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LES CERCLES, LES THÈSES ET LE THÉÂTRE ROMANTIQUES






Contre la légende d'un romantisme débraillé et anarchique, il convient de souligner que, s'il n'y eut pas à proprement parler d'école romantique cohérente et structurée, il y eut du moins un ensemble de cercles, de noyaux de réflexion et d'activité où se débattirent les grandes thèses du mouvement, où se forgèrent les grands projets - en matière de théâtre notamment - et où s'initièrent, dans la confrontation et l'émulation, les grandes figures de la génération. C'est par un regard sur ces cercles et les idées qui y furent débattues qu'il faut commencer notre approche du phénomène romantique.


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br /> I. - Cercles et clubs



En dépit du fait qu'il exalte essentiellement les sentiments et les passions du Moi, le romantisme s'est d'abord manifesté comme un ensemble d'équipes, de cercles et de clubs où se rencontrèrent de brillantes mais parfois très différentes individualités. C'est surtout jusqu'en 1830 que ces sortes de salons littéraires jouèrent un rôle important. Leur histoire montre par ailleurs comment c'est en fonction de critères politiques, beaucoup plus que littéraires, qu'ils se sont constitués sous la Restauration, regroupant d'un côté les « conservateurs », de l'autre les «libéraux», avant qu'une union s'esquisse à partir de 1825. En ce sens il est vrai de dire qu'avant cette date il y eut des romantismes et non un romantisme unique et cohérent. C'est en 1820 que Victor Hugo et son frère avaient regroupé pour la première fois sous la bannière du Conservateur littéraire quelques écrivains que l'on devait retrouver un an plus tard dans la Société des Bonnes Lettres, puis en 1823 dans l'équipe plus nourrie d'un nouveau journal très actif, La Muse française. II y avait là, réunis autour de Hugo dans une même méfiance envers les excès libéraux et dans une même dénonciation des excès du classicisme, Vigny, Marceline Desbordes-Valmore, Lebrun, Guiraud, Soumet. De leur côté les libéraux, avec à leur tête Delécluze et Stendhal, n'étaient pas restés inactifs. En 1824 ils se mobilisent autour de leur journal, Le Globe, dont les articles percutants signés Stendhal, Rémusat, Sainte-Beuve ou Mérimée, sont autant de réponses aux rédacteurs de La Muse et aux frivoles habitués du Salon de l'Arsenal où Hugo et C. Nodier ont regroupé en 1824 leurs derniers sympathisants : les poètes Lamartine, Nerval, Gautier ; les romanciers Dumas et Balzac ; les artistes David d'Angers et Delacroix.



En 1825 néanmoins, le glissement vers le libéralisme du « divin » Chateaubriand et du Maître Hugo va forcer le rapprochement entre les deux clans ; rapprochement facilité d'ailleurs par une haine commune contre les agressions grandissantes des « Anciens » de l'Académie et d'ailleurs, qui vont mobiliser contre eux toutes les énergies des « Modernes » romantiques. La création en 1827, sous la direction de Hugo, du fameux Cénacle est le signe de ce compromis enfin trouvé qui durera jusqu'en 1830, date de la dislocation du groupe. C'est dans le célèbre appartement de la rue Notre-Dame-des-Champs que furent discutées les grandes thèses du mouvement, que furent découverts, dans un grand élan de cosmopolitisme littéraire, Shakespeare, W. Scott, By-ron, Kant, Gothe ou Schiller, que s'est défini enfin l' « esprit » contestataire et novateur du romantisme. Deux dates marquent les sommets de ces trois années fiévreuses : 1827 avec la lecture par Hugo de la Préface de son drame Cromwell et 1830 avec la célèbre bataille d'Hernani. C'est en effet autour de la question théâtrale que se sont le plus clairement signifiés peut-être les fondements théoriques de la nouvelle littérature.



II. - Le drame romantique



Le théâtre classique, avec ses règles, ses exigences techniques et ses bienséances morales, représentait aux yeux des jeunes romantiques, de la manière la plus systématique qui soit, un certain visage de l'ouvre littéraire qu'il fallait abattre. Refusant la structure de la tragédie, aussi parfaite soit-elle, comme forme d'un autre âge, et s'inspirant des libertés du théâtre shakespearien (B. Constant, Lebrun, Vigny en donnèrent des « adaptations ») les auteurs de la nouvelle génération vont porter contre elle de virulentes attaques dont la plus extrémiste fut celle de Stendhal dans son Racine et Shakespeare qui ira jusqu'à prôner le recours à un théâtre en prose, plus conforme que le théâtre en vers au génie moderne. Mais la plus célèbre reste bien sûr celle que contient la volumineuse préface du Cromwell de Hugo dont trois concepts principaux définissent tout le sens de la dramaturgie contestataire : Totalité, Liberté et Transfiguration.



1. Totalité. - Contre les spectacles réducteurs ou les typologies sans nuances du théâtre classique, le drame romantique se veut peinture totale de la réalité des choses, des êtres et de l'histoire. De même que la « nature » nous apparaît à la fois bonne et mauvaise, grotesque et sublime, le drame, en tant que forme théâtrale synthétique, se doit d'exprimer cette double postulation. Il sera donc â la fois tragédie et comédie, pas seulement mélodrame de convention mais bien expression poétique (c'est-à-dire recréation esthétique maîtriséE) de l'Universelle Création :

« Le drame moderne, écrit Hugo, se mettra à faire comme la nature, à mêler dans ses créations, sans pourtant les confondre, l'ombre à la lumière, le grotesque au sublime, en d'autres termes le corps à l'âme, la bête à l'esprit. »

Sur le plan héroïque le Don César de Ruy Blas, grand d'Espagne mais bouffon encanaillé, ou le Lo-renzo de Musset, misérable vicieux et sublime génie, seront les manifestations les plus réussies de cette volonté de « mélange des tons et des genres ».



2. Liberté. - Littérature totale, le drame se déclara aussi littérature de liberté. Ce qui signifiait avant tout un renoncement au système classique des unités qui se voulaient fondées sur la « vraisemblance ». Or, c'est au nom de cette même vraisemblance que Hugo s'en prit d'abord avec force et humour à la contrainte du lieu unique :



Quoi de plus contraire à la vraisemblance ? Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local pour se passer dans l'antichambre ou dans le carrefour, c'est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse ! Nous ne voyons en quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l'action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes, nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions ! »

Même diatribe contre l'unité de temps : « Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. Verser la même dose de temps à tous les événements... On rirait d'un cordonnier qui voudrait mettre le même soulier à tous les pieds ! » Libérée des contraintes spatio-temporelles l'action elle-même ne pouvait alors que s'épanouir dans sa plénitude dramatique. Si l'on ajoute que Hugo prétendit renoncer aussi aux bienséances gestuelles pour faire rentrer sur scène les dagues et les épées, on mesure mieux le scandale que put effectivement susciter aux yeux des « Anciens » la représentation en 1830 d'une pièce aussi colorée et à l'intrigue aussi bariolée qu'IIernani. Soulignons cependant que le Hugo libérateur de la matière dramatique ne voulut pas ou n'osa pas une semblable libération du discours théâtral lui-même. S'il bannit la tirade insipide et traqua, comme dans sa poésie, l'alexandrin monotone, jamais il ne renonça au vers et à la rime. Si l'on excepte les fantaisistes productions de Mérimée dans son Théâtre de Clara Gazul, force est de constater que de tous les romantiques majeurs seul Musset, dans Lorenzaccio, sut écrire un grand drame en prose « libérée » comme le réclamait Stendhal.



3. Transfiguration. - Dernière exigence enfin. Le drame, aux yeux de Hugo, doit être l'épanouissement en une même création de la Nature et du Moi. Dans et par l'ouvTe du dramaturge doit s'opérer une véritable transfiguration signifiante des choses. Puisqu'il n'y a plus « ni règles ni modèles » le principe de création sera donc celui du « choix » de l'écrivain qui ira puiser dans l'immensité de la Nature et de l'Histoire les détails et les faits qui, pétris par le style et tous les pouvoirs de la poésie, la « révéleront » le mieux : « Les choses, écrit Hugo, sous le coup de la baguette magique du dramaturge, deviennent ce miroir où se réfléchit la nature entière. »



III. - Thèses et convictions romantiques



Ces trois grandes exigences concernant le théâtre se retrouvent en réalité de manière diffuse derrière toutes les prises de position des romantiques en matière de création littéraire. L'ouvre, telle qu'ils la pensent, sera toujours totale, libérée et libératrice, transfiguratrice enfin de 1' « ici » et voyante de l' « ailleurs ».

L'exigence première de totalité explique peut-être le volume impressionnant de la création romantique en tous domaines. En refusant ou en transgressant les interdits et les limites que le classicisme avait imposés au domaine artistique, le créateur romantique se trouve d'abord confronté à l'immensité du champ des réalités sur lesquelles pourra s'exercer sa créativité. C'est ce que Hugo rappelait en 1822 à propos de l'espace poétique : « Le domaine de la poésie est illimité (...) la poésie, c'est tout ce qu'il y a d'intime dans tout. » En affranchissant l'inspiration de toutes contraintes religieuses, morales ou esthétiques, les romantiques ouvrent ainsi l'espace littéraire à ce qui jusque-là en était banni : les passions inavouables, les figures monstrueuses, les décors exotiques ou « introuvables », les révoltes indicibles. Mais par ailleurs, dans la mesure où tout, dans l'individu, dans la nature ou dans l'Histoire, s'offre au créateur (a Tout est sujet, tout relève de l'art ; tout a droit de cité en poésie... », écrit encore Hugo dans sa Préface des OrientaleS), c'est une véritable exigence de parole qui pèse sur lui. Il lui faudrait tout dire, tout écrire. On verra par la suite que le goût des romantiques pour l'épopée (aussi bien sous sa forme versifiée que dans ses transpositions romanesqueS) s'explique sans doute par le poids de cette exigence à la recherche d'un genre et d'un ton qui lui permettraient de s'accomplir pleinement.

A défaut de pouvoir tout dire, le créateur romantique s'efforcera de dire en toute liberté ce que lui dicteront les choix de sa subjectivité. Chez lui jamais les contraintes de la forme ne devront s'imposer à la générosité des « pulsions » de l'inspiration ; au contraire, le travail formel ne sera que cette recherche d'une coïncidence heureuse entre l'authenticité d'une émotion et l'originalité d'un discours.

Mais écrire en toute liberté cela signifie aussi écrire pour la liberté :



« La liberté dans l'art, la liberté dans la société, voilà, écrit Hugo, le double but auquel doivent tendre d'un même pas tous les esprits conséquents et logiques. (...) La liberté littéraire est fille de la liberté politique. »



Contre l'image des romantiques individualistes et égoïstes il faut rappeler ici combien au contraire ils, à de rares exceptions près comme Musset, avaient la conviction que la liberté qu'ils pouvaient conquérir dans leurs ouvres devait servir à une autre libération, à celle de ceux qui ne savent ou ne peuvent pas parler, de ceux, disait Mme de Staël dès 1800, « à qui l'expression manque et qui ne sont pas exercés à la trouver ». Cette générosité « missionnaire » peut faire sourire. Elle montre en tout cas clairement que le combat romantique contre la tyrannie des règles n'avait pas pour seul but l'affranchissement de la personnalité individuelle mais se donnait comme condition préalable d'une autre libération et d'un autre renversement de tyrannie, de loin plus essentiels.



Totale, libérée et libératrice, l'ouvre romantique se veut enfin transfiguratrice et visionnaire. Le recours à l'exotisme et au pittoresque était le signe d'un nouveau regard porté sur les réalités du monde. Mais cette ouvre romantique n'est pas simple regard, aussi nouveau et audacieux soit-il, elle est aussi vision ; elle ne propose pas simplement un spectacle ou une peinture, elle est aussi l'instrument d'une a voyance ». Au sens strict du terme nous constaterons souvent cette « voyance » chez des poètes qui, comme le Lamartine de Novissima Verba, le Hugo de La Bouche d'Ombre ou le Nerval des Chimères, pressentiront avant Baudelaire et ses successeurs les mystères de l'Ailleurs et de l'Au-delà. Mais plus généralement tous les romantiques ont eu une intuition des pouvoirs magiques de l'ouvre et de son langage symbolique capable d'assouvir ce « grand désir de choses inconnues » dont parlait Sainte-Beuve. Tous ont bien senti que dans leur pratique de l'écriture (historique, théâtrale, poétique ou romanesquE) ce n'était pas seulement une réalité qu'ils exprimaient mais que dans l'intimité même de leur parole c'était l'existence de grandes forces (divines, mythiques, cosmiques, historiqueS) qu'ils pouvaient « donner à voir ».^Vlissionnaire, le créateur romantique tient aussi du prophète dont la parole signifie toujours plus que ce qu'elle semble dire. Cette parole, nourrie de la solitude intérieure d'une conscience mais perpétuellement disponible à toutes les voix de l'Histoire et du monde, et ce discours, résolument original mais également porteur d'un message de nature « essentielle », irriguent toute la grande littérature romantique que nous allons parcourir.





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