois ; les mauvaises mours dans l'observation des mauvaises lois. Partout il y a trois sortes de lois, la loi de nature, la loi civile et la loi religieuse. Si ces trois lois se contredisent, l'homme les foulera aux pieds selon les circonstances ; et n'étant constamment ni homme, ni citoyen, ni pieux, il ne sera rien. Or à qui appartient-il de concilier ces trois règles de notre conduite, si ce n'est au chef de la société ? À qui donc le philosophe s'adressera-t-il fortement, si ce n'est au souverain ?

Diderot, Pages contre un tyran, 1771.



Les espoirs en des monarques réformateurs se dissipent plus nettement encore quand, en 1772 'au mépris du droit des gens et des discours précédemment tenus, Catherine II, Frédéric II et Joseph II procèdent au premier partage de la Pologne. En collaborant à l'Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce dans les Deux-Indes (1770-1774-1780) de l'abbé Raynal, première histoire générale de la colonisation, Diderot réaffirme la fonction critique du philosophe : ses contributions sont pour l'essentiel consacrées à une véhémente dénondation de l'esclavage. Enfin dans son Apologie de Raynal (1783), Diderot salue la naissance des Républiques d'Amérique, des institutions qui permettront, espère-t-il, de réconcilier les mours et les lois, la nature et la société.



2. L'omniprésence de Montesquieu



Les discours politiques du XVIIIe siècle sont parcourus de références à l'ouvre de Montesquieu. Les citations et les appréciations des Lettres persanes, des Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence et de L'Esprit des lois sont omniprésentes. La condamnation du despotisme prête à bien des équivoques : elle peut trouver grâce aussi bien auprès des partisans d'une réaction nobiliaire qu'auprès des réformateurs déçus par le conservatisme d'une monarchie qui refuse tout changement. L'attitude des philosophes à l'égard de Montesquieu est ambivalente : Montesquieu participe à l'entreprise de l'Encyclopédie qui fait de larges emprunts à L'Esprit des lois, et cependant Voltaire, Helvétius et Condorcet font le procès des « préjugés » de Montesquieu.

En fait, dans son ouvre maîtresse L'Esprit des lois (1748), Montesquieu se propose, non de saisir le juridique et le politique dans leur essence, non de formuler des principes abstraits, mais d'analyser les rapports complexes, mouvants et réciproques qui lient les législations existantes à l'ensemble de la réalité sociale. Chaque système social et politique a son « esprit général » propre, qui résulte des combinaisons mouvantes de facteurs de tous ordres : géographiques, religieux, juridiques, historiques, sociologiques et culturels.



Plusieurs choses gouvernent les hommes : le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mours, les manières ; d'où il se forme un esprit général qui en résulte.

À mesure que dans chaque nation une de ces causes agit avec plus de force, les autres lui cèdent d'autant [...]

Montesquieu, L'Esprit des lois. XIX, 4.



La complexité et la mobilité des facteurs en jeu laissent une marge à l'action politique. Ainsi, avec prudence, en tenant scrupuleusement compte de l'« esprit général » propre à sa nation, le prince se doit d'éviter la dérive la plus nocive : l'inflexion vers le despotisme. Dans sa typologie des gouvernements existants Montesquieu accorde une place essentielle au despotisme. Il distingue trois types de gouvernement : la république, la monarchie et le despotisme (il substitue cette classification à celle, traditionnelle, de la démocratie, de l'aristocratie et de la monarchiE). Le despotisme, qui n'était auparavant considéré que comme une forme dégénérée de la monarchie, devient un type de gouvernement à part entière : « [...] un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et ses caprices » (Montesquieu, L'Esprit des lois, II, 1 ). Soucieux de mettre en relief les dangers du despotisme, Montesquieu oppose même simplement les « gouvernements modérés » aux « gouvernements despotiques » {L'Esprit des lois, III, 9 ; V, 4).

Le modèle républicain (qu'il s'agisse de républiques aristocratiques ou de démocraties directes à l'antiquE) est, selon Montesquieu, inapplicable aux grands États européens. La monarchie est en fait le seul type de gouvernement en mesure d'éviter le risque majeur d'une évolution vers le despotisme. Il n'est qu'une condition : que le monarque - à l'inverse de Louis XIV - respecte les « lois fondamentales » du royaume, garantissant l'existence de « pouvoirs intermédiaires » « subordonnés et dépendants ». La noblesses et les parlements sont au premier rang de ces pouvoirs intermédiaires hiérarchisés.

La monarchie, que Montesquieu juge seule capable d'assurer la liberté et le bonheur de ses sujets, est indissociable de la distinction des rangs, de la noblesse et de l'ensemble des corps intermédiaires : il en va de l'existence même de l'État menacé de décadence et de ruine s'il se prive de ces institutions essentielles. L'admiration de Montesquieu pour la Constitution anglaise se fonde sur de tout autres raisons que celles de Voltaire : selon lui, elle assure la liberté des citoyens non seulement par la séparation des pouvoirs mais aussi par une organisation institutionnelle (chambre des Lords, chambre des CommuneS) qui maintient l'équilibre social entre une noblesse indispensable et une classe commerçante dont l'essor doit être favorisé. Tensions et recherches d'équilibre participent du fonctionnement normal d'un État qui assure l'union de la nation et a pour objectif le bonheur commun :



Il peut y avoir de l'union dans un État, où on ne croit voir que du trouble, c'est-à-dire une harmonie d'où résulte le bonheur qui est la seule vraie paix. Il en est comme des parties de cet univers,

éternellement liées par l'action des unes et la réaction des autres.

Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, 1734.

Montesquieu esquisse ainsi le modèle, paradoxal pour nombre de ses lecteurs, d'une monarchie respectueuse tout à la fois de la tradition et de la liberté.



3. Rousseau et la théorie de la souveraineté du peuple



Le modèle politique élaboré par Rousseau dans le Contrat social (1762) est d'un ordre radicalement différent. Rousseau, à l'inverse de Montesquieu, « écarte les faits » pour dégager les principes théoriques permettant de décider de la légitimité des institutions existantes. Dans le Contrat social il construit donc un modèle normatif, dessine les traits essentiels d'une cité juste qui, par contraste, met en lumière la réalité de l'oppression : « L'homme est né libre et partout il est dans les fers » (J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1762,1, 1). Rousseau conçoit donc une « forme d'association » qui concilie la liberté et l'égalité naturelles de l'homme avec la vie en société. Cette «première convention » n'est pas, comme l'ont envisagé de nombreux penseurs politiques depuis la fin du xvf siècle, un pacte de soumission du peuple au prince (et stipulant des conditions plus ou moins importanteS). Il s'agit plutôt du contrat par lequel un peuple devient pleinement un peuple, acquiert une souveraineté inaliénable, accède à la pleine maîtrise de ses choix et de son devenir :



Si donc on écarte du pacte social ce qui n'est pas de son essence, on trouvera qu'il se réduit aux termes suivants : chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. À l'instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d'association produit un corps moral et collectif composé d'autant de membres que l'assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté.

J.-J. Rousseau, Du contrat social, I, 6.



Ce sont des individus libres et égaux, des citoyens, qui forment ainsi le peuple souverain dont le pouvoir de statuer sur l'intérêt commun, le pouvoir législatif, est inaliénable et indivisible. La loi est dès lors simplement la volonté générale. Quelle que soit sa forme (démocratique, aristocratique ou monarchiquE), le gouvernement, le « Prince », ne détient que le pouvoir exécutif. Et dans des « assemblées périodiques », le peuple souverain décide de maintenir ou non la forme de gouvernement qu'il s'est choisie et ses gouvernants eux-mêmes. Le risque d'une usurpation du pouvoir législatif par les détenteurs du pouvoir exécutif peut être ainsi évité.

Ce modèle politique annonce sans nul doute la démocratie moderne. Il demeure cependant profondément archaïque : Rousseau refuse tout exercice de la souveraineté du peuple par des représentants. C'est précisément sur ce point que les révolutionnaires de 1789 « corrigeront » le système du Contrat social. Il n'est en fait pour Rousseau que de petites cités pour assurer l'union des citoyens comme Sparte et la Rome républicaine ont su le faire dans l'Antiquité. De plus, au sein même du peuple souverain, le jeu corrupteur des intérêts particuliers, toujours prêt à ressurgir, doit être endigué : aucun « corps particulier » ne doit être toléré et les écarts de richesses doivent être réduits.

Auteur de l'Emile (1762), ouvrage pédagogique publié aux côtés du Contrat social, Rousseau insiste sur la vocation éducative de la cité. Dans le Contrat social, Rousseau envisage « une profession de foi purement civile ». Chaque citoyen doit reconnaître « l'existence de la Divinité puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante, la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la sainteté du contrat social et des lois » (Du contrat social, IV, 8). Cette « religion civile » qui intègre le politique au sacré vise à conforter l'éducation civique des citoyens, à renforcer le lien social et le patriotisme. Les fêtes civiques, par leurs rituels et leur symbolique, sont appelées à jouer le même rôle.

Ouvrage interdit aux côtés de l'Emile, le Contrat social a fourni un cadre théorique à un double procès qui, jusqu'à la Révolution, a été souvent disjoint : procès du prince, détenteur légal du pouvoir exécutif mais usurpateur de fait du pouvoir législatif, procès des hiérarchies traditionnelles et des ordres privilégiés. L'incompatibilité du Contrat social avec la théorie et la pratique de l'absolutisme éclairé fut d'abord évidente pour les contemporains : l'hostilité immédiate de Voltaire et des encyclopédistes est révélatrice (les réfutations les plus virulentes et souvent en porte-à-faux sont d'inspiration voltairiennE).

Les discours révolutionnaires et plus encore les discours républicains du XIXe siècle ont généralement gommé les divergences et les contradictions qui partagent le champ politique des Lumières : Révolution et République ont constitué un Panthéon qui rassemble les philosophes consacrés pères fondateurs de l'ordre républicain. En fait points de vue et perspectives, problèmes posés et modèles envisagés divergent : il n'existe pas d'unanimité politique des Lumières.



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