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LES NOCES DE THYL ET NELE ENTRE PASTICHE ET PARODIE






1. Introduction



Longtemps après sa parution en 1867, le premier chef-d'ouvre de la littérature française de Belgique, La Légende d'Ulenspiegel, suscite encore des discussions parmi les critiques littéraires, de nombreuses dimensions de ce texte étant à découvrir1.

Les diverses imitations de la Légende - des dramatisations, pour la plupart, auxquelles viennent s'ajouter des poèmes, des contes, des romans et même un plagiat - certifient également la valeur de modèle que cette production littéraire a acquise, pour les lettres belges, mais aussi dans d'autres espaces littéraires, comme l'espace allemand2.



Dernière en date, la création de Bibiane Fréché relève à première vue du pastiche3. Pour commencer, nous avons encadré Les Noces de Thyl et Nele dans la catégorie des productions imitatives parce que ce texte est inspiré et conditionné de l'existence d'un autre. Si la création de Charles De Coster, La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs n'avait pas existé, ce deuxième processus de création n'aurait même pas commencé.



Les pages des Noces de Thyl et Nele, telles qu'elles figurent dans le recueil, constituent la manifestation ultime de la présence dans le champ littéraire de l'ouvre de Charles De Coster.

Une seule chose est sujette à discussion : si le fait dïmiter est une activité « digne », c'est-à-dire que toute personne soi-disant « sérieuse » peut pratiquer sans risquer de tomber dans le ridicule. C'est un aspect qui a posé des problèmes aux Anciens et qui, dans notre opinion, est encore à éclairer.



2. Statut du texte imitatif



2.1. Pastiche



Nous comprenons la notion de pastiche en tant que sous-espèce de la parodie dont les traits spécifiques sont le manque d'intentionnalité satirique ou ironique5 et limitation dépourvue de fantaisie des traits signalétiques du style dune oeuvre ou de plusieurs créations d'un même écrivain6.

Puisque, à première vue, la tonalité et le style de Charles De Coster sont imités exactement, en apparence sans aucun changement notable, nous pouvons en déduire que le fragment Les Noces de Thyl et Nele fait partie des pastiches.

Ce qui plus est, les accumulations d'archaïsmes, les énumérations et le choix des temps verbaux recoupent à la lettre le texte-source, la limite extrême de cette pratique étant dévoilée par les pseudocitations qui font que l'hypertexte de Bibiane Fréché paraisse un immense collage7.

Selon Pierre Schoentjes, à côté de l'exagération des tics d'écriture8, des particularités de chaque écrivain, parmi les techniques du pasticheur figure aussi l'exploitation des « idées reçues et des jugements qui circulent sur le compte des classiques »9.

De ce point de vue encore, Les Noces de Thyl et Nele présente des traits spécifiques au pastiche. Ce « texte second » témoigne d'un préjugé archi-connu qui circule sur le compte de la Légende, notamment sur l'omniprésence des épisodes de festin. En conséquence, l'hypertexte est imbu de ce soi-disant « penchant pour la ripaille » que le texte de la Légende est censé présenter (du moins, aux dires de nos contemporainS).

Une autre idée reçue transparaît dans l'hypertexte : l'idée que le caractère des personnages est en essence joyeux et que l'atmosphère même de la Légende est une de perpétuelle gaieté. Par conséquent, nous pouvons considérer l'extension de la gaieté sur tout le texte comme une sorte de synecdoque de l'espèce (évidemment, à échelle étendue et dans un autre registrE).

Cela parce que, malgré les opinions récemment répandues (à notre avis, par l'intermédiaire de quelques pastiches assez maladroites et des adaptations pour la jeunesse justemenT), La Légende d'Ulenspiegel est un texte pluriel par excellence, dont des exégètes comme Jean-Marie Klinkenberg, Raymond Trousson et Joseph Hanse, ont d'ailleurs décelé les volets significatifs.

Ces dimensions comprennent, avouons-le, un registre du comique, mais cela ne signifie point que ce soit le seul. Les renvois historiques dépassent de loin la simple allusion pour se constituer en véritable profession de foi romantique. En outre, certaines descriptions sont compréhensibles seulement à travers les symboles Maçonniques.



Les traits caractéristiques du pastiche sont donc amplement illustrés dans le texte que nous nous proposons d'analyser.



2.2. Parodie



Ce qui caractérise la parodie est le fait que dans ce type de réécriture toute fantaisie, toute immixtion du parodiste dans lhypotexte est permise.

De ce point de vue, Les Noces de Thyl et Nele introduisent une idée nouvelle dans ce qui semble être une imitation fidèle de l'hypertexte de la Légende : si les personnages de Charles De Coster connaissent des moments de sensualité, ils ne sont ni concupiscents, ni vulgaires, comme le texte second les présente.

En deuxième lieu, cette fantaisie du changement a un but précis : sa visée est éminemment satirique, sinon ironique, mais jamais sérieuse. Cependant, une précision sïmpose : à la différence de l'ironie, dans le cas de la parodie, la cible est individualisée. L'auteur ou le genre du discours ridiculisés sont faciles à reconnaître11;

En ce qui concerne l'individualisation de la « cible », lhypotexte des Noces de Thyl et Nele est indiscutable, il est précisé dans le paratexte et même dans une note qui renvoie le récepteur à... une relecture de la Légende d'Ulenspiegel :



Lire dans la collection Espace Nord La Légende d'Ulenspiegel.



Si nous examinons le texte des Noces du point de vue du régime genetien, il s'agit justement d'une écriture ludique. L'argument en est que, au nom des auteurs du volume, Paul Aron précise dans la Présentation de l'anthologie que ces pastiches et parodies sont gouvernés par le principe de l'amusement :

On l'aura compris : cette anthologie veut être un objet de plaisir partagé. Il n'y a pas de raison secrète à la présence de tel écrivain, ou à l'absence de tel autre. Notre éditeur nous a permis de nous amuser en toute liberté, et il participe au plaisir en offrant la première édition de ce livre. Que l'auteur caricaturé accepte l'hommage paradoxal qui lui est rendu, et que celui qui ne l'a pas été se réjouisse d'échapper aux traits des imitateurs ! Et que les lecteurs qui, depuis vingt ans, accordent leur confiance à Espace Nord, prennent goût à cette récréation littéraire13 !

Ce texte dépasse la simple imitation, puisque la tonalité originale de ltrypotexte est changée. Et la transformation ludique porte le nom de parodie.

Le pastiche est très semblable au plagiat ; parce que, tout comme le plagiaire, le pasticheur ne déclare pas ses sources. Et s'il le fait, il ne s'agit plus d'un pastiche, mais déjà d'une parodie, voire d'une charge.

L'auteur et le coordinateur de l'anthologie s'expriment de façon à ce que le lecteur soit conscient de l'existence d'une relation dhypertextualité. Ils soulignent même de quel hypotexte et de quel hypertexte il y est question, un argument de plus en faveur de l'intégration des Noces de Thyl et Nele dans la catégorie des parodies.



2.3. Parostiche



Nous avons essayé de démontrer le fait que le texte mimétique Les Noces de Thyl et Nele présente des qualités de pastiche et à la fois des qualités de parodie sans pour autant avoir pu attester que l'un ou l'autre des deux genres caractérise le texte. Nous nous voyons donc dans la situation de devoir trouver un terme qui puisse recouvrir les deux dimensions en même temps.

Les deux types d'écriture étant tellement faciles à confondre -ce que même une analyse superficielle de notre texte confirme - il faut supposer que la seule solution serait d'adopter un terme qui englobe ces deux genres en un seul. Même si telle n'est pas la situation pour tout texte parodique ou de pastiche, dans le cas des Noces nous avons besoin d'une notion qui représente à la fois le pastiche et la parodie.

Nous pouvons accepter un terme-valise que Paul Aron reprend dEspagnon : le terme plus adéquat de parostiche.





Malgré son caractère artificiel - puisque formé d'un mot grec (qui pourrait être soit parodos, issu de para - à côté de, contre et ode -chanson, soit le mot paroidia - son interprété en accompagnement dE) et d'un mot italien, pasticcio - cette notion de parostiche définit le mieux pour le moment la production littéraire seconde que nous envisageons.



3. Paratexte



3.1. Titres



Le titre du recueil, Copies collées, est le premier signe qui avertit le lecteur sur la dimension comique du volume. Qui plus est, ce titre est à la fois une spécification sur la catégorie du comique, catégorie dont les productions littéraires du livre en question témoignent: collage de copies, donc, genre imitatif.

Car, s'il existe une reprise parodique des proverbes - dont l'usage est courant - et d'autres énonciations brèves comme des vers très connus, les titres repris de manière parodique ne font que mieux annoncer le genre littéraire de l'écriture qu'il représentent15.

Par catachrèse, le syntagme « Copies collées » représente une allusion à son homophone approximatif, un syntagme du vocabulaire du traitement de texte, « Copier-Coller », l'équivalent français de l'anglais « Copy-Paste ». Et cette allusion renvoie au procédé même qui constitue le fondement du pastiche et de la parodie (des pratiques hypertextuelles en généraL), le fait de s'assumer, de copier quelque chose (ne serait-ce qu'un stylE) et de coller ensuite la partie respective à autre chose de manière à produire du sens - de préférence, un autre sens que celui de lhypotexte. La différence entre les deux manières de « copier et coller » consiste dans la part que la parodie accorde à la fantaisie16.

À ce texte vient s'ajouter la signification sous-jacente de l'illustration de la couverture, l'ouvre d'art photographique L'erreur, créée par Marcel Broodthaers en 1966 et choisie par Illustrateur Denis Schmit. Les détails qui figurent sur la première de couverture représentent l'image d'une multitude de coquilles d'oufs brisées, disposées en rangées parallèles et ayant la fêlure en haut. Si le fait de regarder cette image ne dévoile pas trop de significations concernant l'écriture mimétique, en revanche, un rapprochement est possible entre la forme ovoïdale des coquilles et le numéro 200 qui est le numéro anniversaire de la collection « Espace Nord» (et qui figure dans un triangle rouge en haut de la couverturE).

L'explication apparaît avec le mot moules, qui est imprimé en haut de la quatrième de couverture, sur le même fond noir que les oufs. Les coquilles brisées sont les modèles d'oeufs à l'aide desquels, en y versant quelque autre matière, l'on peut créer des produits (en général, alimentaireS) qui soient ovoïdales. Par analogie, en employant le « moule » d'un hypotexte, les imitateurs qui collaborent au volume se proposent d'écrire des productions littéraires aussi « lisses », donc aussi cohérentes que leurs textes-source.

À première vue, le titre Les Noces de Thyl et Nele paraît simple, « inoffensif ». Malgré cela, le syntagme de Thyl et Nele renvoie à un autre syntagme similaire, celui du titre La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs qui désigne le texte-souce.

D'où nous pouvons supposer que la nuit des noces et les séquences qui se succèdent dans cette partie sont comparées, subrepticement, à la grande aventure à travers Flandres des deux héros de F « hypotitre ». Tout comme Thyl et Lamme sont deux à affronter les périls des voyages, cette fois-ci ce sont Thyl et Nele qui font face à deux à des événements d'un autre type : les gestes de l'attouchement charnel.



3.2. Table des auteurs



La question de lïdentité auctoriale constitue l'enjeu même de récriture ludico-mimétique. Parce que si, par jeu, par amusement, on apprend l'idiolecte d'un autre créateur avec toutes ses particularités pour pouvoir parler cette « langue étrangère» qu'est le style d'autrui si bien que l'on est capable de l'employer en tant qu'arme, on le fait pour mieux s'assumer lïdentité de cet Autre, pour se l'approprier. Par conséquent, le procédé par lequel on écrit le nom de l'auteur parodié ou pastiché en tête de sa propre production imitative, représente une étape naturelle, sinon nécessaire, de cette inter-relation.

C'est ce à quoi procède Bibiane Prêché, lorsqu'elle fait inscrire le nom de Charles De Coster au-dessus du titre Les Noces de Thyl et Nele.

La table des auteurs de la fin du volume est la partie du texte qui dévoile, tel un brusque enlèvement de masques, l'identité de l'imitateur. Cette identité n'était qu'à peine effleurée à la fin de l'hypertexte, grâce à la présence des initiales B. F. C'est, en fait, par le même procédé que le lecteur apprend les noms de tous les pasticheurs et les « parodieurs » en même temps que, dans quelques cas, des renseignements sur le statut de l'imitation :

*** - Pseudonyme probable de Maurice Toesca. Le pastiche cité est tiré de Faux et usage de faux, Paris, Julliard, Sequana, 1947.

A.B. et J.-M.C. - André BLANDIN et Jules-Marie CANNEEL, A l'instar de..., Bruxelles, Lamertin, 1914.

A.D.D.R. - André Didier de Roulx. Pastiches de Max Elskamp parus dans À la manière de nos divins poètes, Paris, Éditions de la Jeune École, 1925".



3.3. Présentation



L'introduction du recueil est précédée par une autre instance du texte. Après le titre, le lecteur est encore une fois averti de la nature de ce qu'il va parcourir grâce à l'épigraphe, une citation du volume Poussière de voyages, de Benoît Peeters :

« (Ainsi en est-il de ces oeuvres que nous découvrons à travers une copie, un pastiche, un écho plus ou moins dénaturé: l'original aura toujours des allures de redites.) » Benoît Peeters, Poussière de voyages, Paris, Les Impressions nouvelles, 2001, p. 29.



L'avertissement porte également sur les défauts que cette écriture pourrait avoir aux yeux du lecteur peu avisé. Le récepteur risque de ne plus lire l'original en tant que tel, mais de le comprendre toujours à travers cette lecture seconde. En réalité, dans certains cas, la lecture première n'est même pas effectuée - voir le cas des personnes qui consultent seulement les ouvrages critiques portant sur un auteur ou sur une oeuvre sans jamais lire l'ouvre respective.

Une situation similaire est celle de la personne qui lit la critique d'une ouvre littéraire et qui prend connaissance seulement par après de cette ouvre « digérée ». Le lecteur respectif ne percevra plus lhypotexte en tant qu'original, mais l'hypertexte, donc sa lecture du texte-source s'en retrouve altérée, diminuée.

Dans la Présentation Paul Aron justifie le geste symbolique des collaborateurs au volume, le choix de faire paraître le premier avril {jour du Poisson d'avriL) une anthologie de production littéraire ayant pour but de provoquer le rire.

L'un des arguments est qu'une telle anthologie recoupe les intentions « patrimoniales » du comité de rédaction (qui veille à la préservation de l'histoire littéraire en Belgique francophonE). Une autre motivation de ce geste est représentée par la nécessité de suivre les tendances littéraires du moment. Et le penchant le plus notable des auteurs contemporains est justement la volonté de convertir les productions littéraires en exercices ludiques, en écritures gouvernées par le principe du plaisir, de l'amusement.

Le choix des auteurs pastichés s'avère être influencé par deux principes :



... nous avons complété la liste en tenant compte des goûts des pasticheurs et de la notoriété des textes parodiés.



Une précision importante sur la paternité des textes introductifs qui précèdent chaque hypertexte apparaît dans le dernier paragraphe de la Présentation :



Les écrivains pastichés ont été classés par ordre alphabétique. L'auteur du pastiche figure sous ses initiales, et il est repris dans la Table des auteurs que l'on trouvera en fin de volume avec, s'il échet, les références de l'ouvrage dont nous citons un extrait. Le choix des auteurs est de notre responsabilité, mais l'appareil critique et les présentations des pastiches eux-mêmes sont dus aux pasticheurs.



Dans la fausse préface des Noces de Thyl et Nele, la cible de la parodie est multiple. Dans l'annonce de la récente découverte du passage soi-disant censuré portant sur la nuit des noces, on ridiculise le topos du manuscrit trouvé :



On vient enfin de mettre la main sur l'unique passage censuré de la Légende d'Ulenspiegel. Il s'agit d'un fragment d'environ deux pages, qui se situe entre les paragraphes suivants : « Et le prêtre vint et maria Nele et Ulenspiegel. / Et le soleil du matin les trouva l'un près de l'autre dans leur lit d'épousailles. » (Livre quatrièmE) Cette découverte est issue d'un travail d'investigation de longue haleine.



Ces paragraphes portent également sur deux des exégètes de l'ouvre de Charles De Coster. Le premier, Joseph Hanse, auteur d'une thèse intitulée Châties De Coster parue en 1928, est cité comme autorité s'étant exprimé au sujet du dit passage. Évidemment, la citation est fausse, mais ce qui est vrai c'est le fait que le chercheur a réellement étudié le problême de l'emprunt folklorique chez De Coster :



Déjà en 1928, Hanse s'exclamait : « Ah, si nous retrouvions le passage des noces de Thyl et Nele, peut-être pourrions-nous mesurer à quel point l'originalité de De Coster a dépassé le simple emprunt au conte populaire. » Le vou du maître est aujourd'hui exaucé, pour le plus grand bonheur des philologues.



Dans le deuxième paragraphe, l'auteur reprend la question du manuscrit trouvé en énonçant tous les loti communi qui représentent d'habitude ce topos - les circonstances inconnues de la découverte et les preuves incontestables de la véridicité du texte :



On ignore toujours les circonstances exactes de l'ablation de l'extrait (même si l'on penche pour une autocensure par l'auteuR), mais on sait que les pages ont été arrachées à même le livre imprimé. On trouve trace de cette extraction dans les quelques exemplaires conservés de l'édition princeps. Les éditions suivantes sont directement dépourvues du dit passage23.

Le soi-disant auteur de cette introduction est Raymond Trousson, dont le style concis et elliptique constitue d'ailleurs l'idiolecte employé par la parodiste. Le fait que le fragment est extrait d'un faux Dictionnaire De Coster, « à paraître », est également révélateur d'un autre type d'allusion - portant cette fois, sur les titres des nombreuses parutions critiques portant sur La Légende d'UlenspiegeP4. Allusion est faite encore au Dictionnaire du littéraire de Paul Aron.



4. Hypertexte



4.1. Style



4.1.1. Lexique



Du point de vue lexical, la particularité du style de Charles De Coster que Bibiane Fréché reprend est le foisonnement d'archaïsmes ou de dérivés archaïsants.

Dans la catégorie des archaïsmes du texte mimétique des Noces figurent des noms comme festoiement ou des adjectifs comme avenants. Mais, de la même manière que dans le texte original, plus nombreux sont les termes de l'invention de Charles De Coster, tels : tintinnabuler, bubuler, nuitamment

Un autre élément lexical notable est la présence des termes néerlandais comme rummel-pot ou qpperst-kleed Bibiane Fréché favorise également la fréquence de certains termes populaires (seulement en apparence archaïqueS) : estaminet, barillet, tonnelet, cabaret



4.1.2. Syntaxe



Pour ce qui est des traits grammaticaux repris par Bibiane Fréché dans la Légende d'Ulenspiegél, notons l'absence fréquente de l'article défini (se sont donné main, c'était course follE), l'inversion adjectivale (généreux bonheur, céleste odeuR), la fréquence des participes présents et des gérondifs {jouant, revenant, parlanT), aussi bien que l'usage cumulatif des imparfaits (exhalait... enlaçait... étaient... haletait... cueillait.



Une particularité syntaxique apparaissant dans les deux textes est l'usage des énumérations, intégrées dans des sujets multiples ou des compléments d'objet en série {... tambours, clairons, rebecs et hautbois... ; ...tes chopines, gobelets, verres et flacons...). La différence est que Bibiane Fréché exagère ce procédé jusqu'à utiliser deux ou trois énumérations dans des phrases successives, tandis que chez De Coster les séquences similaires sont parsemées.



4.2. Reprises



Pour comprendre si l'hypertexte conçu par Bibiane Fréché fait partie des transformations ou bien des imitations, nous examinerons les parties du texte de la Légende dont proviennent les citations ou les pseudo-citations des Noces.



4.2.1. Citations exactes



La phrase portant sur les vêtements des invités est reprise du texte original avec très peu de changements. Même si la phrase est presque identique, elle ne fait pas note à part dans l'ensemble de l'hypertexte, ce qui tient exclusivement à l'art de l'imitation.



Les hommes étaient en habits de fête, pourpoint et haut-de-chausses de velours, le grand opperst-kleed par-dessus, et coiffés de larges couvre-chefs, garants de soleil et de pluie ; les femmes portaient au front le grand bijou doré, à gauche pour les fillettes, à droite pour les femmes mariées ; la fraise blanche au cou, le plastron de broderie en or, écarlate et azur, le jupon de laine noire, et les souliers de velours à boucles d'argent. Tout le monde se gaussait de gaudrioles à pleine gueule.



Dans l'original, le même paragraphe porte sur les vêtements des invités :



Les hommes se mirent en habits de fête, pourpoint et haut-de-chausses de velours, et le grand opperst-kleed par-dessus, et coiffés de larges couvre-chefs, garants de soleil et de pluie ; les femmes en bas-de-chausses noirs et soleils déchiquetés ; portant au front le grand bijou doré, à gauche pour les fillettes, à droite pour les femmes mariées ; la fraise blanche au cou, le plastron de broderie en or, écarlate et azur, le jupon de laine noire, à larges raies de velours de la même couleur, les bas de laine noire et les souliers de velours à boucles d'argent.



4.2.2. Pseudo-citations



Dans le cas de la reprise telle quelle d'un syntagme, « la tête plus que le corps pesante », la séquence du baptême de Thyl (chez De CosteR) réapparaît dans celle de son mariage (chez Bibiane Fréché).

Après force ripailles et festoiement, le cortège de noces s'en revint nuitamment au logis. Zigzagant par le chemin, les lurons avaient la tête plus que le corps pesante.



La variante originale est :

S'en retournant au logis et zigzaguant par le chemin, la tête plus que le corps pesante, ils vinrent à un ponteau jeté sur une petite mare...



Notons également que dans la Légende les participants au baptême entrent dans un seul « estaminet », tandis que dans les Noces les invités font le tour des établissements pareils (marqueur de l'exagération dans la parostiche de Bibiane Fréché).

Une autre expression reprise de l'original est « les doux yeux de la fillette allumèrent en lui un grand feu ». La connotation en est sensuelle dans l'hypertexte :



Une chandelle, posée en une ronde tablette, éclairait leurs gestes. Ulenspiegel regarda Nele et les doux yeux de la fillette allumèrent en lui un grand feu. Nele, voyant le regard de son doux époux lui dit : Thyl, mon aimé, voudrais-tu me baiser ?



Par contre, la signification du syntagme est héroïque chez De Coster, le feu étant celui du courage.

Ulenspiegel regarda Nele, et les doux yeux de la fillette allumèrent en lui un grand feu ; puis, à cause de la mixture, il sentit comme un millier de crabes le pincer.31

Ces citations brèves sont chargées de signification parce que la reprise exacte d'un syntagme de lhypotexte dans un contexte ironiquement similaire de l'hypertexte tient à la définition même de la parodie.



Conclusion



Le statut du texte second Les Noces de Thyl et Nele, créé par Bibiane Prêché, est problématique. Cela non seulement parce que les divers aspects de cet hypertexte seraient insaisissables ou difficiles à définir pour un lecteur étranger, vu le foisonnement d'allusions au contexte social et culturel contemporain. La véritable raison réside dans le fait que les catégories d'écritures imitatives mêmes font encore l'objet de polémiques.

Cependant, si nous prenons en considération le grand nombre de changements de sens et le peu d'imitations exactes qui caractérisent 1 hypertexte examiné, la dimension parodique du texte est la plus importante. Mais, vu la forte dimension de pastiche que ce texte revêt et que l'on ne peut négliger, tout ce que nous pouvons en déduire c'est que la création de Bibiane Prêché est un parostiche, seul terme qui recouvre la complexité de cette production.

Les Noces de Thyl et Nele représentent de manière emblématique une tendance de la littérature - la dévalorisation des textes que la critique a considérés pendant longtemps comme modèles. Mais cette dévalorisation est parfois similaire à l'éloge, voire à l'hommage. Ce procédé de reprise ludique constitue à la fois un « règlement de comptes » subtil entre les représentants des milieux littéraires et critiques et une modalité élégante de diminuer les tensions existantes.



C'est un type d'écriture qui tient surtout aux ressorts intimes de la littérature belge ; car la tonalité à la fois critique et laudative semble représenter un trait indélébile des productions littéraires belges francophones. La tendance s'est accentuée pendant les dernières décennies, probablement à cause du changement de la pensée européenne. Transformation qui a provoqué chez les « littérateurs » belges une réaction de distanciation, d'individualisation, d'auto-ironie, donc d'auto-défense.



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